• il y a 4 ans
[NOUVEAU] C’est LA question que tout le monde lui pose : "C’est quoi une sage-femme qui accouche ?" Dans le premier épisode de Sage-Meuf, le podcast qui raconte la folle aventure de la naissance, Anna Roy, sage-femme depuis dix ans et chroniqueuse dans la Maison des maternelles sur France 4, raconte son accouchement et la déflagration qu'entraine l'arrivée d'un enfant dans la vie de ses parents.

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Transcription
00:00 Bonjour, avant de retrouver votre podcast, je voulais vous parler d'un autre podcast européen.
00:04 Il s'appelle "Sage Meuf".
00:06 Il parle de la maternité avec des témoignages de jeunes parents et tous les conseils pour gérer au mieux l'arrivée d'un bébé.
00:12 En plus, à chaque écoute de "Sage Meuf", Carrefour s'engage à verser un don pour soutenir le Collège National des Sages-Femmes de France.
00:19 Avec les marques Carrefour Baby et Tex Baby, Carrefour accompagne les bébés au quotidien.
00:24 Des produits alimentaires et d'hygiène, du textile, de l'équipement, avec Carrefour, on a tous droit au meilleur.
00:30 Et surtout les bébés. Allez maintenant, place à votre podcast.
00:34 C'est ma toute première garde en salle d'accouchement. J'ai à peine 19 ans.
00:38 Je suis accueillie par Madame Bourgogne, sage-femme de garde et sacrée nana de son état.
00:42 En 15 secondes, elle me projette dans un monde totalement incompréhensible.
00:48 J'arrive en face d'un tableau rempli de hiéroglyphes que je n'arrive littéralement pas à lire.
00:53 Devant des soignants qui discutent de "passer au bloc pour une suspicion d'HRP".
00:58 Bloc, je comprends vaguement, mais HRP, mystère et boule de gomme.
01:02 Je devais avoir la tête d'un veau.
01:04 "Tu ne me lâches pas d'une semelle", me somme Madame Bourgogne.
01:07 Je ne sais plus où donner de la tête.
01:09 Partout des bip-bip, des odeurs de détergent mêlées à des effluves indéterminées.
01:13 Une agitation frénétique.
01:15 J'entends tout en même temps des blagues graveleuses, des cris de femmes et des vagissements de bébés.
01:20 Mon dieu, mais où est-ce que j'ai mis les pieds ?
01:23 Dix minutes plus tard, Madame Bourgogne m'attrape et m'entraîne dans une salle de naissance.
01:30 Je me retrouve derrière elle, entre les jambes d'une femme.
01:33 Je ne comprends rien à rien.
01:35 C'est la première fois que je vois un sexe de femme en vrai.
01:37 Je n'ai jamais regardé le lien ni vu de film porno. Je suis abasourdie.
01:41 Elle dit à la patiente que c'est génial parce qu'on voit les cheveux.
01:44 Je me souviens d'avoir pensé "ouais, ouais, c'est ça",
01:46 comme si les bébés avaient des cheveux et que c'était ça qui sortait en premier.
01:49 Je n'y crois pas une seconde.
01:51 Et là, je réalise nom d'un chien.
01:54 Oui, elle a l'air de dire vrai.
01:56 Des cheveux, un front, des yeux, un nez, une bouche et enfin un menton.
02:01 Et d'un coup, c'est comme si le sexe de la femme avait un visage.
02:05 C'est hyper étrange.
02:07 Ça ressemble à un tableau surréaliste.
02:09 Je suis estomaquée, sidérée, en état de choc.
02:13 J'ai envie qu'on me foute la paix et qu'on me laisse cuver la nouvelle.
02:16 La moitié des films à promo passés avant moi se sont évanouis.
02:19 Mais si vous croyez que j'ai eu le temps de souffler,
02:21 Madame Bourgogne m'attrape à nouveau pour aller voir "Mille Urgences"
02:24 et faire deux autres accouchements.
02:26 C'était la première fois de ma vie que je voyais une femme à qui j'avais envie de ressembler.
02:31 Cette nana-là, elle avait les bras musclés et une intuition clinique hors pair.
02:35 Parce que rien qu'en regardant les visages des femmes, elle savait quoi faire.
02:39 Quand je suis sortie de là, j'ai dormi 13 heures d'affilée d'un sommeil de plomb.
02:42 On n'oublie jamais son premier accouchement.
02:44 Jamais.
02:45 * Extrait de "Mille Urgences" de Madame Bourgogne *
02:50 Quinze ans ont passé.
