• l’année dernière
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00:00 * T T T T T T *
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00:08 France Culture, Olivia Gesper, bienvenue au Club.
00:12 * Musique *
00:17 Bonjour à tous, Ciné-Club, aujourd'hui avec Annabelle Langronne.
00:21 Après Les femmes du square, sortie à l'automne dernier, la comédienne sénégalaise
00:24 Martine Liquez, remarquée il y a 7 ans dans La fine équipe, revient en mère courage
00:29 et femme libre devant la caméra de Léonore Serail.
00:31 Annabelle Langronne est la révélation de ce film, un petit frère qui nous parle d'immigration
00:36 par le prisme de la famille, mais aussi des amours d'une femme qui fait comme elle peut
00:41 et de la difficile émancipation dans la France des années 80.
00:45 Annabelle Langronne est aujourd'hui l'invité de Bienvenue au Club.
00:49 * Musique *
01:02 * T T T T T T *
01:04 Une émission programmée par Henri Leblanc, préparée par Laura Dutèche-Pérez, réalisée par Félicie Fauger,
01:11 avec Lucas Finet à la technique. Rose a quitté la Côte d'Ivoire et son mari.
01:16 Elle est partie pour la France avec deux de ses enfants, Jean et Ernest, qu'elle élève comme elle peut
01:21 tout en gagnant sa vie et tout en refusant de se laisser enfermer dans un mariage qu'elle n'a pas choisi.
01:27 Un petit frère, bande annonce.
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02:56 Et bonjour Annabelle Langrone. Bonjour. Ce personnage de Rose que vous interprétez dans ce film,
03:01 un petit frère de Léonore Serra. Elle a une envie de liberté, mais est-ce qu'elle est libre cette femme ?
03:07 Moi je trouve qu'on pose beaucoup de questions sur la liberté de Rose et si ça avait été un homme, peut-être qu'on serait moins interdit.
03:16 Mais là c'est une femme, c'est vraiment l'héroïne de ce film.
03:18 Elle est chef d'une famille monoparentale. Souvent les personnes qui immigrent en France, leur déploiement ne sont pas reconnus en France.
03:28 Et du coup, elle doit rétrograder sa situation sociale en étant femme de ménage. Et donc il lui reste un tout petit peu de place pour découvrir ce pays.
03:40 On est aussi face à quelqu'un qui a suivi une éducation sentimentale. Elle a d'autres enfants en Côte d'Ivoire. Elles sont très jeunes.
03:48 C'est tout ce qu'on sait. Parce que d'où elle vient, ce qu'elle a vécu avant, c'est vraiment le hors-champ.
03:53 Exactement. Peut-être que de manière subjective, elle n'a pas envie d'en parler, donc le film n'en parle pas.
03:58 Mais du coup, le peu de liberté qu'elle a, elle l'exploite à fond. Je pense que c'est ça, elle est libre, moi je trouve.
04:07 Le cinéaste Léonor Serraï s'est inspiré de l'histoire familiale du père de ses enfants à elle pour tisser cette histoire, "Un petit frère".
04:15 C'est une histoire vraie, mais c'est aussi simplement l'histoire d'une famille et l'histoire peut-être de milliers de femmes qui sont arrivées ici un jour,
04:24 de là-bas, peu importe d'où, et qui ont dû se construire, qui ont dû se reconstruire d'une certaine manière.
04:31 Quelle était l'histoire de Léonor Serraï par rapport à ça et pourquoi, d'après ce qu'elle vous a raconté, la réalisatrice aussi, elle a voulu se saisir de ce récit ?
04:38 Moi je sais que ce qu'elle m'a raconté, c'est que son compagnon, enfin le père de ses enfants, lui a dit qu'il avait du mal à parler avec sa maman de tout ça,
04:50 de l'immigration, de leur arrivée, et donc du coup il lui a donné carte blanche pour raconter cette histoire.
04:57 Alors c'est romancé quand même, d'après ce que je sais. La vraie rose n'est pas comme celle que j'interprète, pas exactement.
05:06 Elle est comment, la rose que vous interprétez ? Comment vous la décririez-vous, votre personnage ?
05:13 Ma rose à moi, elle a du panache, parce que je n'ai aucune idée de ce que c'est que d'arriver avec des enfants en bas âge dans un pays étranger,
05:23 on n'en parle pas mais il y a une situation d'irrégularité par rapport aux papiers et tout, et d'être logée chez quelqu'un d'autre aussi.
