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François Ruffin, député La France insoumise de la Somme, est l'invité du 8h30 franceinfo.

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00:00 Le groupe français Total Energy annonce ce matin des profits records, 19 milliards d'euros dégagés l'an dernier.
00:05 Est-ce que c'est une bonne nouvelle pour les salariés et pour l'économie française ?
00:08 Non.
00:09 Non ?
00:09 Non.
00:10 Quand on a Total qui fait 20 milliards d'euros de bénéfices,
00:14 quand c'est la même chose pour le transporteur de conteneurs CMA, CGM qui fait 20 milliards d'euros de bénéfices,
00:19 quand on a BNP Paribas qui fait 10 milliards d'euros de bénéfices et qui en même temps décide de licencier près de 1000 personnes,
00:27 à quoi on assiste ? On assiste au gavage des uns et au rationnement des autres.
00:31 On assiste à une prédation de la nation.
00:33 Maintenant, moi, ce qui m'embête le plus dans tout ça, c'est même pas Total, CMA, CGM, BNP Paribas.
00:40 C'est le politique. C'est l'État.
00:42 L'État, normalement, il a pour responsabilité de venir rééquilibrer les plateaux de la balance,
00:47 de venir être en faveur des faibles et venir un peu taxer l'effort.
00:53 Or, maintenant, ça fait maintenant 3 ans qu'on traverse des crises successives, crise du Covid.
00:57 On a eu les assureurs qui se sont gavés. On a eu la grande distribution qui s'est gavée.
01:01 On a eu le numérique qui s'est gavé. On a eu l'industrie pharmaceutique qui s'est gavée.
01:04 On n'a pas touché à rien chez eux. On a les portes-conteneurs.
01:08 On a l'énergie. On a l'industrie agroalimentaire qui se gave et on n'y touche pas.
01:12 – Total réinvestit chaque année entre un quart et un tiers de ses bénéfices dans les énergies propres,
01:17 dans l'éolien, dans le solaire.
01:20 Est-ce que ce n'est pas bien d'avoir un champion français dans ce domaine
01:23 plutôt que de faire confiance aux entreprises chinoises ou américaines ?
01:26 – Vous faites autant que vous pouvez l'avocat de Total,
01:29 mais je vois que vous avez bien du mal quand même.
01:31 La réalité de Total, c'est l'essentiel de ses bénéfices est redistribué en dividende.
01:36 – Vous savez qui est le premier actionnaire de Total ?
01:39 – L'État français ? – Non, c'est un groupe entièrement privé.
01:41 Ce sont les salariés.
01:43 Les premiers actionnaires sont les salariés du groupe.
01:45 85% d'entre eux sont actionnaires de leur entreprise.
01:49 – Alors allons-y là-dessus.
01:51 Les dividendes français, vous savez le jour où Elisabeth Borne annonce la réforme des retraites,
01:58 le même jour, la une du journal Les Échos de mon ami Bernard Arnault,
02:02 c'est 80 milliards d'euros de dividendes pour les entreprises du CAC 40.
02:07 Les dividendes en France, chez Total comme ailleurs,
02:09 ils ne vont pas aux deux tiers, ils ne vont pas aux 10% les plus riches en France,
02:13 ils ne vont pas aux 1% les plus riches, ils vont aux 0,1% les plus riches.
02:16 – Mais là François Ruffin, on vous parle de Total.
02:18 On vous dit que 7% de l'actionnariat, 7% du capital, ce sont les salariés.
02:24 65% des salariés de Total sont actionnaires.
02:28 On vous dit aussi que les salariés ont touché un mois de salaire en plus,
02:31 en moyenne 3600 euros, qu'ils ont une augmentation de 7,5%.
02:35 – Mais moi je ne vous parle pas des salariés.
02:36 – Tout ça, ça ne va pas dans votre sens ?
02:37 – Non, je ne vous parle pas des salariés et vous l'entendez très bien.
02:40 Je vous parle des Français.
02:42 – Les salariés ce sont quoi ?
02:43 – Non, je vous parle des Français, je vous parle de tous les Français.
02:46 Je vous parle de tous les automobilistes français,
02:49 je vous parle de tous les contribuables français qui eux payent des impôts en France,
02:54 pendant que Total ne paye pas d'impôt sur les sociétés en France.
02:56 – Ça va commencer cette année.
02:58 – Formidable.
02:59 – Mais parce que les raffineries étaient déficitaires.
03:00 – Non mais formidable, c'est faux, c'est absolument faux.
03:02 Je veux dire c'est de l'habillage.
03:04 – C'est-à-dire ?
03:04 – Vous participez ?
03:05 – Sur ce point précis, Total n'avait pas payé d'impôt sur les sociétés en 2021,
03:08 car le groupe affirmait qu'il était déficitaire sur les activités en France,
03:12 ce qui représente une petite partie, puisque c'est le raffinage.
03:15 Vous dites c'est faux ?
03:16 – Mais oui bien sûr.
03:16 – C'est-à-dire les comptes n'étaient pas exacts.
03:18 – C'est évident, comment ça se fait que Total place tous ses dividendes aux Pays-Bas ?