02:51 Quinze ans de sage-femmerie pendant lesquels j'ai beaucoup donné.
02:54 Mais, et c'est là que ça devient intéressant,
02:56 tout ce que j'ai donné à mes patients, petits et grandes,
02:59 eh bien ils me l'ont rendu au centuple.
03:01 En étant parfois un peu trop brave, j'ai eu de très belles surprises.
03:05 Alors très vite, il a fallu que je note tout ce que j'observais
03:08 car j'avais peur que ma tête n'arrive pas à tout retenir.
03:11 J'ai donc entamé une collection de carnets.
03:13 On est très nombreux à faire ça.
03:15 Et ce qui est hyper touchant, c'est que j'ai découvert récemment
03:17 le récit d'une sage-femme écrite en 1835.
03:20 Elle s'appelle Alexandrine Julemier
03:22 et je voudrais que vous écoutiez ce tout petit extrait pour le plaisir.
03:25 * Extrait de "Mille Urgences" de Madame Bourgogne *
03:29 * Extrait de "Mille Urgences" de Madame Bourgogne *
03:33 * Extrait de "Mille Urgences" de Madame Bourgogne *
03:36 * Extrait de "Mille Urgences" de Madame Bourgogne *
04:04 Alexandrine, 200 ans plus tard, ta consoeur prend humblement la relève.
04:08 Peindre et raconter les secrets des alcoves pour aider et servir.
04:11 C'est choquant parce que d'abord, une femme enceinte,
04:18 ça n'a jamais un physique très joli
04:20 et c'est pas la peine de la révéler au public, je trouve.
04:23 On est bien content de les avoir.
04:26 Et puis, s'il fallait en avoir un autre, je l'accepterais pareil.
04:29 La France est championne d'Europe en matière de natalité
04:32 avec pratiquement deux enfants en moyenne.
04:34 Dans la salle d'attente, les jeunes papas s'interrogent.
04:37 La présence d'une personne qui a apporté de l'amour, en quelque sorte,
04:41 comme on peut le faire la sage-femme.
04:44 C'est nous qui tenons les maternités, faut pas perdre sa juge.
04:46 C'est vraiment la sage-femme qui tient la maternité.
04:48 La maternité est toujours une source de stress pour les femmes.
04:51 On va toutes être dépressives.
04:53 Dans ce podcast, je vais vous ouvrir les portes de ma maison,
04:56 de mon hosto et des appart' des couples que j'accompagne en ville.
04:59 Je vais vous emporter dans le tourbillon de la vie qui vient
05:02 en vous racontant mon histoire, leurs histoires, sans phare et sans tabou.
05:06 La naissance, c'est le sujet de ma vie.
05:08 Je peux vous dire que c'est une sacrée déflagration.
05:11 Dans le corps, dans la tête, dans la vie amoureuse, dans la sexualité, dans le quotidien.
05:17 Pour le bébé qui vient au monde et pour les soignants qui les accompagnent aussi.
05:20 Et c'est cela que je vais vous raconter.
05:22 Je vous donnerai aussi des conseils, juste pour vous dire que tout ira bien.
05:25 Mais que pour ça, il faudra quand même avoir entendu parler de deux ou trois petites choses.
05:30 Je vous promets de ne pas mentir ou bien même d'édulcorer.
05:33 Car même si vous pensez que vous êtes fragiles, oulala que non,
05:36 vous êtes en fait la puissance incarnée.
05:39 Vous vous rendrez compte que ce que vous vivez, on est très nombreux à le vivre.
05:43 Alors pas la peine de vous sentir nul.
05:45 Ce podcast est fait pour vous servir et vous divertir.
05:47 Et si j'y arrive, alors j'aurai tout gagné.
05:50 Aujourd'hui, ce ne sera pas un épisode comme les autres.
05:53 Aujourd'hui, je me veux avec vous sur un pied d'égalité, vous allez voir.
05:57 Je m'appelle Anna Roy, j'ai 34 ans et je suis sage-meuf, comme j'aime tant le dire.
06:01 Alors bienvenue dans Sage-Meuf.
06:03 Aujourd'hui, je suis en salle d'accouchement, bloquée dans l'une des huit salles de naissance,
06:17 fuchéa de son petit-nom.
06:19 Entre elle et moi, il y a à n'en pas douter un lien comme on peut avoir.
06:22 J'imagine, avec une maison dans laquelle on est depuis très longtemps.
06:26 Des souvenirs en pagaille, heureux, tristes, tragiques, drôles, voire désastreux.
06:31 Des centaines de nouveau-nés sont passés entre mes mains ici depuis quelques années.
