• il y a 3 ans
Images © Abdelmajid Arrif
Derb Chlouh, Medina, Casablanca, 25/02/2012

Derb Chlouh, une rue, beaucoup de petites boutiques et quelques ateliers tous tournés vers le domaine de la musique. Rue des musiciens expose ses instruments de musique et de temps en temps un homme absorbé à réparer ou à confectionner un bendir, un oud, un violon… Parfois des échanges concentrés marquent l’attention sur des visages en échange autour de cordes ou des courbes d’un oud ou d’un loutar.
Quelques fois une musique sort de ces boutiques comme ce jour, à la tombée de la nuit, qui a suspendu mes pas à l’écoute puis à la curiosité au point de pousser mon audace jusqu’à pénétrer ici en ce lieu si particulier. Seule boutique qui expose peu d’instruments et qui garde la mémoire d’autres activités qui animaient cette rue d’échanges, de rencontres, de projets... Le musicien, ici, est aussi enseignant et reçoit les après-midis ou les fins de journées des apprenti(e)s musicien(ne)s comme j’ai pu l’observer à l’occasion de mes dérives dans la médina. Souvent je me suis assis sur le seuil de la maison mitoyenne de sa boutique pour « boire » et enregistrer la musique qui s’échappait de ce réduit si large à mon cœur avant de continuer mon chemin sans le déranger.
Ces boutiques assuraient pour certaines d’entre elles une fonction de local de musiciens organisés en troupe ou non ; un lieu de recrutement de musiciens pour animer des spectacles, des mariages, une circoncision, une fête, des fêtes… Un lieu aussi de rassemblement de la petite société de musiciens de la médina de passage ou résidents, un lieu de sociabilités professionnelles.
Une petite rue à la croisée d’un réseau de lieux dans et hors la ville : médina, ville européenne, d’autres villes du pays ou à l’étranger. Loin de répondre uniquement à la demande en instruments de musique traditionnelle, elle contentait aussi les musiciens, apprentis ou professionnels, qui s’adonnaient à la musique occidentale. L’américanisation de la culture marocaine est passée aussi par la médina, espace portuaire, qui a eu ses hauts lieux en la matière à l’image du quartier-rue dénommé Chicago.
La rue des musiciens, rue de Chlouh, rappelle la mémoire cosmopolite et artistique vivante de la médina qui loin d’être enfermée dans l’indigénat, représentation prégnante jusqu’à aujourd’hui, était un espace ouvert, pluriel traversé par les courants d’air de l’histoire nationale et internationale. Un véritable creuset social et culturel qui a constitué un laboratoire de macération des identités urbaines casablancaises : bidhawa. Des mémoires incarnées par des figures notables, familières ou oubliées qui ont traversé Derb Chlouh en étoiles filantes.

Abdelmajid Arrif

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