• l’année dernière
La voix des tueurs du Brabant Belge.

Retrouvez toutes les chroniques de Laurence Bibot dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-laurence-bibot

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Laurence Bibaud, elle avait bien prévu de venir, puisqu'elle a pris le train.
00:03 Oui, moi je ne viens que le mercredi.
00:05 Voilà, Laurence Bibaud, vous ouvrez le bal et votre carnet est rempli de chroniques.
00:11 Oh, magnifique.
00:12 Alors figurez-vous que la diffusion de la série belge 1985 crée chez nous l'événement.
00:17 D'abord parce qu'elle est le fruit de la collaboration des télé francophones et flamandes.
00:20 Et la dernière fois que les flamands ont collaboré, c'était pendant la guerre.
00:23 C'est facile mais c'est un peu vrai.
00:25 Et ensuite parce qu'elle traite d'une affaire aussi traumatisante que mystérieuse.
00:29 Les tueries du Brabant.
00:31 Brabant chez nous, banlieue de Bruxelles chez vous.
00:33 Enfin chez nous.
00:34 Ça fait 40 ans qu'on cherche qui sont les tueurs fous qui entre 1983 et 1985 se sont
00:39 attaqués à nos institutions.
00:41 Enfin à nos hypermarchés.
00:42 Mais on peut dire que c'est la même chose.
00:44 Parce que, non, Deleuze c'est sacré.
00:46 Alors Deleuze, c'est l'équivalent de Bolleclerc mais en mieux.
00:49 Figurez-vous que la famille Deleuze, elle est dans la distribution depuis 1883.
00:53 Mais moi je ne connais rien d'aussi vieux à Bruxelles qui n'a pas encore été détruit
00:57 ou abandonné.
00:58 Alors Deleuze, c'est un peu mon Louvre.
01:00 Alors quand trois gars armés de riot guns ont descendu, tous qui bougeaient, même
01:05 ceux qui ne bougeaient pas, dans l'entrée et dans les grands magasins, la Belgique a
01:08 eu peur.
01:09 Les tueries du Brabant, c'est 40 ans de fausses pistes, 40 ans de fausses preuves, 40 ans
01:13 de drames, de farces.
01:14 La première personne interpellée dans l'affaire s'appelait Michel Cocu.
01:19 Et Cocu était un ex-policier en lunettes fumées qui possédait, qui possédait soi-disant
01:25 l'arme du crime.
01:26 L'arme a été découverte au cours d'une perquisition, cachée dans un ravier de sauce
01:31 bolognaise congelée.
01:32 Oui mais voilà, c'est que chez vous.
01:35 C'est une bonne idée.
01:36 Mais c'était pas le bon révolver.
01:41 Entendez, chez vous c'est des chevaux qu'on met dans la bolognaise.
01:44 Excusez-nous.
01:45 Oui, comme quand on peut avoir trempé son révolver dans la sauce, ça ne veut pas dire
01:49 qu'il l'ait trempé dans un crime.
01:51 Cocu et son ami Bodet ont finalement été acquittés, faute de preuve.
01:58 Ça fait 40 ans, et vous n'êtes pas au bout de vos peines, ça fait 40 ans qu'on échappe
02:02 aux théories, tests, complots.
02:04 Vous imaginez si en deux ans de pandémie on a déjà élaboré la théorie des puces
02:06 dans les vaccins.
02:07 Si en 22, un jeune sur six pense que la terre est plate.
02:10 En 40 ans d'enquête.
02:11 Mais on en est à la raquette de la mafia américaine, commandantée par le Vatican,
02:15 via la CIA, exécutée par des gendarmes néonazis.
02:18 Alors je ne dis pas que c'est faux, mais je crains comme souvent que la vérité soit
02:24 encore plus terrifiante.
02:26 Figurez-vous qu'au moment de l'affaire Dutroux, on aurait tellement aimé croire
02:29 que c'était l'œuvre d'un réseau de notables cruels protégés qui organisait
02:32 des partouzes en mangeant des yeux d'enfants dans leur soupe.
02:35 Plutôt que de découvrir la pauvre vérité, que Dutroux était un type médiocre, isolé,
02:40 pervers, qui avait trompé sans trop d'efforts les gendarmes nuls.
02:43 Ça, c'était finalement le plus terrifiant.
02:45 Ça fait 40 ans qu'on cherche des réponses du sens, et surtout à un mobile, à ces attaques.
02:50 Trois morts pour un butin dérisoire, du café, de l'huile et des pralines.
02:55 Je vous jure.
02:58 Je vous jure.
02:59 C'est plus drôle à faire sensible chez nous.
03:01 Ben oui, j'aimerais bien.
03:04 Non mais y'a trois morts les gars.
03:06 Y'en a 28.
03:07 Alors évidemment il ne s'agit pas de rire des morts, mais de mettre l'horreur à distance.
03:12 Ce qu'on est en train de faire.
03:13 C'est l'objet du rire.
03:14 Et là je voudrais mettre les chauves au point, amis français.
03:16 Un belge, on aime le chocolat.
03:18 C'est incontestable, j'ai d'ailleurs un peu des petits oeufs.
03:20 Mais je vous jure que personne n'est prêt à tuer pour une praline.
03:23 On n'est pas des violents.
03:24 On est les rois du compromis.
03:26 Notre couleur préférée c'est le gris.
03:27 On s'identifie plus à des schtroumpfs qu'à des Lumières.
03:29 Et les seules mitraillettes en circulation, c'est des sandwiches à la frite à Liège.
03:33 Et surtout, surtout, vous ne trouverez nulle part ailleurs au monde des caissières aussi gentilles que chez nous.
03:38 Je me trouvais à ma caisse et tout d'un coup, mon collègue m'a répété "regarde une fois derrière toi,
03:44 il y en a deux fous qui sont là".
03:46 On a cru que c'était le carnaval.
03:48 Leur masque était comment ?
03:50 C'était des personnages.
03:52 Comme des masques de carnaval ?
03:54 Oui, non, des personnalités.
03:56 Ah bon, c'est-à-dire quoi ?
03:57 Oui, comme Giscard d'Estaing et tout ça, vraiment des personnalités.
04:02 Ah d'accord, je vous disais qu'en Belgique, la farce n'est jamais loin du drame.
04:05 Comprenez pourquoi c'est une affaire non résolue ?
04:07 Je comprends.
04:08 Pourquoi ?
04:09 Parce que ce n'est pas Giscard d'Estaing qui aurait fait le coup.
04:11 On ne sait pas.
04:12 On ne sait pas.
04:13 On ne sait pas.
04:14 Ce serait malin qu'il ait mis un masque de Giscard d'Estaing sur Giscard d'Estaing.
04:18 Eh ben dites donc.
04:19 Merci Laurence Bibaud.
04:20 Comme quoi ce qui est drôle peut être grave.
04:22 Absolument.
04:23 Et l'inverse.
04:24 Et oui, bien sûr.
04:25 Et que le rire peut se frayer un chemin dans l'horreur.
04:27 Et que nous dès qu'il y a un peu de rire, il y a un petit chemin.

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