• l’année dernière
Dans ce nouvel épisode Christelle Tissot reçoit Dounia Belaribi, travailleuse sociale, host des talks et podcasts Princes des Villes et danseuse voguing.

On a parlé de son engagement culturel et de son travail social, ainsi que de l'impact des représentations et l'appartenance à une communauté partageant les mêmes valeurs et combats, "la famille qu'on a choisi" comme elle l'appelle.

Une discussion douce mais forte de sens qui donne envie d'agir pour soi et le bien de tous·tes.

Les références mentionnées dans l’épisode :
- I May Destroy You, série télévisée de Michaela Coel.


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Podcast produit par Studio Module
Direction Artistique par Siobhan Keane
Transcription
00:00:00 Salut, c'est Christelle, la fondatrice de Musae. Bienvenue sur Musae Stories, le podcast qui
00:00:10 dédramatise et démocratise la santé mentale. Ce que je veux faire ici, c'est partager un point
00:00:15 de vue holistique, décomplexé, accessible à toutes et tous sur la santé mentale. Grâce aux
00:00:21 regards croisés de psychologues, d'universitaires, de sportives, de sportifs, d'artistes, d'associations.
00:00:26 Musae Stories est un porte-voix pour les personnes engagées et touchées par la santé mentale,
00:00:31 car prendre soin de notre santé mentale est un engagement durable et citoyen.
00:00:36 Salut à toutes, salut à tous. Je suis super contente aujourd'hui parce que je reçois Dunia,
00:00:54 que j'ai rencontrée il y a deux mois je crois. C'était une chouette rencontre et du coup j'avais
00:01:03 vraiment à coeur de faire ce podcast ensemble et qu'on puisse discuter de toi, de ton parcours,
00:01:11 de tes engagements, de ta vision de la santé mentale. Comment ça va Dunia ?
00:01:16 Salut, merci pour cette invitation.
00:01:19 Avec plaisir.
00:01:21 Ça va ? Ça va bien ?
00:01:24 Ouais, écoute, moi ça va comme je te le disais off, j'ai un peu la connerie, donc tant mieux.
00:01:30 Juste pour dire aux personnes qui débarquent sur ce podcast, Musae Stories en fait c'est un
00:01:38 podcast qui donne la parole à des personnalités qui ont une histoire, un parcours, un art,
00:01:45 un engagement en fait par rapport à la santé mentale et qui le font de manière dédramatisante,
00:01:52 accessible pour le partager au plus grand nombre. Et donc aujourd'hui j'ai la chance de recevoir
00:01:58 Dunia. Déjà toi, comment tu te présentes ? Qui es-tu ?
00:02:03 J'ai 30 ans, je suis travailleuse sociale, je suis éducatrice spécialisée, je travaille dans
00:02:12 un hôpital, un service spécialisé dans le champ de la périnatalité. J'accompagne des femmes qui
00:02:21 ont des parcours de vie traumatiques entre autres, donc on parle et on traite la santé mentale dans
00:02:30 mon service. Sinon j'habite à Paris, dans un quartier très sympa, je suis très bien entourée,
00:02:41 je fais de la danse. J'ai rejoint une house il y a un an, donc je fais partie de la communauté
00:02:54 Ballroom. Et à côté de ça, j'anime aussi des talks de temps en temps.
00:03:03 Un parcours et une vie en tout cas bien rempli. Juste pour les gens qui ne sont pas familiers,
00:03:14 est-ce que tu peux expliquer ce que c'est la communauté Ballroom ?
00:03:18 La Ballroom c'est une communauté qui existe depuis assez longtemps maintenant, des années 70,
00:03:27 début 80. Un mouvement qui a été initié à New York par la communauté LGBT, afro et latino
00:03:35 américaine. C'est des femmes trans qui ont créé ce mouvement, libérateurs. Pour ne pas trop
00:03:47 m'étendre, c'est un mouvement où on peut s'exprimer et trouver refuge avec des personnes
00:03:55 qui peuvent avoir ou ont la même histoire que nous. Ils ont créé cet espace pour qu'on puisse
00:04:05 s'exprimer, s'amuser, briller ensemble et se soutenir. J'avais une volonté d'intégrer cette
00:04:23 communauté parce que j'avais un besoin de pouvoir prendre partie dans un espace qui me correspond,
00:04:33 qui me correspondrait en tout cas. Parce qu'avant de le vivre on ne peut pas vraiment se rendre
00:04:37 compte. Mais tout ça c'est en lien à ma construction et à mon identité. Je m'identifie comme une femme,
00:04:54 une femme cisgenre, femme de couleur. Je n'ai pas forcément toujours eu des espaces pour pouvoir
00:05:02 m'exprimer. Je savais qu'en allant chercher par là, j'allais peut-être pouvoir trouver des réponses
00:05:11 et des personnes pour m'accompagner dans, peut-être pas la construction, mais en tout cas la suite de
00:05:22 mon apprentissage. J'ai trouvé cette place, j'avais un besoin de me retrouver avec des personnes
00:05:30 uniquement, des personnes de couleur qui comprennent et qui ont les mêmes corps, les mêmes valeurs,
00:05:39 les mêmes règles, qui ont subi les mêmes choses, qui ont une orientation sexuelle qui est malheureusement
00:05:49 je vais dire différente. Mais en tout cas on ne fait pas partie de la norme et c'est bien de pouvoir,
00:05:58 je pense, expérimenter ça ensemble en tout cas. - Mais ouais, et tu parles effectivement,
00:06:06 je rebondis là sur la norme, mais aussi tu parlais aussi de ton histoire. Est-ce que tu penses que
00:06:11 ouais, ce type de communauté c'est aussi une manière d'exprimer des choses que toi t'as pas
00:06:19 pu exprimer auparavant, et aussi de créer une solidarité que tu n'as peut-être pas pu trouver
00:06:23 aussi auparavant ? - C'est une place très engagée et très militante. C'est un milieu, comme je disais,
00:06:33 de couleurs avec évidemment ses exceptions, et queer. Et être queer ou se définir en tant que
00:06:44 tel, c'est être animé par des valeurs engagées et militantes, notamment l'anti-racisme,
00:06:52 l'anti-colonialisme. Et évidemment être, je sais pas si je peux dire ce mot, je sais pas,
00:07:03 anti-homophobe, anti-LGBT. - Tu peux complètement le dire. - Je sais pas s'il y a un terme qui est
00:07:09 plus exact. Et c'est une façon de se définir. Et c'est une façon d'exister qui est complètement
00:07:22 différente de ce qu'on peut vivre au quotidien en fait. Et j'ai perdu le fil de ce que je voulais
00:07:29 dire et j'ai un peu oublié ta question mais... - Mais si, si, tu y as répondu. C'est effectivement
00:07:35 par rapport à la notion de, est-ce que c'est une manière d'exprimer ton histoire, de se retrouver et
00:07:41 de créer une solidarité, et c'est ce que tu disais. - Oui, oui, complètement. C'est une solidarité
00:07:46 parce qu'on se comprend, parce qu'on s'élève ensemble, parce qu'on construit et on déconstruit
00:07:54 aussi. Il y a encore énormément de choses à faire dans ces milieux-là. Et si, la solidarité,
00:08:06 auparavant non, j'avais pas ça c'est sûr. J'avais pas ça et c'est aujourd'hui très important pour
00:08:13 moi d'avoir accès à cet espace, d'avoir une famille que j'ai choisi, comme on dit. Et ouais,
00:08:25 parfois on n'a pas d'autre option pour s'engager ou pour militer ou pour s'exprimer ou pour se
00:08:34 sentir bien dans son corps. En tout cas, je sais que ça m'aide énormément, que ça m'a appris à
00:08:39 me réapproprier mon corps, les formes de mon corps, à les accepter, à en être fière. Et ouais, de le
00:08:52 mettre en valeur aussi. Et un corps qui n'est pas normal non plus. Pas normal en termes de normes,
00:08:59 encore une fois. Donc c'est très bien. - En termes de normes imposées par... - Par notre société.
