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00:00France Culture, les matins d'été, Quentin Laffey.
00:05Et Nimbaumont, Fréjus ou encore Perpignan et Ayang, une dizaine de villes françaises
00:10sont aujourd'hui administrées par des élus du RN.
00:13Véritable vitrine de la normalisation du parti d'extrême droite, ces villes sont les laboratoires
00:18du Rassemblement National à l'échelle locale.
00:21Politique culturelle, gestion des comptes publics, sécurité, probité.
00:24Qu'est-ce que l'administration de ces communes qui ont essayé le RN nous enseigne sur la
00:29façon dont ce parti exerce le pouvoir ? Pour en parler, trois invités ce matin.
00:34Camille Vigon-Lecouet, bonjour.
00:35Bonjour.
00:36Vous êtes journaliste, grand reporter au Nouvelle Obs, autrice de l'enquête intitulée
00:40Les Rapaces, enquête sur l'exercice du pouvoir du RN dans la ville de Fréjus, dans le Var,
00:45un ouvrage qui a paru aux éditions Les Arènes.
00:48A distance, Jean-François Poupelin, bonjour.
00:50Bonjour.
00:51Vous êtes journaliste indépendant, vous avez récemment signé pour Mediapart une enquête
00:55sur le bilan du RN municipal et nous serons rejoints dans quelques instants.
01:00Elle est coincée dans son taxi par Safia Dhani, elle est docteure en sciences politiques
01:04de Sciences Po Toulouse, post-doctorante en sociologie à l'EHESS, co-directrice de
01:08l'ouvrage Sociologie politique du Rassemblement National aux presses universitaires du Septentrion.
01:14On commence avec vous Camille Vigon, peut-être nous dresser un paysage de ce que sont ces
01:19villes Rassemblement National depuis 2020, combien est-ce qu'il y en a, où est-ce qu'elles
01:24se situent en France ?
01:25Il y en a une dizaine, elles se situent un peu partout, on en a dans les Hauts-de-France,
01:28on en a, vous n'avez pas l'air d'être fréjus dans le Var, il y en a aussi dans
01:32l'Est.
01:33Ce qui est important, c'est que pendant des années, les villes du RN, et aujourd'hui
01:38encore, sont montrées par Marine Le Pen et ses proches comme la vitrine du parti.
01:43Aujourd'hui, c'est le seul exécutif local qui est géré, le seul échelon local qui
01:48est géré par le RN, ils n'ont pas de département, ils n'ont pas de région, et donc ça me
01:52semblait important d'aller regarder concrètement la gestion municipale du RN, qu'est-ce que
01:57ça veut dire.
01:58Marine Le Pen a coutume de dire qu'elle a une gestion exemplaire, que ces villes reflètent
02:02sa capacité à gouverner demain peut-être le pays, et donc c'est important de retourner
02:09au terrain, aux faits, et d'aller voir qu'est-ce que ça veut dire sur la dette, sur la police
02:13municipale, sur les logements sociaux, sur le racisme ou pas, sur la politique culturelle,
02:17autant de choses très concrètes et qui éclairent d'un jour assez nouveau, souvent en contradiction
02:22au moins en partie, avec le discours officiel du mouvement.
02:26Alors on parle de vitrine, on parle également énormément de laboratoire, est-ce que ces
02:29lieux, ces communes sont des endroits où l'on tente des choses, où le RN essaye des
02:34politiques publiques, ou c'est seulement un vecteur, j'allais dire, de crédibilisation
02:39de l'exercice du pouvoir ?
02:40Ils sont plus apeurés qu'ils ne tentent des choses, il faut avoir en tête que le RN
02:48est traumatisé par l'expérience des années 90, désastreuse, dans une série de villes
02:53à l'époque Front National, qui se sont extrêmement mal terminées.
02:59Il faut rappeler en 1995 qu'il s'est passé 4 villes, 3 en 1995, Marignane, Orange, Toulon
03:06deviennent les premières villes dirigées par le Front National, une quatrième Vitrolles
03:11en 1997.
03:12Et partout ça se passe très très mal, et ça finit généralement devant les tribunaux
03:15avec des élus qui sont à la fois excessifs, radicaux, et dont la probité va assez vite
03:21être mise en cause, et ça c'est vraiment le contre-exemple que Marine Le Pen a en tête
03:26quand en 2014 elle fait tomber une grosse dizaine de mairies, à tel point que le parti
03:32à l'époque va promettre, j'ai retrouvé ça en fouillant dans les archives, la mise
03:36en place d'une cellule de surveillance des mairies à la direction du Front National
03:41de l'époque.
03:42Ça n'aura pas du tout été fait, il n'y a pas eu ce suivi, ce pilotage, mais c'est
03:48dire l'importance capitale que revêt la gestion municipale de ces villes, donc les
03:53maires vont avoir à la fois tendance à d'un côté montrer patte blanche, essayer
03:58de se normaliser en ayant la gestion la plus classique, patte vaguiste possible, si on
04:05peut dire ça comme ça, en tout cas en apparence normalisée, et en même temps ce sont des
04:09élus qui pour beaucoup viennent du Front National de l'époque Jean-Marie Le Pen,
04:15qui vont avoir un entourage qui charrie son lot de radicalité, et donc vont par moment
04:22soit quasiment contre leur gré, avec le naturel qui revient au galop, laisser échapper certaines
04:31choses de radicalité, soit par amateurisme aussi, parce que leur entourage ne va pas
04:34être formé à cette gestion de communes, laisser de nombreux débordements dans les
04:43mairies du RN.
