• il y a 5 ans
L'Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Mikko Franck et le Choeur de Radio France interprètent le Gloria de Francis Poulenc. extrait du concert donné le 12 octobre 2019 à l'auditorium de la Maison de la Radio.

À la mort de son épouse Natalie en 1942, le chef d’orchestre Serge Koussevitzky avait créé à sa mémoire la Koussevitzky Music Foundation qui allait commander de grandes œuvres du XXe siècle comme le Concerto pour orchestre de Bartók, l’opéra Peter Grimes de Britten, la Troisième Symphonie de Copland, le Quatuor à cordes « Ainsi la nuit » de Dutilleux ou la Turangalîla-Symphonie de Messiaen. Installée aux États-Unis, la fondation poursuivit son action de soutien à la création contemporaine après la mort de Koussevitzky en 1951.
C’est ainsi que huit années plus tard, elle proposa d’écrire une nouvelle œuvre à Poulenc, qui composa son Gloria. « D’abord, ils m’ont demandé une symphonie. Je leur ai dit que je n’étais pas fait pour les symphonies. Ensuite, ils m’ont demandé un concerto pour orgue. Je leur ai dit que j’en avais déjà fait un et que je ne voulais pas en écrire un autre. Finalement, ils m’ont dit : “Très bien, alors faites ce que vous voulez“ ! »
Si la mort de son père en 1917 avait éloigné Poulenc du catholicisme de son enfance, celle du compositeur Pierre-Octave Ferroud, tué dans un accident de voiture en 1936, allait le conduire vers un pèlerinage à Rocamadour qui ravivera sa foi, et lui inspirera la première de ses œuvres religieuses, les Litanies à la Vierge noire. Sa dévotion à Marie se retrouvera également dans un Salve Regina, et surtout dans son poignant Stabat Mater écrit à la mémoire du peintre et décorateur Christian Bérard. Auteur en 1937 d’une Messe en sol majeur qui contient comme il se doit un Gloria, le compositeur utilisera la même tonalité dans ce Gloria de 1959 qu’il isole de la messe comme le firent jadis Monteverdi, Vivaldi, Charpentier, Haendel ou Mendelssohn.
Pour Hervé Lacombe, dans le mouvement introductif dont les premières notes semblent citer le début de la Sérénade pour piano de Stravinsky, « ce Dieu siégeant en majesté que représente Poulenc est un Dieu souverain, impressionnant, tel qu’il apparaît dans les représentations de la « Majestas Domini » de l’époque romane […] Le n°2 “Laudamus te“ est plus franchement jubilatoire et les contretemps de l’accompagnement renforcent l’atmosphère populaire. Cette pièce a pu choquer lors de la première parisienne. »
Poulenc écrira à ce sujet : « Mon Gloria […] est une grande symphonie chorale. La deuxième partie a fait scandale. Je me demande pourquoi : j’ai pensé simplement, en l’écrivant, à ces fresques de [Benozzo] Gozzoli où les Anges tirent la langue et aussi à ces graves bénédictins que j’ai vus un jour jouer au football. » Laissant courir sa verve et son imagination, Poulenc fait ici allusion aux fresques du XVe siècle de la Chapelle des Mages au palais Medici-Riccardi de Florence, dans lesquels Gozzoli représente des anges chanteurs dont les bouches ouvertes laissent deviner la langue.
C’est au troisième mouvement, « Domine Deus », que Poulenc fait entrer la soprano. Pour la création à Boston en 1961, le chef français Charles Munch avait choisi Adela Addison, interprète majeure de la scène américaine, et dont le grand public entendait alors la voix au cinéma dans l’adaptation de l’opéra Porgy and Bess des frères Gershwin. Songeant à la soprano italienne Rosanna Carteri qui chanta la création française, Poulenc précisa dans une lettre du 28 juillet 1960 à Leonard Burkat, administrateur artistique de l’orchestre : « La soliste doit avoir la voix exacte de Desdémone [dans l’opéra Otello de Verdi], c’est-à-dire un aigu chaud mais pianissimo. »

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