00:09:09 - Par certains groupes dominants effectivement de notre société. - Notre société, je dirais plus
00:09:16 que certains groupes. Notre société, elle est construite d'une façon à ce qui est quand même
00:09:24 un bloc domine, qui est défini et qui existe à cause du patriarcat et du capitalisme blanc.
00:09:33 - Essentiellement, ça c'est clair. On est bien d'accord. - Donc, bon. - Et est-ce que, effectivement,
00:09:42 tu parles de la notion notamment de corps, de représentation et d'expression grâce à la
00:09:49 communauté bolero. Mais est-ce que aussi en termes de santé mentale, c'est un lieu-ressource pour toi ?
00:09:54 - C'est un lieu-ressource et c'est un refuge. En fait, en tant que femme de couleur aujourd'hui,
00:10:03 c'est difficile d'accéder à certaines choses. Tout dépend du milieu social duquel on vient.
00:10:12 Mais il faut admettre que les personnes de couleur, on n'est quand même pas souvent privilégiées. Mais
00:10:19 bon, c'est un autre sujet. Je pense que ça m'aide parce que, comme je te disais, tu te retrouves avec
00:10:31 des personnes qui savent, à qui t'as pas besoin d'expliquer énormément de choses. Quand tu parles,
00:10:37 on te comprend. On va pas te demander de répéter, de justifier, de "mais pourquoi tu dis ça ? C'est
00:10:47 totalement fou ce que tu dis." C'est de la simplicité, c'est de l'entente, c'est du soulagement,
00:10:55 en fait. Et c'est très libérateur de pouvoir vivre ça. Parce que d'un côté, t'as l'expression
00:11:04 corporelle, la pratique sportive, c'est très difficile. Et en fonction des catégories dans
00:11:14 lesquelles tu défiles, c'est plus ou moins difficile. Mais c'est du sport, c'est de la rigueur,
00:11:21 c'est de l'entraînement, ce qui impose aussi des valeurs, un cadre. Et certaines choses dont on peut
00:11:32 avoir besoin, finalement, pour se sentir bien. Tu te défoules, tu transpires. Donc t'as déjà cet
00:11:39 aspect-là qui est lié à la pratique physique. Et c'est les gens, et c'est les rencontres, et c'est
00:11:49 le fait que les gens soient là pour toi. Et quand il y a des bowls, il y a beaucoup de choses qui
00:11:54 sont sollicitées chez les personnes qui performent. La créativité, choisir ta tenue, te maquiller,
00:12:03 te mettre en scène, affronter la foule, défier tes adversaires. - Défier tes peurs aussi, à toi,
00:12:12 j'imagine. - Défier tes peurs, t'imposer, gagner, perdre. C'est complet, en fait. Et ça fait
00:12:21 énormément de bien. En tout cas, moi, ça me fait énormément de bien d'avoir cet espace.
00:12:25 Parce que tu te sens enveloppée, entourée, comprise, déchargée parfois aussi.
00:12:31 - Et c'est un espace dont tu as eu besoin par rapport à ton histoire, par rapport à
00:12:42 certains déclics, par rapport à certains événements ? - Certains déclics, je dirais,
00:12:48 parce qu'en évoluant... Tu vois, hier, j'ai discuté avec Antoine, mon copain, et il me disait
00:12:59 "tu te rends pas compte, en quatre ans, comment tu as évolué ? T'es toujours la même, mais t'as
00:13:06 énormément évolué." Et en fait, je sais pas trop comment dire, mais en quatre ans, tu sais,
00:13:15 quand tu écoutes, quand tu documentes, quand tu discutes et que tu prends, tu te remets en question,
00:13:24 et moi, en tant que femme, aujourd'hui, dans la société dans laquelle on vit, étant une personne
00:13:31 très très engagée et très féministe, trouver ma place et me sentir bien, ça a été un vrai
00:13:41 travail. Et en fait, je pense que c'est venu au terme de ces questionnements et de cette évolution
00:13:47 de ma personne, en fait. J'avais besoin d'autre chose, de découvrir d'autres espaces. Et je me
00:13:56 disais "mais attends, je me reconnais absolument dans ça." Et donc, du coup, je change sur certaines
00:14:03 choses. J'évolue, j'apprends, et comme je te disais avant, je me construis pas, mais en tout
00:14:10 cas, je continue mon apprentissage de la vie. Et là, c'était nécessaire pour moi d'explorer des
00:14:15 espaces dont déjà j'avais même pas idée, parce que c'est pas du tout mis en avant, c'est pas
00:14:20 valorisé. Alors là, ça commence à bouger, mais c'est des espaces qui sont invisibilisés, qui
00:14:28 comptent pas. Et malheureusement, aujourd'hui, moi j'ai 31 ans, mais je sais pas, j'ai jamais eu
00:14:39 accès à savoir ce qui pouvait exister, qu'il y avait des femmes qui vivaient les mêmes choses
00:14:47 que moi. Déjà en tant que femme, mais en tant que femme de couleur, en tant que... Et en fait,
00:14:53 en apprenant tout ça, et en ayant des infos de partout, d'essais, d'ouvrages, j'en sais rien,
00:15:00 d'Instagram, de podcasts, de radios... Tu vois, j'ai en fait soif, quoi. Et c'est comme ça que
00:15:17 j'arrive à me nourrir, et c'est venu un peu naturellement, parce que j'ai eu d'autres
00:15:22 besoins, d'autres envies, et je me suis aussi rendue compte de beaucoup de choses. Ah putain,
00:15:27 moi j'ai intégré ça, ah oui, moi j'ai fait ça, ah j'ai dit ça, ah je me considérais comme si,
00:15:33 ah je me... Enfin, c'est... Quand tu déconstruis, en fait, c'est simplement ça. J'ai entamé,
00:15:41 il y a je pense, cinq ans, cinq, six ans, un travail de déconstruction, qui m'a amenée là
00:15:48 aujourd'hui, en fait. - Mais c'est toute la recherche, effectivement, de l'identité,
00:15:53 qui passe finalement par prendre conscience, déjà, qu'on a un monde intérieur, un monde intérieur,
00:16:02 une santé mentale, etc. - Bien sûr. - Et ça, déjà, on met du temps, effectivement, à s'en
