• l’année dernière
Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.Atteinte de troubles psychiques, Amandine, la fille d’Isabelle Machado, s’est suicidée à l’âge de 27 ans après des années d'errance thérapeutique. Pour Yahoo, sa mère, auteure de l’ouvrage "Parfois l’amour ne suffit pas…" (ed. City) a accepté de se livrer sur ce drame, expliquant notamment le long combat qu’elle a mené afin d’obtenir pour sa fille une prise en charge psychiatrique.En France, le suicide représente chaque année près de 9 300 décès et 200 000 tentatives à l’origine de 89 000 hospitalisations, selon les chiffres divulgués par l’Assurance maladie. Alors, si une personne de votre entourage présente un ensemble de signes suicidaires, si son attitude et son comportement changent faisant redouter une tentative de suicide, soyez vigilant. En cas de risque imminent, appelez le 15 ou le 112.

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Transcription
00:00 Je suis la maman d'Amandine et de Fabien.
00:03 Amandine que j'ai adoptée en 1994 et qui a mis fin à ses jours le 4 juillet 2021,
00:11 après un long parcours dans les méandres des couloirs de psychiatrie.
00:14 J'ai fait plusieurs fausses couches et on m'a trouvé une translocation chromosomique
00:23 qui fait que mes risques de mener à terme une grossesse normale sont quand même de 20%.
00:28 Le parcours était compliqué.
00:32 On a rapidement décidé d'essayer d'avoir un enfant biologique,
00:36 mais aussi d'adopter.
00:39 On s'est tournés vers la Polynésie.
00:41 À l'époque, en Polynésie, on adoptait les enfants avec un report,
00:45 une délégation d'autorité parentale.
00:47 C'est-à-dire qu'on pouvait avoir les enfants à la naissance,
00:50 c'est les familles qui remettent l'enfant.
00:53 Dans la tradition femme, c'est-à-dire que les Polynésiens,
00:57 culturellement, n'abandonnent pas leurs enfants,
00:59 ils les confient quand ils ont des difficultés.
01:01 Donc on est parti adopter Amandine dans ces conditions.
01:05 Elle avait une semaine.
01:06 Puis elle est revenue en France, en écrivant une à deux fois par an à la maman,
01:11 lui envoyant des photos et en restant en lien le plus longtemps possible,
01:15 en tout cas tant qu'elle l'a voulu.
01:18 Nous avons parlé de son adoption Amandine dès le début.
01:20 On lui avait promis aussi de revenir découvrir l'île et sa famille
01:26 quand elle aurait 10 ans.
01:28 C'est ce qu'on a fait quand elle a eu 11 ans.
01:31 Elle a rencontré sa maman biologique, sa petite sœur.
01:34 Elle a juste pu dire à l'époque qu'elle était contente de savoir,
01:38 qu'elle était triste pour tous les enfants adoptés
01:40 qui n'avaient pas connaissance de leurs racines.
01:43 Après, psychiquement, on ne sait pas trop les conséquences quand même.
01:50 Ne pas savoir, c'est compliqué.
01:52 Savoir, c'est sûrement compliqué aussi.
01:54 Lorsqu'elle a eu 13 ans et demi, tout a basculé.
01:58 Du jour au lendemain, elle est revenue, elle m'a commencé à m'insulter.
02:02 Un regard noir, son visage avait changé.
02:04 Et puis, rapidement, elle est devenue de plus en plus violente,
02:08 de plus en plus intolérante à la frustration, avec des grosses crises.
02:13 Elle pouvait s'excuser après, dire "maman, je t'aime, pardon,
02:16 je ne sais pas ce que j'ai, ça me dépasse, je ne maîtrise rien, je suis en colère".
02:23 Et puis, il fallait qu'elle trouve, elle, une raison à sa colère,
02:27 donc ça a été moi.
02:28 Elle a retourné toute sa souffrance contre moi, j'étais le mauvais objet.
02:32 Moi, d'entrée, j'ai vite compris que ça ne ressemblait pas à de l'adolescence,
02:37 il y avait un souci.
