Martin Panchaud, auteur de bandes dessinées

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Transcript
00:00 Bonjour Martin Penchot.
00:01 Bonjour.
00:02 Vous êtes illustrateur, dessinateur, vous nous direz comment vous voyez, comment vous
00:04 définissez.
00:05 Vous êtes suisse, ça c'est indéniable.
00:06 Et vous êtes considéré comme le nouveau phénomène de la BD.
00:09 Vous avez remporté le FAUVE D'OR 2023 à Angoulême avec cet album "La couleur des
00:14 choses".
00:15 C'est publié par Saella.
00:16 236 pages en couleurs, 24 euros.
00:19 On en a pour notre argent.
00:20 Alors, il n'y a pas de personnage, seulement des ronds de couleurs et tout est dessiné
00:25 d'en haut, comme vu d'un drone, à l'exception de dessins techniques d'une grande précision.
00:29 Il y a aussi des flèches partout, des encadrés.
00:32 Je le dis comme ça parce que dit comme ça, ça peut être butant.
00:34 Or, pas du tout.
00:35 6 réimpressions déjà.
00:37 J'ai fait le calcul, ça fait presque 30 000 exemplaires vendus.
00:40 Avant qu'on parle du dessin qui est très important, je vais procéder en le même
00:43 ordre que vous.
00:44 C'est d'abord une histoire.
00:45 Tout à fait.
00:46 Qui est Simon Hope ? C'est un jeune Anglais.
00:49 C'est un jeune Anglais de 14 ans.
00:51 Il habite dans la banlieue de Londres.
00:52 En fait, il n'a qu'un souhait, c'est de sortir de sa condition, de se faire respecter
01:00 et aimer des autres.
01:01 Et pour ça, il va accepter…
01:02 Il est un peu harcelé par ses potes.
01:04 Il est un peu harcelé.
01:05 Il a un peu le souffre-douleur d'une bande de copains.
01:06 Voilà, il est un peu en surpoids, c'est un peu le mal aimé du groupe.
01:10 Et à travers un mauvais deal, on va dire, il suit les conseils d'une voyante qui va
01:18 l'amener à parier tout l'argent de sa famille sur une course de chevaux qui…
01:22 Il met 1 000 livres, les économies de son père.
01:25 Voilà.
01:26 C'est une grosse, grosse somme.
01:27 Qui est une grosse somme.
01:28 Et ça va s'arrêter gagnant.
01:31 Il va se retrouver avec ce ticket qui vaut plusieurs millions de pounds.
01:35 16 millions de pounds.
01:36 16 millions.
01:37 Mais le problème, c'est qu'il est mineur.
01:39 Il lui faut un adulte pour contretenir le ticket.
01:41 Et c'est là que les problèmes vont commencer parce que sa mère se retrouve dans le coma,
01:45 son père est disparu.
01:46 Et là, on va suivre en fait ce cheminement qui va l'amener à la visite des aventures.
01:53 Le long cheminement, parce que quand on est là, on n'est que à la page 50 à peu près.
01:58 Donc il y a beaucoup, beaucoup de rebondissements.
02:00 Il y a des surprises narratives, par exemple sur une double page.
02:02 Il y a une double page, tout d'un coup, on est en train de voir des petits carrés, des
02:05 ronds.
02:06 Je vais parler après, je vais décrire après l'album.
02:08 Et puis d'un coup, il y a une double page au sujet des baleines.
02:10 Vous écrivez ?
02:11 Oui.
02:12 Il est temps d'introduire un personnage particulier, une baleine bleue.
02:15 Ne souriez pas, elle jouera un rôle de premier plan dans la suite de l'histoire.
02:18 Et puis il y a des dessins de baleines, un petit peu partout.
02:21 Et puis il y a aussi ce petit encadré.
02:23 Et voici notre nouveau personnage.
02:24 Appelons-la B52.
02:26 C'est mieux que de lui donner un nom genre Toby ou Fébure, comme dans les documentaires
02:30 animaliers.
02:31 Et donc on comprend par là qu'il y a beaucoup, beaucoup de registres de narration, de compréhension
02:35 et aussi d'humour.
02:36 Tout à fait.
