• l’année dernière
Galia Ackerman, directrice de la rédaction de Desk Russie et autrice du "Livre noir de Poutine" (Laffont-Perrin), Romain Goupil, cinéaste, pour son film "2 place de la victoire, Kyiv" et Pierre Servent, expert en stratégie militaire "Le monde de demain" (Robert Laffont), sont les invités du 8h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-22-fevrier-2023-2285900

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00:00 8h23. France Inter. Léa Salamé. Nicolas Demorand.
00:05 Ukraine. 365 jours de guerre. La semaine spéciale de France Inter se poursuit
00:10 en effet un an après le début de la guerre en Ukraine. Le grand entretien ce matin avec
00:14 Pierre Servan. Bonjour, spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire, auteur
00:20 du « Monde de demain », comprendre les conséquences planétaires de l'onde de choc ukrainienne
00:24 chez Robert Laffont. Avec également ce matin Galia Ackerman. Bonjour,
00:27 vous êtes spécialiste de la Russie, directrice de la rédaction du site Desk Russie. Vous
00:32 avez co-dirigé le livre noir de Vladimir Poutine chez Robert Laffont. Et puis Romain
00:36 Goupil, cinéaste. Votre nouveau film « Deux places de la victoire, kiffe ! » est diffusé
00:41 ce soir à 23h sur France 2. C'est un documentaire dont vous aviez parlé il y a deux jours,
00:46 Nicolas Demorand, où vous étiez à Kiev et notamment dans le cirque de Kiev sous la
00:52 guerre, sous les bombes. C'est à voir donc ce soir.
00:55 On va faire un point sur la situation militaire dans un instant, mais commençons d'abord
00:59 par les discours. Ceux de Joe Biden à Kiev, puis Varsovie, celui de Vladimir Poutine,
01:04 hier devant la Douma. Joe Biden a dénoncé la guerre de conquête de Poutine, Poutine
01:10 dictateur déterminé à reconstruire un empire. Un an après, dit le président américain,
01:16 « Kiev tient toujours, la démocratie tient, Poutine s'est heurté à la volonté de
01:21 faire des Etats-Unis et des nations du monde entier qui refusent d'accepter un monde
01:25 gouverné par la peur ». Vladimir Poutine dit lui que ce sont les pays de l'Occident
01:30 qui ont fait éclater cette guerre et que la Russie utilise la force pour y mettre un
01:34 terme. Alors, question simple, on va commencer avec vous Pierre Servan, mais on la posera
01:39 à tout le monde. Sommes-nous, tout simplement, revenus au temps de la guerre froide ?
01:42 Alors j'ai du mal avec cette comparaison avec l'époque de la guerre froide pour
01:47 plusieurs raisons. D'abord parce qu'on est plutôt confronté à une guerre chaude
01:51 avec ce qui se passe en Ukraine. Ensuite parce qu'à l'époque de la guerre froide,
01:55 on n'avait pas du tout les mêmes acteurs géopolitiques. La Chine notamment était
02:00 un petit pays en termes de développement économique et de puissance militaire. La
02:05 Chine de Mao était en rupture avec l'URSS, l'Union Soviétique. Vous avez même eu
02:10 des affrontements militaires à la partie extrême orientale de la Russie entre les
02:14 deux pays. Et puis vous n'aviez pas des puissances comme l'Inde qui joue un jeu
02:19 très particulier de go-between entre les différents partis. Je ne vais pas énumérer
02:23 toutes les différences.
02:24 Il y avait les non-alignés quand même pendant la guerre froide ?
02:28 Oui, alors aujourd'hui on a plutôt des go-between. C'est-à-dire que vous avez
02:32 des pays qui jouent sur les deux tableaux. Vous avez par exemple la Turquie qui est acheteur
02:39 de matériel militaire majeur en Russie et vendeur de matériel militaire majeur à l'Ukraine.
02:45 Vous avez Israël qui joue aussi un jeu. Il y a des pays qui dans ce grand désordre
02:51 créé notamment par la Chine et la Russie, en tout cas la Russie pour l'Ukraine, essayent
02:56 de jouer leur jeu à l'intérieur. Mais je crois que la configuration est très différente.
02:59 Et juste un dernier mot, pourquoi je ne suis pas à l'aise avec cette image-là ? C'est
03:02 que je crois que ça correspond à de la paresse intellectuelle. Ce qu'il faut regarder,
03:06 c'est un monde nouveau qui est en train de s'ouvrir devant nous, extrêmement dangereux.