02:39 Je ne savais pas lequel, mais j'ai compris d'entrée qu'il y avait un souci derrière tout ça.
02:43 Je l'ai rapidement amenée chez psychologue, psychiatre.
02:47 D'autres troubles apparaissaient, comme de la paranoïa,
02:50 elle se sentait toujours persécutée par les autres.
02:52 Elle pensait toujours qu'on lui en voulait.
02:55 Elle avait des petits tocs, se laver la tête, voir des objets qui bougeaient dans la chambre,
03:02 m'accuser de les avoir bougés.
03:04 Mais les psy et psychologues posaient comme pseudo-diagnostic
03:11 une adolescence exacerbée, ou un trouble d'identité et l'adoption servait d'alibi.
03:20 Avec le recul, il y a forcément un retard de diagnostic,
03:27 pas une prise en charge précoce.
03:29 On laisse passer le temps et s'enquister les problèmes.
03:32 Il s'est passé neuf ans comme ça.
03:34 Elle a même fait des allers-retours aux urgences après des crises de violence.
03:38 On me l'a renvoyée en me disant
03:40 "Madame, on n'enferme pas les gens parce qu'ils ont des problématiques familiales."
03:45 Amandine arrivait à l'époque à donner le change.
03:47 Neuf ans de parcours chaotique jusqu'à ses 22 ans,
03:50 où elle a fait une crise de bouffée délirante.
03:53 Là, elle a été hospitalisée sous contrainte.
03:56 Cinq mois d'hospitalisation, trois mois en clinique et deux mois à la maison.
04:02 Un diagnostic a été posé, avancé, de psychose.
04:07 Mais parallèlement à ça, elle a été suivie par une psychologue qui parlait plus de borderline.
04:12 Les psychiatres et les psychologues n'ont jamais, et ça a été l'histoire de sa vie aussi,
04:18 n'échangent pas, n'ont jamais échangé.
04:20 La psychiatre de l'époque m'ayant dit "Si les psychologues servaient à quelque chose, ça se saurait."
04:25 Sauf que cette psychologue, à l'époque, me disait "Il y a un risque de suicide."
04:30 La psychiatre me répondait
04:33 "Les psychologues, c'est comme pisser dans un violon."
04:36 Donc elle n'entendait pas.
04:37 Et la psychologue, elle, insistait.
04:41 "Il y a un risque de suicide."
04:43 Jamais pris en considération par cette psychiatre ou même ceux qui ont suivi.
04:48 Donc là, elle a 22 ans, elle sort d'hospitalisation sous contrainte.
04:53 Elle a un traitement avec des effets secondaires très très lourds.
04:59 Donc des dyskinésies, c'est-à-dire elle a les yeux qui se révulsent,
05:02 elle a très mal à la tête, elle s'étouffe dans sa bave.
05:05 On lui rajoute un correcteur, elle dort pendant 4 heures.
05:08 Et du coup, ça renforce sa paranoïa en disant "Je suis un cobaye."
05:12 On le drogue, c'est pire qu'avant.
05:14 Donc ça aussi, on le sait, c'est courant.
05:17 Je veux dire, pratiquement toutes ces personnes qui prennent un traitement pour la première fois
05:22 après des psychoses ou des troubles psychiques ont la même réaction.
05:28 C'est très invalide.
05:29 Elle prend 15 kilos, c'est une petite jeune fille, jeune femme,
05:33 toute mignonne, toute menue qui se retrouve en sortant de l'hôpital avec 15 kilos de plus,
05:38 des effets secondaires affreux et elle ne va pas mieux.
05:41 Donc c'est très compliqué.
05:42 Donc déjà, il faut qu'elle arrive à accepter le traitement,
05:48 qu'elle en accepte les effets, mais pour autant elle ne va pas mieux.
05:51 Donc c'est très compliqué.
05:53 Ça fonctionne plus ou moins bien.
05:56 Dans le même temps, elle se met à prendre de la drogue.
05:59 La drogue, elle complexifie le diagnostic, elle complexifie la prise en charge,
06:03 puisque du coup c'est une comorbidité et qu'il faut s'occuper des deux choses.