00:16:08 rendre compte, parce que de manière générale, comme tu dis, c'est aussi un sujet invisibilisé,
00:16:12 comme pas mal de sujets d'engagement qui sont finalement au croisement de la santé mentale,
00:16:17 que ce soit le féminisme, que ce soit l'inclusion sociale, même, que ce soit l'engagement envers
00:16:23 l'environnement. En fait, c'est des prises de conscience que tu as par rapport à toi et à toi
00:16:28 même et à ton identité. Et ouais, tu es obligée, je pense, par... Je vais refaire cette phrase. Tu
00:16:37 es obligée de passer par des déclics où tu te dis, en fait, merde, là, j'ai un espèce de truc
00:16:42 qui marche plus, j'ai besoin de déconstruire pour reconstruire. - Moi, j'irais même au-delà,
00:16:48 parce que parfois, tu as des déclics, mais tu es incapable de passer à l'action. - Ouais. - Et
00:16:57 on a tous des moments où on se rend compte que ça va pas, que cette situation ne convient pas,
00:17:05 que ce qui s'est passé, c'est pas du tout OK, etc. Mais on n'a pas tous la capacité et, en fait,
00:17:14 je sais pas comment dire, mais les clés, en fait, pour accéder à, du coup, mettre en pratique
00:17:21 ce déclic, en fait. - Parce qu'effectivement, t'as pas encore les perspectives, enfin, en fait,
00:17:30 t'as pas effectivement les clés de lecture pour t'ouvrir ces perspectives. Et aussi, avant tout
00:17:36 ça, je pense que tu te sens aussi très seule dans tes émotions, dans tes ressentis, dans tes coups
00:17:46 durs, enfin, je pense qu'il y a aussi un moment donné où, avant tout ça, tu te sens très seule
00:17:50 et peut-être aussi un peu incompris par rapport à ça. - C'est tellement vaste comme sujet, mais
00:17:58 oui, tu te sens seule et évidemment, je pense qu'on procèse tous et toutes seul. Mais comme tu disais,
00:18:08 le sujet de la santé mentale est invisibilisé. On a du mal à en parler, on a du mal à admettre
00:18:14 qu'on devrait suivre une thérapie. C'est pas accessible. - Ouais, pour plein de raisons.
00:18:24 - Pour plein de raisons. Et je pense que c'est pour ça que ça dysfonctionne. - Clairement, oui.
00:18:37 - Mais c'est étonnant quand même parce que j'ai noté un truc tout à l'heure, je me suis dit,
00:18:46 il faut que je le dise, donc pardon mais je vais lire. - Mais vas-y. - Donc j'ai marqué bien-être
00:18:53 physique, mental et social en reprenant la définition de l'OMS. Et j'ai écrit ce que je pensais,
00:19:02 mais je voulais juste pas oublier. Et je me suis dit, il me semble que tout le monde devrait y
00:19:06 avoir accès. J'ai dit "il me semble", mais tout le monde devrait y avoir accès. Au même titre que
00:19:12 la santé sexuelle. Ça a les mêmes conséquences désastreuses quand il n'y a pas accès.
00:19:18 Donc je fais une petite flèche. Ça nous ramène à nos droits les plus fondamentaux finalement. Et
00:19:29 concernant le droit des humains, je suis très engagée à ce qu'ils soient respectés et plus
00:19:37 bafoués. Et finalement, je me demande pourquoi est-ce que c'est aussi compliqué dans notre société,
00:19:48 dans nos sociétés en général, de respecter nos droits les plus fondamentaux, alors que ça pourrait
00:19:58 être vraiment très simple, que tout le monde ait accès aux mêmes choses, et qu'on se retrouve pas
00:20:05 dans des situations souvent très dramatiques. Après j'ai écrit "c'est la clé de mon engagement.
00:20:14 Mon travail me permet de faire connaître leurs droits et leurs valeurs à mes patientes". C'est
00:20:21 aussi l'endroit dans lequel moi je peux permettre à d'autres personnes. Moi après c'est un autre
00:20:28 sujet mais on sait pas en fait. On connaît pas nos droits, on a accès à rien. Et surtout dans
00:20:39 nos inconscients, soit c'est la honte d'aller voir quelqu'un. Moi je me souviens quand j'ai dit à
00:20:49 mon père que je faisais une thérapie, il m'a dit "mais quoi ? Mais qu'est ce qui se passe ? Mais
00:20:55 d'un air catastrophé. J'ai des choses à régler, ça me fait du bien, je travaille sur moi, je me
00:21:04 remets en question, j'élabore certaines choses". Il était mais choqué quoi. Et il ne s'en remettait
00:21:12 pas. Il m'a dit "mais qu'est ce qui se passe ?" et donc je lui ai dit "mais tout va bien,
00:21:18 en tout cas ça va mieux, j'ai des choses à faire". J'ai notamment évoqué mon enfance et ce que j'avais
00:21:30 pu vivre et qu'il savait très bien que ça avait été très compliqué pour moi et que ça avait des
00:21:34 répercussions sur mon moi adulte et que j'avais besoin de traiter ça. Mais là il m'a dit "mais
00:21:44 je comprends pas, il n'y a que les gens". Il n'y a que les fous quoi. Mais c'est des confusions,
00:21:52 c'est des amalgames, des confusions et des... - Ouais et puis qu'est ce qu'on met derrière le
00:22:02 mot "fou" en vrai ? Qu'est ce que ça veut dire ? - Franchement je pense que... Et ça c'est encore
00:22:11 un autre sujet, je pense que franchement la population générale ne s'y connaît pas du
00:22:16 tout en psychose et peut avoir des propos complètement à côté. - Ouais ouais et puis
00:22:21 surtout le mot "fou" aussi parfois ça peut juste vouloir dire ce truc que tu rejettes de manière
00:22:27 générale pour x ou y raison, parce que ça fait flipper, parce que cette personne fait flipper
00:22:32 ou aussi parce que du coup tout de suite la santé mentale c'est un truc hyper grave. - C'est très
00:22:39 grave. - Ouais. - Oui tout de suite. - Ouais. - Mais parce que c'est parce qu'on n'y est pas habitué.