06:35 Bref, c'est un peu comme chez moi.
06:37 J'aime cet endroit et il me le rend bien.
06:39 Jusque là, tout semble cohérent.
06:42 Une sage-femme en salle d'accouchement, quoi de plus banal, me direz-vous.
06:45 Seulement voilà, aujourd'hui, il se passe un truc de dingue.
06:49 C'est moi qui suis sur la table d'accouchement.
06:52 J'ai troqué ma blouse de sage-meuf pour celle de parturiante.
06:55 Ou plutôt pour celle d'une parturiante sage-femme.
06:57 Je vais enfin passer de l'autre côté du miroir.
07:06 Je vais pouvoir répondre à la question qu'on me pose cent fois par jour.
07:09 C'est comment, une sage-femme qui accouche ?
07:12 C'est dingue, parce que ces moments que je vis,
07:15 cela fait sept ans que je me les imagine tous les jours.
07:18 Que je me projette encore et encore.
07:21 Et je vais vite m'apercevoir que la réalité va pulvériser ce que j'imaginais.
07:25 Je vais vous parler de l'expérience humaine la plus folle que j'ai jamais vécue.
07:29 C'était un 17 mars 2016, à l'heure du déjeuner.
07:32 En fait, c'est l'expérience humaine qui est racontable.
07:38 Parce que celle de la mort n'est pas racontable.
07:40 Mais celle-là, elle est racontable et en fait, tout le monde vit la même chose.
07:43 Peu ou prou.
07:44 Grosso modo.
07:46 Tout commence chez moi, un soir, après une journée d'agitation frénétique.
07:51 Alimentée, baignée, distraite par un film, la journée va enfin se terminer.
07:55 A peine ai-je glissé un pied sous ma couette,
07:58 que je sens quelque chose qui coule vaguement entre mes jambes.
08:01 Je n'ai qu'une envie, faire l'autruche, poser ma tête sur l'oreiller et commencer à dormir.
08:06 Quand tout à coup, la sage-femme qui sommeille en moi me chuchote à l'oreille.
08:09 "Eh, arrête de déconner, tu as certainement fissuré la poche des os,
08:12 tu files à la salle de bain pour vérifier."
08:14 La poche des os peut se rompre de façon franche,
08:17 auquel cas l'écoulement est spectaculaire et personne ne se trompe.
08:21 Mais attention, elle peut aussi se fissurer, auquel cas cela coule tout doucement,
08:26 et dans ce cas, il faut quand même aller à la maternité.
08:29 "Quelle flemme ! Mais qu'à cela ne tienne, je file dans la salle de bain,
08:34 et effectivement, aucun doute n'est possible.
08:36 J'ai fissuré la poche des os et en plus, le liquide est vert.
08:40 Et c'est la sage-femme qui reprend la parole.
08:42 "Allez, traîne pas, poulette, prends tes affaires et file à la mater, faut qu'on te déclenche."
08:46 "Si le liquide est vert, vous ne pouvez pas attendre à la maison,
08:50 parce que votre bébé a émis ses premières selles dans le liquide amniotique,
08:53 ce qui n'est pas grave en soi,
08:55 mais qui nécessite une surveillance plus accrue et une naissance accélérée.
08:59 A ce titre, on déclenchera l'accouchement si les contractions ne viennent pas spontanément."
09:04 Dans le salon, Nicolas, le mec avec le casque,
09:06 lit un bouquin d'histoire et ne se doute absolument pas de ce qui se trame derrière son dos.
09:10 Fallait mieux que je sois sûre de mon coup avant de convoquer le banc et l'arrière-banc.
09:14 "Chouche ?"
09:15 Ok, ce surnom est ridicule, mais ne vous déconcentrez pas,
09:17 le propos n'est pas de savoir comment je surnomme mon mec.
09:20 "Chouuuche, j'ai rompu la poche des os et le liquide est vert, faut partir."
09:25 Nicolas me regarde avec un air semi-aérie.
09:27 "Non mais comment tu peux savoir que c'est ça ?"
09:30 "C'est un truc qui a été fait par un homme,
09:32 et il est très bien, il est très bien, il est très bien."
09:36 "Il est con ce mec ou quoi ?
09:38 C'est fréquent de faire sortir du guacamole de sa chahuaua ?
09:41 Je choisis de mettre ça sur le compte de l'émotion."
09:44 On file dans la nuit.
09:48 Quel moment de grâce, on est excités, amoureux et heureux.
09:53 Paris nous paraît plus belle que jamais.
09:55 "I just called to say I love you."