02:37 Parfois c'est drôle, parfois c'est pas drôle.
02:38 Parfois vous ne voulez pas, parfois vous voulez.
02:39 Parfois il y a du premier, parfois du second, parfois peut-être un peu du troisième degré.
02:42 Tout à fait.
02:43 Voilà, c'est vrai qu'au premier abord, on peut s'imaginer que c'est une histoire
02:47 qui est très triste, qui est assez... c'est un drame social.
02:49 Ah oui, le début c'est dur.
02:50 C'est dur.
02:51 Mais il y a quand même cette couche d'ironie, de second degré, du fait que quand quelqu'un
02:57 a un malheur, c'est triste.
02:59 Un deuxième malheur, c'est encore plus triste.
03:01 Quand ça devient un troisième malheur, ça devient rigolo.
03:02 Et c'est là en fait tout le degré du livre.
03:06 Dans une interview que vous avez donnée juste après votre prix Angoulême, vous parlez
03:09 du scénario et vous dites cette phrase qui m'a vraiment étonné.
03:12 Vous dites, vous racontez avoir écrit le scénario et vous dites ensuite je suis passé
03:15 à la réalisation.
03:16 Et ce qui m'a frappé, c'est que vous ne dites pas ensuite je suis passé au dessin.
03:20 Quelle différence vous faites ?
03:21 En fait, pour moi, une bande dessinée, c'est d'abord une histoire.
03:26 C'est d'abord une expérience de lecture.
03:27 C'est d'abord des sensations, des sentiments véhiculés par l'histoire.
03:33 Et donc, mon objectif n'était pas de délivrer des dessins successifs, mais de faire vivre
03:38 cette aventure.
03:39 J'ai une technique de narration.
03:42 En fait, mes dessins ne se font pas image par image.
03:45 Je construis une structure de base, puis je mets en scène les personnages qui sont
03:49 représentés par des ronds de couleurs.
03:51 Et ces ronds, c'est comme des acteurs que je peux déplacer, modifier très rapidement.
03:55 Je n'ai pas besoin de tout redessiner.
03:56 Et c'est ce qui me permet de faire ce jeu de ce que j'appelle mise en scène.
04:01 C'est vrai que mise en page, mise en image peut-être.
04:04 Si, c'est un peu mise en page, mise en image.
04:06 Je vais faire quelque chose que vous détestez.
04:08 Vous allez me dire pourquoi.
04:09 J'ai feuilleté, j'ai ouvert une page au hasard.
04:11 Je vous la montre sur Europe1.fr.
04:13 Ce petit schéma, ces petits ronds, ce sont des personnages qui parlent.
04:16 On les reconnaît tous au bout de quelques pages.
04:19 Mais alors, comment vous avez travaillé graphiquement et pourquoi est-ce que cela a autant frappé
04:24 les esprits ?
04:25 Martin Penchot, La couleur des choses, Culture Média continue sur Europe 1.
04:29 Culture Média sur Europe 1.
04:31 Philippe Vandel, vous recevez Martin Penchot, l'auteur de la bande dessinée La couleur
04:35 des choses.
04:36 Alors ce que j'ai dit, ça s'appelle ainsi La couleur des choses, car chaque personnage
04:40 n'est pas dessiné, tout est dessiné d'en haut et chaque personnage est en fait seulement
04:44 une couleur.
04:45 Comment vous est venue cette idée et pourquoi ? Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?
04:47 Alors en fait, ça vient d'une envie que j'avais avec un ami, Michael Terra, qui était de
04:54 réinventer un peu la bande dessinée, trouver du nouveau chemin de narration.
04:57 Et moi, vu que j'avais fait de la bande dessinée, puis une formation de graphiste, je suis un
05:00 peu parti du principe de dire, si je réduisais tous les codes de la bande dessinée à son
05:05 minimum, ce que fait un peu la voix du graphiste, c'est-à-dire d'être direct et simple et
05:10 essentiel, j'ai trouvé ce système où en fait, je fais parler des formes géométriques
05:14 et je définis que ces formes géométriques sont en fait des personnages.
05:17 Ce qui est fou, c'est qu'on imagine les personnages sans les voir.
