Santé : l’intelligence artificielle "peut alléger le travail technique du médecin", explique le professeur Jean-Emmanuel Bibault

  • l’année dernière
Jean-Emmanuel Bibault, oncologue, radiothérapeute à l'hôpital européen Georges-Pompidou et chercheur en intelligence artificielle à l'Inserm était l'invité du 8h30 franceinfo, samedi 4 février 2023.

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00:00 - Professeur Jean-Emmanuel Bibaud, bonjour. - Bonjour.
00:03 - Vous êtes médecin cancérologue, chercheur spécialisé en intelligence artificielle
00:07 et vous êtes auteur du livre "2041, l'Odyssée de la médecine",
00:10 comment l'intelligence artificielle bouleverse votre domaine de la médecine,
00:14 qui est parue aux éditions des Équateurs.
00:16 Vous vous projetez donc dans une vingtaine d'années,
00:19 l'intelligence artificielle sera beaucoup plus présente,
00:22 mais elle est déjà là dans votre domaine de la cancérologie.
00:24 Vous allez nous donner quelques exemples, déjà pour comprendre
00:27 quand on parle d'intelligence artificielle, on parle de quoi ?
00:30 - Quand on parle d'intelligence artificielle de nos jours,
00:32 on parle surtout d'apprentissage machine, machine learning.
00:36 En fait, ce sont un ensemble de méthodes informatiques
00:39 qui consistent à essayer de simuler l'intelligence à partir de données.
00:43 On essaye de faire en sorte qu'un algorithme puisse apprendre à partir de données.
00:47 - C'est une sorte de logiciel intelligent, mais ce n'est pas forcément un robot.
00:50 - Exactement. En fait, on a tendance parfois à confondre un petit peu
00:54 robot et intelligence artificielle. En fait, intelligence artificielle,
00:57 c'est plus l'esprit, c'est-à-dire le cerveau.
01:01 Et le robot, c'est plus le côté physique, une machine, par exemple,
01:04 qui va mouvoir quelque chose. Une IA peut parfois piloter un robot,
01:08 mais un robot n'est pas toujours piloté par une IA.
01:10 Et donc, c'est important de faire la distinction entre les deux.
01:13 - Et aujourd'hui, qu'est-ce que permet une IA, une intelligence artificielle
01:16 en médecine, que l'humain ne fait pas ou fait mal ?
01:20 - Alors, il y a plusieurs choses. L'IA permet de faire deux grands types de choses.
01:24 Il y a ce que les humains savent faire, typiquement les tâches de perception,
01:28 donc de la radiologie ou de l'analyse de biopsies de tumeurs.
01:32 Ça, l'IA sait le faire, mais l'humain sait le faire.
01:33 Peut-être un peu moins vite et dans certains cas, peut-être un peu moins bien,
01:37 mais ça reste à voir pour l'humain, je veux dire.
01:40 Et par contre, effectivement, là où c'est intéressant, c'est que l'IA sait aussi faire
01:42 ce que l'humain ne sait pas faire. Typiquement, c'est-à-dire de la prédiction,
01:46 savoir dix ans à l'avance si vous allez développer une maladie ou alors
01:50 si vous allez, par exemple, être guéri d'une maladie X ou Y.
01:53 - À partir des données d'aujourd'hui, à partir de ce que vous évoquez,
01:56 une radio, une biopsie, une intelligence artificielle peut dire
01:59 voilà ce qui peut se passer dans dix ans, ce qui va se passer dans dix ans ?
02:01 - Absolument. Il y a des équipes, notamment il y a quelques années en Australie,
02:05 qui a développé une IA qui permet de prédire cinq ans à l'avance votre risque de décéder
02:09 simplement à partir d'un scanner.
02:11 Et surtout, ce qui est important, un scanner qui semble normal à l'œil humain.
02:14 - Et c'est fiable, ça ?
02:16 - Ça a été testé de façon rétrospective, c'est-à-dire sur un certain nombre de patients
02:20 dont on connaissait le devenir, ça reste encore à être validé de façon prospective,
02:25 c'est-à-dire sur de nouveaux patients.