06:07 Pour autant, elle dit que dans la drogue, elle trouve plus de réconfort que dans le traitement.
06:13 Ça aussi, c'est un discours.
06:15 Je l'ai entendu souvent dans les associations,
06:18 les familles peuvent exprimer la même chose, c'est un discours courant.
06:22 Dans la foulée, elle fait trois tentatives de suicide,
06:25 elle renforce le diagnostic de la psychologue.
06:29 Et chaque fois, après ces tentatives de suicide,
06:32 elle ressort de l'hôpital aussitôt.
06:35 Elle se tranche les veines une fois, on la recouvre,
06:37 elle sort dans la fouée comme quelqu'un qui serait tombé tout bêtement.
06:41 Sans suivi.
06:43 Elle s'arrache les poings 8 jours plus tard, elle est hospitalisée.
06:46 Il n'y a jamais aucun suivi.
06:48 Je saurai plus tard, en ayant demandé ces dossiers médicaux,
06:52 qu'il y a toujours la case de cocher aucun risque de suicide.
06:56 Donc elle sort, et la psychologue insiste, insiste, insiste.
07:00 Et les psychiatres me disent "c'est de la provocation".
07:04 C'est un appel au secours, mais ça reste de la provocation.
07:07 Je pense qu'à ce moment-là, je bascule un peu dans le déni,
07:10 en me disant "certes, j'entends ce que la psychologue me dit, je l'entends,
07:13 mais je ne veux pas l'entendre, puisque de notre côté,
07:16 les psychiatres ne s'y attardent pas, on ne la garde pas,
07:19 elle n'a pas de suivi, c'est que forcément, c'est aucune raison.
07:22 Elle fait des appels au secours, mais elle n'ira jamais jusqu'au bout.
07:26 Je me nourris un peu de ça pour avancer.
07:29 Sinon, c'est très compliqué de la savoir seule,
07:32 dans son appartement, pas autonome,
07:35 en sachant qu'un risque réel pèse au-dessus de sa tête.
07:39 Lors de ces allers-retours aux urgences, là c'est pareil,
07:42 on aura entendu "il n'y a pas de place".
07:45 Donc elle est trop agitée pour aller dans le privé,
07:48 qui sont sur tension et choisissent leur patient,
07:51 et dans le public, elle n'est pas assez.
07:53 Il y a tellement de gens qui sont encore pire qu'elle,
07:55 qui n'ont pas de famille.
07:58 L'orientation des urgences, ce n'est pas le soin au long terme,
08:01 c'est une orientation.
08:03 L'orientation, c'est le retour à la maison.
08:05 Le retour à la maison, c'est l'enfer.
08:08 L'enfer, c'est... elle casse tout.
08:12 Elle fait des crises démesurées.
08:14 La souffrance se lit sur son visage,
08:16 elle ne gère plus ses colères,
08:18 elle ne gère plus la frustration.
08:20 À la maison, on ne peut plus la garder.
08:22 On est obligé de lui trouver un appartement,
08:24 avec toutes les difficultés que ça comporte.
08:26 Elle est menaçante.
08:28 Elle renvoie souvent la violence contre elle.
08:31 Elle a des tentatives envers moi, mais elle s'arrête.
08:34 Sauf une fois plus tard, mais voilà.
08:36 En tout cas, c'est contre elle.
08:39 Elle est dans la souffrance la plus totale.
08:42 En tout cas, c'est la destruction.
08:44 Rien. Tout est cassé.
08:46 Elle hurle, c'est des crises, c'est affreux.
08:49 Et puis, il y a des moments où elle arrive à se calmer.
08:52 Elle arrive quand même à avoir des liens sociaux
08:54 avec ses amis, où elle peut être un petit peu différente.
08:57 Elle peut donner le change.
08:59 Mais moi, je suis sa bête noire.
09:01 Je suis responsable.
09:03 Je ne l'ai jamais pris au premier degré.
09:05 J'ai toujours su que c'était l'expression de la maladie.
09:08 Je ne lui en ai jamais voulu.
09:10 Elle me disait que j'étais responsable,
09:12 que c'est moi qui l'avais rendue comme ça.