09:57 C'est marrant, je me rappelle encore quand il y avait Stevie Wonder à la radio.
10:02 Il est 1h du mat et je sonne à la porte de l'hôpital.
10:05 De mon hôpital, celui dans lequel je bosse.
10:08 Il y a le gardien qui m'accueille, évidemment en me claquant une bonne bise.
10:13 C'est sympa d'accoucher à la maison, chaque recoin de cet hosto m'est familier.
10:17 J'entends déjà la ritournelle.
10:19 "Ah mais c'est trop bizarre, tous tes collègues vont te voir à poil, c'est vraiment dégueu."
10:24 Eh bien oui, et vous n'êtes pas au bout de vos surprises.
10:27 On monte au premier étage, dans la fosse au lion.
10:30 Évidemment j'ai le code d'entrée de la salle d'accouchement.
10:32 Les femmes qui patientent dans la salle d'attente des urgences font une drôle de tête.
10:35 Il y en a même une qui me dit "Vous pouvez pas rentrer directement, faut attendre que l'on vous ouvre."
10:40 Ouais ouais je suis au courant, je suis sage-femme.
10:42 Elle regarde ma tête, puis mon ventre, puis mon ventre, puis ma tête.
10:45 Bah oui, c'est fou, mais les sages-femmes elles accouchent elles aussi.
10:49 Je pénètre dans le sanctuaire, et j'aperçois mes collègues qui courent partout, dans tous les sens.
10:57 Par réflexe primaire, j'ai presque envie de m'y mettre aussi et de leur filer un coup de main.
11:01 Ça déborde de monde, on appelle ça le Bronx dans notre jargon.
11:04 Et je vais vous dire un truc, ça me fait de la peine de les voir comme ça, d'être enfin de l'autre côté.
11:09 Parce que je sais à quel point c'est éprouvant ce genre de garde,
11:12 et qu'au fil des années c'est vraiment devenu notre quotidien.
11:15 Faire toujours plus avec toujours moins, ce n'est pas un slogan de manif, c'est notre réalité.
11:20 Je me dis tout de suite qu'il ne faut pas se laisser démonter,
11:22 et qu'il ne faut surtout pas leur ajouter du boulot par-dessus la jambe.
11:26 Je m'installe donc dans une salle, je me pose mon monito tout seul,
11:29 devant les yeux ébahis du futur papa un peu inquiet.
11:53 Je chope ensuite une infirmière dans le couloir,
11:55 et je lui demande de me perfuser, de me prélever mon bilan d'entrée,
11:58 NFS plaquette, RAICRPTPTCA fibrinogène,
12:01 et de m'injecter 600mg de clindamycine.
12:04 Nicolas flippe.
12:05 Euh, t'es sûre de toi là ?
12:07 A peu près ouais, il paraît que je suis sage-femme.
12:09 Bon allez, accélérons, passons au plus croustillant.
12:12 Audrey la sage-femme de garde, finit par venir me voir,
12:14 et décide de me déclencher dans la foulée,
12:16 avec un tampon de prostaglandine qu'elle insère dans mon vagin.
12:20 Le tampon de prostaglandine fait partie des moyens médicamenteux
12:23 qui permettent de déclencher un accouchement.
12:25 Cela peut marcher ou non, cela dépendra de la réponse aux prostaglandines,
12:29 qui sont des hormones sécrétées au moment du travail.
12:32 Je sais qu'elle a des doigts d'or et qu'elle va super bien me le poser.
12:35 Je vais enfin savoir ce qu'est une contraction.
12:37 J'attends ça depuis 7 ans.
12:39 J'ai hâte !
12:40 Bingo !
12:41 En moins d'une heure, j'ai des contractions toutes les 3 minutes qui me clouent au sol.
12:45 Fichtre de boue de sa race de sa mère là,
12:48 ça fait un mal de chien !
12:50 Elle fait plus la maligne là Anna !
12:52 Je suis terrassée par la douleur, va falloir que je trouve une solution.
12:55 Et si je mettais en application tous les conseils que je prodigue à longueur de journée ?
12:59 Allez, pourquoi pas un bain d'eau chaude ?
13:02 Malheureusement je n'y ai pas le droit, on passe.
13:04 La respiration en carré ? J'y arrive pas,
13:06 je n'arrive pas à garder les yeux ouverts et à me concentrer.
13:09 Les sons graves ?
13:11 Oh, ah, ah, oui, ouf, c'est pas mal,
13:14 une petite planche de salut dans un océan de douleur.
13:16 Des massages ? Oh oui,
13:18 seulement voilà j'ai un mari incapable de faire autre chose que de l'humour.
