Alors que les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui réunit 150 citoyens tirés au sort, touchent à leur fin le mois prochain, l'intérêt des Français sur le sujet semble croissant. Selon le 36e Baromètre Kantar Public-Onepoint pour La Croix sur la confiance dans les médias, 1 français sur 2 estime que l'on a pas assez parlé du débat sur la fin de vie en 2022.
Et pour cause : c’est un dossier technique et extrêmement complexe qui divise la population selon des critères philosophiques, intimes et politiques, souvent bien éloignés des clivages droite-gauche habituels.
C'était un sujet de campagne d'Emmanuel Macron en 2022, avec la promesse d'une loi en 2023 dans les premiers mois de ce 2e mandat. On se rappelle aussi que Jean-Luc Mélenchon avait fait de la question du droit de mourir dans la dignité un de ses sujets centraux lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017.
Mais entre euthanasie passive, aide médicale active à mourrir, entre risques de dérives validistes ou psychophobes, il est parfois difficile de comprendre les enjeux de ce débat et les situations que ces dispositifs recouvrent.
Le Média fait le point sur l’encadrement juridique de la fin de vie et ses évolutions possibles, avec la journaliste santé Eloïse Nguyen-Van BAJOU.
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Et pour cause : c’est un dossier technique et extrêmement complexe qui divise la population selon des critères philosophiques, intimes et politiques, souvent bien éloignés des clivages droite-gauche habituels.
C'était un sujet de campagne d'Emmanuel Macron en 2022, avec la promesse d'une loi en 2023 dans les premiers mois de ce 2e mandat. On se rappelle aussi que Jean-Luc Mélenchon avait fait de la question du droit de mourir dans la dignité un de ses sujets centraux lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017.
Mais entre euthanasie passive, aide médicale active à mourrir, entre risques de dérives validistes ou psychophobes, il est parfois difficile de comprendre les enjeux de ce débat et les situations que ces dispositifs recouvrent.
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NewsTranscription
00:00 Bonjour Héloïse, est-ce que tu m'entends ?
00:06 Oui très bien, bonjour Lisa.
00:08 Bonne année, première chronique de l'année 2023 je crois ?
00:11 Tout à fait.
00:12 Bon bah bonne année à toi. Tu nous en parlais déjà dans ta dernière chronique de l'année 2022,
00:16 le débat sur la fin de vie sera un des sujets marquants de cette année en matière de santé.
00:21 Est-ce que tu peux nous expliquer les enjeux de la Convention citoyenne en cours ?
00:25 Oui, alors un sujet d'actualité avec une grosse attente des Français en matière d'information
00:29 puisque le baromètre de la confiance dans les médias a montré qu'un Français sur deux
00:35 estime qu'on n'a pas assez parlé du débat sur la fin de vie en 2022.
00:40 Alors on va remédier un petit peu à tout ça.
00:42 Un sujet de campagne d'Emmanuel Macron avec la promesse dès les premiers mois de ce deuxième mandat d'une loi en 2023.
00:49 On se rappelle aussi que Jean-Luc Mélenchon avait fait de la question du droit de mourir dans la dignité
00:54 un de ses sujets centraux lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2017.
00:59 Mais contrairement à ce qu'on pourrait croire, si c'est un sujet qui divise l'opinion,
01:04 il est loin de la cristalliser dans un clivage droite-gauche classique
01:08 tant il soulève de questionnements politiques, économiques et éthiques beaucoup plus complexes.
01:14 Et aujourd'hui c'est quoi le cadre légal qui encadre actuellement l'accompagnement médical de fin de vie ?
01:19 Alors le cadre juridique actuel est issu principalement de l'évolution de trois textes majeurs.
01:24 Le premier, c'est la loi du 9 juin 1999 qui visait à garantir le droit d'accès pour tous
01:31 à des soins palliatifs et au soulagement de la douleur.
01:34 Ce texte a évolué, c'est devenu la loi dite « Leonetti » de 2005
01:38 qui elle, introduit l'interdiction d'acharnement thérapeutique ou « obstination des raisonnables » dans le texte,
01:44 c'est-à-dire l'obligation d'arrêter les soins thérapeutiques dans le cas où le décès de la personne à court terme est inévitable.
01:51 Alors la loi Leonetti de 2005, elle introduisait également le droit pour le patient de rédiger à l'avance
01:58 ses volontés relatives au type de soins qu'il voudrait ou non recevoir à la fin de sa vie
02:03 dans le cas où il ne pourrait plus les exprimer lui-même.
02:05 C'est ce que l'on appelle les directives anticipées.