09:15 Qu'elle était petite, qu'elle était mignonne.
09:18 Que j'étais un serial killer de bébés.
09:22 En fait, elle tournait en boucle le fait
09:24 que j'avais fait des fausses couches.
09:26 Pour moi, j'étais un assassin.
09:28 J'avais tué des bébés.
09:30 Je l'avais prise comme un pansement quelque part.
09:33 Mais moi, j'étais un assassin.
09:35 Bien sûr qu'elle comprenait qu'elle avait besoin d'être adoptée,
09:38 mais elle est tombée dans la mauvaise maman
09:40 et elle a été un assassin de bébés.
09:42 C'est vraiment quelque chose qui tournait en boucle.
09:44 Et puis à côté de ça,
09:46 elle pouvait me dire qu'elle m'aimait.
09:48 Elle pouvait avoir des moments d'accalmie
09:50 avec un traitement.
09:52 Elle pouvait manger un peu plus.
09:54 Et là, elle redevenait une adorable jeune femme.
09:57 Amandine savait qu'elle faisait du mal.
10:00 Elle pensait faire du mal.
10:02 Moi, je lui ai toujours dit que je savais
10:04 que c'était la pathologie qui la rendait comme ça.
10:06 Elle n'entendait pas puisqu'elle ne se savait pas malade.
10:09 C'est aussi le défaut d'insight, de ne pas se savoir malade.
10:11 C'est un des symptômes de la maladie.
10:13 C'est pour ça que ces pathologies sont très difficiles à soigner
10:16 puisque la personne n'a pas conscience de sa pathologie.
10:20 Par contre, elle savait que quelque chose ne dysfonctionnait pas.
10:22 Elle se sentait mauvaise.
10:23 Elle pensait qu'elle était un poison pour tout le monde,
10:26 qu'elle n'aurait pas d'avenir
10:29 et que personne ne pourrait l'aider.
10:32 Tout s'arrête pour elle.
10:33 Elle veut mourir.
10:35 Il n'y a pas d'autre issue.
10:37 Elle peut le signaler aussi.
10:39 Elle peut le signifier à sa psychologue.
10:41 Elle disait "je veux que l'on me tue".
10:43 Il y a eu des agressions physiques, peu, ce n'est pas la majorité.
10:47 Il y en a eu une surtout, où elle s'est jetée sur moi.
10:51 Elle m'a lacérée de cou, elle m'a tiré les cheveux.
10:55 Oui, elle voulait m'achever.
10:56 On a pu appeler les secours assez tôt.
10:58 Elle s'en est voulue après.
10:59 C'est les gendarmes qui sont venus pour un autre secours.
11:02 Elle a été au poste.
11:04 Un médecin est passé et a considéré qu'elle allait bien.
11:09 Que c'était un conflit familial.
11:13 Alors que c'était des soins dont elle avait besoin,
11:15 elle a eu une convocation au tribunal.
11:17 J'ai réussi à faire annuler,
11:18 puisque ce n'était pas le but d'aller au tribunal.
11:21 Elle est malade.
11:22 Je n'allais pas aller au tribunal pour dire qu'elle m'avait tiré les cheveux.
11:25 Moi, ce que je voulais le jour où je suis allée à la gendarmerie,
11:28 ce jour-là, c'est qu'elle ait des soins.
11:30 Quand elle a eu 22 ans, on m'a parlé de psychose.
11:33 On me parlait de psychose schizophrénique.
11:35 Ensuite, à 24 ans, elle a rencontré un médecin
11:39 avec qui elle a pu commencer à lier un lien de confiance.
11:43 Et elle a accepté le traitement.
11:48 Elle allait légèrement mieux.
11:50 En tout cas, on sentait qu'il y aurait peut-être une lumière au bout du tunnel,
11:54 puisqu'elle acceptait d'aller en consultation.
11:56 Ce médecin a parlé de schizophrénie.
11:58 Dans le même temps, j'ai fait une formation qu'il diffusait,
12:02 la formation pro-famille,
12:04 qui est une formation à destination des familles,
12:08 qui, entre autres, explique la maladie, les symptômes,
12:13 et surtout, comment se comporter face à des symptomatologies difficiles à gérer.