04:44Et alors c'est le cas par exemple à Fréjus, Camille Vigone, ce cas que vous connaissez
04:48bien puisque vous y avez enquêté pendant plus de deux ans, c'est ce que vous avez
04:51observé, une tentative d'abord de normalisation et ensuite tentée de contenir l'amateurisme
04:58que vous décrivez ?
04:59Oui alors Fréjus c'est vraiment particulier et assez emblématique, David Rachine en 2014
05:04quand il fait sa campagne il promet la fin d'un système clanique qui existe dans le
05:08Var, un système affairiste, il promet d'avoir un visage très apaisé, normalisé, d'être
05:16le maire de tous les citoyens de Fréjus, et ce qu'on voit rapidement c'est déjà
05:22qu'il souffre d'un manque d'entourage, de personnes compétentes, expérimentées.
05:31Déjà la composition de sa liste va s'appuyer essentiellement sur des militants et leurs
05:37familles du Front National de l'époque, donc on a, je ne sais plus, je crois que c'est
05:42quatre couples sur la liste de 2014, on a la propre mère de David Rachine, on a ce
05:47genre de personnalité.
05:48Il prend son meilleur ami, un ancien surveillant de prison, pour exercer le rôle assez clé
05:54de chef de cabinet, c'est que des profils comme ça qui sont pour beaucoup des militants
05:59historiques du Front National, et alors il y a la surface et très vite dans la coulisse
06:08on observe d'une la reprise en main d'un système affairiste, notamment à travers
06:14des liens exclusifs avec un entrepreneur locaux, et de deux, on va dire les fondamentaux
06:19le pénis, c'est-à-dire on fait travailler tout un tas de prestataires liés au GUD,
06:24le groupe Union Défense, un syndicat radical étudiant d'extrême droite, on sous-couvert
06:31d'alcool, de soirées, on laisse proférer des paroles racistes, des saluts nazis, y
06:35compris dans l'enceinte de la mairie, enfin voilà, c'est ce genre de témoignages que
06:38j'ai pu recueillir et qui dessinent une réalité très très éloignée de la ville
06:42exemplaire vitrine, Fréjus c'était quand même la seule grande ville jusqu'à Perpignan
06:47en 2020 de plus de 50 000 habitants, et celle où Marine Le Pen tous les ans faisait sa
06:52grande rentrée parlementaire, sa grande rentrée politique en septembre, et ce qu'on découvre
06:58en s'y penchant sérieusement c'est que la réalité est très très éloignée de
07:01la vitrine.
07:02On va revenir bien sûr dans le détail sur les politiques publiques mises en œuvre
07:05par la ville de Fréjus, par ses autres communes dirigées par le Front National, avant cela
07:10Jean-François Poupelin, vous avez, pour Mediapart, dessiné un paysage de ce rassemblement
07:15national municipal, de ce RN municipal, quels sont peut-être les traits communs entre ces
07:21communes en matière de politique publique et de sujets de prédilection ?
07:24Alors, les sujets de prédilection, ils reviennent au triptyque qui avait été défini par Marine
07:30Le Pen en 2014, c'était la baisse des impôts, le renforcement de la sécurité, la suppression
07:35des subventions aux associations communautaires.
07:37C'est un premier programme, après, notamment en termes de baisse d'impôts, ça a des conséquences
07:47sur les politiques publiques, notamment sur les services publics, en matière de services
07:50publics, en matière de politique sociale aussi.
07:54Pardonnez-moi si je vous coupe, vous êtes à distance, si je insiste un instant sur la
07:58baisse d'impôts, est-ce que ces baisses d'impôts promises sont effectives ? Est-ce que les habitants
08:02s'y retrouvent dans les baisses d'impôts ?
08:04Alors, en général, il y a au moins, les mairies n'augmentent pas, les maires et reines n'augmentent
08:10pas les impôts.
08:11Après, il y a toujours des leviers qui sont un petit différent sur les taux, mais d'une
08:16manière générale, s'il y a des hausses, elles sont vraiment minimes et cet engagement
08:20est plutôt pris.
08:21Ce qui a, comme je vous le disais, des conséquences quand même sur les politiques publiques,
08:26notamment en termes de services publics, où le premier, les écoles, on retrouve assez
08:31régulièrement, alors pas un abandon total, mais en tout cas un sous-investissement.
08:36A Perpignan, à la rentrée 2023, la CGT s'inquiétait notamment de la sous-dotation en moyens financiers
08:46et en moyens humains des écoles de la ville, alors que Louis Haillaud avait décidé de
08:53lancer l'expérimentation de l'uniforme et avec un coût qui pouvait s'avérer assez
08:58fort si ça avait été généralisé, et d'ailleurs c'est au programme du Front National dans
09:07ses législatives.