03:10 Et donc il faut changer de logiciel. Et tant qu'à faire des comparaisons historiques,
03:14 je trouve qu'on est plus proche des années 30, du grand défi, des grands totalitarismes
03:18 des années 30 face aux démocraties.
03:20 C'est plus flippant si j'ose dire.
03:22 Mon point moi depuis très longtemps, depuis une quarantaine d'années, plus de 40 ans
03:27 que je traite de ces questions, c'est pas de me dire est-ce que c'est flippant ou pas.
03:31 Mon point, c'est pour ça que je suis allé sur nombre de théâtres de guerre. La guerre
03:34 je la connais, j'ai porté l'uniforme comme ufficier français, de réserve, hors sème,
03:39 mais projeté en opération extérieure pour les forces spéciales. J'ai été journaliste
03:43 aussi sur des théâtres de guerre, le Liban, la première guerre du Golfe, etc. Et donc
03:47 moi mon point, c'est pas de me dire c'est flippant, ça fait peur, c'est comment comprendre
03:50 ce qui se passe et surtout qu'est-ce qui se passe dans la tête de l'adversaire ou de
03:55 l'ennemi. Le premier boulot, et les Français ne le font pas suffisamment, c'est qu'est-ce
03:58 qui se passe dans la tête de Poutine, de Daesh à l'époque du terrorisme, etc.
04:03 On va y revenir sur ce qui se passe ou pas dans la tête de Poutine, mais quand même,
04:08 je vous repose la question qu'a posée Nicolas Demorand, Galia Ackermann, la sémantique
04:12 utilisée cette semaine, à la fois par Joe Biden, par Vladimir Poutine, on avait Franz
04:16 Timmermans à ce micro hier qui parlait du risque de voir un nouveau rideau de fer en
04:20 Europe, il parlait de la Russie comme un état totalitaire de son nationalisme qui relèverait
04:24 du fascisme. Sommes-nous en train de revivre cet affrontement Est-Ouest qu'on a connu,
04:30 au-delà de la guerre en Ukraine ? Est-ce que vous avez vu quelque chose cette semaine
04:34 de particulier avec ces discours qui se répondaient entre le président américain et le président
04:37 russe sur des théâtres comme l'Ukraine ou comme la Pologne ? Tout ça est "meaningful"
04:43 comme on dit en anglais, à un sens quand même, à un sens historique.
04:46 Entre les "go between" et les "meaningful", on va se faire rester remonter les bretelles.
04:51 Je connais déjà, je vois déjà les mails. La médiatrice va avoir du travail.
04:55 Écoutez, je suis d'accord avec Pierre Servan, c'est aussi ce que je dis, que nous sommes
05:03 plutôt en période de guerre chaude parce qu'il ne faut pas complètement fermer les
05:07 yeux. L'Occident évite la co-belligérance dans le sens où il n'y a pas de présence
05:16 militaire dans les rangs de l'armée ukrainienne ou aux côtés de l'armée ukrainienne, mais
05:23 il y a des instructeurs qui forment maintenant les pilotes avant les conducteurs de chars,
05:28 etc. Il y a une aide constante militaire, c'est-à-dire le monde occidental est entièrement derrière
05:37 l'Ukraine. Et dans ce sens, il est inutile de parler d'une guerre froide. Simplement,
05:45 la guerre chaude, on a des objectifs très précis, à savoir ne pas envahir la Russie,
05:51 mais libérer l'Ukraine de la présence des troupes russes. Et ça, c'est très important
06:00 maintenant pour ces deux discours. Le discours de Biden a confirmé ce qu'on savait déjà,
06:06 que les États-Unis et on peut dire le monde libre, est derrière l'Ukraine.
06:10 Vous aussi, vous utilisez une expression "guerre froide".
06:14 Et alors ?
06:16 Vous avez le droit.
06:19 Voilà, mais le discours de Poutine a été totalement hallucinant parce que c'était
06:25 une coquille vide. Il a fait toute une diatribe contre l'Occident, mais tout ça, on a déjà
06:31 entendu de sa bouche, de la bouche de ses proches, de son proche entourage et de la
06:36 bouche des propagandistes. Donc, ce qui est étonnant, c'est pourquoi il n'a pas fait
06:44 de bilan d'une année de guerre, pourquoi il n'a pas fixé les objectifs de cette
06:51 guerre. Et je commence à penser qu'en fait, l'objectif de cette guerre, maintenant
06:56 qu'il sait qu'il ne peut pas envahir toute l'Ukraine et gagner cette guerre, c'est
07:00 de la faire durer et l'utiliser comme prétexte pour cimenter son pouvoir.
