Fin des voitures thermiques en Europe : l’industrie est-elle prête ?

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00:00 *7h-9h, les matins de France Culture, Guillaume Erner*
00:06 La question du jour, afin de réduire les émissions de CO2, le Parlement européen a approuvé mardi l'arrêt total des ventes de voitures à moteur thermique dans l'Union Européenne à partir de 2035.
00:15 Et ce, au profit de l'électrique. Si les constructeurs automobiles ont déjà entamé la transition, seront-ils prêts pour un arrêt total à cet horizon ?
00:25 Bonjour Samuel Klebaner.
00:26 Bonjour.
00:27 C'est une véritable révolution. Est-ce que l'on a des idées précises sur la manière dont pourrait se faire cet arrêt, qui est somme toute un arrêt assez brutal ?
00:39 Alors, je ne dirais pas que c'est une révolution, puisque c'est plutôt au contraire le sens de l'histoire.
00:44 Ça fait déjà depuis 2009 que les véhicules thermiques sont de plus en plus réglementés en termes d'émissions de polluants, par exemple, ou en termes d'émissions de CO2.
00:54 Et l'interdiction des véhicules thermiques, c'est une petite musique qui revient dans la plupart des pays occidentaux, du moins, que ce soit l'Angleterre ou même la France avec la loi Mobilité en 2019.
01:05 Donc, cette décision du Parlement, elle était attendue. La Commission l'avait déjà proposée il y a six mois.
01:13 Donc, on est en fait dans la droite ligne de cette musique d'interdiction des véhicules thermiques à un horizon plus ou moins long.
01:21 Alors, ça veut dire que la totalité de la filière va devoir basculer. Alors, d'abord, évidemment, les constructeurs, eux, sortent des modèles, mais aussi l'ensemble de la filière, c'est-à-dire, par exemple, les garages, les stations-services, que sais-je.
01:35 Est-ce que c'est quelque chose de véritablement préparé ou est-ce que ça va se faire un peu en marchant ?
01:41 Voilà, exactement. C'est là où, en effet, on peut quand même douter de la facilité de cette transition.
01:49 On a le gouvernement français qui, en 2020, avait annoncé 2 millions de véhicules électriques produits en France en 2030,
01:57 ce qui fait perdre à peu près 500 000 véhicules quand même par rapport aux chiffres de 2019.
02:04 Donc, pour les constructeurs, oui, ils seront aidés, ils seront accompagnés dans cette transition qui est déjà bien entamée depuis 2019.
02:11 Volkswagen a mis 50 milliards sur la table quand même pour atteindre cet objectif pour 2030.
02:17 Donc, pour les constructeurs, je ne pense pas que ça pose de souci.
02:21 Par contre, en effet, pour les équipementiers et pour les fournisseurs, on le voit avec les fonderies automobiles qui prennent de plein fouet ces restructurations.
02:32 Pour l'industrie de la batterie, on nous parle d'un Airbus de la batterie en Europe, mais on reste quand même sur des logiques de concurrence,
02:40 avec notamment des pays comme la Slovaquie qui essayent de tirer leur épingle du jeu.
02:45 Donc, c'est sûr qu'il n'y aura pas une transition douce qui va s'effectuer.
02:52 Ça va être une mobilité douce, mais en revanche, la transition ne va pas être douce.
02:55 Mais moi, je pense, par exemple, au garage. Une voiture thermique a besoin de vidange, d'un certain nombre d'opérations de maintenance.
03:05 Une voiture électrique en a beaucoup moins besoin. Qu'est ce qui va se passer ?
03:09 Alors déjà, cette interdiction, c'est uniquement sur les véhicules neufs,
03:12 c'est à dire que le parc roulant, lui, va continuer de vivre sa vie pendant quelques années.
03:17 Alors, on peut imaginer, bien sûr, que les consommateurs, au fur et à mesure que cette date arrive,
03:24 ne vont pas prendre le pari de prendre un véhicule thermique, sachant qu'en effet, il y aura moins de services, peut être moins de stations service, etc.
03:31 Donc oui, ça va changer aussi des métiers en termes de services.
03:34 Alors après, il y a des activités de recyclage de batterie, par exemple, d'entretien de la batterie qui peuvent émerger.