02:08 Mais en 2005, ces directives anticipées, elles ont seulement une valeur informative pour le médecin,
02:13 elles ne s'imposent pas à lui.
02:15 Et ça, c'est suite au troisième texte, la loi dite « Cleis Leonetti » de 2016,
02:20 que le champ des directives anticipées a été renforcé
02:23 et que celles-ci sont désormais devenues contraignantes pour le médecin.
02:26 Concrètement, ça se traduit dans le fait que le patient ou la personne de confiance qu'il a désignée
02:32 a le droit de refuser un traitement et le médecin a l'obligation de respecter sa volonté
02:36 après l'avoir informé des conséquences de ses choix.
02:39 La loi « Cleis Leonetti » de 2016, elle tente également au développement des soins palliatifs.
02:44 Outre un volet sur le droit d'accès des patients,
02:46 elle instaure la formation obligatoire des professionnels de santé
02:51 et elle introduit aussi le droit du patient souffrant d'une maladie grave et incurable,
02:57 présentant une souffrance insupportable et dont le pronostic vital est engagé à court terme,
03:02 à une sédation profonde et continue, une sorte de coma artificiel,
03:07 survalidation médicale collégiale.
03:09 Dans ce cas, ces traitements qui n'ont pour seul effet qu'un que de maintenir artificiellement la vie
03:14 sont alors suspendus, nutrition et alimentation artificielle comprises.
03:18 Et ça, c'est ce que l'on appelle l'euthanasie passive.
03:21 Mais du coup, en quoi le cadre actuel serait insuffisant ?
03:25 Quelles sont les demandes concernant son évolution ?
03:28 Alors, le problème principal est celui de l'absence de définition stricte
03:32 des notions d'obstination déraisonnable et d'incurabilité,
03:35 qui ne sont pas des notions juridiques et qui laissent place à une interprétation différente
03:40 que l'on se place du côté des médecins ou que l'on se place du côté des patients ou des familles.
03:44 On se rappellera l'affaire très médiatisée de Vincent Lambert,
03:48 cet infirmier psychiatrique trentenaire, qui à la suite d'un accident de la route
03:52 avait été maintenu dans un état végétatif pendant 11 ans,
03:55 dont 6 ans de bataille judiciaire entre une famille extrêmement divisée
03:59 et les médecins LCHU de Rouen, notamment faute de directives anticipées.
04:04 Cela pose également la question des critères d'inclusivité pour les patients
04:08 dont le pronostic vital est engagé à moyen terme,
04:11 comme dans le cas de nombreuses maladies dégénératives ou de certaines lésions cérébrales,
04:15 et notamment pour les patients qui sont polyhandicapés
04:18 et confrontés à des douleurs réfractaires, de l'inconfort sévère ou à l'angoisse face à la mort annoncée.
04:24 Et ça, c'est ce qui est vraiment reproché le plus souvent au cadre actuel,
04:27 c'est de ne pas proposer de solution à des personnes qui revendiquent le droit de mourir
04:31 avant d'assister ou de faire assister leurs proches à la dégradation de leur état de santé.
04:36 C'est ce que l'on appelle le droit de mourir dans la dignité.
04:39 Demander le droit de choisir sa fin de vie, ça semble entendable.
04:42 Alors, quelle est la difficulté pour légiférer sur ce sujet ?
04:45 Il y a plusieurs points d'achoppement.
04:47 Le premier, c'est que parmi les solutions avancées,
04:50 on retrouve essentiellement ce que l'on appelle l'euthanasie active,
04:53 c'est-à-dire le fait pour une équipe médicale d'administrer une substance
04:57 induisant directement ou ayant comme effet secondaire la précipitation de la mort,
05:02 comme c'est déjà le cas dans certains pays,
05:04 tels que la Colombie, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, etc.
05:07 Et ça, ça ne passe pas dans une grande partie de la droite,
05:10 et ça divise parmi les médecins.
05:12 Mais ce n'est pas le seul écueil.
05:14 En effet, les professionnels des soins palliatifs alertent depuis le début des débats
05:18 sur la question centrale de la non-effectivité du droit d'accès aux soins palliatifs.
05:24 Selon les chiffres officiels, la France ne comptait que 7500 lits de soins palliatifs
05:29 à l'hôpital en 2021 pour 150 000 à 200 000 personnes qui en auraient besoin chaque année,
05:35 ce chiffre étant en constante augmentation du fait notamment du vieillissement de la population.
05:40 Donc un nombre très largement insuffisant selon l'ensemble des professionnels du secteur,
05:45 notamment le Comité national des soins palliatifs,
05:48 mais aussi selon les associations de patients.