05:31 Chez la famille ?
05:35 Oui, quelles épreuves, mais tout ça, elle le traverse avec beaucoup de panache.
05:40 On ne sent pas d'ailleurs de colère chez elle, dans ce personnage de rose en elle, rien à voir avec le personnage de championne de boxe Aya
05:48 que vous avez interprétée vous, Annabelle Langrone, dans le téléfilm "Dambé, la tête haute".
05:53 Elle est lumineuse cette femme rose, comme l'a décrit son fils au tout début du film.
05:59 Quel est pour vous le moteur de sa vie ? Quel est le sentiment, l'émotion qui la guide ?
06:04 Moi je pense que c'est quelqu'un qui vise l'excellence, qui est exigeante.
06:14 Le mot qui pourrait la caractériser c'est l'exigence.
06:18 L'exigence pour elle-même, l'exigence pour ses enfants et l'exigence aussi dans la liberté.
06:25 Exigence. Moins l'envie pour elle de réussir que l'envie que ses enfants réussissent.
06:33 Mais réussissent à quoi ? On écoute un extrait où on ne doit pas pleurer.
06:37 Si vous voulez que vos frères soient fiers de vous, vraiment très très très fiers de vous, il faut être des champions.
06:45 Des vrais champions. Il faut travailler à l'école, il faut être plus fort que les autres.
06:49 Il faut beaucoup travailler à l'école.
06:51 Il faut travailler encore plus. Et on ne pleure pas. On ne pleure devant personne.
07:01 Si vous avez envie de pleurer, vous vous cachez. Mais on ne pleure pas.
07:06 On ne pleure jamais dans la tête.
07:09 Exactement. Tu as entendu ton frère ? On pleure dans la tête. D'accord ? C'est bien.
07:20 Oh Mérite ! Est-ce que vous avez grandi vous, Annabelle Langone, avec cette même idée qu'il fallait réussir, qu'il ne fallait pas pleurer, avancer en général dans la vie ?
07:29 Non, moi j'ai grandi dans une famille aimante. Mais je suis l'aînée.
07:39 Alors je pense qu'il y a une forme de pression, en tout cas pour donner l'exemple, par rapport à mon petit frère.
07:50 Mais l'enjeu n'est absolument pas le même que celui d'Orose et de ses enfants, qui eux doivent être la génération qui a fait mieux que la précédente.
07:59 Alors peut-être que ça existe dans toutes les familles aussi, mais là en tout cas, par rapport aux propos du film, ce n'est pas la même chose.
08:05 Non, mais cette idée du mérite, c'est un concept très républicain et très français aussi.
08:09 Oui, c'est sûr.
08:11 Mais qui n'a pas été pour vous une source de pression d'après ce que vous dites. C'est un conte, ce film, réellement.
08:17 Il y a aussi, et vous l'évoquiez comme tel à l'instant, cette idée du roman, un aspect très romanesque dans la manière de raconter cette histoire, de tisser ce fil aussi pour Léonore Serraille, la réalisatrice.
08:31 D'autant qu'elle a construit son récit par des chapitres.
08:35 C'est-à-dire qu'on s'attache au fil du film aux trois personnages principaux.
08:39 A Rose, la mère que vous incarnez, et puis aux deux fils, Jean et Ernest, successivement.
08:45 Avec Jean qui est le grand, Ernest qui est le petit, le petit frère justement que vous rappeliez à l'instant.
08:51 Comment vous, vous avez parcouru cette, c'est quoi, une, deux décennies le fil de cette histoire.
08:56 Comment votre personnage le traverse-t-il ?
08:59 Au début, c'est marrant parce qu'au début, Rose est quelqu'un qui explore plein de choses, qui tout en triment énormément, s'amuse aussi.
09:13 Et à la fin, il y a une forme de résignation au milieu et à la fin.
09:18 Parce qu'au début, quand même, elle et ses enfants habitent dans un placard et elle a envie, en partant à Rouen, d'avoir sa maison à elle.
09:29 Elle se marie avec le fameux Jules César, un homme qu'elle rencontre au début du film.
09:34 Le fameux, parce que c'est pas commun de s'appeler Jules César.
09:36 Voilà, exactement.
09:37 Ça la fait bien rire.
