• il y a 5 ans
On se déchire au sein de la filière bio des fruits et légumes en France. La pomme de la discorde ? Faut-il produire du bio sous serre chauffée ? Réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot et Greenpeace France ont lancé une pétition pour s’y opposer. La querelle a l’air anecdotique… Elle ne l’est pas du tout. Elle souligne la crise philosophique de la production bio… Qui est aussi une crise de croissance. Faut-il produire du bio sous serre chauffée ? pour la fédération nationale de l’agriculture biologique, c’est une hérésie. La position se comprend : cela veut dire produire potentiellement hors saison et en utilisant de l’énergie ce qui devrait pousser dehors. Elle demande donc l’encadrement strict des pratiques. Mais vous le savez, vous qui suivez ce blog : rien n’est jamais simple en matière d’agriculture. Pourquoi doit-on produire du bio sous serre chauffée ? Eh bien, d’abord, parce que la demande en produits bio a explosé ces dernières années. Le marché représente désormais 7 milliards de chiffre d’affaires, il affiche une croissance de 20 % par an. Il a même crû de presque 300 % en 10 ans !

Cet appétit pour le bio, il faut l’alimenter. Il n’y en a pas pour tout le monde. La France importe déjà 30 % de ses produits bios. Pour les fruits et légumes, c’est même 60 % ! Ça pose des problèmes : ce bio-là est produit selon des standards différents du bio français. Le règlement bio européen ne reconnaît pas la conformité au cahier de la charge mais des équivalences accordées par la commission européenne aux produits bio importés. Cela explique qu’on puisse importer des fraises bio espagnoles hors sol en France ou des produits sud-américains produits avec des méthodes qui font ici s’évanouir les puristes.

La question des serres chauffées pose le problème de la naturalité souvent associée au bio. Qu’est ce qui est naturel ? A première vue, pas de faire pousser les légumes sous serre. Mais vraiment ça se discute ! D’abord, parce que ça permet de produire ici des légumes qui ainsi ne voyahgent pas. Il faut donc bien calculer le bilan carbone de chaque production. Ensuite, parce que produire sous serre, ça veut dire maîtriser l’environnement. On peut ainsi faire des tomates avec ZERO pesticide ; Oui, zéro, alors que le bio de plein champ en utilise, à base de soufre et de cuivre. Et ça n’est pas une honte : il faut protéger les cultures.

La question est donc : qu’est-ce qu’on veut ? Du bio pour la planète ? Du bio que l’on croit le plus naturel possible ? Equation compliquée ! Enfin, derrière cette querelle de la serre chauffée, il y a une autre guerre. Une guerre économique. L’explosion du marché du bio a aiguisé les appétits de tout le secteur de la distribution. Un produit bio sur deux est vendu en grande surface classique. 36 % en distribution spécialisée, le reste via les petits commerçants ou la vente directe.

Cela veut dire que la grande distribution veut faire baisser les coûts du bio. Et produire localement dans des serres chauffées, ça permet de faire du volume et des économies de logistique. Les circuits traditionnels du bio voient cela d’un mauvais œil. On s’attaque à leurs marges et à leurs parts de marché. Ils se sentent dépossédés de leur spécificité. Vous la voyez la question : le bio est-il réservé à des privilégiés à une élite qui a les moyens de voir son ticket de caisse se renchérir de 20 % chez Biocoop ? Maintenant que les spécialistes du bio ont ancré l’idée marketing - très discutable - qu’il est meilleur pour la santé, peuvent-ils soutenir qu’il sera réservé à des privilégiés ? Doit-il être démocratisé ? Il n’y a pas de réponse toute faite. Et tant qu’on ne fera pas pousser notre alimentation en claquant des doigts… Je n’en aurai pas à vous donner. 

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