13:21 Des postures ?
13:23 Ouais, je trouve une qui est pas trop désagréable.
13:25 Mais pas une belle posture de bouquin, non non,
13:27 un vieux chien de fusil pourri.
13:29 Du protoxyde d'azote, du gazie-laurent ?
13:32 Je sais pas pourquoi mais je ne supporte pas le masque posé sur ma bouche,
13:35 cela me donne l'impression d'étouffer.
13:37 Tous ces moyens alternatifs,
13:39 en attendant la péri-durale ou à la place de la péri-durale,
13:42 peuvent s'avérer très efficaces.
13:44 Cela vaut vraiment le coup de participer au cours de préparation à la naissance pour s'entraîner,
13:48 y compris avec toute personne qui vous accompagne pendant la grossesse.
13:51 Rapidement, Audrey fait un constat sans appel.
13:54 Le col n'est pas ouvert, ou presque,
13:56 j'ai un mal de chien et le bébé commence à ralentir son rythme cardiaque à chaque contraction.
14:00 Elle me conseille vivement la pose d'une péri-durale,
14:03 et la sage-femme qui sommeille en moi est parfaitement d'accord avec elle.
14:07 Quelques dizaines de minutes plus tard,
14:09 ah, je peux enfin souffler, la péri-durale est posée.
14:13 Je meurs d'envie de vous parler de cette histoire de péri,
14:16 et c'est promis, j'y viendrai plus tard dans un autre épisode.
14:19 La péri-durale est une anesthésie locale qui permet de supprimer la douleur d'un accouchement,
14:24 tout en conservant une partie des sensations.
14:27 C'est une invention du début du XXe siècle, mais dont le succès est récent.
14:31 En 1981, 4% des accouchements avaient lieu sous péri-durale.
14:36 En 2018, il y en avait 82%.
14:39 Le travail se passe sans difficulté,
14:41 je roupille même comme un loir entre 3 et 7 du mat.
14:44 À mon réveil, je me permets enfin de réveiller par téléphone ma meilleure pote,
14:48 Hélène, sage-meuf de son état, sept ans d'une très forte amitié.
14:52 Audrey, quant à elle, va pouvoir enfin rentrer chez elle pour se reposer.
14:57 Il y a quand même un truc quand on est sage-femme,
15:00 c'est qu'on a un immense privilège, c'est de pouvoir choisir sa sage-femme.
15:04 Soit dit en passant, cela devrait être la même chose pour tout le monde.
15:07 Mais ça, c'est un autre débat, et il faudra qu'on en reparle.
15:11 Ok, en clair, j'allais avoir Hélène, ma meilleure pote, vous l'avez compris.
15:15 Clara, la sage-femme de jour, un chou, un amour, un ce que vous voulez, mais...
15:19 une perle.
15:20 Macéline, l'infirmière, bref, que du beau monde autour de moi.
15:25 Et là, vous êtes en train de vous dire "Quoi ? Une pote qui t'accouche ?
15:29 Ah non, mais c'est dégueu, elle va avoir les doigts d'anthon !
15:32 Ah non, non, mais c'est pas possible !
15:34 J'ai eu droit à toutes les remarques pendant la grossesse.
15:37 Seulement voilà, en fait, c'est un problème pour les gens normaux,
15:40 mais pas pour les sage-femmes, cette histoire.
15:42 C'est un peu comme l'histoire entre les naturistes et les textiles.
15:45 Les naturistes ne voient pas où est le problème, mais les textiles, eux, le voient très bien.
15:49 Je n'ai pas dit que j'étais naturiste, je précise.
15:51 Je dis simplement que nous avons une certaine habitude de voir des sexes de femmes,
15:54 et que du coup, justement, ben, en fait, on ne les voit plus.
15:57 Hélène arrive une heure après.
16:01 [Toc, toc, toc]
16:03 Lorsque je la vois pousser la lourde porte de la salle, je ressens une joie sans pareil.
16:10 Nous nous connaissons par cœur, tous les deux.
16:12 Elle est un peu comme, j'imagine, une sœur.
16:14 Nicolas et Hélène s'installent pour prendre le petit-déj, sur une table métallique,
16:18 celle où on pose des affaires médicales pour l'accouchement.
16:21 Tranquilou, pépéron.
16:23 Il n'y a manifestement que moi dans cette affaire, qu'il soit un peu tendu.
16:28 Avec son aide et celle de Clara, je le rappelle, la sage-femme, qui a pris la relève d'Audrey,
16:32 encore une bonne fée qui se pose au-dessus de mon bébé,
16:34 le travail avance plutôt rapidement.