12:21 C'est une formation assez complète.
12:25 Ce médecin me parlait de schizophrénie.
12:28 Il m'a parlé aussi de réhabilitation psychosociale.
12:32 Il m'a parlé de rétablissement.
12:34 Là, on était bien loin de ce que préconisaient tous les autres que j'avais rencontrés avant,
12:38 et qui me répondait à ma question "Qu'est-ce qu'elle va devenir quand je ne serai plus là ?"
12:43 en me répondant "Il y a plein d'amandine dans la rue."
12:46 Lui, il parlait quand même de protocole de soins.
12:50 La réhabilitation psychosociale, c'est le retour d'un individu optimal à son fonctionnement
12:56 en s'appuyant sur ses forces et pas sur ses faiblesses.
13:00 Le rétablissement, ce n'est pas la guérison et la disparition des symptômes,
13:05 mais c'est donner à la personne des outils pour qu'il puisse redonner un sens à sa vie
13:11 à travers des activités et dans quelque chose qui lui convient.
13:18 Plus tard, et il est d'accord aussi, sur la faim,
13:22 on peut parler de troubles schizo-affectifs, qui est un trouble apparenté de la schizophrénie,
13:26 mais avec un trouble de l'humeur qui se rajoute.
13:29 Il y a juste eu le Covid qui l'a plongé dans l'isolement,
13:32 les consultations visio qui ont été une catastrophe,
13:35 et le départ de ce médecin pour des raisons personnelles vers d'autres horizons.
13:40 Du coup, elle s'est ressentie vraiment abandonnée, on était repartis à la case zéro.
13:44 À l'aube de ses 27 ans, Noël refait une crise de bouffée délirante importante,
13:50 donc elle est réhospitalisée.
13:52 Elle était persuadée qu'elle prenait feu, qu'elle était en feu,
13:55 que tout brûlait, que la maison brûlait.
13:57 On l'a mise sous la douche pour essayer de la rassurer, de la rafraîchir,
14:02 mais bon, c'est délire, hallucination, désorientation.
14:06 Elle voit le diable, elle voit la mort, elle voit quelque chose qu'on ne voit pas.
14:11 Donc elle est hospitalisée sous contrainte, une deuxième fois.
14:14 Elle va rester trois mois hospitalisée, et à la suite de cette hospitalisation, donc elle sort.
14:18 Moi je signale au médecin qu'elle n'est pas bien, elle a toujours des hallucinations,
14:23 mais il me parle lui, après tout ce parcours, il me parle encore de provocation.
14:29 Elle accepte d'aller au CMP puisqu'elle n'a plus de médecin, puisqu'il est parti.
14:34 Le centre médico-psychologique, qui est un centre qui accueille toutes les personnes
14:39 ayant des troubles psychiques pour un suivi, donc médecins, infirmiers, etc.
14:43 Et là, ça ne se passe pas du tout avec ce psychiatre, pas du tout.
14:47 Elle est très agitée parce qu'en fait, il y a un problème de traitement.
14:51 Sans rentrer trop dans les détails, le médecin qui est parti lui donner un traitement,
14:56 et ce médecin ne veut pas le lui donner.
14:58 Alors chacun a donné ses explications, je ne suis pas médecin, en tout cas, Amandine est perdue.
15:05 Elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas avoir le médecin, elle ne le comprend pas.
15:08 Pour elle, de nouveau, elle est un cobaye, c'est une fixette, ça devient une obsession,
15:13 elle veut ce traitement et l'autre médecin ne peut pas le lui donner.
15:17 Donc elle est très agitée ce jour-là à la consultation, et le médecin la renvoie,
15:21 en lui disant "Madame, vous reviendrez quand vous serez calmée".
15:24 Donc elle n'était pas seule, mon mari était là, il l'accompagnait,
15:28 il est resté les bras ballants, complètement désemparé, en se disant "mais ce n'est pas possible,
15:32 il ne peut pas la laisser repartir comme ça".