09:38 Elle s'unit à cet homme-là parce que la liberté a un prix à payer.
09:44 On paie le prix de sa liberté. Donc voilà, elle fait un métier fatigant.
09:48 Elle est loin de ses enfants.
09:49 Elle a envie de se poser.
09:53 Et voilà, je pense qu'elle va de résignation à renonciation.
09:58 Est-ce que c'est une bonne mère pour vous ?
10:01 Mais comment peut-on juger une mère qui a fait tout ce qu'elle a pu, comme elle dit, pour ses enfants ?
10:10 Moi, je pense juste que c'est une mère, tout simplement.
10:12 Moi-même, je ne le suis pas.
10:14 Mais toutes les personnes, femmes autour de moi, qui ont des enfants, me disent qu'elles apprennent sur le tas.
10:22 Et elle aussi, dans le temps qu'elle a pour exercer aussi cette fonction de mère.
10:29 On en parle de la mode des années 80, des perruques mais roses aussi, qui racontent quelque chose de l'époque.
10:35 Oui, en fait, c'est vrai que les perruques, ça permet de...
10:43 Moi, en tout cas, je suis née en 87. L'action commence en 89.
10:47 Donc je n'ai pas connu cette époque-là, véritablement.
10:50 Mais ça permet de donner une énergie au personnage.
10:55 Et il est vrai que c'est comme ça qu'on arrive à rentrer dans les années 80, 90.
11:03 Par exemple, au milieu du film "Roses à peu près 40 ans", on a pensé à Whitney Houston avec la chef perruquière.
11:10 Parce qu'on se coiffe un peu comme les idoles qu'on voit à la télé.
11:14 Donc c'était génial de pouvoir, tout en restant le même personnage, changer de tête.
11:21 Oui, et puis il y a cette envie de métamorphose pour elle, au fil du temps qu'elle passe depuis son arrivée en France.
11:28 Au début du film, elle a les cheveux plutôt longs, frisés, avec quelques mèches blondes.
11:32 Et petit à petit, elle s'affirme.
11:34 Et ses coiffures qu'elle peut aussi arborer, choisir, à un moment racontent une personnalité qui, de plus en plus, elle aussi trouve ses marques.
11:43 Léonore Serail, elle fait partie de la jeune génération des réalisateurs français.
11:47 Qu'est-ce qu'elle apporte pour vous en termes de direction d'acteur ? Quelle est sa singularité ?
11:53 La singularité de Léonore, c'est que la rencontre a été très mystique. Je ne trouve pas les mots pour l'exprimer.
12:05 En casting, quand je suis arrivée, Rose était dans la salle, dans la pièce.
12:13 Léonore était là, et en me parlant de Rose, elle existait déjà.
12:19 On a fait un travail en amont tellement important sur ma vision du personnage, sur le scénario.
12:26 Elle était prête à ce que les phrases de Rose en scénario soient changées, puisque comme elle l'a très bien dit, tu dois connaître le personnage mieux que moi.
12:33 Et il t'appartient complètement.
12:35 On arrive face à quelqu'un qui a énormément confiance et qui travaille beaucoup sur la vision qu'on a du personnage,
12:45 qui n'est pas là pour donner une direction d'acteur, finalement.
12:48 Donc on a eu beaucoup de liberté, mes partenaires de jeu et moi-même, en arrivant, parce qu'on a beaucoup parlé du personnage en amont.
12:57 A travers sa caméra ou à travers ce rôle, est-ce que vous, vous avez appris ou réappris à vous connaître ?
13:05 Moi, j'ai découvert la liberté sur un plateau de cinéma, en tout cas la liberté de jeu.
13:12 Parce que comme on est tellement bien préparé à l'avance, on peut faire grossir le personnage dans le sens où on passe plus de temps avec le personnage.
13:26 C'est aussi un film de femmes, parce que tous les chefs de poste étaient des femmes, que ce soit la costumière, la productrice, l'ingénieur du son, la chef opératrice, Hélène Nouvart.
13:39 C'était une nouvelle manière de travailler, parce qu'il y avait une énergie féminine sur le plateau.
13:46 Et c'était cool.
13:48 Apprendre à se connaître, c'est aussi peut-être un récit d'apprentissage, et c'est aussi à ça que sert le cinéma.