02:26 - C'est-à-dire qu'on a fait le test, on sait que le patient a développé tel cancer,
02:29 on a remonté dans le temps, on a donné à l'intelligence artificielle
02:33 le dossier médical de cinq ans avant, et elle a prédit le cancer qui a effectivement été développé.
02:38 - Absolument, oui.
02:39 - Mais ça sous-entend que l'intelligence artificielle, on a besoin de la nourrir,
02:42 en quelque sorte, de lui donner des données justement, données médicales.
02:46 - Absolument. Et ça, c'est un problème, entre guillemets, en médecine,
02:49 parce que les données sont difficiles d'accès, pas toujours de très très bonne qualité.
02:52 - Sensibles.
02:53 - Exactement, très sensibles, il y a toute la thématique du secret médical qui est abordée dans le livre.
02:58 Et en réalité, ça pose beaucoup de problèmes parce qu'on est pris dans l'équilibre
03:03 de trop protéger ces données, mais de freiner l'innovation,
03:06 ou alors de ne pas assez les protéger et de libérer l'innovation,
03:09 mais au prix, si vous voulez, de la vie privée et des données médicales.
03:13 Donc c'est très sensible de choisir la bonne balance entre les deux.
03:17 - Et c'est ce qui différencie aujourd'hui, par exemple, l'Europe ou la France
03:19 par rapport aux Etats-Unis en matière d'avancées technologiques ?
03:22 - Absolument, donc c'est un des éléments, c'est pas le seul.
03:25 En Europe, on a le RGPD, donc on peut se réjouir.
03:28 Aux Etats-Unis, ils ont aussi des règles un peu moins strictes,
03:30 et c'est surtout en Chine, en réalité, où ils ont très très peu de règles,
03:33 et où les avancées en IA, on le lit régulièrement, sont très très rapides,
03:36 notamment parce qu'ils ont un accès aux données qui est très très vaste.
03:40 - Il faut être plus souple en Europe, d'après vous, sur cette question ?
03:42 - Il y a une réflexion peut-être à avoir sur la réutilisation de données rétrospectives,
03:46 c'est-à-dire du soin qui a déjà été fait,
03:48 et dont on pourrait réutiliser les données, pas pour refaire du nouveau soin,
03:51 mais au moins pour essayer de comprendre certaines choses.
03:53 Je crois qu'il y a cette réflexion qui est déjà en cours au niveau du législateur,
03:57 et ça serait bienvenu qu'effectivement on ait accès un peu plus simple à ces données-là.
04:01 - D'ailleurs, on voit que des grands groupes comme Google
04:03 investissent déjà dans le domaine de l'intelligence artificielle appliquée à la santé.
04:07 Il y a par exemple la mammographie, une technologie de mammographie, je crois, développée par Google.
04:10 Il faut s'inquiéter que les GAFAM investissent ce champ-là,
04:13 ou pas forcément parce que ça reste surveillé par des médecins, des scientifiques, des universitaires ?
04:17 Dans quel cadre est-ce que ça se développe ?
04:19 - Alors, il y a plusieurs éléments de réponse à cette question.
04:21 C'est que Google, notamment, avait fait à l'été 2019 un grand projet qui s'appelait le projet Nightingale,
04:27 où ils avaient fait un partenariat avec un réseau d'hôpitaux privés américains,
04:31 qui s'appelle Ascension, qui est un très très gros réseau de cliniques américaines,
04:34 et ils avaient récupéré des données médicales de millions de patients,
04:38 sans que ça ait été très très clairement dit.
04:41 Et ça a fait une très très grosse polémique, notamment aux Etats-Unis, et Google a dû arrêter son projet.
