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Jérôme Guedj, député PS-Nupes de l'Essonne, est l'invité de 7h50. Il revient sur le débat qui s'ouvre à l'Assemblée nationale sur le projet de réforme des retraites du gouvernement. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-06-fevrier-2023-1764354

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00:00 Il est 7h48, Léa Salamé, votre invitée ce matin est députée PS NUP de l'Essonne.
00:05 Bonjour Jérôme Guedj.
00:06 Bonjour Léa Salamé.
00:07 Merci d'être avec nous ce matin, vous serez le chef de file du PS dans la bataille parlementaire
00:10 sur la réforme des retraites qui commence aujourd'hui à 16h.
00:13 Honnêtement, qu'espérez-vous de ces deux semaines de débat à l'Assemblée nationale ?
00:16 Améliorer le texte du gouvernement ou qu'il le retire purement et simplement ?
00:19 Moi j'espère avec Arthur Delaporte, Boris Vallaud et tous les socialistes qui vont se
00:23 mobiliser pendant ces dix jours, que le travail parlementaire qu'on va faire va permettre
00:28 d'alimenter la mobilisation sociale.
00:30 Parce que voyez-vous cette réforme des retraites, elle est frappée du syndrome Dracula, vous
00:34 savez, il n'aime pas être mis à la lumière, il se transforme en un tas de cendres.
00:37 Le débat parlementaire va permettre de mettre des coups de projecteur sur chacune des dispositions
00:42 et parler concrètement des conséquences pour les Français, les vies brisées que
00:46 ça va représenter pour telle ou telle catégorie de Français.
00:49 Donc le débat parlementaire, moi je souhaite qu'il puisse se déployer le plus longtemps
00:53 possible et qu'il permette à chaque fois de déconstruire les conséquences concrètes
00:57 de cette réforme.
00:58 Donc vous ne dites pas ce matin que le gouvernement peut reculer ?
01:00 Il faut que le gouvernement recule.
01:03 Et le retrait, on ne va pas m'égoter, c'est le retrait de la mesure d'âge.
01:06 Parce que les Français, dans leur trip, pardonnez-moi l'expression, ont compris ce que ça signifiait
01:11 pour eux.
01:12 Depuis le début, on leur explique que cette réforme, c'est une réforme juste.
01:15 Alors ils sont allés regarder les dispositions, elles sont homéopathiques.
01:18 Même les députés LR ont constaté que les mesures sur les carrières longues n'étaient
01:22 pas adaptées.
01:23 Les mesures sur la pénibilité, elles n'y sont pas.
01:24 1200 euros pour tout le monde, c'est homéopathique ?
01:26 Mais Léa Salamé, ce n'est pas vrai 1200 euros pour tout le monde.
01:30 C'est le relèvement du MICO, pardon, c'est technique, le minimum contributif.
01:34 Mais en réalité, il ne faut pas faire croire aux gens que tout le monde va avoir droit
01:38 à un minimum de retraite de 1200 euros.
01:41 Il va y avoir des effets induits et surtout le fait qu'il faut avoir une carrière complète
01:46 et ça ne concerne pas tout le monde.
01:47 Donc il y a eu une sorte de matraquage de communication sur "c'est une réforme juste",
01:51 non ça n'existe pas.
01:52 Après on nous a dit "c'est une réforme qui est absolument indispensable parce que
01:56 c'est la faillite du système de retraite".
01:58 Mais bon sang, franchement, là je vais m'arrêter 3 secondes.
02:01 Le système de retraite, 2.
02:03 On nous dit 12 milliards de déficit en 2027, 13 milliards en 2030.
02:09 Sur 350 milliards d'euros de pensions versées.
02:11 Une seule illustration.
02:13 Si vous, vous avez un crédit immobilier de 1000 euros par mois, ou un loyer de 1000 euros
02:18 par mois et qu'il vous manque 35 euros pour boucler et pour rembourser votre crédit,
02:23 vous n'allez pas vendre votre maison.
02:25 C'est rien ces 13 milliards par an.
02:26 Mais ces 13 milliards, on peut les trouver.
02:27 C'est d'ailleurs le sens des amendements qu'on fait.