09:08Pour en revenir à David Rachlin, au début de son mandat, il a baissé de 20% le budget
09:13des écoles.
09:14On retrouve le même problème dans une mairie qui n'est pas RN, mais qui est soutenue par
09:22le RN, qui l'était au départ, c'est à Béziers, où là aussi il y a eu un maintien,
09:29alors pas d'augmentation, pas de baisse des crédits cette fois des écoles publiques,
09:34mais beaucoup de problématiques sur un manque de moyens, alors que le budget des écoles
09:40privées a été lui augmenté dès le début du mandat de M. Ménard.
09:46Safia Dany, bonjour, et merci beaucoup de nous avoir rejoints malgré les problèmes
09:51de taxi.
09:52Un peu plus tôt dans notre discussion, Camille Vigone mettait en lumière le hiatus qui existait
09:56entre la gestion effective de ces communes dirigées par le Rassemblement National et
10:01peut-être la façon dont la communication nationale du parti organisait cette communication
10:08sur ces communes.
10:10Comment vous expliquez-vous ce décalage entre le discours national et ce qui se passe
10:15effectivement sur le terrain ?
10:16Alors, par discours national, je pense que vous entendez aussi la manière dont tout
10:21ce qui se passe dans ces mairies-là est médiatisé, donc qu'est-ce qu'on va en savoir et qu'est-ce
10:25qu'on va pouvoir en retenir ? Moi, ce que je dirais, en tout cas, notamment au regard
10:30de l'événement 2014, en tout cas ce qui a été consacré, pardon, j'ai un peu essoufflé,
10:35par l'événement de 2014, c'est qu'il y a effectivement une construction de la réalité
10:39municipaliste du FN, qui n'est pas forcément celle qu'on peut objectiver avec, par exemple,
10:45les chiffres, quand on regarde en 2014, le FN ne fait pas tant de scores plus importants
10:51que par rapport à 95, il se développe plutôt dans le sud, donc des bastions qui sont relativement
10:58acquis à cette stratégie municipale depuis la fin des années 80, mais il y a cette idée
11:03qu'on va scruter ce parti-là avec des yeux particuliers, faire attention à ce qui va
11:07s'y passer, et je pense que pour partie, il y a une construction médiatique de cette
11:11réalité municipaliste qui est assez éloignée, en fait, de son investissement territorial.
11:18Donc voilà, il y a quand même l'effet du champ journalistique, je pense, et de la médiatisation
11:23qui va monter un peu en épingle cet événement de 2014, et puis il y a aussi l'idée que,
11:29alors ça fait écho, je pense à l'actualité, on redécouvre à chaque élection qu'il y
11:33a des candidats ou des choses qui ne se passent pas très bien dans les bastions gérées
11:37par le RN ou dans la manière dont ils vont promouvoir certains candidats ou certaines
11:41politiques publiques, donc avec aussi une forme d'amnésie, je pense, qui est assez régulière.
11:45On va vous laisser reprendre votre souffle, je me tourne vers vous Camille Vigonne, une
11:50réaction peut-être sur cet événement de 2014, sur la façon aussi dont le champ médiatique
11:54s'intéresse peu ou prou aux communes dirigées par le Rassemblement National, ça a été
11:59une affaire, j'allais dire, d'aller enquêter concrètement à Fréjus ?
12:03Ah non, moi je travaillais au début quand j'ai commencé cette enquête à l'Express
12:07et aujourd'hui au Nouvelle-Aube, ils sont tous très contents à chaque fois que je
12:09leur propose d'aller sur le terrain regarder la réalité de cette gestion municipale.
12:14En revanche, ce que je comprends et ce qui m'a aussi frappé en me replongeant dans
12:18les archives, c'est qu'effectivement en 2014, oui c'est qu'une dizaine de mairies,
12:23c'est pas beaucoup des mairies eu égard au nombre de communes en France, mais c'est
12:29la symbolique en fait, c'est pour la première fois, elles font gérer, le Front National
12:35se retrouve à gérer, depuis les expériences négatives des années 90, des municipalités
12:42et c'est vrai qu'il y a collectivement, y compris dans les rédactions, cette envie
12:46de dire on va créer des observatoires de villes, le Front National, on va tous les
12:50mois y aller, etc., on va vraiment surveiller au jour le jour ce que ça veut dire la gestion
12:55d'extrême droite d'une commune et puis finalement ça fait peut-être 6 mois, 1 an,
12:592 ans, 3 ans et puis ça s'étiole énormément et y compris sur la ville de Fréjus, moi
13:03je me suis beaucoup demandé pourquoi est-ce que l'enquête que je fais dans mon livre
13:08n'a pas été faite avant, les faits que je raconte d'affairisme, de clanisme, de
13:15rapports particuliers avec les entrepreneurs locaux, ils étaient extrêmement connus sur
13:19place, je ne suis pas du tout allée chercher quelque chose d'extrêmement compliqué
13:23à obtenir en soi, il fallait juste y consacrer de la volonté et du temps et ça en fait,
13:28ça s'était étiolé dans l'idée que finalement ils étaient à peu près comme
13:33les autres, c'était des mairies très à droite, certes, un peu plus inexpérimentées
13:38mais finalement la vigilance s'était relâchée et c'est dommage parce que, comme je l'ai
13:44dit au début de l'émission, on n'a pas beaucoup de choses à aller regarder et moi
13:49je m'attache toujours aux faits, il y a les votes au Parlement européen, il y a le programme,
13:55il y a la gestion des mairies et une fois qu'on a dit ça, tout le discours, ça reste
14:00beaucoup de communication politique, très aseptisée, très lisse.