13:56 Est-ce que ça vous avoue, amener à revisiter votre relation avec votre propre mère, votre propre vécu, jusqu'à vos 20 ans,
14:05 comme Ernest et Jean, les deux fils du film, à relire autrement votre histoire, que vous avez déjà racontée,
14:13 notamment celle de votre mère biologique, arrivée du Sénégal à Paris, enceinte et qui avait accouché sous X ?
14:19 Moi, en tout cas, il est sûr que ce rôle m'a permis de me connecter à ma maman biologique,
14:25 parce que je me suis dit, tiens, si elle était restée en France, peut-être que ça aurait été sa vie,
14:33 ça aurait sûrement été une forme de vie, de parcours pour elle.
14:40 Et c'était une forme de rapprochement et d'hommage aussi au courage de ses mères célibataires.
14:49 Et donc, waouh, c'est ouf, ce métier en tout cas promet de belles surprises.
14:57 Et donc, oui, je suis contente de la toucher un petit peu du doigt grâce à ce rôle.
15:05 Grâce à ce film. Et à 35 ans, vous avez le sentiment, vous, de faire partie maintenant d'une autre génération,
15:10 d'une génération qui a un peu tourné la page de cette histoire-là ?
15:13 C'est-à-dire ?
15:15 Est-ce que vous avez le sentiment que, et le film le raconte, la génération d'Ernest et Jean, qui est la vôtre aussi,
15:21 celle des enfants qui ont grandi en France, écrit maintenant une autre histoire, une autre page de l'histoire ?
15:29 En fait, je pense qu'il faut toujours se rappeler de là d'où on vient.
15:33 Mais les racines donneront de belles feuilles après.
15:40 Et c'est ce qui est en train de se passer, je trouve qu'en ce moment, quand on voit Steve Achebo avec son film "Le marchand de sable",
15:48 Maïmona de Corée avec Hawa, Jean-Pascal Zadi,
15:53 c'est des gens qui sont, je ne vais pas dire issus de l'immigration, mais bon bref,
15:57 qui ont des parents qui sont arrivés d'Afrique subsaharienne pour leur donner un avenir radieux.
16:06 Et ils s'approprient leur propre histoire.
16:10 Et voilà, en partant de là d'où on vient, on peut aussi écrire l'avenir.
16:16 Donc c'est une époque très intéressante.
16:20 D'autant que se sentir peut-être 100% ou totalement français aujourd'hui, il y a une manière très claire de le faire.
16:27 Et on peut reprendre la phrase que Rose dit à un moment à son fils qui a grandi, Ernest, qui est désormais prof de philo.
16:34 On raconte que le film surpasse une ou deux décennies, où au départ, les enfants, le petit frère est tout petit, tout minot, il a à peine 5 ans.
16:42 Elle lui dit "la dépression, c'est pas pour nous, tu as trop traîné avec les Blancs".
16:46 Aujourd'hui, est-ce que vous vous sentez autorisée à être déprimée ?
16:50 En fait, cette phrase soulève un sujet très tabou dans les communautés maghrébines et d'Afrique subsaharienne.
16:56 On parle de la santé mentale, qui n'est pas traitée du tout.
17:04 Par exemple, je sais que pour les populations subsahariennes, Mali, Sénégal, on parle d'aller voir un marabout pour enlever le mal.
17:10 Il n'y a aucun cliché là-dedans, c'est vraiment la réalité.
17:13 Et donc ça dit aussi quelque chose sur Rose, par rapport à sa génération, par rapport de là d'où elle vient.
17:20 Et aussi ce fait de cette pression énorme de "il faut juste réussir".
17:26 - De ne pas s'autoriser à craquer. - Voilà, exactement.
17:29 - C'est une maladie de Blancs ou une maladie de riches ?
17:31 - Oui, mais je pense que le fait d'en parler déjà c'est tabou.
17:35 Donc c'est peut-être pour ça qu'elle dit que ça appartient à d'autres.
17:40 Mais dans cette famille en tout cas, ils ont du mal à se parler.
17:44 Et c'est pour ça que nous en tant qu'acteurs, il y a plein de choses à jouer et c'était super.
17:48 - Est-ce que c'est un film qui pose aussi pour vous la question de la couleur en France, aujourd'hui encore ?
17:53 - Moi je sais qu'en présentant le film, que ce soit à Paris ou en province,
17:58 il y a beaucoup de gens, notamment une personne en particulier,
18:01 qui nous a dit que ce n'était pas très difficile d'oublier la couleur de Rose et de ses enfants,
18:05 pour s'identifier à eux en fait.