04:45 Et d'une part, c'est vrai qu'on peut se dire que la façon dont ça a été fait avait peut-être été un peu maladroite,
04:51 mais d'autre part, quand on voit ce qui était en train d'être préparé par Google,
04:54 et notamment une sorte de nouveau dossier médical avec une sorte de convivialité qu'on n'a pas, nous, dans les médecins, malheureusement,
04:59 au niveau des logiciels médicaux, on est très souvent confrontés à des logiciels qui sont un peu rigides, pas très conviviaux,
05:04 Google était en train de faire quelque chose de vraiment intéressant,
05:06 et malheureusement, ils ont plus ou moins abandonné ce projet-là.
05:08 L'idée qui sous-tend tout ça, c'est qu'il y a certainement des garde-fous à mettre en place,
05:13 pour que ces relations et ces recherches entre le privé et le public puissent se faire,
05:19 mais dans de bonnes conditions, et toujours en respect de la législation, bien sûr,
05:23 et puis pour la médecine, le serment d'Hippocrate, c'est très très important.
05:26 C'est sûr que les GAFAM n'ont pas prêté le serment d'Hippocrate, les médecins l'ont prêté,
05:30 et je pense que l'idée, c'est que les médecins doivent s'investir dans l'IA,
05:35 mais en respectant ce serment-là, pour le bien du patient.
05:37 - Pour revenir peut-être à des applications extrêmement pratiques de l'intelligence artificielle,
05:41 pour ceux qui nous écoutent, qui disent "très bien, on a compris ce que c'est,
05:44 maintenant concrètement, comment on s'en sert au quotidien ?"
05:47 Dans le domaine de la psychologie, je crois,
05:49 l'intelligence artificielle permet déjà de détecter, par exemple, des comportements suicidaires.
05:53 - Absolument, donc en réalité, la psychiatrie et la psychologie,
05:56 ce sont parmi les premiers domaines qui ont été développés en IA depuis même les années 60.
06:00 On a cherché à essayer de développer des psychothérapeutes virtuels,
06:03 ça ne marchait pas forcément très très bien à l'époque.
06:05 - Il manque l'empathie.
06:06 - Voilà, entre autres, mais c'était aussi qu'il y a un certain temps.
06:10 Quoi qu'il en soit, c'est un domaine qui est vraiment très très intéressant par rapport à l'IA.
06:15 Et on sait, il y a eu des recherches publiées notamment dans un très très grand journal
06:20 de l'Académie américaine de sciences, qui s'appelle PNAS,
06:24 où une équipe s'est intéressée à essayer de voir si on pouvait prédire le risque suicidaire
06:28 simplement à partir de vos posts Facebook.
06:31 C'est-à-dire, en fonction du contenu de vos posts, prédire si vous êtes à risque.
06:35 Et donc ça marche très très bien, à tel point qu'aux États-Unis,
06:37 Facebook a implémenté des algorithmes qui permettent par exemple de mettre en place des alertes
06:41 dès que vous avez des posts "étiquetés suicidaires",
06:44 et bien vous allez avoir la proposition d'une assistante type hotline pour ce genre de choses-là.
06:49 - En dermatologie aussi, il y a des applications très concrètes aujourd'hui ?
06:52 - Alors en dermatologie, ça va maintenant à peu près depuis 2016, donc ça fait un petit moment.
06:56 Mais il n'y a pas encore d'utilisation en routine.
06:58 Quoi qu'il en soit, c'est une équipe de Stanford qui a notamment publié dans Nature
07:03 une très grosse étude où ils ont comparé les performances d'une IA
07:06 pour détecter des mélanomes à 21 dermatologues experts.
07:10 Ils ont montré que l'IA faisait aussi bien, voire mieux, que les dermatologues experts.
07:12 Donc ça veut dire qu'à partir de votre téléphone,
07:15 si vous avez un grain de beauté qui vous inquiète potentiellement,
07:17 vous pourriez le scanner et avoir une réponse en temps réel
07:21 avec une fiabilité de 99% pour savoir si vous avez ou pas un mélanome.
07:25 - Professeur Jean-Emmanuel Bibaud, vous restez avec nous,
07:28 on continue de parler de l'intelligence artificielle,
07:30 son application dans votre domaine de la lutte contre le cancer.