14:03Saphia Réani ?
14:04Oui, je rebondis juste sur la question du symbole que vous évoquez par rapport à 2014,
14:08moi je pense que d'un point de vue scientifique, on peut quand même dire que tous les partis
14:13ont des stratégies pour se présenter, mettre en avant certains éléments plutôt que d'autres
14:17et en fait si 2014 peut devenir un symbole, c'est qu'il y a bien des groupes en dehors
14:20du FN qui vont dire que c'est un symbole et qui vont justement en faire un symbole.
14:25Et moi vraiment, 2014, c'est 14 communes sur plus de 36 000 en France, c'est 1400-1500
14:33conseils municipaux alors qu'en 1995 ils en avaient déjà quasiment autant, donc pour
14:37moi il n'y a pas vraiment, quand on regarde avec un peu de distance, qu'on resitue, il
14:40n'y a pas de moment particulier, alors certes c'est des villes moyennes qui vont faire
14:44parler d'elles, mais je pense que le symbole il est aussi co-construit.
14:48Et en même temps dans les chiffres que vous donnez, 14 villes sur plus de 35 000 communes
14:53en France, c'est frappant de constater peut-être que cette idée-là vient tempérer l'idée
14:58selon laquelle le RN n'est pas totalement implanté dans les territoires nationals.
15:03Oui, ça je suis totalement d'accord, dans l'ouvrage que vous citiez, que j'ai co-coordonné
15:07dans ma présentation, en fait il y a cette idée que parfois le FN va avoir des relatifs
15:13succès électoraux sans mobilisation, avec des candidats, on le voit là aussi pour les
15:17législatives, quasiment fantômes, et puis il y a cette idée aussi qu'ils ont du mal
15:21à tenir le local, il y a beaucoup de turnover dans les fédérations, qui sont quand même
15:24généralement dans les partis politiques, les échelons qui vont se mobiliser, qui vont
15:29pouvoir fournir des militants, des adhérents et des candidats, donc beaucoup de turnover,
15:34une gestion des fédérations qui est assez centralisée en fait, on regarde la structure
15:37de ce parti autour d'un ou d'une chef au national, donc ils ont des difficultés d'implantation
15:43locale, ça se voit donc par ce turnover, beaucoup s'en vont, alors il y en a qui reviennent
15:49parfois de la droite, et qu'on pourra enfin ré...
15:51Les fameux transfuges que vous avez étudiés ?
15:53Oui, tout à fait, et déjà en 2014-2015, dans certaines villes, et puis aussi à l'échelon
15:58régional, il y avait vraiment des passages d'anciens élus locaux centristes de droite
16:02sur des listes FN.
16:04Merci beaucoup à tous les trois, Camille Vigonne, Jean-François Pouplin et Safia Dany,
16:08on va poursuivre cette discussion à partir de 8h20, vous allez rester avec nous d'ailleurs
16:12Jean Lemarie, puisque nous parlons de la façon dont le Rassemblement National gère
16:16les villes qu'il administre, dans un instant avec nos trois invités.
16:197h-9h, les matins d'été, Quentin Laffey
16:25Trois invités que sont Camille Vigonne, le coach journaliste, grand reporter aux Nouvelles
16:29Obs, autrice de l'enquête intitulée « Les rapaces enquêtent sur l'exercice du pouvoir
16:33du RN » dans la ville de Fréjus, dans le Var, un ouvrage paru aux éditions Les Arènes.
16:39À distance, Jean-François Pouplin, il est journaliste indépendant et il signe pour
16:42Mediapart une enquête « Un paysage » sur le bilan du Rassemblement National Municipal
16:48et à nos côtés également Safia Dany, docteure en sciences politiques à Sciences Po Toulouse,
16:52postdoctorante en sociologie à l'EHESS, co-directrice de cet ouvrage intitulé « Sociologie politique
16:58du Rassemblement National » paru aux presses universitaires du Septentrion.
17:02Et on continue avec vous Camille Vigonne, peut-être on s'intéresse un instant à
17:06la façon dont l'ERN gère les deniers publics de ces communes à partir de deux
17:10exemples que vous connaissez particulièrement bien, Fréjus, Perpignan, comment sont gérées
17:16les finances publiques dans ces deux communes ?
17:18Alors ce qu'on voit effectivement c'est que chaque ville a sa propre réalité financière
17:23et budgétaire.
17:24C'est difficile de calquer un modèle sur toutes.
17:27Si vous prenez ces deux exemples-là, Perpignan, les dépenses de fonctionnement en 2019 avant
17:33l'arrivée de Louis Heliot au pouvoir, c'est 160 millions d'euros par an pour
17:38la ville.
17:39En 2024, 190 millions d'euros de dépenses de fonctionnement pour une population qui
17:44globalement n'a pas augmenté, qui est restée stable.