16:36 Elles me font bouger, faire du step, des mouvements du bassin.
16:39 Tout pour aider la fine équipe que je constitue avec mon bébé.
16:42 Au cours du travail, y compris avec une péri-durale,
16:46 il est important de laisser aux femmes la possibilité de se mouvoir,
16:49 car cela facilite le travail et l'accouchement,
16:52 ce qui nécessite une formation des équipes, et surtout une meilleure disponibilité de celles-ci.
16:57 Alors que je suis en train de penser à la rédaction d'un futur bouquin,
17:00 je sens un truc bizarre qui se passe dans mon bassin.
17:03 Je pourrais même dire dans mes fesses.
17:05 Une sensation de dingue.
17:08 Un truc inracontable.
17:11 Je sens qu'il y a un corps qui tente de traverser mon corps.
17:15 Ça ressemble à une envie d'aller à la selle,
17:18 mais d'une balle de bowling, un truc énorme.
17:21 Et une balle de bowling vivante, de surcroît.
17:25 Je suis où, là ? Dans une super production américaine.
17:28 Je dis rien à Nicolas, mais j'ai vraiment envie qu'Hélène vienne me voir.
17:33 Je l'appelle immédiatement.
17:35 J'ai hyper peur.
17:37 Moi, dans mon souvenir, j'ai pas crié,
17:41 parce que je voulais pas effrayer le mec avec lequel j'ai affaibli mon mec.
17:45 Mais il paraît que j'ai crié. Alors j'en sais rien.
17:48 Je ne sais pas quel est le vrai du faux.
17:50 Moi, je me rappelle vraiment pas avoir crié.
17:52 Je sais que j'ai crié au moment de la poussée, ça c'est clair.
17:55 Enfin, crié, je... comme ça.
17:58 Mais je me rappelle pas avoir crié à ce moment-là.
18:00 En fait, je criais, en tout cas intérieurement, ça c'est sûr.
18:03 J'avais une trouille, mais féroce.
18:05 Un truc que je ne contrôlais absolument plus mon corps.
18:08 Ni de près, ni de loin.
18:10 Et ça fait méga peur.
18:12 En tout cas, moi, ça m'a fait méga peur.
18:14 C'est la première fois où tu te dis "il se passe un truc fou dans mon corps,
18:16 mais j'ai aucune prise dessus".
18:18 Hélène constate. "Vous savez quoi, mes petits loups ?
18:20 D'ici une heure, il y aura un bébé qui sera parmi nous."
18:23 Je suis complètement ébêtée.
18:26 Et c'est Nicolas qui prend la parole.
18:28 Comment ça dans l'heure ?
18:30 Je ne suis ni douchée, ni rasée, et encore moins changée.
18:32 Et c'est moins un peu de temps tout de même.
18:34 Faut que je me prépare pour mon bébé.
18:36 Je le regarde ébahi.
18:38 J'ai vu des milliers de pères, mais encore aucun ne m'avait fait ce coup-là.
18:41 On prévient donc les équipes que monsieur le mari de la sage-femme
18:45 va monter se laver, se raser et se changer.
18:48 L'heure passe.
18:50 Ça y est, il est enfin l'heure de s'installer, comme on dit dans le jargon.
18:52 L'heure de la pousser à sonner.
18:54 Je fais sortir mon amoureux.
18:56 On en reparlera aussi de ça.
18:58 C'est passionnant ces histoires de papa.
19:00 J'ai 30 minutes devant moi. Va pas falloir chômer.
19:06 Je fais équipe avec mon bébé et nous n'avons pas l'intention de faire le challenge.
19:09 Ouais, je sais, c'est complètement idiot de penser comme ça,
19:11 mais la compétition, moi, ça me rend plus forte.
19:15 En France, on ne laisse pas plus de 30 à 45 minutes de poussée auparturiante.
19:19 C'est peu au regard des autres pratiques européennes
19:22 qui peuvent laisser parfois plus d'une heure,
19:24 notamment dans les pays anglo-saxons.
19:26 Je regarde fixement Hélène et je pense intérieurement.
19:29 Allez, va falloir y arriver.
19:31 J'ai qu'une idée en tête, je vais projeter avec ma poussée
19:34 mon petit sur le mur d'en face.
19:36 C'est exactement comme si j'avais les forceps au trousse
19:39 et j'ai aucune intention qu'il n'attrape mon bébé.
