• il y a 3 ans
Héritage pour tous, taxation du capital, rééquilibrage des pouvoirs en entreprise… L’économiste Thomas Piketty a exposé à l’Agora de la Fête de l'Humanité, samedi, ses propositions pour un « socialisme décentralisé participatif autogestionnaire ».

Il fallait user d’habileté pour trouver un interstice où se faufiler dans le public pour espérer entendre Thomas Piketty à l’Agora ce samedi. L’économiste et auteur du Capital au XXIe siècle était venu présenter la vision d’un socialisme moderne qu’il défend dans son dernier ouvrage Une brève histoire de l’égalité pour réduire les écarts entre riches et pauvres. « Le facteur de changement le plus important risque d’être le réchauffement climatique. Cela va changer la perception qu’ont les Français des milliardaires qui se baladent en jet privé », postule-t-il.
Proposant l’instauration d’un « héritage pour tous », qui doterait tous les Français de 120 000 euros à l’âge de 25 ans, et réduirait par un mouvement symétrique la fortune des millionnaires, le spécialiste des inégalités de patrimoine insiste sur la nécessité de ne pas tout miser sur une réforme fiscale pour espérer atteindre l’égalité, mais de replacer ces mesures dans un ensemble de dispositions à prendre pour instaurer un « socialisme décentralisé participatif autogestionnaire » aux antipodes du système soviétique « axé sur l’étatisation des moyens de production et extrêmement centralisé ».

Dans ce mouvement vers l’égalité, Thomas Piketty propose de redonner du pouvoir aux salariés dans leur entreprise, en leur accordant 50 % des droits de vote dans les conseils d’administration, et de limiter à 10 % les droits de vote des actionnaires individuels. Sur le plan des institutions, l’enseignant à l’EHESS plaide pour une réforme du financement des partis politiques qui s’appuie notamment sur les travaux de Julia Cagé.

Souhaitant éviter l’écueil d’un système purement centré sur l’Hexagone, l'économiste inscrit sa réflexion sur l’égalité dans un cadre mondial. « La taxe sur les multinationales n’a profité qu’aux pays du Nord », souligne-t-il, estimant en outre que le capitalisme occidental ne peut ignorer qu’il s’est enrichi par l’esclavage et la colonisation. « Personne n’est responsable individuellement de ce qui a été fait avant, mais chacun est responsable de le prendre en compte dans son analyse », pointe-t-il, estimant à 30 milliards d’euros les réparations que devrait verser la France à Haïti pour la spoliation des richesses du pays exercée pendant plus d’un siècle par l’ex-tutelle coloniale. « Tout cela ne se fera pas en appuyant sur un bouton, il faudra des réformes constitutionnelles, mais est-ce qu’il faut pour autant s’interdire de mener cette lutte parce qu’elle est longue à mener ? »

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