00:22:43 - Oui. - Parce que ça fait pas partie de nos vies. - Ouais parce que tu peux pas le toucher,
00:22:50 c'est pas comme la santé physique tu vois où c'est un truc qui est tangible, c'est à dire que tu te
00:22:54 casses un bras, ça se voit quoi. Alors que la santé mentale, il y a un truc qui est quand même
00:22:58 impalpable où il faut en fait aussi je pense s'intéresser à l'autre aussi dans la notion de
00:23:06 santé mentale et ça revient aussi à ce que tu disais, la santé mentale aussi c'est quelque chose
00:23:11 auquel on devrait avoir tous droit, finalement c'est un droit parce que finalement c'est ce qui
00:23:15 permet de créer la dignité humaine aussi, parce qu'on s'intéresse effectivement à quelqu'un,
00:23:19 on s'intéresse à ses traumas, à ses peurs et surtout on essaye d'y remédier. En fait si tout
00:23:24 le monde avait accès à une thérapie ou autre, parce qu'il y a plein de manières de prendre
00:23:29 soin de sa santé mentale, moi je pense que le monde serait beaucoup plus doux quoi. - Bah il
00:23:35 serait plus juste surtout. Mais je répondis juste sur ce que tu dis par rapport à la pratique
00:23:41 physique aussi, mais ça c'est quelque chose qui est encore aujourd'hui très inaccessible pour
00:23:49 énormément de monde et ça c'est quelque chose qui favorise le bien-être. Et t'as énormément de gens,
00:24:00 énormément de jeunes qui n'y ont pas accès et qui n'auront jamais accès à ça. Et en fait au-delà
00:24:07 de la santé mentale, comme je te disais, t'as la santé sexuelle mais t'as aussi... En fait c'est
00:24:12 l'égalité quoi. Et il y a beaucoup de choses qui participent et qui favorisent le bien-être et une
00:24:19 bonne santé mentale. Et je pense que quand t'as accès à aucune de ces trois choses en tout cas,
00:24:27 c'est compliqué. - C'est très compliqué, c'est clair. Et ces trois choses sont aussi liées. - Elles
00:24:32 sont liées et pour ne parler que de la France, c'est pas ouf quand même ce qu'on propose aux
00:24:43 populations. - Non c'est vraiment pas ouf. C'est pas ouf et c'est pas accessible parce que d'une,
00:24:48 c'est super cher. En tout cas par rapport à la santé mentale, c'est quand même pas donné,
00:24:53 enfin on va pas se mentir, c'est pas non plus le truc qui est hyper accessible. Même si t'as
00:24:58 quelques dispositifs dans des assos ou dans des centres médicaux sociaux etc. qui peuvent être
00:25:02 effectivement accessibles d'un point de vue du prix. Mais sauf qu'il n'y a pas assez de gens,
00:25:07 et il n'y a pas assez en fait de structures de services effectivement gratuits. Donc ils sont
00:25:12 assez vite engorgés. Et donc du coup ça fait que voilà, c'est pas accessible d'un point de vue je
00:25:16 pense financier. Mais c'est pas aussi accessible d'un point de vue de la façon dont on parle,
00:25:21 dont on en parle en fait aussi. - Oui mais c'est lié aussi. Enfin là on peut parler de santé
00:25:30 publique. Et donc l'un pourrait régler le problème de l'autre. Tu vois, s'il y avait
00:25:39 des moyens économiques et humains qui étaient déployés sur les territoires, les gens ils seraient
00:25:47 peut-être plus sensibles et ça fonctionnerait, je sais pas, certainement davantage. - Complètement.
00:25:53 - Là ça n'existe pas. Enfin même ici à Paris tu vois, moi pour le constater dans le cadre de mon
00:26:03 travail, c'est... les centres médicaux psychologiques c'est... mais c'est une catastrophe. Tout le monde
00:26:13 se barre, les professionnels ils en peuvent plus, il n'y a pas d'argent. Il n'y a rien qui est
00:26:22 proposé pour les gens. Bon, ouais, santé publique je dirais. Il faut qu'ils fassent leur job. Ça
00:26:32 pourrait être pas mal. - Ouais ouais. C'est surtout assez urgent en plus là maintenant. Enfin au bout
00:26:36 d'un moment, ça fait déjà longtemps effectivement que... déjà c'est le parent pauvre de l'hôpital,
00:26:41 alors déjà l'hôpital va... ou le système de santé va quand même pas très bien. Effectivement
00:26:46 tous ces enjeux là de santé publique, c'est l'enjeu de santé mentale, c'est l'enjeu de santé
00:26:51 publique qui est encore le plus effectivement parent pauvre. Mais toi justement dans ton quotidien,
00:26:58 enfin par rapport à ton activité professionnelle, est-ce que toi c'est une manière aussi pour toi
00:27:03 de t'engager pour la santé mentale ? - Bien sûr. Bien sûr parce que, comme je te disais, j'accompagne
00:27:14 des femmes qui ont pour la plupart en tout cas des parcours de vie traumatiques et même si c'est pas
00:27:21 ça, elles ont d'autres problématiques liées à la santé mentale. Ça peut être la dépression
00:27:25 du postpartum, je sais pas, un accouchement traumatique... Déjà ça c'est fou, on est le
00:27:34 seul service qui existe en France pour prendre en charge les mères en difficulté. Et c'est un
00:27:42 hôpital associatif. Bien sûr parce qu'on prend ces femmes en charge de façon globale et avec un
00:27:54 accompagnement pluridisciplinaire, donc avec des médecins, des psychiatres, des psychologues,
00:28:00 éducateurs, assistantes sociales, etc. L'idée c'est de les accompagner à se reconstruire et à engager
00:28:15 une thérapie notamment avec les psychologues du service, à travailler les traumas et à leur
00:28:22 donner des billes pour que quand elles sortent de l'hospitalisation, elles soient allégées. Que le
00:28:35 travail qui a été commencé puisse poursuivre à l'extérieur avec un autre thérapeute. Et c'est
00:28:46 l'essence même de mon travail moi. Accompagner des personnes en difficulté pour qu'elles aillent
00:28:55 mieux, qu'elles aient d'autres solutions, d'autres perspectives, qu'elles soient autonomes et qu'elles
00:29:05 puissent bénéficier de bien-être et surtout de connaissances les concernant, et notamment
00:29:11 concernant leurs droits. Comme c'est que des femmes, on parle énormément de nos droits,
00:29:21 mais surtout d'un point de vue genré, on parle beaucoup de ce qu'elles subissent en tant que
00:29:32 femmes, parce que c'est des femmes, elles ont subi des violences. Et comment se protéger, se préserver,
00:29:42 comment dire non, comment lutter. C'est un vrai engagement et c'est un vrai parti pris déjà de
00:29:56 travailler sociale. C'est pas neutre du tout. - Tu mets ta non pas du tout, c'est clair. - Donc
00:30:02 c'est mon engagement est situé à cet endroit là. C'est éducatif, c'est sortir la tête de l'eau,
00:30:11 c'est être plus forte, c'est être consciente. Donc on les accompagne à tout ça. Et la plupart,
00:30:22 quand elles sortent, elles vont mieux. Elles vont beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux. - Ça c'est
00:30:27 génial. - Ouais, c'est trop bien. - Ça c'est génial effectivement, dans son engagement ou dans
00:30:34 son activité professionnelle, d'arriver à avoir ce type de retour, ce type d'impact que tu peux
00:30:41 voir. - C'est trop important, c'est pour ça que je le fais. Hier c'était marrant, je prenais,
00:30:49 tous les matins je vais prendre mon café avec les femmes qui s'occupent de l'hygiène à l'hôpital.
