Au lendemain des manifestations contre la réforme des retraites, "il y a des inquiétudes, il y a des doutes", a reconnu le ministre délégué aux Comptes publics Gabriel Attal sur France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-01-fevrier-2023-4411462
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Léa Salamé, votre invitée ce matin est ministre déléguée au compte public.
00:03 - Et bonjour Gabriel Attal. - Bonjour.
00:05 - Merci d'être avec nous ce matin. Mobilisation record hier, 1,3 million de Français dans la rue,
00:09 2,5 millions selon les syndicats, deux nouvelles journées de mobilisation prévues.
00:13 Vous les entendez les Français ?
00:14 - Évidemment, il faut non seulement entendre mais comprendre le message qui est passé à l'occasion de ces mobilisations.
00:19 Moi j'ai un profond respect pour les Français qui prennent de leur temps une journée pour aller faire valoir leur conviction
00:26 et en l'occurrence ici leur opposition à une réforme.
00:29 - Vous les entendez mais est-ce que vous les écoutez ?
00:31 - Il y a des inquiétudes, il y a des doutes. Évidemment qu'on les écoute Léa Salamé.
00:34 Vous savez, moi je me déplace chaque semaine partout en France pour faire des réunions publiques avec des Français directement,
00:39 pas des militants politiques mais pour échanger.
00:41 Parfois la discussion est difficile mais moi je pense qu'il faut toujours être au contact et toujours être dans l'échange
00:47 et puis entendre ce qui est exprimé.
00:49 Il y a des inquiétudes, des doutes face à une réforme qui évidemment demande un effort.
00:54 Travailler progressivement plus longtemps à horizon 2030.
00:57 Et moi ce que je vois aussi derrière ces mobilisations, et ça je pense que ça peut nous unir,
01:02 c'est un attachement profond à notre système de retraite par répartition qui est aujourd'hui menacé.
01:07 On aura un gros problème pour payer les pensions de retraite dans les années à venir si on ne fait rien.
01:11 C'est pour ça qu'on se mobilise.
01:12 - Vous avez expliqué que vous allez au contact des Français, vous avez expliqué que c'était...
01:16 S'il y avait un problème, si ça ripait, c'était un problème d'explication, un problème...
01:20 - Non, c'est pas ce que je dis.
01:21 - Pas vous personnellement mais plusieurs ministres ont expliqué qu'il y avait un problème, un déficit de pédagogie.
01:27 Mais le problème c'est que plus vous l'expliquez cette réforme, plus les gens sont contre.
01:33 Frédéric Dhabi de l'IFOP le dit clairement, au fur et à mesure que les Français prennent connaissance de la réforme,
01:37 l'adhésion recule.
01:38 Alors est-ce un problème de pédagogie ou est-ce un problème du fond de la réforme ?
01:42 - Moi j'ai jamais été dans la logique que vous évoquez.
01:44 Je pense que c'est évidemment toujours important de s'expliquer, de rendre des comptes.
01:47 Mais quand je me déplace pour rencontrer les Français, c'est aussi pour les entendre.
01:50 Ça a vocation à enrichir notre projet.
01:52 - Et ils vous disent quoi ?
01:53 - Il y a beaucoup d'expressions sur la qualité de vie au travail.
01:57 - Ils vous disent quoi sur les 64 ans honnêtement ?
01:59 - J'ai beaucoup de Français qui disent 1) j'ai un métier pénible, je pourrais pas aller jusqu'à 64 ans.
02:04 Ensuite quand on regarde les dispositifs qu'on renforce sur la pénibilité et sur les carrières longues,
02:08 régulièrement beaucoup découvrent qu'ils n'iront pas jusqu'à 64 ans.
02:11 4 Français sur 10 à l'issue de notre réforme partiront avant 64 ans.
02:16 Pour certains à 62 ans, pour d'autres à 60 ans, pour d'autres encore à 58 ans,
02:21 parce qu'on tient compte des carrières longues et de la pénibilité.
02:23 Et ensuite, il y a des choses très concrètes sur la carrière, sur le travail.
02:28 - On va y venir.
02:29 - Je vais vous dire qu'il me disait,
02:31 vous savez, moi je serais d'accord de travailler plus longtemps, 2 ans de plus.
02:34 La question c'est les conditions dans lesquelles je travaille.
02:37 On dépense, Léa Salamé, chaque année 40 millions d'euros pour améliorer les conditions de travail.
02:42 On va passer avec notre réforme à 200 millions d'euros par an.
02:45 C'est très concret, c'est des fonds pour réduire la pénibilité au travail.
02:50 - On va en parler, vous avez une proposition notamment.
02:52 - Vous avez une proposition, Gabriel Attal, je vais y venir, mais tout de même,
02:54 soyons clairs, parce que c'est ça qui se joue aujourd'hui.