07:34 C'est aujourd'hui d'ailleurs la journée mondiale de lutte contre le cancer.
07:36 On va faire aussi un point avec vous sur cette maladie
07:39 qui touche 400 000 Français par an.
07:41 8h40 d'abord, c'est l'heure du Fil-info avec Diane Fershit.
07:44 - La contestation face à la réforme des retraites,
07:47 mardi et samedi prochains seront de nouvelles journées de mobilisation.
07:50 Et le ministre des Transports, Clément Beaune, indique réfléchir
07:53 à mieux encadrer le droit de grève à un encadrement légal et réglementaire
07:56 qui existe déjà, réagit sur France Info la CFDT-Cheminot.
08:00 On ne fait pas n'importe quoi pour le syndicat,
08:02 le ministre cherche à faire diversion.
08:04 Olivier Dussopt, lui, a toute la confiance de la Première Ministre,
08:07 c'est ce qu'a sur Matignon, alors que le ministre du Travail
08:10 est soupçonné de favoritisme par le parquet national financier.
08:13 La seule chose qui m'intéresse aujourd'hui,
08:15 c'est comme ministre d'aller au bout de la réforme des retraites,
08:17 réagit ce matin Olivier Dussopt sur France Inter.
08:21 Plus de 2 milliards de dollars pour l'Ukraine.
08:23 Nouvelle aide militaire apportée par les Etats-Unis,
08:26 ils vont fournir à Kiev des roquettes de plus longue portée.
08:30 De leur côté, la France et l'Italie promettent de fournir
08:32 un système de défense anti-missiles, système Mamba.
08:36 Trois rencontres ce samedi pour le compte de la 22e journée de Ligue 1 de football.
08:40 Paris reçoit Toulouse à 17h, puis à 19h Lyon se déplace sur le terrain de Troyes.
08:45 Enfin, Rennes accueillera Lille, coup d'envoi à 21h.
08:53 Le 8/30 France Info, Néil Halatrous, Laurence Anechal.
08:57 - Toujours avec le professeur Jean-Emmanuel Bibaud,
08:59 médecin cancérologue à l'hôpital Georges Pompidou à Paris.
09:02 Chercheur en intelligence artificielle,
09:05 dans le domaine de la cancérologie, l'intelligence artificielle,
09:07 on disait tout à l'heure, elle est très importante,
09:09 elle peut être très intéressante pour ce qui est du diagnostic.
09:12 Mais à la fin des fins, c'est quand même le médecin, le cancérologue
09:15 qui a la main, si j'ose dire.
09:16 - Ça, c'est une notion qui est vraiment importante à avoir
09:18 pour essayer de démystifier un peu les choses.
09:20 Et puis, c'est de bien comprendre que, quelle que soit la prédiction
09:25 ou le diagnostic fait par une IA, il y a toujours un médecin derrière
09:28 qui va la valider.
09:29 C'est le principe qu'on appelle de garantie humaine.
09:31 Il y a le gouvernement qui vient de lancer le label garantie humaine
09:34 avec notamment un groupe qui s'appelle Ethic IA.
09:36 Et donc, il faut bien avoir cette notion-là.
09:37 La garantie humaine, elle est applicable quand on fait quelque chose
09:41 que l'humain sait faire avec de l'IA.
09:42 Le problème, c'est quand on se sert de l'IA pour faire quelque chose
09:44 que l'humain ne sait pas faire.
09:45 Comment on fait pour garantir que ce que l'IA fait,
09:48 quand nous-mêmes, on ne sait pas faire ce qu'elle fait ?
09:51 Et sur ce domaine-là, on a beaucoup de pistes de réflexion
09:53 encore à entretenir.
09:54 - Et c'est-à-dire, par exemple, quel...
09:56 - Très typiquement, ce dont on a parlé tout à l'heure,
09:57 le fait de prédire à l'avance 5 à 10 ans le risque de faire une maladie
10:01 ou d'avoir une guérie une fois qu'on a été diagnostiqué.
10:03 - Là, ensuite, il y a un suivi du médecin, j'imagine, pour vérifier.