05:21 Par exemple, Simon est un peu rondouillard, mais ça ne se voit pas puisque les cercles
05:24 sont du même diamètre.
05:25 Mais dans mon cerveau, j'ai visualisé qu'il était rondouillard.
05:28 C'est ça qui est complètement dingue et on n'a pas encore parlé du fait que tout
05:32 est filmé d'en haut.
05:33 Pourquoi ce choix ? C'est parce que personne ne l'avait fait avant vous ou parce que vous
05:37 vouliez dire quelque chose avec ça ?
05:38 Alors, ce qui me guidait en fait, c'était comme écrire un programme informatique qui
05:46 serait à destination du cerveau et que c'est l'imaginaire du lecteur qui doit prendre
05:49 l'aboutissement de l'histoire.
05:51 C'est dans l'imaginaire du lecteur, ce n'est pas sur la page.
05:53 Et cette vue en plan, en fait, c'est une vue qui est abstraite.
05:58 On ne voit pas les choses comme ça, on n'a pas de perspective.
05:59 Mais en fait, on la retrouve partout, que ce soit dans les plans de musées, dans les
06:04 plans d'évacuation, dans les scènes de crime.
06:07 Et puis même le code du jeu vidéo représente beaucoup les espaces comme ça.
06:10 Même dans les FPS, on voit la mini-map, le plan qui est représenté comme ça et qui
06:14 fonctionne très bien.
06:15 J'ai toujours collaboré avec le lecteur, j'ai toujours montré ces images, voir si
06:20 ça fonctionnait, si c'était lisible.
06:21 Et parfois, il y a des trouvailles graphiques saisissantes, des rideaux, des rideaux de
06:27 perles vus d'en haut et on les voit bouger parce que le personnage traverse évidemment
06:30 cette porte, cet espace qui est marqué par ce rideau de perles.
06:33 Vous travaillez comment ? Est-ce que tout est fait à l'ordinateur ? Est-ce que c'est
06:36 fait à la main ? Est-ce que c'est repris ? J'ai lu que vous aviez un robot traceur.
06:40 Qu'est-ce que c'est ?
06:41 Oui, alors le robot traceur, il sert à faire les dédicaces et c'est un outil que j'ai
06:46 trouvé il n'y a pas très longtemps.
06:47 Quand j'avais fini le livre, j'avais déjà découvert cet outil.
06:52 Et vu que ma technique de dessin, c'est du dessin vectoriel, c'est-à-dire que c'est
06:56 une technique qu'on utilise en architecture ou en graphisme, beaucoup en illustration
07:00 aussi mais c'est une technique un peu particulière qui permet en fait à ce robot de retracer
07:04 les dessins du livre.
07:05 Et donc en fait, je l'ai programmé pour les dédicaces et signatures.
07:09 Incroyable ! Et est-ce que le livre a été fait au robot traceur ou est-ce qu'il a été
07:14 fait sur tablette ou sur ordinateur ?
07:17 C'est sur ordinateur uniquement.
07:18 Je travaille avec un stylet.
07:20 En fait, il faut s'imaginer, c'est clair qu'il y a un débat sur est-ce que c'est
07:25 un dessin dessiné ou pas, est-ce que c'est du dessin, est-ce que c'est à la bande dessinée.
07:28 En fait, je dessine un peu comme un architecte qui ferait ses bases, crée ses éléments,
07:35 puis les combinerait ensemble et qui montrerait son plan comme ça.
07:39 Vous dites qu'à propos de votre album, vous dites qu'il faut éviter de le feuilleter.
07:42 Pour quelle raison ?
07:43 Parce qu'en fait, l'effet est tout de suite rebutant.
07:47 Là, je le vois en festival, les gens l'ouvrent et se disent "ouh là là, mais qu'est-ce
07:51 que c'est que ça ?" Et il y a un côté, j'ai envie de dire fastidieux en disant
07:55 "oh là là, j'ai pas envie de me lancer là-dedans" ou ça rappelle les plans de montage qui peuvent
07:59 être parfois cauchemardesques.
08:00 C'est pour ça que je conseille vraiment de démarrer à la première page et de se lancer
08:05 dans l'histoire.