19:41 Oui, je sais, cette image est un peu bizarre,
19:43 mais il se trouve que j'ai une peur bleue de ces grosses pinces métalliques
19:46 qui servent à extraire les bébés.
19:48 En tant que sage-femme, il est fréquent que notre peur se focalise sur un truc.
19:51 Pour moi, ce sont les forceps.
19:53 Pour d'autres, ce sera l'hémorragie, la césarienne, le siège, ou que sais-je encore.
19:57 C'est certainement à cause de certains souvenirs, très douloureux parfois.
20:00 Parce que quand nos patientes morflent, on y laisse aussi des plumes.
20:04 Hélène commence à me faire pousser.
20:08 C'est marrant, cette histoire de poussée,
20:10 parce que chaque sage-femme a son champ à elle.
20:13 *applaudissements*
20:15 Il y en a qui hurlent comme des coachs sportifs.
20:17 Ouais, allez, vas-y, encore plus fort !
20:19 Ouais, vas-y, c'est bien, c'est bien ce que tu fais, allez, on y va, on y va, on y va !
20:22 Il y en a qui chuchotent.
20:24 Oui, super ! Encore !
20:27 Oh, c'est magnifique ce que vous faites !
20:29 Allez-y, encore, c'est génial !
20:32 Il y en a qui sont mielleuses.
20:34 Oh oui, allez-y, c'est merveilleux ce que vous faites !
20:37 Encore un petit peu plus, oui, là, c'est bien !
20:39 Allez, allez, allez, courage, courage !
20:42 Il y en a qui sont blasées.
20:44 Ouais, allez, vas-y, encore, encore, allez-y, ouais, ouais, ouais, on y va !
20:47 Il y en a qui sont scolaires.
20:49 Très bien, madame, allez-y, on y va, allez !
20:52 Allez, prenez plus d'air, allez, allez !
20:54 Encore, encore, encore, encore, encore !
20:57 Il y en a qui sont taiseuses.
20:59 Bref, Hélène, elle a son champ perso,
21:09 et moi je l'aime bien, parce qu'il me correspond complètement.
21:12 Encourageante, mais pas super coach.
21:14 Douce, mais exigeante.
21:16 L'enfant avance bien, et c'est là l'essentiel.
21:19 Il y a quatre femmes rivées sur le même objectif.
21:21 Hélène, Clara, Céline et moi, pour un tout petit bébé.
21:25 Le bébé, pour une fois, c'est le mien, non d'un chien,
21:29 progresse bien dans le bassin.
21:31 Il a le sommet de sa tête dehors.
21:33 Et c'est là qu'arrive enfin le moment du Tigre au cirque.
21:37 [Musique]
21:39 Oui, je ne me suis pas trompée.
21:47 On parle bien de la bête poilue à rayures sous une toile de chapiteau.
21:50 Parce que voilà, il y a certaines sages-femmes,
21:52 qui ont déjà eu des enfants,
21:54 qui utilisent cette image du tigre qui passe à travers un cercle de feu
21:57 pour s'imaginer le moment du passage de la tête.
22:00 Et j'avoue que je n'avais jamais su quoi en penser,
22:02 parce que je n'avais jamais accouché.
22:04 Eh bien, je vais vous dire, c'est de la grosse arnaque cette histoire.
22:08 Car elles oublient quand même de dire un truc, et pas des moindres,
22:11 c'est que le tigre, il est quaibleau en plein milieu du cercle de feu,
22:15 et qu'il passe méga au ralenti.
22:18 Sur l'histoire du feu, ça par contre, on y est bien,
22:21 parce que ça brûle un max.
22:23 La tête est enfin passée.
22:28 Mon petit tigre, il a traversé le fameux cercle.
22:31 Tout à coup, entre mes jambes,
22:34 il y a un visage qui surgit.
22:36 Si, si, je ne vous mens pas.
22:38 Un visage.
22:39 Le visage d'une nouvelle personne.
22:41 Une personne qui vient de sortir de mon vagin.
22:44 C'en est trop.
22:45 On est au-delà de la science-fiction.
22:47 Plongée dans un autre monde.
22:49 Et maintenant, il y a les bras.
22:52 Les bras de cet enfant qui s'élève vers les miens.
22:55 Et puis maintenant, voilà le visage de la tête.
22:58 Et puis maintenant, voilà qu'on pose un corps sur mon corps.
23:03 Plus rien n'existe autour de moi.
23:07 Je ne sais plus qui je suis,
23:09 où je suis, ce que je ressens.
23:12 Est-ce que je ressens de la joie ?
23:14 Pas vraiment.
23:16 De l'assidération ? Non plus.
