L'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Lahav Shani joue Pelléas et Mélisande, poème symphonique d'Arnold Schoenberg, sous la direction de Lahav Shani. Extrait du concert donné vendredi 18 mai 2018 en direct de l'Auditorium de la Maison de la Radio (Paris).
En 1902, Debussy achève son opéra Pelléas et Mélisande, d’après la pièce de Maurice Maeterlinck (1893). Au même moment, Schönberg commence sa première partition pour grand orchestre : un poème symphonique inspiré par la même source littéraire. L’intrigue exploite le thème de l’amour contrarié, celui de Pelléas et de Mélisande, laquelle a épousé Golaud, demi-frère de Pelléas. Les personnages connaissent un destin similaire à celui de Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, plus encore Paolo et Francesca qui, selon Dante dans la Divine Comédie, ont vécu une situation du même ordre (l’amour du héros pour sa belle-sœur). Mais l’esthétique symboliste apporte une couleur particulière au drame de Maeterlinck, plein de sous-entendus, de mystères non élucidés, de sentiments enfouis. Il faut attendre l’acte IV pour que Pelléas et Mélisande s’avouent leur amour du bout des lèvres, juste avant que Golaud ne tue son frère.
Au tournant du XXe siècle, la pièce de Maeterlinck captive les milieux artistiques, notamment les compositeurs. En sus de Debussy et Schönberg, Fauré et Sibelius ont chacun composé une musique de scène, respectivement en 1898 et en 1905. Mais Schönberg (qui ne connaissait pas l’opéra de Debussy) évacue le texte, comme si la musique absorbait l’essence du drame. Il avait déjà procédé de semblable manière en 1899 avec Verklärte Nacht (« La Nuit transfigurée ») pour sextuor à cordes, d’après un poème de Richard Dehmel. Avec Pelleas und Melisande, il se place dans le sillon de Liszt, d’une part en cultivant le genre du poème symphonique, d’autre part en adoptant le principe de la « forme à double fonction » (ou « forme intégrée ») que Liszt avait utilisée dans sa Sonate pour piano en si mineur. Cette structure comprend les quatre mouvements d’une symphonie habituelle (allegro, scherzo, mouvement lent, finale), mais les enchaîne. En même temps, elle peut s’entendre comme une ample forme sonate tripartite (exposition, développement, réexposition). La virtuosité de Schönberg consiste à faire coïncider ces deux logiques formelles, issues de la musique instrumentale, avec une intrigue dramatique. L’Allegro-exposition correspond à la présentation des personnages et à leur rencontre. Le scherzo et le mouvement lent, qui constituent le développement, évoquent la scène entre Pelléas et Mélisande au bord de la fontaine, celle de la tour où Pelléas s’enivre des cheveux de la jeune femme, puis le moment où, dans les souterrains, Golaud est tenté de précipiter son frère dans le vide. Le finale-ré- exposition scelle le destin des personnages, jusqu’à la mort de Mélisande dans les dernières pages.
Mais l’auditeur qui ignore la pièce de Maeterlinck ne devinera pas les étapes du drame à la seule écoute de la musique. Il pourra mettre en relation un climat avec un sentiment général (par exemple la passion amoureuse dans l’épisode lent du développement), sans être toutefois assuré de l’exactitude de son interprétation. C’est de cette façon que Schönberg transpose le « non-dit » consubstantiel au symbolisme, car son langage reste dans une tradition postromantique germanique et rappelle Wagner (on songe évidemment à Tristan und Isolde). Quand il reviendra à Maeterlinck, avec Herzgewächse en 1911 (pour soprano colorature, violoncelle, harpe et harmonium), ce sera pour fondre les échos du symbolisme dans l’expressionnisme de la Vienne d’avant-guerre.
Texte d'Hélène Cao
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En 1902, Debussy achève son opéra Pelléas et Mélisande, d’après la pièce de Maurice Maeterlinck (1893). Au même moment, Schönberg commence sa première partition pour grand orchestre : un poème symphonique inspiré par la même source littéraire. L’intrigue exploite le thème de l’amour contrarié, celui de Pelléas et de Mélisande, laquelle a épousé Golaud, demi-frère de Pelléas. Les personnages connaissent un destin similaire à celui de Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, plus encore Paolo et Francesca qui, selon Dante dans la Divine Comédie, ont vécu une situation du même ordre (l’amour du héros pour sa belle-sœur). Mais l’esthétique symboliste apporte une couleur particulière au drame de Maeterlinck, plein de sous-entendus, de mystères non élucidés, de sentiments enfouis. Il faut attendre l’acte IV pour que Pelléas et Mélisande s’avouent leur amour du bout des lèvres, juste avant que Golaud ne tue son frère.
Au tournant du XXe siècle, la pièce de Maeterlinck captive les milieux artistiques, notamment les compositeurs. En sus de Debussy et Schönberg, Fauré et Sibelius ont chacun composé une musique de scène, respectivement en 1898 et en 1905. Mais Schönberg (qui ne connaissait pas l’opéra de Debussy) évacue le texte, comme si la musique absorbait l’essence du drame. Il avait déjà procédé de semblable manière en 1899 avec Verklärte Nacht (« La Nuit transfigurée ») pour sextuor à cordes, d’après un poème de Richard Dehmel. Avec Pelleas und Melisande, il se place dans le sillon de Liszt, d’une part en cultivant le genre du poème symphonique, d’autre part en adoptant le principe de la « forme à double fonction » (ou « forme intégrée ») que Liszt avait utilisée dans sa Sonate pour piano en si mineur. Cette structure comprend les quatre mouvements d’une symphonie habituelle (allegro, scherzo, mouvement lent, finale), mais les enchaîne. En même temps, elle peut s’entendre comme une ample forme sonate tripartite (exposition, développement, réexposition). La virtuosité de Schönberg consiste à faire coïncider ces deux logiques formelles, issues de la musique instrumentale, avec une intrigue dramatique. L’Allegro-exposition correspond à la présentation des personnages et à leur rencontre. Le scherzo et le mouvement lent, qui constituent le développement, évoquent la scène entre Pelléas et Mélisande au bord de la fontaine, celle de la tour où Pelléas s’enivre des cheveux de la jeune femme, puis le moment où, dans les souterrains, Golaud est tenté de précipiter son frère dans le vide. Le finale-ré- exposition scelle le destin des personnages, jusqu’à la mort de Mélisande dans les dernières pages.
Mais l’auditeur qui ignore la pièce de Maeterlinck ne devinera pas les étapes du drame à la seule écoute de la musique. Il pourra mettre en relation un climat avec un sentiment général (par exemple la passion amoureuse dans l’épisode lent du développement), sans être toutefois assuré de l’exactitude de son interprétation. C’est de cette façon que Schönberg transpose le « non-dit » consubstantiel au symbolisme, car son langage reste dans une tradition postromantique germanique et rappelle Wagner (on songe évidemment à Tristan und Isolde). Quand il reviendra à Maeterlinck, avec Herzgewächse en 1911 (pour soprano colorature, violoncelle, harpe et harmonium), ce sera pour fondre les échos du symbolisme dans l’expressionnisme de la Vienne d’avant-guerre.
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