17:46Perpignan n'a plus d'adjoints en finances depuis plus de six mois, c'est des éléments
17:51qui interpellent.
17:52Après il y a les chiffres qui sont faciles à trouver et il y a les réalités qui parfois
17:56sont en trompe-l'œil.
17:57Je pense à Fréjus par exemple, là-bas la dette a grosso modo stagné, légèrement
18:03augmentée dernièrement depuis 2020, mais la situation est en réalité beaucoup plus
18:09grave que ce que nous laissent apparaître les chiffres.
18:11Pourquoi ? Parce que David Rachlin, pour faire en apparence baisser la dette, s'est
18:16engagé dans une vente massive de terrains municipaux.
18:18Il a, ce qu'on dit, grosso modo vendu les bijoux de famille de la ville pour faire
18:24baisser l'endettement sur le papier, sauf que cette vente massive de terrains ne permet
18:30pas à la ville de se désendetter.
18:32C'est-à-dire que les dépenses augmentent trop par ailleurs et que surtout elle profite
18:37toujours, dans le cas de Fréjus, au même groupe de BTP, au même architecte et au même
18:43clan entrepreneurial très proche de David Rachlin.
18:46Donc ça participe d'un système local corruptif et on est très très loin de la gestion saine
18:51que pourraient en apparence laisser passer les chiffres qui sont publiés par la mairie.
18:57On évoquait les impôts tout à l'heure, le Rassemblement national dit vouloir baisser
19:00les impôts à l'échelle de la commune.
19:02On réalise qu'en fait, à minima, ils ne les augmentent pas.
19:05Que se passe-t-il à Fréjus de ce point de vue-là ?
19:07Il n'y a pas eu d'augmentation des impôts, c'est quelque chose dont David Rachlin est
19:12extrêmement fier.
19:13Ce qu'on peut voir en revanche, c'est qu'il y a une augmentation notamment du personnel,
19:20des recrutements qui est très très forte.
19:23Ce qui conduit à ce système où la ville n'arrive pas à se désendetter.
19:27Et c'est intéressant de regarder par exemple quels sont les recrutements qui vont être
19:31faits.
19:32Où va l'argent public et comment est-il dépensé ?
19:34A la mairie de Fréjus, il y a tout un tas d'amis de David Rachlin, il y a sa propre
19:39mère, il y avait beaucoup de femmes de mari d'eux, il y a beaucoup d'enfants qui ont
19:47été recrutés, de parents.
19:49Et en fait, ce que ça dessine, c'est un univers où pour avoir un logement public,
19:53c'est quand même un peu plus facile ou un emploi public d'être amie d'eux, d'être
19:59fille d'eux, d'être le grand copain de David Rachlin.
20:03Et un système où on a une prime à la fidélité, au clan, voire au Rassemblement National quand
20:09on est un vieux militant, qui est davantage valorisé qu'une prime à la compétence.
20:15Jean-François Pouplin, c'est le deuxième axe que vous avez évoqué un peu plus tôt
20:18dans notre discussion, l'axe de la sécurité, quel bilan dans ces villes dirigées par le
20:24Rassemblement National ?
20:25Alors, ils mettent en avant toujours une baisse de la sécurité après des problèmes,
20:34que ce soit des vols, des atteintes aux personnes.
20:37Après, on reste quand même dans des petites villes en général où il n'y a pas non plus
20:42une grosse criminalité.
20:46Ce qui est sûr, c'est qu'ils investissent énormément dans la sécurité, que ce soit
20:50en personnel ou en matériel.
20:52Donc, ce sont des polices municipales en général qui sont armées, qui viennent aussi de plus
20:59en plus suppléer la police nationale, comme c'est le cas à Perpignan où la ville, où
21:07Louis Alliot a décidé de les faire intervenir sur le trafic de drogue.
21:13Donc, ils sont là, ils vont faire de l'interpellation, ils vont faire des choses comme ça.
21:20C'est une ville quand même, Perpignan, qui est la deuxième ville française en nombre
21:25de policiers municipaux par habitant.
21:27Donc, il y a vraiment un gros investissement avec en particulier des commissariats municipaux
21:36qui ont été installés un petit peu partout dans les quartiers de la ville.
21:41Et on se rend compte que parfois, il y a quand même des dérapages, ce qu'on a rarement
21:45ailleurs.
21:46C'est le cas à Béziers avec la mort d'une personne dans un commissariat municipal en
21:522020, pendant le Covid, et là, il y a eu une enquête qui a été ouverte pour violences
21:57policières lors d'une interpellation, il y a un peu moins d'un an à Perpignan.
22:05Saphia Dernier, on passe sur un autre sujet avec vous, celui de la parité.
22:10Est-ce que sur les listes municipales, cette parité est respectée par le Rassemblement
22:15national ?
22:16Oui, le premier élément, c'est qu'on pourrait se dire qu'un parti d'extrême-droite aurait
22:19du mal à se mettre au diapason des enjeux de la parité qui, aujourd'hui, sont encadrés
22:24par la loi.
22:25C'est faux ?