00:31:00 Et souvent il y a des patientes qui sont là, donc on se fait un petit café avec celles qui sont là.
00:31:05 Et donc je disais à ma collègue Viviane, une dame de 52 ans, ça fait pas longtemps qu'elle est en
00:31:19 France, elle est ivoirienne. Et donc je lui dis ça y est Viviane, je crois que c'est fini avec
00:31:28 Antoine et ce soir on va se voir pour discuter. Et je pense que je vais mettre fin à notre relation
00:31:35 parce que je vois pas vraiment d'autre issue. Et donc elle a commencé à me rouspéter en me disant
00:31:42 c'était n'importe quoi, tu te rends pas compte, on a besoin d'un homme pour vivre, c'est ça l'équilibre,
00:31:48 qu'est ce que tu vas faire si tu te retrouves toute seule, etc. Et à côté il y avait une de nos
00:31:59 patientes qui a eu 20 ans il y a quelques jours, qui elle aussi est ivoirienne, qui a fui son pays.
00:32:05 Et elle la regardait, elle lui a dit, tu sais maintenant nous on sait dire non aux hommes.
00:32:13 Et elle la regardait, elle lui dit mais comment ça, toi aussi tu vas commencer à dire des trucs comme ça ?
00:32:19 Et donc là elle lui regarde, elle lui dit bah ouais on a des droits, on peut dire non, on n'a pas besoin
00:32:25 d'un homme pour être heureuse. Et je l'ai regardé, je me suis dit mais c'est à ça que ça sert.
00:32:35 Je pense que si moi auparavant elle aurait jamais dit un truc pareil, et elle ressortira plus forte de là.
00:32:44 Et c'est ça pour moi qui est important. - Bah oui, c'est génial d'entendre ça.
00:32:51 - Bah pour moi c'est ouf. - Et en plus de voir le parcours, effectivement comme tu dis, il y a six mois elle n'aurait jamais eu les ressources,
00:33:01 ni les perspectives, ni les outils peut-être pour dire ça. - Bien sûr.
00:33:07 Voilà donc on fait ça, on s'engage beaucoup à l'hôpital, on anime des groupes de parole, on sensibilise sur les violences sexistes, sexuelles,
00:33:17 l'égalité, la domination masculine, les violences obstétricales, tout ce qui nous permet de nous aider et de nous soulager aussi de certaines choses.
00:33:36 Moi mes patientes quand on est dans un groupe où on est 10 ou 12 et qu'elles se rendent compte pour la première fois,
00:33:41 parce que pareil que d'autres, des millions de femmes, elles se sont jamais retrouvées en face de plein de femmes qui disent la même chose.
00:33:51 - Ouais. - Mais toi aussi tu vis ça ? - Ouais, ça c'est ouf. - Ah mais moi aussi ? Ah mais c'est vrai ? Ah mais ça m'est déjà arrivé ?
00:33:57 Et tu vois, t'as ce côté tout de suite où on comprend qu'en fait c'est... On n'est pas seul déjà.
00:34:06 Et envisager qu'on n'est pas seul et qu'on fait partie d'un système, malheureusement, je suis un peu radicale dans mes propos,
00:34:15 mais qui en tout cas est pensé pour nous nuire, nous les femmes, et ben ouais, ça fait du bien.
00:34:23 - Ouais. - Ça fait du bien de... Ouais, d'être entre femmes, d'en parler, et de céder, de s'épauler, de se soutenir.
00:34:34 Et en tout cas c'est ce que ça permet en termes de santé mentale. - Ouais. - Le service dans lequel je travaille, et moi mon travail, ouais.
00:34:44 - Ouais. Et toi, en tant que personne par rapport à ton parcours, toi ça te... ça te... ça te donne... T'inquiète.
00:34:54 - T'es... - Ouais, je t'avais dit ça repense vite. - C'est ouf. - Mais c'est ça quand on parle de sujets engagés, hein. - Ouais, c'est clair.
00:35:02 - Et quand on parle de soi aussi. Mais toi justement, pour en venir à ça, est-ce que ça fait écho, toi, à ce que t'as pu vivre ?
00:35:10 Est-ce que ça te donne de la force à toi au quotidien ? Ou est-ce que parfois, parce que tu me disais un peu quand même avant qu'on commence le podcast,
00:35:16 enfin c'est quand même parfois, ça peut être lourd aussi, d'être dans ce type d'engagement professionnel.
00:35:26 - Ouais, c'est hyper compliqué. En fait, j'envisage pas de faire autre chose pour le moment parce que ce qui est le plus important pour moi,
00:35:36 c'est vraiment l'intérêt général. Je suis pas du tout individualiste. Et... étant plus jeune, j'ai fait énormément de bénévolat, etc.,
00:35:50 mais ça m'a jamais suffi. Donc j'ai pris la décision d'en faire mon métier. Et... c'est difficile parce que...
00:36:01 Franchement, éduques, on est confrontés aux situations les plus difficiles, quoi. De toute façon, y a pas d'éduques si c'est pas la merde, hein.
00:36:08 Donc, tu vois. Mais c'est difficile parce que... parce que ouais, c'est des situations très compliquées, des gens qui ont vécu des choses terribles.
00:36:20 Nous aussi, parfois, on est amenés à prendre des décisions qui sont dures.
00:36:29 Ça me coûte, si. Ça me coûte parce que... parce que même si j'arrive à prendre du recul, parce que c'est mon travail,
00:36:41 et que de toute façon, je passe tellement des journées intenses en termes de charge, tu vois, que le soir, bon, je claque la porte,
00:36:49 moi j'oublie tout le monde, tu vois. Mais c'est vrai que la journée, c'est très compliqué. Enfin, y a quand même souvent où je pleure,
00:37:03 face à mes patientes ou dans mon bureau ou avec mes collègues. Et en fait, là, travailler avec des femmes, je me rends aussi compte que...
00:37:17 C'est ce que je te disais tout à l'heure, que je le sais, évidemment. Mais en tout cas, de le vivre au quotidien, de se rendre compte que,
00:37:25 peu importe où tu es dans le monde, si t'es une femme, tu subis des choses terribles. Enfin, moi, mes patientes, elles ont...
00:37:34 Elles ont des histoires, elles sont, je sais pas, victimes de mariages forcés, d'avortements forcés, de viols, de violences conjugales, d'excisions,
00:37:49 perte d'enfants, parcours d'exil, enfin... On est quand même exposés, toute notre vie à de la violence sur énormément de choses, en tant que femmes.
00:38:03 Le corps, la représentation de nos corps, de ce à quoi on est exposés, dans la rue, le harcèlement, les viols... Enfin, bon, on sait tout ça ici, mais...