02:57 Elisabeth Borne a dit le week-end dernier "les 64 ans ne sont plus négociables".
03:00 Vous le redites ce matin ?
03:01 - Mais parce que l'alternative, c'est quoi ?
03:03 L'alternative ?
03:04 - Vous le redites ce matin ? Les 64 ans ?
03:05 Non, moi, vous ne me parlez pas de l'alternative ?
03:07 Est-ce que les 64 ans ne sont plus négociables ?
03:09 - Évidemment, dans ce que dit la Première Ministre, Léa Salamé, ce que je dis, c'est quoi ?
03:12 C'est que là, on est à l'heure des choix, que le débat parlementaire a commencé.
03:15 Et qu'on voit bien, l'alternative à ce que nous proposons, qui est proposé par les oppositions,
03:20 c'est une augmentation massive des impôts pour payer les retraites.
03:22 Ils disent "oui, il y a un problème de financement pour payer les retraites,
03:25 et bien nous, ce qu'on propose, c'est d'augmenter les impôts de 110 milliards d'euros".
03:28 - D'augmenter les cotisations sociales, c'est ça qu'ils proposent, notamment la gauche, la gauche,
03:32 ils proposent d'augmenter les cotisations sociales de 5 à 10 euros.
03:35 - Non, non, non, c'est ce qu'ils ont dit.
03:37 - C'est l'amendement de la NUPES, en l'occurrence, je crois que c'est Jérôme Gatch qui est le premier signataire,
03:41 qui revient sur ce qu'on appelle les allègements généraux de cotisation.
03:43 Ça veut dire très concrètement que pour un boulanger, un artisan, un commerçant qui nous écoute,
03:47 ça coûterait 700 euros de plus par mois par salarié en charge.
03:51 - On va vérifier. - Parce qu'avec les difficultés qu'ils connaissent,
03:53 vous imaginez que c'est possible et soutenable.
03:55 - Pardon de revenir. - Ça aurait un impact sur l'emploi, ça détruirait massivement de l'emploi.
03:59 - Gabriel Attal, Laurent Berger de la CFDT a dit hier, il a été très clair,
04:01 "tant que les 64 ans seront sur la table, vous me trouverez dans la rue".
04:04 Vous lui dites quoi, ce matin ?
04:06 - Moi, ce que je dis, c'est qu'il n'est jamais trop tard pour se parler,
04:08 que probablement que sur le point central de cette réforme, on ne tombera pas d'accord,
04:12 mais enfin qu'on peut continuer à l'enrichir ensemble.
04:14 Moi, je veux rappeler qu'il y a eu des mois de concertation avec la première ministre Elisabeth Borne,
04:18 avec mon collègue Olivier Dussopt.
04:20 On était au départ à 65 ans, on est passé à 64 ans.
04:23 Au départ, la revalorisation des petites retraites, c'était que pour les nouveaux retraités.
04:26 Maintenant, ça sera aussi pour les retraités actuels.
04:28 On a élargi la prise en compte de la pénibilité.
04:31 On tiendra compte du congé parental, des congés pour les parents aidants,
04:35 notamment d'enfants en situation de handicap, qui compteront désormais pour des trimestres.
04:39 Tout ça, c'est le fruit de la discussion avec les organisations syndicales.
04:42 - Donc vous lui dites, "parlons encore, arrêtez de manifester".
04:45 - Bien sûr, il y a des enjeux sur lesquels on peut continuer à avancer,
04:46 sur l'emploi des seniors, sur la prise en compte de situations de personnes
04:49 qui ont commencé à travailler tôt, qui ont eu des métiers pénibles.
04:52 Sur tous ces sujets-là, on peut continuer à avancer.
04:54 - Marisol Touraine, qui a porté la dernière réforme des retraites sous le quinquennat Hollande,
04:58 qui a, je le rappelle, appelé à voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour.
05:02 Vous la connaissez bien, Gabrielle Attal.
05:04 Elle a appelé à voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour.
05:07 Donc elle n'est pas franchement une opposante.
05:09 Elle a dit à ce micro lundi, "oui, il faut une réforme des retraites,
05:12 oui, il faut travailler plus et plus longtemps".
05:14 Mais leur réforme est profondément injuste.
05:16 Les 64 ans, ce totem est profondément injuste.
05:19 Elle fait peser les efforts sur les plus modestes.
05:21 Elle dit aussi, "la réforme manque de contributions des entreprises,
05:24 manque de la contribution des entreprises ou de ceux qui sont les plus aisés".
05:27 C'est la première fois qu'une réforme des retraites ne met pas à contribution les entreprises.
05:31 Pourquoi les efforts ne sont que sur les salariés ?