02:29 Alors on va y venir, mais pour qu'il y ait un bon débat parlementaire, encore faut-il
02:33 avoir le temps de défendre.
02:35 Et c'est là qu'on en arrive à la NUPES qui a déposé 18 000 amendements.
02:41 Il faudrait des mois pour tous les examiner.
02:43 Olivier Véran vous reproche de faire une obstruction bête et méchante.
02:46 Qu'est-ce que vous lui répondez ?
02:47 Non, moi je ne veux pas d'obstruction bête et méchante.
02:49 Quand vous regardez chacun des amendements que nous avons déposés…
02:51 18 000 amendements, c'est pas…
02:53 Nous, les socialistes, nous avons déposé 1315 amendements.
02:57 Vos amis insoumis en ont déposé 13 000.
03:00 Vous verrez, c'est les amendements qui permettent d'inscrire et la plupart d'entre eux feront
03:04 l'objet de discussions communes.
03:06 Moi je vous le dis, nous ne souhaitons pas être dans une logique d'obstruction.
03:09 On est dans une logique de construction d'une certaine manière, c'est-à-dire de donner
03:12 à voir les autres solutions qui sont possibles.
03:15 Beaucoup de nos amendements portent sur un financement alternatif plutôt que cet impôt
03:20 sur la vie qu'on va prélever sur les ordres.
03:23 On va y venir à vos amendements, mais en commission.
03:25 Avant que ça arrive dans l'hémicycle, il faut expliquer que ça arrive en commission.
03:28 En commission, il y avait tellement d'amendements que vous n'avez pu étudier, examiner que
03:31 deux articles.
03:32 Or, Laurent Berger vous le dit, pas d'obstruction, sinon vous n'arriverez pas à l'article
03:36 7, qui est l'article sur les 64 ans.
03:38 Et s'il n'y a pas un débat parlementaire sur l'article 7, ça ne sert à rien.
03:41 Mais je vais vous le dire très clairement, nous souhaitons qu'il y ait un débat sur
03:43 l'article 7, sur l'article 9 et sur l'article 10 pour la raison que je vous ai indiqué,
03:47 pour permettre de voir à chaque fois les conséquences concrètes sur la vie des infirmières.
03:52 Qu'est-ce que vous dites aux insoumis ? Il y a deux semaines d'examen.
03:55 Qu'est-ce que vous leur dites sur leurs 12 000 abonnés ?
03:57 On se parle tous les jours, quasiment toutes les heures.
04:00 Et le dépôt d'amendement ne préjuge pas, ne présume pas de la gestion du temps qu'on
04:05 aura dans l'hémicycle.
04:06 Vous savez, c'est clair, eux c'est eux, nous c'est nous.
04:09 Par contre, nous sommes ensemble pour faire en sorte qu'on puisse donner à voir tout
04:14 ce qui ne va pas dans cette réforme.
04:15 Alors, une toute dernière question avant d'arriver sur le fond, avant l'examen des amendements
04:18 à l'Assemblée Nationale, deux motions vont être examinées, celle de la NUP et celle
04:23 du RN qui présente sa motion référendaire, qui demande un référendum sur la réforme.
04:27 Vous allez la voter ou pas ?
04:28 Non, on ne votera pas la motion référendaire du Front National, du Rassemblement National.
04:32 Depuis le début, ils s'en foutent totalement de la réforme de retraite.
04:35 Je reprends les termes de Laurent Berger hier sur France Inter.
04:38 Donc on ne va pas leur donner un bon de sortie précieux.
04:42 Sur le fond maintenant, Elisabeth Borne a donc retenu la demande des LR.
04:46 Les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite
04:48 à 63 ans et pas à 64 ans.
04:50 Est-ce que ça va dans le bon sens ?
04:51 Mais c'est homéopathique, c'est une mesurette.
04:55 Elle-même le reconnaît, ça va concerner 30 000 personnes.
04:59 Alors que le cœur de la réforme, c'est-à-dire les deux années de plus, c'est les 30 millions
05:04 de la population active française qui sont concernées, je le redis, par cette
05:07 "impôt sur la vie" là où ils nous disent "ah ben vous, vous ne pensez qu'à faire
05:12 des prélèvements supplémentaires pour équilibrer le régime".