00:38:15 Peu importe où tu te situes, c'est... Et ça, c'est dur de le constater, en fait, et de travailler avec ça.
00:38:24 Parce que je suis une femme, et quand je suis en face d'une femme qui me raconte son histoire, c'est hyper, hyper difficile.
00:38:34 Mais ça me donne aussi envie de continuer et de me battre pour elle.
00:38:40 - Ouais, parce que comme tu disais aussi tout à l'heure, quand t'as des victoires sur des personnes qui vont mieux, en tout cas que le moment où elles sont rentrées, qu'elles sont plus fortes...
00:38:49 - Absolument.
00:38:51 - Moins seules, parce que du coup, c'est ce que tu disais aussi, c'est que c'est aussi une communauté d'entraide, et qui trouve des ressources ensemble.
00:38:59 C'est clair que ça doit être hyper fort, mais toi, du coup, tu fais comment pour toi, prendre soin de ta santé mentale à toi ?
00:39:08 - Là, dans l'immédiat, je me connais assez bien. J'ai fait une thérapie pendant presque deux ans.
00:39:20 Qui m'a beaucoup servi, qui m'a beaucoup aidée, qui m'a beaucoup allégée, qui m'a aidée à comprendre énormément de choses sur ce que j'ai vécu, sur ce que je ressens, sur ce que j'ai pu ressentir.
00:39:38 Et en fait, il y a quelques mois, je me suis dit "stop". En fait, tout ce travail, c'est difficile, la thérapie.
00:39:48 Franchement, déjà, il faut y aller. Il faut avoir le temps. Ça coûte très cher. Après, moi, j'ai pris le parti. Je me suis dit "tant pis si ça me met dans la merde tous les mois".
00:40:01 Mais ça n'a pas de prix, en fait, d'aller bien. - Je me souviens, tu avais dit cette phrase quand on s'était vus.
00:40:07 - Ouais, parce que finalement, il n'y a pas beaucoup de monde qui ont les moyens de le faire. Moi, au moment où je l'ai fait, je n'avais clairement pas les moyens.
00:40:13 Mais moi, j'étais à un moment où il fallait que je le fasse parce que tout s'effondrait autour de moi. Je mettais tout en échec parce que je n'allais pas bien.
00:40:24 Et là, il y a quelques mois, je me suis dit "j'y vais". Je paye, ça me coûte cher. J'apprends énormément de choses sur moi. J'évolue.
00:40:37 J'ai tellement évolué, c'est fou. Ma psy, elle est géniale. Et là, je me suis dit "c'est quand même beaucoup". Il faut que j'expérimente tout ce que j'ai appris sans aile.
00:40:51 Il faut que j'arrête un petit peu. Il faut que je fasse une pause dans la thérapie et que j'y aille et que je me lance. C'est rassurant aussi, quand ça fonctionne.
00:41:01 C'est rassurant de se livrer, de déposer certaines choses et de repartir seulement pour une semaine avec des choses à faire, des "devoirs".
00:41:12 Là, je me suis dit "ça ne durera pas toujours, donc il faut que j'essaye". Et là, ça fait un moment que je ne l'ai pas vu. Six mois, je pense.
00:41:25 En fait, je sais. Je sais parce que j'ai appris à me connaître. Je sais qu'il faut que je fasse attention à certaines choses, que je me préserve d'autres.
00:41:39 Je ne sais pas trop comment te dire, mais j'ai pris aussi beaucoup de recul par rapport à certaines choses qui pouvaient me toucher avant, qui aujourd'hui me passent un peu au-dessus de la tête.
00:41:57 J'ai aussi beaucoup de poids en moins sur mes épaules, moins de colère, moins de frustration. Je vais mieux en fait.
00:42:09 Et là, j'en prends soin juste en nourrissant ce que j'ai réussi à acquérir pendant cette thérapie.
00:42:18 - Qui a été libératrice.
00:42:21 - Libératrice, c'est dingue. Mais d'être... Ouais, je suis plus calme. Je me pose beaucoup plus. J'ai réfléchi, je prends le temps.
00:42:40 Je fais aussi ce que j'ai envie de faire et ce que j'ai besoin de faire, et plus ce qui me serait imposé. Ça, c'est très important.
00:42:51 Et surtout, je m'écoute en fait. Je m'écoute et je reste... Je reste qui je suis. Ça, c'est hyper important.
00:43:01 - C'est ce que j'allais dire. Tu restes fidèle à toi-même.
00:43:04 - Ouais, fidèle à moi-même et je me permets aussi d'autres choses. Et la danse, ça en fait partie.
00:43:13 Et c'est ça, de m'écouter, de me faire confiance, d'accepter aussi que ça va pas.
00:43:24 Souvent, on a du mal à accepter qu'on se trouve dans une situation compliquée ou quand il nous arrive un truc ou...
00:43:36 - Ouais, parce qu'on n'est pas habitués, on n'est pas éduqués à la vulnérabilité.
00:43:40 - Ouais. - Ouais. Et puis bon, la société est violente, donc elle l'est pas non plus éduquée de manière collective à la vulnérabilité.
00:43:47 Mais ouais, je sais pas. Ça passe par beaucoup de choses, ouais. Je danse, je sors avec mes amis, j'aime beaucoup rencontrer des gens.
00:43:58 Je prends soin de moi.
00:44:00 - Et tu parlais de podcasts et de ressources. Tu disais tout à l'heure en début que tu t'es beaucoup déconstruite aussi avec des bouquins,
00:44:12 avec des podcasts, avec des ressources. Et là, en ce moment, par exemple, t'écoutes quoi ou tu lis quoi ?
00:44:19 Qu'est-ce qui te nourrit ? Qu'est-ce qui nourrit ta santé mentale ?
00:44:24 - En ce moment, j'aime bien regarder des films et des séries qui sont très modernes.
00:44:33 - Ouais. - Où il y a des représentations diverses.
00:44:42 Et plurielles. Et ça, ça me fait énormément de bien de constater ça.
00:44:47 Où il y a des corps différents, des problématiques qui sont évoquées, qu'on voyait pas avant, dans des séries ou dans des films, ou même à la télé.
00:45:02 Et ouais, j'aime beaucoup. Ça, ça me permet vraiment de me dire que j'existe et j'existe aussi à travers toutes ces personnes qui, maintenant, sont visibles.
00:45:20 - Ouais. C'est la question de la représentation. - Exactement. Et de l'inclusivité.
00:45:27 Et t'as un exemple de série ou de truc que tu pourrais conseiller aux gens qui écoutent ce podcast pour ouvrir les perspectives de leur représentation ?
00:45:48 - Une des séries qui m'a vraiment marquée, c'est "I May Destroy You". - Ah bah oui, mais grave.
00:45:57 - Tellement puissant. - Ouais, c'est fou. - Et tellement créatif aussi.