18:08 Donc, Rose pourrait venir d'Ukraine, parce qu'en ce moment il y a quand même aussi ce drame-là qui se joue.
18:15 J'en ai marre en fait qu'on parle de la couleur, parce qu'à chaque fois ça pose un problème.
18:21 - C'est très présent dans le film quand même aussi, jusqu'à la fin avec le contrôle de police qui advient.
18:26 - Ah mais nous on n'a rien demandé.
18:29 Et en fait cette scène est là, parce qu'il ne faut pas oublier que dans la vie ça se passe comme ça.
18:38 A chaque fois, quand on a cette injonction-là, c'est pour nous rappeler qu'on ne vient pas d'ici, alors que si en fait.
18:46 Moi personnellement je suis dans une ciné-galesse, mais je suis française.
18:50 - Et vous avez grandi en Martinique, le pays natal d'Aime Césaire.
18:53 "Noir n'est pas mon métier", écrit la comédienne Aïssa Maïga dans un ouvrage collectif,
18:57 où elle a interrogé justement la condition des Noirs dans le cinéma français.
19:00 À l'image peut-être simplement de ce qu'elle est dans la société en général,
19:04 il y avait onze actrices qui ont contribué à ce livre, pas vous.
19:07 Vous n'avez pas été sollicité, vous n'avez pas souhaité ?
19:10 - Moi j'étais en tournage au moment où elles ont commencé à se présenter aux médias par rapport à ce projet.
19:18 Et j'étais tellement fière et heureuse de voir le courage qu'il faut pour affirmer cela.
19:24 Parce que je crois que ce problème prend beaucoup plus de place que le travail que j'ai à faire en tant qu'actrice en tout cas.
19:31 C'est épuisant d'être assignée à des émotions.
19:36 C'est-à-dire celle de l'échec, de la précarité et aussi d'être la proie, d'être sauvée tout le temps.
19:45 - Dans le cinéma, par les rôles.
19:48 - Mais bon, ça commence à se fissurer tout ça. Il faut travailler encore, encore, encore mais ça avance.
19:54 - 12h21 sur France Culture avec notre invitée, la comédienne Annabelle Langrone.
20:00 [Bruit de la vallée]
20:10 [Musique]
20:36 [Musique]
20:56 [Musique]
21:25 [Musique]
21:35 France Culture, bienvenue au club.
21:38 Olivier Ghespert.
21:40 [Musique]
21:52 [Musique]
22:00 [Musique]
22:29 [Musique]
22:42 Retour dans les années 90, y compris avec la bande son, la bande originale de ce film
22:48 "Un petit frère" de Léonor Serail. Magnifique.
22:50 On retrouve dans le film ce mélange des genres musicaux, bac, croisés avec des chants de la forêt gabonaise,
22:55 la grande musique avec des rythmes de musique traditionnel.
22:58 C'est un extrait de l'album "Lambarena" sorti en 94 de Hugues de Courson, complice de Patrick Modiano à ses débuts.
23:05 Ici avec l'arrangeur Pierre Hacquendeguet.
23:08 Et c'est très très beau d'entendre ce mélange tout au fil de ce film.
23:12 Il ne fallait surtout pas que Rose, Annabelle Langrone, ait des allures de Stan la rappeuse,
23:18 coaché sur le tournage par Oxmo Puccino, que vous incarnez dans la fine équipe de Magali, Richard Serrano.
23:25 Autre flot, autre phrasé. Sinon vous auriez été à contre-temps d'ailleurs, plus anachronique.
23:30 Rose arrive en France dans les années 80-90 et là c'est vraiment un rap beaucoup plus contemporain qui est raconté dans le film.
23:37 Néanmoins, est-ce que la technique vocale que vous avez acquise sur le tournage de la fine équipe pour ce film-là vous a servi, vous sert encore aujourd'hui ?
23:46 Alors je pense que, moi je ne suis pas rappeuse et il fallait interpréter quelqu'un qui fait ça depuis des années.
23:53 Mais le rythme est très important dans un film pour un personnage, son phrasé.
24:00 Et là il se trouve que Rose, qui arrive de Côte d'Ivoire, ne parle pas comme moi je parle.