15:35 Si, si, si, elle est repartie avec une ordonnance, avec un traitement de base de 3 mois,
15:42 avec une suggestion de trouver un autre psychiatre si elle le désirait.
15:46 Et dans le même temps, l'infirmier qui venait lui faire son injection ne veut plus venir à son domicile
15:50 parce qu'elle est trop agitée aussi.
15:52 Donc on est au mois d'avril, mai, juin 2021, donc je n'ai plus de psychiatre,
15:57 Amandine ne veut plus y retourner puisqu'elle dit "je ne suis pas calmée, donc il ne me recevra plus".
16:02 Elle ne comprend pas pourquoi l'infirmier ne veut plus venir faire son injection.
16:06 Je suis complètement désemparée, la seule solution que je trouve c'est de demander à son frère,
16:10 qui est infirmier sur agent, de revenir en juillet lui faire son injection,
16:14 puisque là je n'ai plus personne.
16:18 Et elle est complètement excédée, complètement perdue,
16:24 elle dit que tout le monde l'abandonne, que plus personne ne veut l'aider.
16:28 Et elle se suicide le 4 juillet 2021, en cependant dans sa salle de bain.
16:33 Alors moi elle ne voulait plus me voir depuis sa sortie de l'hôpital,
16:38 me rendant responsable de tout, donc elle voyait par moments,
16:43 mais j'attendais que ça passe, je savais que je me disais "ça va passer, c'est un mauvais passage,
16:49 son papa a pris le relais".
16:51 Donc il allait lui faire des courses, on lui faisait des courses parce qu'elle était incapable de sortir,
16:57 elle avait toujours peur d'être persécutée, on l'a regardée,
17:00 c'est vraiment toute sa paranoïa possible et imaginable,
17:04 donc on lui faisait quelques courses.
17:06 Et le samedi mon mari allait porter les courses, elle était bien apprêtée,
17:12 rien vu de particulier plus que d'habitude.
17:16 Moi elle m'envoyait des messages, comme toujours,
17:21 je recevais tout le temps ces messages qu'elle allait mourir,
17:24 je me disais "je déciderais, elle le ferait",
17:28 mais c'était juste la continuité de toutes les années passées,
17:32 donc pourquoi m'alarmer plus cette fois que les autres fois ?
17:36 Le samedi il la voit, elle était bien habillée, bien apprêtée,
17:40 elle attendait un copain.
17:41 Le lundi cette connaissante trouve notre numéro sur l'annuaire
17:47 et nous appelle en nous disant qu'elle était inquiète,
17:49 qu'elle avait passé le dimanche avec elle,
17:52 qu'elle avait des pensées sombres,
17:57 mais de suite après qu'elle les effaçait,
18:00 donc lui aussi il ne savait pas trop quoi en penser,
18:03 mais que là comme elle ne répondait pas au téléphone,
18:05 il nous alertait.
18:07 Donc moi tout le lundi déjà j'avais surveillé ses comptes,
18:11 puisque c'était le jour du versement de la hache,
18:15 je surveillais ses comptes parce qu'il faut payer le loyer,
18:18 donc je n'avais pas toujours le bon rôle.
18:21 J'avais fait une demande de curatel,
18:22 mais pour l'instant elle n'était pas mise en place,
18:24 donc j'avais encore ce mauvais rôle d'être obligée d'un petit peu gérer,
18:27 de lui dire comment gérer son argent.
18:30 Et c'était le jour de la... c'est le 5,
18:34 donc le versement de la hache,
18:36 il n'y a pas de mouvement sur son compte.
18:39 Sur le coup je me suis dit qu'elle a dû dormir toute la journée,
18:41 veiller la nuit ce qui lui arrivait aussi.
18:43 Mais devant l'appel de son ami,
18:47 on a senti qu'il y avait quelque chose d'anormal.
18:50 Sur le coup on a pensé qu'elle avait pris des médicaments,
18:52 puisque son papa lui avait aussi amené son traitement le samedi.
18:57 Comme elle l'avait fait déjà dans le passé,
19:00 on s'est dit qu'elle a forcé la dose de quelque chose et qu'elle dort,
19:02 donc il faut rentrer dans son appartement.