00:46:03 - Ouais, bien sûr. C'est beau, c'est coloré, c'est différent en fait. C'est novateur, c'est moderne, c'est féminin. C'est une femme noire.
00:46:22 Mais c'est tellement bien de voir ça. Ça fait énormément de bien. - Ouais, c'est clair. Et en plus...
00:46:32 - Sans spoiler les gens qui ne l'ont pas vu, pardon. - Non, il faut pas.
00:46:35 - Mais c'est vrai qu'il se passe un trauma au début de la série et tu vois au fil des épisodes son processus de ce dont tu parlais tout à l'heure, de déconstruction et de reconstruction.
00:46:48 Parce que c'est même quelque chose qu'on suit épisode par épisode. Et je vais me taire parce que vous m'avez spoilée.
00:46:54 Mais ouais, c'est ça aussi qui est intéressant. En fait, pour moi, c'est complètement une série santé mentale.
00:47:01 - Ouais, complètement. Et elle parle d'énormément de choses. De société, du rapport dominant-dominé, donc femme-homme, de la santé mentale et aussi de...
00:47:18 Je sais pas. Tu vois, il y a énormément de prises, de stups, de comment on peut être amené à se vider la tête.
00:47:32 Comment on vit en fait aujourd'hui, c'est hyper moderne. - Ouais, c'est clair. - On peut se reconnaître en elle, tu vois. Et c'est ça qui est important.
00:47:40 Donc, ouais, pour en citer qu'une, je pense que celle-là c'est... Mais lire aussi, et regarder, et écouter, ça prend aussi beaucoup d'énergie.
00:48:01 - Oui, ça c'est clair. - Constater, entendre, les témoignages... Ça c'est dur aussi, parce que se déconstruire et élaborer et être en process pour aller mieux,
00:48:17 ça passe aussi par entendre des choses pas faciles, quoi. - Des choses pas faciles qui font aussi, peut-être quoi, des choses pas faciles aussi qui ont été vécues.
00:48:26 Ou même juste, tu vois, quand t'as deux personnes qui parlent pas forcément de leur vie, mais qui vont évoquer des problématiques, et que tu te dis "Oh putain, moi je vis ça, ah mais tiens, mon mec il fait ça, mais c'est terrible".
00:48:42 Tu vois, c'est dur de se rendre compte de ça aussi. Donc ouais, il y a des périodes où j'écoute un peu moins, où c'est plus important, et parfois je fais des pauses.
00:49:00 - Ouais, comme effectivement, la santé mentale, en prenant soin, c'est un chemin, c'est pas un truc qui est tout le temps linéaire avec le même processus, la même thérapie, etc.
00:49:12 Puis parfois t'as besoin de prendre de l'info, de prendre des ressources, et puis parfois t'as aussi besoin de laisser un fusée, quoi. - Ouais, exactement.
00:49:20 - Mais la créativité, c'est aussi quelque chose qui... et j'ai l'impression que dans ce que tu fais par rapport à tout ce qui est ballroom, c'est déjà un moyen d'exprimer une créativité, une identité, des émotions aussi.
00:49:37 Mais aussi tu prends beaucoup la parole. Il y a aussi toute la partie où toi-même, tu lis en intro, t'organises, t'animes des talks, etc. Et je sais que d'ailleurs t'as bientôt un talk. C'est quoi, du coup, justement, tes projets par rapport à ça ?
00:49:53 - J'ai une amie proche qui a monté un média, il y a deux ans, je dirais, qui s'appelle "Prince et princesse des villes". Son objectif, c'est de, très rapidement, de mettre en lumière des talents des entrepreneurs ou des créatifs
00:50:16 qui sont partis de rien et qui ont réussi à réaliser leurs projets, leurs rêves et qui, aujourd'hui, bénéficient d'un rayonnement parce qu'ils sont trop forts. Et trop fortes !
00:50:31 Et en fait, là, on a une saison spéciale où on enregistre et on fait des radio-live au sein de l'Union de la Jeunesse Internationale.
00:50:47 Donc c'est un lieu culturel qui a ouvert ses portes en septembre et qui se situe dans les anciens locaux de Tati à Barbès.
00:50:58 - À Paris. - À Paris, dans le 18ème. Donc, symboliquement, déjà, ce lieu, il est très fort. Et les gens qui ont monté ce projet ont à cœur de le faire vivre,
00:51:16 et notamment avec les gens du quartier, du 18ème, et d'inclure énormément la jeunesse pour leur propos...
00:51:26 - Pa pa pa ! - Pour leur proposer un accès à la culture. - Ouais.
00:51:35 Et donc, voilà, elle m'a proposé d'animer cette émission qui se passe dans ces locaux-là. Et la programmation, elle est en lien avec la programmation du lieu.
00:51:51 - Et du coup, c'est tous les... - Y'a pas vraiment de... - Y'a pas de récurrence ? - Non. - Ouais.
00:52:01 - En fait, y'a une programmation qui est assez dense, et en fonction de ce dont on a envie de parler ou de mettre en lumière, on va sélectionner dans la programmation
00:52:15 qui est ce qu'on a envie d'interviewer. Donc, il y a eu un premier épisode où j'ai échangé avec un collectif qui s'appelle "All House",
00:52:30 ces quatre jeunes designers. Ah oui, t'avais vu, t'étais partie. - Ouais, j'ai vu l'expo, c'était trop cool, ouais. Très belles.
00:52:39 - Ouais, ils sont très doués. C'est très intéressant parce qu'ils nagent complètement à contre-courant, ils ont une volonté de...
00:52:48 Pareil, de casser les codes dans un milieu qui est tellement élitiste. - Ah bah tu m'étonnes, c'est clair, l'art contemporain, parce que c'est ça. Enfin, ouais.
00:52:56 - Ces quatre jeunes de banlieue... Très bien cette démarche. Et voilà, il y en a un autre demain. - Ouais.
00:53:07 - Et donc je vais discuter avec Jessica et Wendy de Arcade Magazine, qui ont monté un projet autour du quartier des Choux à Créteil.
00:53:23 Donc c'est photographique et architectural. Voilà. - OK. - Et donc pour "Prince et Princesse des villes", là, c'est très intéressant parce que
00:53:33 on cherche à mettre en lumière ceux qui sont les princes et les princesses de nos villes. Et elles, pour le coup, elles ont réussi à intégrer vraiment
00:53:44 la cité dans leur projet et les populations. Donc là, pour le coup, ça résonne vraiment. - Ça prend tout son sens, quoi. - Ouais. Donc on est vraiment contentes de les avoir demain.
00:53:55 - OK. Donc demain, on sera... - Jeudi 10 novembre. - Yes. Pour les gens qui écouteront ce podcast, du coup. Après, on peut retrouver tes discussions,
00:54:08 on les retrouvera en podcast un peu plus tard. - Ouais, sur la plateforme de "Princes des villes". - OK. Qu'on invite bien évidemment à écouter. - Ouais.