03:41 Mais par exemple, sur la question du recyclage, les constructeurs le disent,
03:45 nous investirons réellement dans le recyclage des batteries que quand il y aura assez de véhicules électriques sur le marché.
03:53 C'est à dire que, évidemment, ils attendent que ce soit rentable avant de se lancer dans de telles activités.
03:58 Donc, évidemment, il y a un petit sauf qui peut général entre les fournisseurs, les constructeurs et les réparateurs.
04:06 Et on peut douter, en effet, de la solidarité de la filière automobile.
04:10 Alors, même question pour les stations service, puisque cela pose déjà question en termes de friches industrielles.
04:17 Le terme est impropre parce que des friches industrielles, ce sont des entrepôles.
04:21 Là, ce sont des surfaces plus réduites, mais il va falloir transformer ces stations service en, disons, pompe à électricité, prise d'électricité.
04:34 Et là aussi, il faudrait a priori beaucoup plus de prise d'électricité que de pompe à essence. Bien sûr, Samuel Klebanner.
04:41 Alors, oui, oui et non, ça dépend. Il y a quand même ce mythe qu'on a besoin d'une batterie chargée à bloc pour pouvoir rouler,
04:51 alors qu'en France, on fait des trajets d'environ 50 kilomètres maximum par jour.
04:58 Donc, on n'a pas besoin de recharger tous les jours sa voiture.
05:03 Donc, il y aura évidemment une adaptation des consommateurs aussi des usages.
05:08 Donc, évidemment, les stations service vont devoir se réinventer. Mais la vraie question, par contre, c'est qui va fournir cette électricité ?
05:14 En France, on a évidemment la relance de la filière nucléaire qui accompagnerait peut être ce besoin.
05:23 Mais à l'échelle européenne, évidemment, des pays, notamment de l'Est et central, ne sont pas du tout prêts à accueillir ces véhicules électriques.
05:32 Est ce que l'on sait justement quelle augmentation de la consommation ça pourrait représenter en France ?
05:38 Alors certes, vous l'avez rappelé, Samuel Klebanner, en 2035, c'est seulement l'arrêt de la vente des véhicules thermiques.
05:45 Donc, ça ne signifie pas que tout le parc va basculer du jour au lendemain.
05:48 Mais malgré tout, il va y avoir une augmentation progressive. Est ce qu'on a une idée, un ordre de grandeur ?
05:54 Alors moi, je n'ai pas les chiffres en tête. Désolé.
05:56 Par contre, ce que je sais, c'est que les pouvoirs publics et les techniciens de l'énergie pensent que justement,
06:05 le véhicule électrique pourrait être une solution aussi pour résoudre des problèmes énergétiques d'approvisionnement
06:12 en utilisant, par exemple, la batterie du véhicule électrique comme un moyen de sauvegarder de l'énergie et de pouvoir le restituer, par exemple, aux heures de pointe.
06:20 Donc, il y a aussi tous des projets qu'on appelle de smart grid, donc des projets de refaire le réseau électrique de manière à pouvoir utiliser la voiture aussi comme une mini centrale.
06:33 Tous ces projets sont un peu éparpillés en Europe et on ne sait pas vraiment si ça va rentrer dans les scénarios.
06:40 Alors, en conclusion, c'est d'ailleurs la une des échos, Samuel Klebanner.
06:44 Renault a investi très tôt dans la voiture électrique.
06:47 Renault annonce aujourd'hui de très bons résultats, donc ça, au moins, c'est une bonne chose pour un constructeur français.
06:53 C'est une bonne chose pour un constructeur français. Après, le problème des constructeurs européens, c'est qu'ils ont complètement délaissé les véhicules entrée de gamme.
07:01 Et le véhicule électrique ne va pas changer la donne. Au contraire, on va plutôt arriver sur des gros véhicules, des SUV qui pèsent plusieurs tonnes, donc ils vont coûter très cher.
07:11 Et c'est bien sûr la porte d'entrée à des constructeurs chinois qui, eux, se sont positionnés sur ces petits véhicules entrée de gamme.
07:18 Donc, on risque quand même d'avoir une concurrence assez rude entre les constructeurs traditionnels et les nouveaux entrants sur le marché.
07:25 Merci, Samuel Klebanner. Je rappelle que vous êtes maître de conférence en économie à l'université Sorbonne, Paris Nord. 7h23 sur France Culture.

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