05:14 Mais oui, il faut un prélèvement massif, cet impôt sur la vie des gens et le refus
05:18 derrière ça en fait d'aborder l'essentiel, le rapport au travail et aussi le partage
05:23 des richesses.
05:24 Parce que ce régime des retraites, qui est le patrimoine, c'est identitaire, c'est
05:27 dans les valeurs des Français, on peut l'équilibrer si on organise mieux le partage des richesses,
05:33 ce que le gouvernement refuse de faire.
05:34 Le gouvernement dit que votre contre-projet c'est une augmentation massive des impôts,
05:38 c'est augmenter de 110 milliards d'euros les impôts, disait Gabriel Attal il y a 4
05:41 jours, précisément à votre micro, je le cite, il y a un amendement de la NUP, je
05:45 crois que Jérôme Guedj en est le premier signataire, qui revient sur ce qu'on appelle
05:49 les allègements généraux de cotisations, donc pour un boulanger, pour un artisan qui
05:52 nous écoute, ça coûterait 700 euros de plus par mois en charge, qu'est-ce que vous
05:55 lui répondez à ça ?
05:56 Bah que Gabriel Attal s'est emballé, c'est-à-dire que nous nous proposons en effet des amendements
06:01 pour notamment soumettre à cotisation des pans entiers des revenus qui sont exemptés
06:07 de cotisation pour la sécurité sociale et le régime des retraites.
06:12 Je vous prends un seul exemple, et là il y a un consensus des économistes, je parle
06:16 sous le regard avisé de Dominique Seux.
06:19 Aujourd'hui, entre 2,5 fois le SMIC et 3 fois et demi, c'est-à-dire entre 4000 environ
06:24 et 6000 euros, il y a des exonérations de cotisations sociales.
06:28 Il y a des économistes du conseil d'analyse économique et il y a même des parlementaires
06:32 renaissance qui ont pointé que ce n'était pas justifié.
06:35 Ça rapporte 2 milliards d'euros si on soumet à cotisation sociale ces prélèvements.
06:40 Pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas ? Nous, ce n'est pas 110 milliards d'euros de prélèvements
06:44 qu'on propose, mais c'est n'importe quoi.
06:46 Parce qu'en fait, ils mettent en avant ce que coûterait, et encore on peut en discuter,
06:51 une réforme alternative.
06:52 Mais là, on n'est pas dans ce moment-là.
06:54 Dans ce moment, on s'oppose à la réforme à 64 ans et on fait toute une série de propositions.
06:59 Vous n'êtes pas dans ce moment-là, mais je suis quand même obligée de vous poser
07:01 la question.
07:02 A la NUP, vous défendez la retraite à 60 ans.
07:06 Le PS s'est aligné sur les insoumis et défend le contraire de ce que vous avez défendu
07:10 pendant la campagne présidentielle, c'est-à-dire rester à 62 ans.
07:14 Le socialiste que vous êtes, Jérôme Gage, pense vraiment que le retour à la retraite
07:18 à 60 ans, c'est réaliste.
07:19 Demain, vous êtes au pouvoir, vous nous dites, yeux dans les yeux à ce micro, on reviendra
07:22 à la retraite à 60 ans, sérieusement ?
07:24 L'objectif, c'est l'horizon de la retraite à 60 ans.
07:27 Elle est possible, d'ailleurs c'était le débat sur les carrières longues, si on tient
07:31 compte justement de la pénibilité, des carrières hachées, des carrières longues, etc.
07:35 Mais moi, dans cette bataille-là, je ne veux pas avoir quelque chose qui me distrait de
07:39 la priorité, qui est d'empêcher la retraite à 64 ans.
07:42 Regardez le Front syndical.
07:43 Le Front syndical, il est uni.
07:44 Demain, vous revenez au pouvoir, vous faites la retraite à 60 ans ?
07:47 On va vers cette retraite à 60 ans, évidemment.
07:50 C'est l'objectif en mobilisant toutes celles des ressources qui ne le sont pas.