05:34 - Les précédentes réformes qui avaient, pour reprendre vos mots,
05:37 mis à contribution les entreprises, c'est-à-dire qui avaient augmenté les cotisations,
05:42 se sont traduites économiquement, je ne parle pas du déficit du système de retraite,
05:46 mais économiquement par une augmentation du chômage et une diminution de la croissance.
05:50 Moi, je le dis, je pense, c'est un beau débat et c'est un vrai débat.
05:53 Moi, je pense qu'on est au taquet en termes d'impôts en France.
05:56 On est le deuxième pays en termes de prélèvement obligatoire dans l'OCDE,
05:59 sur les 38 pays, je crois, de l'OCDE.
06:01 Et on a vu ce que ça donnait ces dernières décennies, d'augmenter sans cesse les impôts,
06:05 ça détruit les emplois et ça ralentit la croissance.
06:07 Je vous donne un exemple.
06:08 - Ça ne vous interroge pas quand Marcel Touraine, avec qui vous avez travaillé,
06:10 vous, personnellement, dit "c'est une réforme profondément injuste".
06:13 - Moi, j'écoute évidemment ce que tout le monde dit, y compris des personnes...
06:15 - Ce n'est pas une insoumise.
06:16 - Non, mais y compris des personnes pour qui j'ai un immense respect.
06:19 Après, c'est aussi un débat, la société, vous savez, la démocratie,
06:22 ce n'est pas l'illusion du consensus, c'est la recherche du compromis,
06:25 du dialogue et de la discussion.
06:27 En l'occurrence, moi, je crois profondément, et on l'a démontré,
06:30 vous savez, ce matin, je vais présenter en Conseil des ministres l'exécution budgétaire 2022.
06:35 2022, ça a été une année record en termes de collecte d'impôts sur les sociétés, 62 milliards.
06:40 C'est aussi l'année où le taux d'impôts sur les sociétés était le plus faible,
06:43 parce qu'on l'a baissé à 25%.
06:45 On collecte plus d'impôts des entreprises
06:47 depuis qu'on a baissé les taux d'imposition sur les entreprises,
06:50 parce que quand vous baissez la fiscalité,
06:52 l'économie se développe et donc vous avez davantage de recettes fiscales.
06:55 C'est ça, ma conviction, et on a le taux de chômage le plus bas depuis 15 ans.
06:58 - Sur les femmes. - Le taux de chômage des jeunes le plus bas depuis 40 ans.
07:00 - Sur les femmes, le rapport d'impact de votre réforme,
07:02 donc c'est le rapport d'impact qui le dit,
07:04 dit que les femmes vont travailler en moyenne 7 mois de plus,
07:07 alors que les hommes, ce sera 5 mois.
07:08 Les femmes seront pénalisées, c'est ce qu'a reconnu et assumé Franck Riester, le ministre.
07:12 Est-ce que vous allez corriger cela ?
07:14 - Ce que dit aussi l'étude d'impact, pour être parfaitement complet,
07:16 il y a même un graphique très intéressant qui le montre,
07:19 c'est qu'aujourd'hui, en moyenne, les femmes partent à la retraite après les hommes.
07:23 Et que demain, à l'issue de notre réforme,
07:24 elles partiront en moyenne légèrement avant les hommes.
07:28 Donc c'est aussi ça l'impact de cette réforme,
07:29 quand vous prenez en compte le congé parental,
07:31 quand vous prenez en compte les congés pour les aidants.
07:34 Ensuite, il y a une réflexion sur ce qu'on appelle les droits familiaux.
07:38 On a confié au COR, au Conseil d'orientation des retraites,
07:41 un rapport qui va nous remettre pour qu'on puisse intégrer des mesures
07:45 sur ce qu'on appelle les droits familiaux,
07:46 c'est-à-dire la prise en compte de la maternité pour les femmes,
07:49 la question des trimestres.
07:50 Vous savez qu'aujourd'hui, il y a une inégalité,
07:52 que vous avez, je crois, huit trimestres dans le privé,
07:54 deux trimestres dans le public, sur la question des pensions de reversion.
07:57 Sur tous ces sujets-là, on est évidemment très ouverts à avancer et à enrichir.
08:00 - Sur l'emploi des seniors, vous pourriez décider de mesures contraignantes
08:03 pour les entreprises ou c'est non ?
08:04 - Moi, je crois que c'est un vrai débat et que c'est un débat qui aura lieu au Parlement.
08:07 Vous savez, hier, je crois qu'il y a un amendement communiste
08:09 qui a été adopté dans la réforme,
08:11 qui prévoit notamment, que dans les discussions au sein de l'entreprise,
08:14 qui précise les leviers d'amélioration de l'emploi des seniors.