22:26C'est faux, mais de ce qu'on en sait, c'est aussi beaucoup au regard des contraintes financières
22:30qui peuvent peser des amendes que certains partis, notamment à droite, ont les moyens
22:34de payer.
22:35Au RN, c'est quand même un peu plus compliqué.
22:37Vous voulez dire que le Rassemblement national respecte plus et mieux la loi que d'autres
22:43partis de droite en la matière ?
22:44En tout cas, quand on regarde sur les municipales et régionales sur le temps assez long, c'est
22:49quasiment équivalent, voire parfois ils la respectent plus que des partis de droite.
22:52Et je pense que c'est quand même lié beaucoup aux contraintes financières, puisque une
22:55fois que les élections sont passées, généralement, les femmes sont reléguées et ne sont pas
22:59forcément élues dans les conseils municipaux.
23:03Et pour prendre un autre exemple d'une autre arène électorale, à l'Assemblée nationale
23:06en 2022, proportionnellement au nombre de députés élus, le RN fait élire plus de
23:10femmes que les Républicains.
23:12Mais sur cet enjeu de la parité, si on regarde par exemple l'ensemble des mairies RN aujourd'hui
23:18élues en 2020, en fait, il n'y a pas que ces mairies médiatisées, il y a aussi tout
23:23un tas de toutes petites villes ou de petits villages.
23:25Et là, on retrouve essentiellement des hommes, ce sont majoritairement des hommes.
23:29Et les femmes, même quand elles sont conseillères municipales, généralement, elles ont plus
23:34tendance que les hommes, comme je vous le disais plus tôt, à se mettre à distance
23:38de ce travail-là municipal.
23:40En fait, ils font des listes comme ils le peuvent, notamment dans certaines villes moyennes
23:46où ils n'ont pas d'implantation territoriale de longue date.
23:48Donc, ils vont recruter des gens qui n'ont pas forcément conscience de ce que ça veut
23:52et peut vouloir dire le travail de conseillers municipales.
23:55Et beaucoup, en fait, quittent leur mandat en cours de route, et notamment des femmes
23:59qui ne sont pas formées, qui n'ont pas de compétences techniques.
24:02C'est ce que j'avais demandé, le parti ne fait pas ce que tout parti devrait faire
24:05puisque cela fait partie des missions même d'un mouvement politique, à savoir former
24:09ses militants, former ses cadres.
24:11Alors non, pas vraiment.
24:13En tout cas, moi, de ce que j'ai pu observer, la formation telle qu'on a pu l'entendre
24:18par exemple au Parti communiste, les écoles du Parti communiste, on ne retrouve pas du
24:21tout ça à l'extrême droite.
24:23Ils ont beaucoup de mal, en fait, à construire des écoles de formation et à motiver les
24:28militants et les élus à les suivre.
24:30Alors, ça arrive ponctuellement aux universités d'été, il y a des conférences, parfois
24:34des formations dédiées aux conseillers municipaux.
24:37Mais disons que ce ne sont pas des formations personnalisées.
24:40Donc, quand vous avez un large groupe d'élus qui n'a jamais siégé en conseil municipal,
24:44qui ne sait pas lire un budget, qui ne sait pas comment fonctionnent les commissions,
24:47si vous ne les formez pas localement, évidemment, ils ont plus de chances de quitter le mandat
24:51en cours de route.
24:52Donc, il n'y a pas vraiment de formation nationale importante qui va faire monter les
24:56élus locaux en compétences.
24:58Et en cela, je pense que ça explique pour partie le turnover.
25:00Camille Vigogne ?
25:01Je suis complètement d'accord avec cette analyse-là sur les années passées.
25:05Je pense que ce sera intéressant de s'y plonger dans le futur pour voir ce qui a changé
25:09ou pas.
25:10Pendant longtemps, le Rassemblement National, le Front National, avant, a souffert de ce
25:14manque d'implantation et de ce manque de compétences, de profils expérimentés dans
25:19ces rangs au niveau national.
25:22Aujourd'hui, au fur et à mesure que le parti se normalise, au fur et à mesure des
25:26succès électoraux, ce qu'on observe aussi et ce que j'observe au quotidien, c'est
25:30que les 89 députés ont, au niveau local, des rapports, des contacts avec toute la bourgeoisie
25:38locale, l'establishment, avec le rotarie, avec le médecin, le notaire, etc.
25:43Et c'est autant de contacts potentiels pour demain, pour avoir des personnalités avec
25:47un profil socio-économique différent de leurs militants traditionnels qui pourraient
25:53demain être en mesure de conduire des listes dans des mairies.
25:55Les prochaines municipales pour ça, elles seront absolument déterminantes et très
25:59intéressantes à regarder, de voir s'ils sont en mesure d'apporter d'autres types
26:03de profils qui viennent pallier l'absence d'écoles de cadres, l'absence d'implantation
26:10nationale forte.
26:11Parce qu'aujourd'hui, plus ça va, plus l'étiquette du Rassemblement national est
26:16moins infamante.
26:17Socialement, apporter, ce qui est normal avec la progression du parti et l'image du parti
26:23qui change aussi, à partir de là, ça amène un nouveau public.