10:07 Mais est-ce que ça veut dire qu'il faut adapter ?
10:10 - Ça veut dire qu'on va toujours avoir 5 ans de retard, entre guillemets.
10:12 - Et ça veut dire qu'on ne va pas forcément donner un traitement préventif
10:16 aux malades, puisqu'on n'est pas sûrs à 100% qu'ils vont développer la maladie ?
10:21 - C'est une question très complexe.
10:22 Et parfois, ce n'est pas forcément des traitements,
10:24 mais c'est une adaptation des comportements.
10:25 Faire plus d'activités physiques, manger moins de viande,
10:28 ne pas fumer, ne pas boire d'alcool, etc.
10:30 Comment on va faire pour adapter toutes ces choses-là
10:32 à des prédictions qu'on n'est pas capables, nous, de faire ?
10:34 C'est une vraie réflexion à avoir.
10:35 - Et d'ailleurs, l'intelligence artificielle fait juste une prévision
10:38 de diagnostic ou d'évolution de maladies à venir ?
10:41 Ou est-ce qu'elle vous explique pourquoi elle en arrive à ce raisonnement ?
10:44 - Absolument. En fait, il y a des méthodologies
10:46 qui se servent actuellement dans le labo de recherche.
10:48 Ce sont des méthodologies qu'on appelle d'interprétabilité.
10:51 On dit souvent que l'IA, c'est une sorte de boîte noire,
10:53 c'est-à-dire que ça donne un diagnostic ou une prédiction,
10:56 mais on ne comprend pas pourquoi elle fait cette prédiction-là.
10:58 Maintenant, on a des méthodologies qui permettent de comprendre
11:01 pourquoi elle fait ces prédictions-là.
11:02 C'est-à-dire que l'IA vous dit la prédiction, et en plus, elle vous dit
11:05 il y a ce problème-là parce qu'il y a telle, telle, telle caractéristique.
11:08 Et donc, on peut comparer ces prédictions à l'intuition médicale humaine
11:12 qu'on a, évidemment. Et donc là, c'est une piste, effectivement,
11:15 pour essayer de comprendre ce qui se passe et essayer de voir
11:17 s'il y a fait quelque chose de correct.
11:19 - Et aujourd'hui, est-ce que ça fonctionne pour tous les cancers ?
11:21 - Alors, non. Pour l'instant, c'est plutôt du domaine de la recherche clinique.
11:25 Il y a certaines maladies qui peuvent être utilisées,
11:28 enfin où l'IA peut être utilisée pour traiter.
11:30 Je pense notamment en radiothérapie, par exemple le cancer de la prostate
11:33 ou le ciblage qui était fait manuellement,
11:36 pouvait prendre plusieurs heures ou une demi-journée dans le cas complexe.
11:39 - C'est-à-dire faire le contour de la tumeur ?
11:40 - Exactement, sur le scanner.
11:41 - Et ça, ça prend beaucoup de temps pour un humain ?
11:44 - Ça prend beaucoup de temps parce qu'il y a plusieurs centaines de coupes
11:47 et donc il faut contourner chacune des coupes ou alors une coupe sur cinq.
11:50 - Et une intelligence artificielle, ça lui prend combien de temps ?
11:51 - Deux à trois minutes.
11:52 - Ah oui, c'est un peu plus rapide, effectivement.
11:55 - Donc à Pompidou, on a un serveur, on envoie les images dessus
11:57 et on récupère des images déjà contourées en deux à trois minutes.
12:00 - Ça, c'est utilisé aujourd'hui à Pompidou à Paris ?
12:03 - En routine. Et ensuite, c'est vérifié par les médecins du service
12:05 pour vérifier que la qualité y est.
12:08 - Et ça permet donc d'avoir des traitements moins invasifs derrière
12:10 parce qu'on cible beaucoup mieux, c'est ça ?
12:12 - On cible de façon plus standardisée, probablement mieux.
12:14 On peut imaginer que si on utilise le même algorithme dans tous les services,
12:17 eh bien on va augmenter la qualité globale des soins.