05:50 Mais ça, ça pose aussi et surtout la question du droit de vivre dans la dignité.
05:56 Ces derniers mois, de nombreux collectifs antivalidistes et des associations de patients
06:00 ont ainsi alerté quant à l'absence totale de prise en compte dans les débats
06:05 de la question des déterminants sociaux de la santé.
06:08 Des conditions socio-économiques fortement dégradées,
06:11 l'isolement voire l'exclusion des patients handi et/ou âgés
06:16 est en source d'une souffrance parfois majeure.
06:19 Ils soulignent ainsi le risque de voir certains demander une euthanasie active en dernier recours
06:24 face à une détresse essentiellement d'origine sociale, devenue intolérable.
06:29 Pour ne plus être une charge pour leurs proches ou pour la société,
06:32 on relate certains témoignages.
06:34 Alors en contre-argumentaire, certains groupes militants pour le droit de mourir dans la dignité
06:38 mettent eux en avant la possibilité de recourir au suicide assisté,
06:42 procédé durant lequel le moyen létal est fourni par l'équipe médicale aux patients
06:46 qui se l'admistre lui-même.
06:48 Cela se fait en Suisse ou dans certains États américains.
06:51 Ils insistent ainsi sur l'idée que la personne concernée fait ainsi la démonstration
06:57 de sa liberté de choisir, mais là, ça pose d'autres problèmes.
07:00 Le suicide est dépénalisé depuis 1810 en France.
07:04 Qu'est-ce qui empêche de légiférer pour qu'il soit médicalement assisté ?
07:09 Je passerai rapidement outre la confusion introduite par l'introduction du terme,
07:14 l'utilisation du terme suicide assisté, tant la clinique de la crise suicidaire
07:19 est très éloignée du vécu psychique d'une personne dont le pronostic vital est engagé,
07:23 notamment en raison d'une pathologie.
07:26 Le terme suicide pour suicide assisté est donc, selon moi, complètement inadapté
07:31 pour décrire ce qu'on appelle normalement, techniquement, l'aide médicale active à mourir.
07:36 Mais pour résumer, la difficulté, c'est de définir essentiellement à quel public on s'adresse.
07:42 Et notamment de définir la limite entre court et moyen terme,
07:46 mais ça, j'ai envie de dire à la limite que c'est le plus facile,
07:49 mais de définir surtout la frontière entre souffrance physique et souffrance psychique,
07:54 et de définir la notion même de dignité.
07:57 Ce qui est intéressant, c'est qu'en introduisant ce terme de suicide assisté dans le débat,
08:01 on s'est en effet posé la question de l'ouverture de l'accès à ce droit
08:06 à des patients souffrant de troubles psychiques, comme c'est parfois le cas à l'étranger.
08:10 Et là, c'est la communauté des professionnels de santé mentale qui a sonné l'alerte,
08:15 notamment autour d'une situation imparticulière en octobre dernier, en Belgique,
08:20 où le suicide assisté est légal, où une jeune femme de 23 ans,
08:24 victime des attentats de Bruxelles de 2016, a été euthanasiée pour souffrance psychiatrique
08:29 dite irrévocable, en lien avec un état de stress post-traumatique.
08:34 Alors, si la souffrance psychique, avec son lot parfois d'angoisse, de perte d'espoir,
08:39 parfois d'idée de mort, est souvent indiscutable, la notion d'incurabilité dans ce type de situation
08:44 est plus que contestable, et le pronostic vital des patients n'est qu'exceptionnellement engagé.
08:49 Est-ce qu'on peut réellement considérer qu'une dépression même résistante
08:53 est une maladie incurable au vu des évolutions médicales constantes ?
08:57 Quid de la schizophrénie, dont on sait que les facteurs environnementaux,
09:01 notamment de stress, de conditions de vie, ont un impact majeur sur le développement
09:05 ou non des symptômes ? On en revient alors au préalable nécessaire de toute évolution
09:10 juridique, qui est celui de l'effectivité, au droit de vivre dans la dignité,
09:15 sous peine de produire un texte qui permettrait la mise à mort des plus exclus de notre société.
09:20 Merci beaucoup Héloïse pour ces chroniques toujours intéressantes, puis on te dit à la prochaine,
09:25 dans quelques semaines, pour te retrouver pour une nouvelle chronique santé.
09:29 Merci beaucoup Héloïse. Avec plaisir.
09:31 Et pour vous, chez vous, nous avons pour coutume de dire "ils ont des milliards, mais nous sommes des millions".
09:36 Qui dit information indépendante dit besoin de vous. Le Média, votre Média,
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10:07 [Musique]