03:24 Pourquoi ?
03:24 – Les pays producteurs d'énergie ?
03:25 – Mais non, pourquoi c'est aux Pays-Bas ?
03:27 Parce que là-bas il n'y a pas d'impôt sur les plus-values.
03:30 Il y a un déguisement de toutes les sociétés du CAC 40
03:33 pour avoir à payer le minimum d'impôt en France,
03:35 ce qui fait qu'on a des TPE et des PME qui sont aujourd'hui taxés sur les sociétés à 24%,
03:40 le CAC 40 c'est 4% et on a des sociétés comme Sanofi ou Total qui arrivent à faire 0%.
03:45 Je veux dire, on a une situation qui est scandaleuse,
03:49 qui est scandaleuse pour tous les Français.
03:51 Et le pire, alors j'entends votre complicité médiatique aujourd'hui.
03:54 – Complicité médiatique ?
03:55 – Oui, oui, bah oui.
03:56 – Non mais c'est incroyable, vous donnez juste les faits et vous parlez de complicité médiatique.
04:00 – Est-ce que c'est vous qui êtes venu dire que Total payait 0% d'impôt sur les sociétés en France ?
04:05 Vous n'êtes pas venu le dire.
04:06 – Oui c'est un fait.
04:06 – Oui mais c'est un fait, mais vous n'avez pas choisi d'apporter ça.
04:09 Vous faites les avocats de Total, très bien.
04:11 Non mais très bien, maintenant je vous dirai…
04:13 – C'est votre opinion, on vous rappelle juste les faits.
04:15 – Très bien, maintenant il y a une autre complicité qui me gêne beaucoup plus,
04:19 c'est la complicité politique.
04:20 Oui, ça fait trois ans où on demande aux Français de se rationner
04:24 pendant qu'on a Petrotal et compagnie qui se gavent.
04:27 Et Bruno Le Maire, est-ce qu'il bouge le petit bout de doigt ?
04:30 Quand il y a un scandale comme par exemple les Open Lux,
04:33 où on voit que les grandes familles françaises,
04:35 Mullier, Arnaud, Hermès et compagnie,
04:37 sont les premières à aller placer leur capitaux au Luxembourg,
04:42 quand on interpelle Bruno Le Maire et dit
04:44 "oui, oui, je vais voir ce que je peux faire, je ne suis pas très au courant de ça"
04:46 et il n'y a rien qui se produit.
04:47 Qu'est-ce que ça veut dire ?
04:49 Ça veut dire qu'aujourd'hui, au sommet de l'État français,
04:52 on a une complicité dans la prédation de la nation.
04:55 Ça veut dire qu'aujourd'hui, au sommet de l'État français,
04:57 on devrait avoir une police économique.
04:59 Une police économique pour faire quoi ?
05:01 Une police économique pour protéger les Français,
05:03 pour faire que ce ne soient pas les seigneurs qui accumulent les fortunes
05:09 et ne payent pas d'impôts là-dessus.
05:10 On devrait avoir une police économique pour faire ça.
05:12 Et à la place, qu'est-ce qui se passe ?
05:14 À la place, qu'est-ce qui se passe ?
05:15 C'est comme si à la tête de la police, on avait placé Al Capone.
05:18 Bercy s'en lave les mains, il ne touche pas à ça, il laisse faire.
05:22 Vous pensez que les services fiscaux en France,
05:24 ils laissent intentionnellement les grandes richesses partir à l'étranger,
05:31 en tout cas de faire de l'évasion fiscale ?
05:32 Je pense qu'il y a une grande complicité avec ça,
05:35 que oui, on ferme les yeux,
05:36 oui, on n'y met pas les moyens pour aller chercher l'argent là où il se trouve.
05:40 Mais quand vous regardez Amazon qui fait des bénéfices en France,
05:45 qui fait des bénéfices gigantesques en Europe,
05:47 qui n'a jamais fait autant de bénéfices que pendant la crise Covid,
05:50 et qui ne paye pas d'impôts sur les sociétés en France,
05:52 qu'est-ce qui se passe ?
05:53 Il se passe qu'en fait, plus on est petit, plus on est taxé gros.
05:57 Plus on est gros, plus on est taxé petit.
05:59 Voilà ce qui se passe dans notre pays.
06:01 Et donc évidemment, c'est une situation qui est tout à fait scandaleuse
06:04 et que chacun ressent dans son pantemonnaie.
06:06 Quand c'est sur de la TVA qu'on vient faire des impôts,
06:08 quand c'est sur les impôts locaux que ça touche,
06:11 c'est pas juste.
06:12 Voilà ce qui est blessé.
06:13 Vous savez, je pense que ça résonne avec le conflit sur les retraites en France.
06:18 On va en parler dans un instant.
06:19 Ça résonne parce que c'est ce sentiment d'injustice
06:22 qui blesse aujourd'hui le cœur des Français.
06:25 Nous on travaille, nous on paye nos impôts,
06:27 et on a du mal à en vivre.
06:29 Et pendant ce temps-là, il y a les gros là-haut qui y échappent
06:32 et qui bénéficient d'une complicité.

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