24:05 Et du coup ce rythme-là, dans le jeu non-verbal, qui a beaucoup de place dans ce film, a été important.
24:14 Et moi m'a aidée à créer d'autres choses par rapport à ce que je pouvais proposer avant, dans toutes les femmes que j'ai incarnées.
24:23 Et qu'est-ce que le théâtre vous a apporté parce que vous venez des planches ?
24:26 Oui, j'ai commencé par le théâtre. J'ai fait une école qui s'appelle Claude Mathieu, dans le 18ème, à qui je rends hommage.
24:33 Et travailler sur sa présence, faire travailler tout le corps aussi, ne pas être que de face, essayer de raconter quelque chose avec des petits mouvements de la main ou d'autres parties du corps.
24:54 Et puis le travail sur le texte surtout. C'était une école très rigoureuse sur le travail du texte et qui nous a appris à travailler seule et d'être prête pour un tournage.
25:07 Dans le film, dans "Un petit frère" en salle mercredi, vous retrouvez Amethyla qui était avocate dans "Les femmes du square",
25:13 qui est jeune prof de philo dans "Un petit frère". Votre fils, alors que vous n'êtes pas loin d'avoir le même âge tous les deux.
25:18 On a deux ans d'écart.
25:20 Les femmes du square, ça a été une autre aventure avec Julien Rambaldi à la réalisation, qui était sortie à l'automne dernier.
25:27 Une comédie sociale sur ces nounous africaines embauchées pour s'occuper des enfants de bonnes familles, souvent exploitées et invisibilisées.
25:35 On retrouve un peu la même démarche quand même qu'avec le film de Léonor Serra.
25:38 C'est l'importance aujourd'hui de créer des nouveaux récits dans lesquels tout le monde puisse se reconnaître, avec un cinéma qui met de plus en plus la lumière sur les marges.
25:48 Vous n'avez pas ce sentiment-là ?
25:50 - Moi, je pense que c'est plutôt certaines personnes qui mettent la lumière sur...
25:54 Le cinéma suit ce qui est en train d'arriver.
25:57 Ça veut dire qu'il y a des gens qui ont besoin de raconter leurs histoires depuis très longtemps.
26:03 On ne leur a pas permis de le faire.
26:05 Et avec les nouvelles formations qui arrivent, avec la nouvelle technologie,
26:09 certains arrivent à s'emparer de tout ça pour pouvoir raconter leur histoire.
26:16 Et donc, quand il y a de la création, il y a de l'urgence.
26:20 Et il y a de l'urgence à raconter nos histoires.
26:25 - Et ça donne sens à la création aujourd'hui.
26:27 Ça lui donne encore plus toute son importance.
26:29 Quand on n'a même pas le bac, on ne peut pas espérer la lune.
26:32 On se souvient de cette réplique dans "Fille de joie" où vous étiez vous, Conso.
26:35 Quand on n'a même pas le bac, ça n'empêche pas d'avoir des rêves.
26:37 Alors vous, le bac, vous l'avez. Et les rêves aussi ?
26:39 - Oui, complètement.
26:41 - Le plus grand, aujourd'hui ?
26:42 - Comment ?
26:43 - Le plus grand rêve que vous ayez aujourd'hui ?
26:45 - Je ne vais pas vous le dire.
26:46 - Pourquoi ?
26:47 - Sinon, il ne se réalisera pas.
26:48 - Mais si !
26:49 - Non, non, en tout cas, ceux auxquels je pensais il y a quelques années sont en train d'arriver.
26:52 Il y en a d'autres qui arrivent.
26:54 Donc voilà.
26:56 Mais en tout cas, je suis ravie de...
26:58 Moi, ce que j'aimerais faire et ce que je suis en train de faire,
27:00 c'est travailler avec les meilleurs dans les meilleures conditions.
27:02 - C'est qui les meilleurs ?
27:03 - Et Léonore Serail.
27:05 C'est une jeune réalisatrice.
27:06 Dans dix ans, elle va être monstrueusement forte de création et de proposition.
27:12 Donc merci, Léonore Serail.
27:14 - On rappelle qu'un petit frère était en compétition aussi au dernier festival de Cannes
27:19 et que vous êtes à la tête d'affiche de ce film, Annabelle Langrone, qui sort en salle mercredi.
27:24 Merci mille fois à vous d'avoir été avec nous.
27:25 - Merci beaucoup.

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