12:20 Et puis en plus, surtout, et ça il y a beaucoup de réflexion là-dessus,
12:22 c'est qu'on va en réalité alléger le travail technique du médecin
12:27 et le médecin va paradoxalement,
12:29 et c'est ça que je défends et qui est intéressant,
12:31 va paradoxalement s'intéresser plus à l'humain.
12:34 C'est-à-dire que l'IAN, au contraire, ne va pas détruire la relation médecin-patient,
12:38 au contraire, elle va le renforcer parce que le médecin va avoir plus de temps pour ça.
12:41 - Alors qu'est-ce qui empêche le développement à grande échelle ?
12:43 J'ai presque envie de vous poser la question,
12:44 pourquoi on n'a pas encore de l'intelligence artificielle partout dans les hôpitaux ?
12:46 - Les difficultés, c'est principalement la validation des algorithmes dont je vous ai parlé.
12:50 Certains sont déjà validés et utilisés, d'autres sont loin d'être validés.
12:54 Et le message, c'est qu'il ne faut pas se précipiter sur ces outils-là
12:57 en pensant qu'il y a une forme de magie et que ça va forcément être très très bien.
13:00 Il y a des risques et donc il faut être capable de les jauger, de les évaluer
13:05 et donc d'être certain que lorsqu'on utilise ces algorithmes-là,
13:08 en fait, on ne fait pas pire qu'autre chose.
13:09 - Il faut former des médecins aussi, aller réutiliser les outils.
13:12 - Et donc la faculté où je suis a un département d'IA en santé
13:15 qui forme d'une part les médecins aux notions d'IA
13:18 et d'autre part les ingénieurs aux notions de santé.
13:20 - Juste, ça coûte cher, une intelligence artificielle pour un hôpital ?
13:24 - Par rapport à d'autres dispositifs médicaux type scanner ou IRM,
13:28 c'est vraiment une fraction du prix, c'est vraiment pas cher.
13:31 Développer, ça peut être plus cher.
13:33 - Vous disiez tout à l'heure, ça va aider donc le médecin.
13:35 Est-ce que ça peut finalement aider dans cette situation de pénurie de soignants
13:42 que nous avons actuellement ?
13:43 - Alors, je pense que là aussi, c'est un petit danger, c'est qu'on dise
13:46 "ben regardez, on a mis de l'IA, donc on n'a pas besoin de recruter des médecins".
13:49 A mon avis, il ne faut pas faire ça.
13:50 - Ça, c'est un risque ?
13:51 - En toute honnêteté, ce n'est pas une bonne pratique à mon avis.
13:53 Il faudra qu'il y ait de l'IA, mais il ne faut pas que ça empêche de former
13:58 et de recruter de nouveaux médecins.
13:59 - Ça ne remplace pas un infirmier ? Ça ne remplace pas un aide-soignant ?
14:02 - Absolument pas.
14:03 - Dont on a besoin actuellement, ça ne remplace pas des médicaments aussi.
14:05 On a en ce moment une pénurie de certains médicaments dans la lutte contre le cancer.
14:08 Est-ce que c'est une pénurie que vous voyez chez vous à Pompidou à Paris ?
14:11 Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète ?
14:13 - Alors, à l'hôpital en général, on n'a pas de pénurie sur les chimiothérapies
14:17 ou les immunothérapies ou les thérapies ciblées.
14:19 Là où c'est plus compliqué, c'est lorsqu'on a besoin de prescrire des antibiotiques.
14:21 Par exemple, typiquement l'amoxyciline, dont on a entendu parler de la pénurie.
14:25 Les patients parfois ont besoin d'aller chercher cet antibiotique
14:27 lorsqu'ils ont de la fièvre entre deux cycles de chimiothérapie.
14:30 Là, ça peut poser des problèmes.
14:31 - Oui, parce que la chimiothérapie, évidemment, a un impact sur leur défense immunitaire.
14:35 - Absolument, on fait baisser les obligants.