26:27Et je ne suis pas sûre que cette conclusion, ce constat qu'on a tous pu faire sur les
26:35années passées par rapport au manque d'implantation, au fait qu'ils faisaient appel à leur cousine,
26:41leur femme, etc. pour mener leur liste, soit toujours vrai lors des prochaines municipales.
26:46En tout cas, dans les mêmes proportions.
26:47Jean Lemarie.
26:48Non, je crois qu'il ne faut pas sous-estimer effectivement tout ce travail d'implantation
26:52qui a été fait, notamment ces deux dernières années, par des élus du Rassemblement national
26:56localement.
26:57Et j'ajoute qu'une partie d'entre eux était déjà très insérée en termes de militance,
27:02souvent chez les Républicains par exemple.
27:03Ils avaient déjà pour certains d'entre eux des réseaux locaux importants, réseaux économiques,
27:08sociaux, de sociabilité quotidienne, et ils l'ont développé énormément sur le terrain.
27:12Ils y ont veillé aussi.
27:13Et les 88-89 députés du Rassemblement national ont été, je pense vraiment, un choc et une
27:22avancée sur laquelle on ne reviendra pas en termes d'implantation, d'intégration de
27:27ces élus-là sur le local.
27:28Ce que vient de pointer Jean Lemarie, ça fait Adani, c'est la question des transfuges.
27:31Comment rapporter des compétences venues d'autres partis politiques ?
27:34Oui, donc de fait, ce n'est pas vraiment des compétences qui sont internalisées.
27:38Ce n'est pas vraiment le parti qui fait monter ces militants.
27:41C'est de l'importation de compétences.
27:42Voilà, on va importer, on externalise.
27:43Je pense que la question du nouveau RPR qui a été lancé, l'idée c'est de capter
27:48en fait des élus locaux plutôt à droite, ce qui se fait depuis plusieurs dizaines d'années,
27:53ce qui se faisait déjà dans les années 80 aussi.
27:56Je ne suis pas certaine qu'on puisse faire ce constat de professionnalisation.
28:00Souvent, on dit que le FN est l'acteur de sa propre normalisation, professionnalisation.
28:03Moi, je pense qu'il faut regarder autour et justement la manière dont ils arrivent
28:06à capter des personnes qui savent faire de la politique, qui pour certains ont des parcours
28:11universitaires plus longs que les militants made in FN et qui vont réussir à les rattacher
28:16à sa marque.
28:17Ça, c'est le premier point.
28:18Puis ensuite, sur la question de la formation, même de l'implantation locale, je ne suis
28:24pas formée à me projeter forcément dans le futur, mais je pense qu'il faut faire
28:28vraiment attention.
28:29Et là, on le voit dans le contexte des législatives, il y a des candidats qui sont parachutés,
28:34qui n'ont aucune implantation territoriale, alors qu'il y a des fédérations locales
28:37de longue date.
28:38Mais ces fédérations, elles ne sont pas structurées.
28:40Il y a beaucoup de turnover militant.
28:41Donc, je pense qu'il faut faire attention entre ce qui se passe localement et qui est
28:46très différencié selon les territoires en termes d'implantation FN.
28:49Est-ce que nous, on peut en analyser ? Je pense qu'il ne faut pas homogénéiser et
28:52dire oui, c'est un parti qui maintenant va s'implanter localement, etc.
28:55Jean-François Pouplin, la question qui est posée en creux, c'est aussi celle de la
28:59question de l'organisation des conseils municipaux qui a à voir justement avec ces
29:03compétences et cette montée en compétences.
29:05Vous avez étudié la façon dont ces conseils municipaux étaient organisés ? Racontez-nous.
29:10Alors, je voulais revenir sur le nouveau RPR parce que c'est assez intéressant.
29:17Ça parle de Marignane et on l'oublie un petit peu, mais Daniel Simon-Pierry qui avait
29:22été élu en 1995 et lui reste au pouvoir jusqu'en 2008.
29:26Il a été battu par un élu qui s'appelle Éric Ledizès, qui s'est allié avec
29:34Franck Alizio, qui est député et qui dirige la Fédération des Bouches du Rhône.
29:40Donc, de toute façon, cette porosité existe depuis longtemps.
29:43Daniel Simon-Pierry avait été rapatrié dans la majorité UMP de Jean-Claude Godin
29:52à la communauté urbaine à l'époque.
29:55Donc, ces liens sur des territoires existent depuis quand même très, très longtemps.
30:00Je ne vais pas revenir aux années 80 et aux arrangements entre Godin et l'ERN sur
30:07certaines élections, mais ça existe depuis très longtemps.
30:11Pour revenir aux conseils municipaux, en tout cas, ça fait partie des endroits où
30:19l'opposition est quand même assez muselée, où on voit qu'il y a quand même un certain
30:26autoritarisme qui s'installe dans ces villes.
30:28Ce n'est pas le seul endroit.
30:30Mais voilà, dans les conseils municipaux, il va y avoir parfois du dénigrement des
30:36élus assez fort, parfois des insultes.
30:38Les micros sont coupés, on laisse peu la parole.
30:41Je me souviens à Orange où l'opposition avait le droit qu'à une réponse et après
30:49le débat était clos.
30:50Enfin, voilà, c'est des choses comme ça.