23:19 De l'émotion ? Peut-être.
23:21 En fait, je ne ressens plus rien.
23:24 Je ne sais plus rien.
23:25 Je ne suis plus rien.
23:27 Autant suspends ton vol par pitié.
23:30 Ce que je veux arriver à dire, c'est que vraiment,
23:37 on est dans une autre dimension.
23:39 On est dans un truc où il n'y a plus rien autour de soi.
23:43 Je pense un peu, peut-être pendant l'orgasme,
23:45 mais non, pas vraiment.
23:46 Ce n'est pas l'orgasme non plus.
23:47 C'est plus fort que l'orgasme.
23:48 C'est une expérience métaphysique,
23:50 et ça fait grandir, c'est sûr.
23:52 Mais voilà, il se trouve que ce n'est pas encore fini.
23:56 Ce petit qui vient de naître me regarde fixement.
24:00 Il a un regard tellement profond,
24:03 un regard qui vient d'un autre monde.
24:05 D'où viens-tu, petit garçon d'à peine 3,5 kg ?
24:09 Je me rappelle lui avoir dit "bonjour".
24:12 Bonjour, mon Auguste.
24:14 En fait, j'ai fait "bonjour, mon bébé"
24:18 Je lui ai dit "bonjour, mon bébé" en pleurant comme une conne.
24:21 Et Hélène s'est mise à pleurer, tout le monde a pleuré.
24:23 Bref.
24:25 J'étais tellement contente de le rencontrer.
24:27 Il était au-delà de mes espérances les plus folles.
24:31 On a fait rentrer le papa, et là...
24:34 Chut !
24:35 C'est beaucoup trop intime ce qui se passe à ce moment-là.
24:38 Mais je peux simplement vous dire que c'était rudement chouette.
24:41 Avec Nicolas, en ce 17 mars 2016,
24:46 nous ne le savons pas encore vraiment tous les deux,
24:49 mais nous sommes à l'aube d'une nouvelle existence.
24:52 Auguste vient de nous ouvrir les portes d'un monde inconnu jusqu'alors,
24:55 un monde beaucoup plus riche, façonné par un amour extrême,
24:58 mais aussi nettement plus exigeant.
25:00 Auguste modifiera aussi profondément ma façon d'exercer la médecine.
25:04 Ah bah l'amour exigeant parce que...
25:08 c'est l'enfer quoi.
25:09 La responsabilité de porter quelqu'un à du thymétharnam,
25:12 c'est extrêmement flippant quoi.
25:14 Oui, je suis totalement dans le cliché.
25:16 Je suis comme les femmes nyanis, nyaniaques,
25:18 qui racontent leur expérience.
25:20 Le cliché c'est...
25:22 Ah oui, là typiquement la phrase clé c'est
25:25 "tu te demandes comment t'as pu vivre sans lui".
25:28 Mais c'est vrai.
25:29 Tu le regardes et tu te dis "mais attends, j'ai réussi à vivre sans ce mec".
25:33 Et bah en fait c'est comme une histoire,
25:35 c'est comme une passion amoureuse, mais en 10 fois plus grand quoi.
25:38 Moi qui pense avoir tous les queues avec la passion amoureuse, tu parles.
25:41 Bah là c'est 100 fois au-delà de ça.
25:43 [Musique]
25:52 Allez voilà, venez avec moi dans cette folle aventure de la naissance,
25:55 de la maternité et de la parentalité.
25:57 Celle de mon quotidien au boulot comme chez moi, du sens de ma vie.
26:01 Je vous parlerai de naissance, de sexualité, d'histoire de couple ou de célibat,
26:05 de mort et bien d'autres choses encore.
26:08 Ce quotidien de sage-femme est une merveille
26:10 et je suis très heureuse de pouvoir le partager avec vous.
26:12 Bienvenue dans Sagemeuf.
26:14 Ce podcast a été écrit par moi, Anna Roy,
26:17 et si mon nom vous dit quelque chose, c'est peut-être que vous m'avez déjà vue
26:20 ou que vous me voyez en ce moment même dans la maison des maternelles sur France 4
26:24 où je suis chroniqueuse.
26:25 Une émission que je vous recommande évidemment.
26:28 Sagemeuf est un podcast Europe 1 Studio produit par Adèle Ponticelli.
26:32 Il est réalisé par Charlène Nouilloux.
26:34 Merci à Emmanuel Grenet pour sa lecture d'Alexandrine Julemier
26:37 et à tous mes patients, petits et grandes, sans qui rien n'aurait été possible.
26:42 [musique]
26:48 [SILENCE]

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