08:06 Simon ou Simon est un peu rejeté, victime de harcèlement quand il est ado, est-ce que
08:10 c'est un double de vous ? Est-ce que c'était votre cas ?
08:11 Comment était votre scolarité pour dire les choses ?
08:14 Elle était catastrophique.
08:15 C'était le pire scénario qu'on peut imaginer.
08:18 C'est 15 ans de, Daniel Pénac disait, de pédagogie carcérale, un truc comme ça.
08:26 Moi j'ai vraiment vécu ça comme ça.
08:27 Et donc, ce que...
08:28 Et le harcèlement aussi de la part de vos camarades ?
08:30 Oui, oui, le harcèlement, mais c'est pas...
08:32 J'ai envie de dire que la violence était plus due à l'institution qu'à mes camarades.
08:36 Alors, vous l'avez dit, vous aviez une très forte dyslexie, ça vous empêchait de suivre
08:41 le cursus normal et notamment des études supérieures.
08:43 Et vous êtes également diagraphique.
08:46 J'ai appris ce mot, ça veut dire quoi ?
08:47 Je ne le connais pas non plus.
08:49 C'est le fait de ne pas réussir à écrire correctement ?
08:53 Oui, c'est ça.
08:54 Oui, en fait, ma dyslexie, elle touche la lecture, l'orthographe, la grammaire,
09:01 tout ce qui est grammaire, et puis la graphie en fait.
09:02 J'écris de manière très très mal.
09:05 Enfin, pendant longtemps maintenant, c'est un peu corrigé, mais voilà.
09:08 Et en quoi ça a déterminé la personne que vous êtes et la carrière que vous êtes en train de faire ?
09:11 Alors, je pense que cette cicatrice, c'est aujourd'hui extrêmement utile parce que j'ai passé 10 ans
09:18 à essayer de comprendre le texte, la lecture et tout ça, sans pouvoir y arriver.
09:22 Et en fait, cette résistance m'a permis de créer mon propre langage,
09:27 ce langage visuel qui me correspond bien, ce langage que je comprends,
09:30 et surtout de pouvoir mener un projet à bien pendant 10 ans,
09:33 qui n'est pas un projet simple à mener quand on arrive comme ça chez un éditeur.
09:37 Vous avez galéré même pour trouver un éditeur ?
09:40 Tout à fait, c'était très très très compliqué.
09:42 Et voilà, je savais qu'il me fallait un oui pour passer le Rubicon,
09:46 et donc il faut encaisser les cinquantaines de noms.
09:49 Le livre a d'abord été édité en Allemagne, ça marche bien en Allemagne,
09:52 il a été édité en France par Saïla, qui est un éditeur, je vais le résumer,
09:56 qui habituellement n'édite que de la littérature, de la BD étrangère.
09:59 Vous êtes un peu étranger, quoique francophone, parce que vous êtes suisse.
10:02 Et je vais voler au secours de la victoire, je le disais,
10:04 6 réimpressions déjà, 30 000 exemplaires vendus, c'est pas fini, il y a une 7ème réimpression.
10:09 Là on est out of stock, dans une grosse semaine il y a 20 000 qui arrivent,
10:15 et donc là, ça devrait être bien.
10:17 Et une réédition de 20 000 exemplaires.
10:18 Donc vous allez arriver à 50 000.
10:20 Pourquoi je dis ça ?
10:21 C'est pas pour se gargariser de chiffres mirobolants,
10:24 c'est pour dire que quelque chose qui vous paraît abstrait,
10:27 difficile de prime abord,
10:28 est ensuite extrêmement accueillant,
10:30 et les gens le conseillent aux autres, et c'est ça qui fait vendre, c'est le bouche à oreille.
10:35 Merci beaucoup, vous restez avec nous Martin Penchot,
10:37 on a plein de choses à voir dans cette émission avec vous.
10:39 On va parler cinéma, Martin, avec vous et notre monsieur cinéma Olivier Benkemoun,
10:42 on va parler de l'événement qui arrive vendredi,
10:44 il est César à vivre à l'Olympia,
10:46 et en direct évidemment sur Europe 1 et puis la musique avec Stéphanie Loire.

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