30:52Après, sur la manière de museler l'opposition, il y a d'autres choses qui se passent aussi.
30:59À Hénin-Beaumont, Steve Brubois, je crois, a intenté huit procès en diffamation contre
31:07un de ses anciens opposants, le communiste David Noël, à Fréjus, que Camille Vigogne
31:16connaît bien.
31:17Il y a une association qui est en conflit aujourd'hui avec David Rachlin, où David
31:24Rachlin essaye de lui enlever son local parce que c'est une association qui s'oppose
31:32à ses projets urbanistiques.
31:33Donc, il y a quand même pas mal de volonté de faire taire l'opposition et toute voie
31:40dissonante.
31:41Camille Vigogne quitte des électeurs quand on regarde les résultats en 2014, en 2020.
31:46Il y a eu 14 premières élections pour David Rachlin et Steve Brubois, respectivement
31:51à Fréjus et à Hénin-Beaumont.
31:52Ils sont réélus en 2020, ils sont même mieux élus qu'en 2014, et pour l'un et
31:58pour l'autre.
31:59Est-ce qu'une enquête comme la vôtre a un impact sur l'opinion publique locale ?
32:03Et même, est-ce qu'au-delà, les électeurs sont satisfaits ou non, si on peut le mesurer,
32:08de ces élus Rassemblement National ?
32:14Je pense qu'il faut rester très modeste quant à la portée de notre travail.
32:18D'autant plus, je le dis en souriant, mais d'autant plus ce qui est plus grave dans
32:21un monde où on va rechercher une information qui correspond à ce qu'on pense initialement.
32:27Mon livre s'est très bien vendu à Fréjus, mais je pense essentiellement par des personnes
32:34qui n'étaient pas des grands soutiens de David Rachlin.
32:37Après, ce qu'on observe, et ce n'est pas seulement dans les vides du Rassemblement
32:43National, c'est que l'histoire politique récente est pleine d'élus qui ont eu des
32:48problèmes de probité et qui se sont fait très bien réélire par leurs électeurs parce
32:53qu'ils estimaient que la ville était propre, bien tenue, qu'il y avait beaucoup de policiers
32:57municipaux dans les rues, etc.
32:58Donc, ce n'est pas forcément sur ces critères-là.
33:00D'ailleurs, quand on regarde dans les préoccupations principales des Français, les critères de
33:03probité ou, par exemple, le danger de la corruption en France arrivent très loin dans
33:11l'ordre des premières priorités et des sujets de préoccupation des Français, on
33:15peut le déplorer.
33:16Moi, je considère qu'il y a un peu un impensé français en termes de mafia et de corruption
33:21publique.
33:22Je connais bien l'Italie et c'est un pays où on a vraiment, alors parce que c'est d'une
33:25autre ampleur, mais conscientisé les problèmes de corruption, y compris des élus.
33:29En France, on ne veut pas trop le voir et encore moins concernant l'échelon local parce
33:34que le maire a ce sorte de totem d'immunité de l'élu proche du peuple qui, c'est vrai,
33:41ne gagne pas beaucoup de sous par rapport à ses responsabilités, etc. et qui du coup
33:45ne serait plus...
33:46C'est l'image même de l'engagement.
33:47C'est l'image même de l'engagement.
33:48Or, je pense qu'il y a beaucoup plus peut-être de problèmes de corruption à l'échelon local
33:55parce qu'on a les permis de construire, parce qu'on a la main sur les fameux PLU, les plans
33:59locaux d'urbanisme.
34:00Ça, c'est le côté général.
34:04Après, moi, ce que j'ai constaté à Fréjus, c'est que beaucoup se disent, quelque part,
34:08et ça rejoint le « est-ce qu'on a essayé ? ». C'est « on a essayé la droite avant,
34:12ça ne fonctionnait pas, on a essayé, et aujourd'hui, on est avec le Rassemblement
34:15National, pourquoi les autres ne feront pas mieux ? » Et finalement, ils sont tous pareils.
34:20Et ça, ça rejoint le côté « on ne croit plus aux politiques, défiance dans les élus
34:26de la République ».
34:27Saphia Dany, en quelques mots ?
34:28Oui.
34:29Ce que vous mettez en avant, c'est aussi qu'en fait, pour chaque élection municipale,
34:32locale, il faut resituer ce que les électeurs vont faire, soit de la politique municipale
34:36mais aussi, peut-être, réfléchir à la politique nationale dans leur vote.
34:39Du coup, pareil, l'argument sur la corruption, je trouve que ce que vous dites est assez
34:42juste.
34:43En fait, les questions de corruption, les procès au regard des élus, il y en a dans
34:46beaucoup de partis politiques.
34:47Donc, ce n'est pas forcément un argument qui va marcher pour des électeurs ou électrices
34:51du RN.
34:52Merci.
34:53A tous les trois, Camille Vigone, le coach, je rappelle que vous êtes journaliste, reporter
34:55au Nouvelle Hopse.
34:56Jean-François Pouplin, journaliste indépendant, vous signez dans Mediapart une enquête sur
35:00le bilan du RN municipal, Safia Dany, docteure en sciences politiques et en sociologie à
35:06l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales.
35:08Merci à tous les trois.

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