00:54:18 - Pour conclure ce podcast, moi, je me souviens, la première fois où on s'était rencontrés... On s'était rencontrés en visio, en vrai. Bon, pour moi, c'était une vraie rencontre.
00:54:27 T'avais dit un truc qui était effectivement que la santé mentale, et tu l'as redit en vrai en filigrane, c'est que... Et c'est ce sur quoi on se retrouve.
00:54:40 C'est que pour toi, la santé mentale, c'est un enjeu citoyen. - Complètement. - Et c'est un droit. Et c'est ce que t'as dit aujourd'hui.
00:54:48 Par rapport à ça, est-ce que t'aurais un coup de gueule, qu'il soit positif ou négatif, par rapport à ce sujet que t'as envie de partager à ce micro ?
00:54:59 Pour faire avancer, effectivement, la santé mentale dans ce côté citoyen, ou un projet, quelque chose qui a permis de le faire ?
00:55:07 - Non, je suis vraiment pas satisfaite de ce qui se passe aujourd'hui pour nous. - Ouais. - Ouais, vraiment, c'est... Ça va pas, quoi.
00:55:18 Et on n'a pas accès à des thérapies, on n'a pas accès même à savoir ce que c'est. La santé mentale, les gens sont pas au courant, ne savent pas.
00:55:33 Et comme on disait tout à l'heure, ça peut être aussi une honte. Et en fait, c'est quelque chose de, comme je disais avant, fondamental.
00:55:40 Et c'est tellement méconnu. En fait, c'est un coup de gueule, je sais même pas à qui m'adresser, mais il faut que quelque chose soit fait au niveau collectif,
00:55:54 je n'en sais rien, gouvernemental, que ce soit dans les cellules familiales ou à l'école. Enfin, tout ce qui concerne l'apprentissage, qu'on y ait accès,
00:56:06 qu'on sensibilise les jeunes à ça, qu'on leur donne accès, en fait, au bien-être. Et à la réussite, en fait, de pouvoir s'accomplir en tant que jeune ou en tant qu'adulte.
00:56:23 C'est trop difficile. Il y a des suicides, il y a des... Je vais un peu loin là, mais c'est vrai, tu vois. Ça dégénère.
00:56:41 Et puis, en fait, ça fait écho à énormément de choses, parce qu'on parle pas de tout ça, mais c'est le harcèlement, c'est être exposé à la violence sexiste et sexuelle.
00:56:53 En fait, si personne n'a accès à la santé mentale, tous nos schémas, ils vont continuer d'exister. Voilà.
00:57:04 - Je sais pas. - C'était quand même un vaste coup de gueule, comme pour ça, je sais pas. Mais oui, c'est clair.
00:57:11 - Enfin... - Mais ouais, ouais. Enfin, franchement, et comme tu dis, je pense que, clairement, il y a un enjeu auprès des pouvoirs publics, financiers,
00:57:19 parce que c'est un enjeu financier, mais il y a aussi un enjeu pour dédramatiser et rendre le sujet moins tabou, qui passe par des médias, qui passe par le ciné,
00:57:28 qui passe par des séries, qui passe par la musique, qui passe, effectivement, par des prises de paroles, de personnalités, effectivement,
00:57:35 qui sont là pour aussi donner des représentations par rapport à la santé mentale, et puis ça passe par l'éducation.
00:57:40 - Ouais, mais tu vois, encore une fois, c'est très important. C'est très important, les médias, les personnalités, etc.
00:57:48 Mais tu vois, moi, je dis, c'est comme les rabatteurs dans la rue pour... Non, c'est pas des rabatteurs, je sais pas pourquoi je dis ça.
00:57:56 - Pour aller manger au resto ? - Non, les gens, tu sais, qui t'accostent pour donner de l'argent pour... J'en sais rien, le cancer, les enfants dans un tel pays, voilà.
00:58:09 - Ouais, les maraudes associatives. - Non, pas les maraudes. Tu sais, eux, avec leur gilet, qui te disent "Est-ce que vous voulez pas donner 20 euros pour machin ?"
00:58:18 Je sais pas comment on appelle ça. En fait, c'est très bien, tu vois. Je sais pas comment on appelle ça.
00:58:23 - Ouais, je suis en train de chercher. - Le recrutement de dons ? - Ouais, c'est très bien.
00:58:28 Mais on remet des choses qui devraient être gérées par les gouvernements sur les populations. Mais ça va pas.
00:58:38 Enfin, moi, je veux dire, je suis désolée, mais demain, je vais dire au hasard... Il y a personne qui me vient, mais j'en sais rien.
00:58:47 Une personnalité qui va me parler de santé mentale à la télé, je vais me dire "Ah tiens, ça existe, peut-être ça va permettre des choses."
00:58:52 Mais il faut qu'il y ait des vraies actions qui soient menées. - Oui, c'est clair.
00:58:56 - En fait, c'est qu'on peut pas compter sur les médias, sur les podcasts. Encore une fois, les podcasts, tout le monde n'a pas accès.
00:59:02 Je suis désolée, tout le monde n'écoute pas France Culture et autres. - Oui, les podcasts, c'est clair que c'est un truc complètement élitiste.
00:59:09 - Oui, mais comme la lecture, et comme les documentaires, et comme... Je sais pas, tu vois. - Ouais, pas la musique, par exemple, tu vois.
00:59:20 - Et encore, tu vois. - Bah, ça dépend. - Oui, ça dépend. Mais...
00:59:29 - Ouais, que ça existe et que ce soit considéré comme, j'en sais rien, le cancer. - Un enjeu de santé publique, ce que tu disais tout à l'heure.
00:59:42 - Et il y a des choses à mettre en place. Et il faut qu'ils puissent mettre des choses en place. C'est nécessaire.
00:59:54 - Mais regarde, après le Covid, les gamins... - Ah bah ouais, mais là, c'est les catons, non ? - Mais enfin... Ouais, c'est fou.
01:00:02 - Ouais, ouais. - Et après, encore, tu vois, moi je répète souvent les jeunes, les enfants et tout, parce que pour moi, c'est vraiment important, c'est la base.
01:00:09 Mais les adultes aussi, enfin c'est... Non, il y a des choses à mettre en place. Il faut que ça devienne un vrai sujet de société.
01:00:17 - Ouais, c'est clair. Et effectivement, que les pouvoirs publics s'emparent du sujet correctement pour mettre en place concrètement des solutions qui sont accessibles au plus grand nombre.
01:00:28 - Complètement. - D'accord. - Ouais. - Merci, Louia. - Merci à toi.
01:00:34 - Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ? Un mot de la fin à ce podcast ? Une grosse blague ? - Ça va. - Ouais ? - Ouais. - Ok.
01:00:42 - J'ai assez parlé, je crois. - Merci beaucoup, en tout cas. - Merci à toi. - À bientôt. - À bientôt.
01:00:48 Si vous ressentez un mal-être psychologique, je vous recommande d'en parler avec un professionnel de la santé mentale. À très vite.
01:00:57 (Générique)
01:01:09 (...)

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