14:36 - Il faut s'assurer qu'ils ne développent pas certaines infections.
14:39 - Professeur Jean-Emmanuel Bibaud, médecin cancérologue à l'hôpital Georges Pompidou à Paris,
14:42 je rappelle votre titre, on en est où aujourd'hui, plus globalement, du combat contre la maladie ?
14:47 Est-ce qu'on est proche de pouvoir dire "ça y est, on sait guérir tous les cancers" ?
14:52 - Malheureusement, non.
14:54 Il y a beaucoup, beaucoup de progrès.
14:55 On a vu notamment hier que la mortalité du cancer du poumon
14:59 avait très fortement diminué dans les CHU français.
15:02 - Le CHU, c'est les CHU, les centres hospitaliers universitaires.
15:06 - Exactement.
15:07 Et donc, il y a beaucoup de raisons d'espérer.
15:10 Mais ça ne serait pas honnête de dire qu'on va guérir tous les cancers, malheureusement, à l'heure actuelle.
15:14 - Qu'est-ce qui fait, vous dites, la mortalité baisse beaucoup contre le cancer des poumons ?
15:18 C'est dû à quoi ?
15:19 C'est la prévention ? C'est le fait qu'on détecte plus tôt ?
15:22 Ou on soigne mieux ?
15:23 - C'est probablement dû au fait qu'on détecte plus tôt,
15:25 parce qu'on a des meilleurs résultats quand on détecte des tumeurs qui sont à un stade moins avancé.
15:29 Et puis, c'est aussi les pro-thérapeutiques.
15:30 La radiothérapie qui est meilleure, qui donne moins d'effets secondaires.
15:34 Les chimiothérapies qui sont aussi plus efficaces.
15:36 L'immunothérapie dans le cancer du poumon qui a révolutionné les choses,
15:39 pour les patients qui, malheureusement, sont métastatiques.
15:41 - Qui fonctionne comment, l'immunothérapie ?
15:43 C'est assez différent des traitements d'avant.
15:45 - C'est assez différent.
15:46 En réalité, l'immunothérapie, c'est qu'on va utiliser le propre système immunitaire du patient
15:50 pour détruire le cancer.
15:52 - Et comment on fait ?
15:53 - On injecte une molécule qui inhibe un certain signal
15:58 qui va libérer le système immunitaire contre les cellules tumorales.
16:01 - C'est presque comme un vaccin finalement.
16:03 - C'est quasiment fait.
16:04 - On met réagir le corps.
16:05 - On n'injecte pas un antigène tumoral.
16:07 On injecte quelque chose qui va inhiber un signal qui bloque le système immunitaire.
16:11 - Et selon vous, c'est quoi les domaines dans lesquels la cancérologie
16:15 va vraiment faire des avancées dans un futur très proche ?
16:19 - Pour moi, le principal domaine dans lequel on a besoin de faire des vrais progrès
16:22 et qui vont se concrétiser, c'est dans la prévention.
16:26 - Tout l'intelligence artificielle.
16:28 - Il faut qu'on arrive à prévenir les cancers,
16:30 c'est-à-dire les dépister et les diagnostiquer le plus tôt possible,
16:32 mais surtout, tout simplement empêcher leur survenue
16:35 en expliquant mieux les choses, en faisant des politiques de santé publique
16:39 pour modifier les comportements qui sont à risque.
16:41 Ça, c'est le premier point.
16:43 C'est presque ce qu'il y a de plus facile et pourtant, c'est ce qui est le plus difficile en réalité.
16:46 - Le facteur comportemental, ça reste le premier risque de cancer ?
16:49 - Absolument. Il y a beaucoup de recherches qui montrent que 95% des risques d'avoir un cancer,
16:54 il y a de la génétique bien sûr, mais il y a surtout le comportement et l'environnement.
16:57 - Donc on arrête de fumer, on se fait aider pour ça,
16:59 on essaye de manger moins de cordon bleu industriel, on fait attention.
17:03 Merci Professeur Jean-Emmanuel Bibaud.

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