07:54 On entendait tout à l'heure dans le journal 80 milliards de dividendes.
07:57 Nous, on propose par exemple une taxe provisoire sur les super profits ou les super dividendes
08:03 qui pourrait réalimenter le fameux fonds de réserve des retraites qui avait été créé
08:07 par Lionel Jospin et qui permettrait d'absorber le déficit conjoncturel.
08:11 Bon sang, les gens ont compris que cette réforme, elle était injuste parce qu'elle avait la
08:17 paresse de refuser les solutions alternatives qui permettent de mettre à contribution ce
08:23 qui pour l'instant échappe au financement de ce régime des retraites.
08:26 Il garde la confiance d'Elisabeth Borne, mais Olivier Dussopt, le ministre du Travail
08:29 soupçonné de favoritisme par le parquet financier de Paris, peut-il conduire les débats sur
08:32 les retraites ?
08:33 Je vais vous dire sincèrement, moi je ne vais pas hurler avec les loups sur la demande
08:36 de démission ou je ne sais quoi.
08:37 C'est navrant, c'est affligeant, ça le fragilise évidemment.
08:41 Mais s'il y a du favoritisme ou s'il y a un marché truqué, c'est principalement
08:47 dans cette réforme des retraites en favorisant des solutions injustes au détriment de tous
08:50 nos concitoyens.
08:51 Sur le rapport au travail, Gérald Darmanin a chargé la NUP il y a quelques jours en
08:54 évoquant les gauchistes bobos qui défendent une société sans travail, sans effort.
08:57 Mais ne disiez-vous pas vous-même la même chose avec vos mots il y a quelques jours
09:01 dans l'Express, Jérôme Gedges en reconnaissant que la gauche avait tort d'avoir abandonné
09:05 la valeur travail à la droite ?
09:06 Évidemment, moi je plaide pour que le travail soit reconnu à sa juste valeur.
09:11 Et la première des valeurs, c'est la juste rémunération du travail.
09:14 Parce qu'on a oublié de le dire, vous savez, si on augmente les salaires dans ce pays,
09:18 il n'y a plus de problème de financement des régimes de retraite.
09:21 Et que si on en est là aujourd'hui à lever cet impôt sur la vie des gens, c'est parce
09:25 qu'on refuse d'augmenter les salaires, on refuse de mieux partager les richesses
09:29 et à travers ça, de reconnaître la valeur travail et de mieux la rémunérer.
09:34 Vous dites comme Marine Tondelier "Nous ne voulons plus une France de milliardaires,
09:36 c'est des vampires égoïstes".
09:37 Qu'est-ce que je lui dis ?
09:39 Vous dites pareil, vous dites "On ne veut plus".
09:41 Je n'utilise pas ces termes.
09:43 Je vais vous dire, moi je n'ai pas de problème au fait qu'il y ait des millionnaires et
09:45 des milliardaires dans ce pays.
09:47 Le problème que j'ai, c'est qu'ils échappent à la contribution au financement des politiques publiques.
09:54 Moi, les patrons de PME, qui eux payent un impôt sur les sociétés à 25%, pendant
10:00 que les grands groupes, grâce à l'évasion fiscale, grâce à l'optimisation fiscale,
10:04 eux vont payer en moyenne 5 ou 6% d'impôt, il est là mon problème.
10:07 Donc, qu'il y ait de la richesse qui soit créée, pas de problème.
10:11 Mais qu'elle soit partagée, qu'elle soit redistribuée et qu'on ne soit pas dans cette
10:14 logique de dire "On demande aux gens de travailler plus pour produire plus".
10:18 Les retraités, vous savez, ils sont utiles à la société.
10:21 Ils gardent les petits-enfants, ils font tourner les associations, ils font tourner les conseils
10:25 municipaux.
10:26 Si on les fait travailler deux ans de plus, comment on va se priver de ce lien social
10:31 qui n'est pas dans le PIB mais qui est tout utile au pays ?
10:33 Et on les embrasse les grands-pères et les grands-mères.
10:35 On les remercie de garder les enfants.
10:37 Merci Jérôme Guest, belle journée à vous.

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