19:05 On n'a pas pu rentrer, la clé était sous la porte,
19:07 donc on a appelé les pompiers.
19:09 Et ils ont découvert Amandine pendue dans la douche.
19:15 Le psychiatre qui l'a appris par la curatrice,
19:18 qui nous a appelé quelques jours après,
19:21 a commencé à être mis en place.
19:23 C'est ce passage-là qui est très difficile pour moi,
19:26 quand il m'a appelé.
19:28 Je lui ai simplement répondu que c'était trop tard,
19:31 et que ce n'était pas maintenant qu'il fallait m'appeler.
19:34 Il fallait peut-être appeler entre le mois d'avril et le mois de juin,
19:38 pour savoir si elle avait trouvé un autre psychiatre,
19:40 si elle avait pris son traitement, ou si l'infirmier repassait.
19:43 C'était peut-être là qu'il fallait s'en inquiéter,
19:45 ou nous appeler pour savoir si on...
19:47 Mais qu'aujourd'hui c'était trop tard.
19:49 Son appel, ses condoléances, pour moi ça a été très violent.
19:53 Quand le pompier arrive et m'apprend qu'elle est décédée,
19:56 je ne suis plus moi.
19:58 Je pleure, les souvenirs sont brouillés,
20:01 je pense que je suis dans un déni.
20:03 Franchement, il se passe quelque chose comme si mon corps se dédoublait.
20:06 Il y a moi qui dois agir, voilà, elle est décédée,
20:08 il faut faire plein de choses, je ne sais pas trop quoi.
20:10 Mais je ne réalise pas.
20:12 C'est impossible.
20:14 Je ne réalise pas.
20:16 C'est un cauchemar, je vais me réveiller.
20:19 Je suis un robot.
20:21 On m'a annoncé quelque chose qui a des conséquences,
20:24 il faut que j'aille à la gendarmerie,
20:26 il faut que j'aille aux pompes funèbres.
20:30 Je suis un robot.
20:32 Je ne sais pas si je suis réveillée, en fait.
20:34 Je me suis réveillée peut-être en réécrivant l'histoire,
20:37 quand je suis arrivée à la dernière page.
20:39 Quand il a fallu écrire la dernière page,
20:41 c'est là peut-être que j'ai pris conscience de ce que je faisais.
20:46 En 6 mois, j'ai écrit, je ne pouvais faire que ça.
20:48 J'allais travailler, je rentrais, j'écrivais.
20:51 J'allais travailler, je rentrais, j'écrivais.
20:54 C'est tout ce que je pouvais faire.
20:56 Et quand j'ai mis le point final à l'histoire,
20:59 là j'ai vraiment compris qu'elle n'était plus là, qu'elle était partie.
21:03 Son histoire s'arrêtait là.
21:06 Alors aujourd'hui, j'ai un cancer du sein,
21:09 j'ai un cancer du sein,
21:11 prit à temps,
21:13 ça va aller.
21:15 Je l'interprète comme un signal,
21:17 "Occupe-toi de toi pendant 6 mois,
21:19 et la vie reprendra son cours."
21:21 Quant à mon mari, après avoir fait une dépression,
21:23 après avoir été suivi pour sa dépression,
21:25 il est à la retraite, donc il s'occupe,
21:28 il va bien.
21:30 Entre guillemets, mais il va bien.
21:33 Je pense qu'il faut qu'on apprenne à vivre,
21:35 avec Amandine, partie.
21:37 On a un fils,
21:39 il y a le soulagement de l'arrêt de la souffrance,
21:42 de l'arrêt de la maladie pour elle,
21:44 et aussi du quotidien,
21:46 c'est-à-dire ne pas pouvoir partir sans mettre quelqu'un en veille
21:49 au cas où il se passerait quelque chose,
21:51 d'être à 300 km en se demandant ce qui va se passer.
21:57 Il y a l'arrêt de la souffrance, ça c'est sûr.
22:01 Après, ce qui fait peine, c'est la disparition de la personne.
22:05 La disparition de la souffrance,
22:07 je ne la regrette pas, ça c'est sûr.
22:10 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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