08:17 Moi, je suis très ouvert et on est très ouverts,
08:19 avec mon collègue Olivier Dussopt,
08:21 à toutes les propositions qui viendraient,
08:22 notamment sur la question de l'emploi des seniors
08:24 et pourquoi pas, de manière plus contraignante.
08:26 - Cette réforme pose la question de notre rapport au travail, vous l'avez dit.
08:29 Pensez-vous, vous aussi, comme Gérald Darmanin,
08:32 que ceux qui s'opposent à cette réforme sont des gauchistes, bobos,
08:35 qui veulent une société sans travail, sans effort,
08:37 bref, des paresseux ?
08:38 - Alors, je crois qu'il s'adressait, dans son interview,
08:40 aux partis de la NUPES.
08:43 Moi, je ne dirais jamais... - Mais, est-ce qu'ils sont des paresseux ?
08:45 - Non, mais, Elia Salamé, je ne dirais jamais à quelqu'un
08:48 qui doute de cette réforme, ou qui s'oppose à cette réforme,
08:51 parce qu'il a un travail pénible, qu'il est un paresseux.
08:53 C'est quelqu'un qui se lève le matin,
08:55 qui va travailler dans des conditions difficiles.
08:57 - Est-ce que vous dites aux PS, aux Verts, aux Insoumis, ce matin,
09:01 que c'est des paresseux, des bobos, des gauchistes,
09:03 qui veulent une société sans travail et sans effort ?
09:04 - Ça ne vous aura pas échappé, j'essaye de pacifier un peu les choses
09:08 et d'être dans un dialogue de fond sur les différents sujets.
09:11 Maintenant, sur la question des conditions de travail que vous avez évoquées...
09:14 - Alors, vous avez une proposition ?
09:15 - Oui, je pense qu'on peut progresser sur ce sujet-là,
09:18 donner plus de liberté aux Français.
09:19 Qu'est-ce qu'ils vous disent, les Français, aujourd'hui ?
09:21 C'est que, quand on parle des retraites, c'est la question de leur rapport au travail qui est posée.
09:25 Et que, pour beaucoup de Français, ils souhaiteraient avoir plus de liberté,
09:28 plus de flexibilité dans leur organisation du travail.
09:30 - Vous annoncez, ce matin, une expérimentation, dans l'opinion,
09:32 une expérimentation de la semaine de 4 jours dans la fonction publique.
09:35 Vous allez l'essayer sur le URSSAF de Picardie, c'est ça ?
09:37 Où, s'ils le souhaitent, les salariés pourront travailler 4 jours,
09:42 36 heures en 4 jours, c'est ça ?
09:44 - Oui, c'est-à-dire la durée hebdomadaire de travail qu'ils font,
09:47 concentrée sur 4 jours, c'est-à-dire commencer un peu plus tôt le matin,
09:50 terminer un peu plus tard le soir.
09:51 - C'est intéressant, Gabriel Attal, mais pourquoi ça vient maintenant ?
09:54 - C'est une expérimentation, vous savez, les travaux pour cette expérimentation,
09:56 on les a lancés il y a à peu près 6 mois.
09:58 On a discuté avec les organisations syndicales, avec les agents,
10:02 on a lancé l'expérimentation il y a plusieurs semaines.
10:04 Moi, je crois profondément que soutenir le travail comme on le fait,
10:08 c'est aussi accepter que certains aspirent à travailler différemment,
10:11 et que notre responsabilité, c'est de donner des possibilités aux Français qui le souhaitent,
10:16 de travailler différemment s'ils le souhaitent.
10:18 C'est un beau débat et un beau travail qu'on aura aussi dans les semaines qui viennent.
10:20 - Deux questions en 10 secondes.
10:22 Ceux dans votre groupe qui ne vont pas voter la réforme des retraites,
10:25 vous leur dites quoi de ce matin ?
10:27 - Moi, je me... Enfin, encore une fois, démarre le débat en commission.
10:30 On va avoir le débat en séance.
10:31 - La dissolution est sur la table ?
10:33 - Moi, j'aspire à convaincre tous mes collègues et tous les députés.
10:36 - La dissolution est sur la table ?
10:37 - Je crois pas du tout. Enfin, je lis la presse.
10:39 - Un conseiller de l'Elysée a dit que c'était sur la table ?
10:41 - Oui, enfin, toujours des trucs anonymes qui ressortent comme ça,
10:43 tous les 3-4 mois, qui excite un peu tout le monde.
10:45 - La dissolution n'est pas sur la table ?
10:47 - Mais l'enjeu aujourd'hui, ce qui est sur la table,
10:48 c'est de pouvoir agir et de faire les réformes nécessaires pour le pays.
10:51 - Merci, Gabriel Attal. Belle journée.