"Ce qui m'a donné envie de faire ce métier, c'est l'évasion et le rêve." Annie Bardon Lay est la chef maquilleuse de l'Opéra de Bordeaux. Elle nous a expliqué son métier de l'ombre au service des plus belles œuvres.
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00:00 C'est vraiment un métier aussi d'être maquillée, autant que de maquiller.
00:03 Parce qu'il faut lâcher prise, il faut se laisser faire par quelqu'un en qui on a confiance.
00:08 Moi je suis toujours admirative de la façon dont les artistes se laissent maquiller.
00:12 Il est 19h45, début de la représentation dans 15 minutes.
00:17 15 minutes, merci.
00:19 Je m'appelle Annie Bardanley et je suis chef maquilleuse à l'Opéra de Bordeaux depuis 25 ans.
00:28 Je m'occupe aussi du service perruque depuis une dizaine d'années.
00:31 En général, nous travaillons avec des costumiers, des décorateurs et des metteurs en scène
00:35 qui ont un projet au départ à la base et qui nous demandent de l'accompagner pour créer des personnages.
00:39 Voilà le beau gosse.
00:41 Est-ce qu'on a des petits favoris comme ça, on s'en souvient ?
00:44 Voilà comment on a un très très beau danseur.
00:57 Ce qui m'a donné envie de faire ce métier, c'était l'évasion et le rêve.
01:03 Je rêvais quand j'étais petite en regardant des images de princesse.
01:08 C'est vraiment un rêve de midinette au départ.
01:09 J'avais envie de transformer.
01:11 La rencontre avec Dalida a été influente pour le déroulé de ma carrière
01:14 parce que quand on a fait une formation de maquillage,
01:16 c'est toujours difficile de trouver le premier emploi.
01:18 Moi, il se trouve que j'étais sur l'enregistrement d'une émission à Marrakech
01:22 et j'ai parlé avec elle de ma vie de maquilleuse qui peinait à démarrer.
01:28 Elle m'a fait rencontrer des bonnes personnes qui s'appelaient à l'époque
01:31 Marité et Gilbert Carpentier, qui étaient des producteurs d'émissions télévisées.
01:34 Non, tu vois, ça ne bouge pas, c'est génial.
01:35 C'est mieux.
01:36 C'est super.
01:37 Le maquillage est péru, c'est l'essentiel pour transformer un personnage.
01:40 Une personne arrive au maquillage, une personnalité, un chanteur ou un danseur avec sa modernité.
01:46 Et pour l'aider à entrer dans le personnage,
01:48 on va choisir une chevelure adaptée à la période choisie par le metteur en scène.
01:54 On va fabriquer ou travailler à partir de ses propres cheveux.
01:57 Et puis, le maquillage, c'est un tout, c'est pour coller à une époque encore.
02:00 Et sans cette parure, je dirais, maquillage et coiffure,
02:03 les artistes parfois ont du mal à rentrer dans le personnage.
02:06 Il faut faire ce qu'on appelle, même pour les perruques, une mise à la taille.
02:08 Donc, on essaie.
02:09 On essaie les perruques.
02:11 L'artiste voit si elles lui conviennent,
02:12 si ce n'est pas trop difficile pour chanter ou pour danser.
02:15 À ce moment-là, nous, on aménage et on fait toujours des ajustements.
02:18 Pour un danseur, c'est une angoisse totale, pas qu'elle tombe.
02:21 Et pour un chanteur, ça peut être une sensation de gêne énorme.
02:24 Donc, on fait ses essais pour savoir quel est le bon équilibre.
02:26 La fameuse Belmère, par exemple,
02:44 qui est censée être une femme très élégante, très austère
02:47 et presque ce qu'on imagine être la marâtre dans l'inconscient de tout le monde.
02:51 Le rôle est tenu aujourd'hui par Oksana, qui est notre danseuse étoile.
02:55 Pour la vieillire, on a utilisé un teint très blanc
02:57 et des formes géométriques au niveau du visage.
02:59 On a durci les sourcils, on a fait une ombre,
03:01 on a étiré le regard en durcissant le pli orbital
03:05 avec des très longs cils et de l'eyeliner.
03:08 Donc, il fallait aider Oksana à acquérir plus de dureté.
03:11 Il y a aussi un travail important sur Marc-Emmanuel Zanoli, par exemple,
03:14 qui interprète avec tout un autre groupe de danseurs
03:17 le maître de ballet, le perruquier et le costumier.
03:20 On a la sensation que ces garçons sont très maquillés
03:22 parce qu'on les a voulus hyper sophistiqués.
03:25 Donc, on a forcé les traits pour leur donner un côté précieux.
03:28 On a accentué l'œil, ce qui amène une certaine féminisation.
03:31 Mais c'est toujours encore pour attirer l'attention de public
03:34 sur la caractérisation de personnages.
03:36 C'est vraiment un métier aussi d'être maquillée, autant que de maquiller.
03:40 Parce qu'il faut lâcher prise,
03:41 il faut se laisser faire par quelqu'un en qui on a confiance.
03:44 Moi, je suis toujours admirative de la façon dont les artistes se laissent maquiller.
03:49 Sur le fauteuil de maquillage,
04:10 c'est là où les choses peuvent être les plus sensibles.
04:13 C'est les derniers moments avant d'entrer en scène.
04:16 Souvent, les gens vont être dans le stress, avoir des tas d'âmes.
04:19 Ou parfois, d'autres vont vouloir le silence total.
04:22 On a aussi un rôle de confident, donc on doit rassurer,
04:25 mais sans phare, c'est-à-dire sans flatterie non plus.
04:27 C'est vraiment un temps qui permet tous les ajustements,
04:30 mais qui peut être un peu délicat.
04:32 Pour la pratique du métier de maquilleur,
04:33 il faut absolument beaucoup de patience,
04:36 beaucoup de pratique et faire beaucoup de recherches aussi.
04:39 Il faut se cultiver, il faut être curieux,
04:41 aller au cinéma, au théâtre, aller dans des bibliothèques,
04:44 voir beaucoup d'expositions, aller dans les musées,
04:47 regarder des tableaux, regarder la couleur des peaux,
04:49 comment les peintres ont formalisé les visages.
04:53 Je pense qu'il faut vraiment avoir une grande culture artistique.
04:56 Et si on ne l'a pas acquise,
04:58 parce que souvent, les filles ont des études très courtes,
05:00 il faut toujours travailler et tenter de la carrière avec le temps.
05:04 [Musique]
05:09 [Sonnerie de fin]
05:11 [SILENCE]