07:06 On va y revenir sur le fond.
07:07 On va vous interroger.
07:08 Romain Goupier, le Wéaton basculait selon vous cette semaine vers un conflit plus global
07:12 encore. Vous, vous ne croyez pas non plus à cette idée de la résurgence de la guerre
07:16 froide. Pour quelle raison ?
07:17 La guerre froide, c'est un terme où Poutine a intérêt à faire croire qu'il représenterait,
07:26 comme au moment de la guerre froide, le camp progressiste, le camp socialiste, les damnés
07:31 de la terre et que lui serait dans la raison contre l'impérialisme. C'est absolument,
07:36 c'est une invention sémantique qui est reprise par tous les médias en disant on va vers
07:41 une nouvelle guerre froide. Pas du tout. Il y a simplement quatre pays qui soutiennent
07:49 l'agression de la Russie dans le vote à l'ONU. 141 pays ont voté contre et 40 pays
07:56 qui sont ce que vous avez dit, Pierre, entre autres la Turquie. Ce qui se passe en ce moment,
08:03 c'est simplement, c'est une période historique absolument incroyable. Tout a été pendant
08:08 la guerre froide, pendant l'équilibre de la terreur. Je t'échange une saloperie,
08:13 par exemple le Chili, contre t'interviens pas au moment de Prague. Je t'échange,
08:17 c'est-à-dire c'était l'équilibre de la terreur. Là, il y a quelque chose qui
08:21 est en train de bouger complètement et ce qui se met en place, et là où on n'a pas
08:26 nous suffisamment, on n'est pas assez intervenu, c'est un rideau de sang. En ce moment,
08:32 il se met en place en Europe un rideau de sang avec quelqu'un qui a décidé depuis
08:38 la Tchétchénie de tester Tchétchénie depuis la Géorgie, depuis la Syrie, en faisant un
08:44 laboratoire pour essayer ses armes et maintenant de décider de conquérir un pays, comme il
08:50 sait, et je suis d'accord avec Gaglia, qui ne peut pas vaincre. Maintenant, il a décidé
08:54 de détruire et son discours est absolument ridicule. C'était le discours d'un candidat
09:00 à la présidentielle de Poutine hier, devant les carrés d'apparatchiks qui s'endormaient,
09:06 qui piquaient du nez, qui ronflaient tranquillement, mais il nous a parlé des autoroutes, des
09:13 écoles, des cinémas, c'était absurde. Et simplement, on a l'impression qu'il
09:18 avait écouté, vous avez écouté tous les deux avec M. Levillepin ou qu'il avait lu
09:23 le Figaro de Védrine, il disait "attention, d'une guerre locale, vous êtes en train
09:29 de la transformer en guerre globale pour la défaite stratégique de la Russie".
09:35 C'est absurde, c'est absurde. Tous ceux qui sont dans ce climat-là ne comprennent
09:41 pas que l'escalade de Poutine, c'est depuis la Tchétchénie. Il est venu au pouvoir
09:45 pour ça, pour cette escalade sanglante.
09:47 Je ne suis pas sûr que Vladimir Poutine ait écouté France Inter ou qu'il ait lu le
09:50 Figaro. En revanche, Pierre Servan, comment vous avez jugé ce discours de Poutine quand
09:55 vous entendez Romain Goupil parler du rideau de sang ? Parce que c'est vrai qu'on ne
09:58 rappelle pas le nombre de morts quand même. Cette année de guerre, c'est des dizaines
10:03 et des dizaines de milliers de morts des deux côtés. Vous pouvez peut-être rappeler les
10:08 chiffres qu'on a des deux côtés, côté ukrainien et aussi côté russe. Les pertes
10:13 sont colossales. Et ensuite, répondez à la question sur le discours de Poutine. Est-ce
10:17 que vous l'avez trouvé prévisible, ennuyeux, comme dit Galia Ackerman, coquivite ? Dites-nous.
10:21 Alors, sur les pertes, moi je veux rappeler qu'en un an de guerre, vous avez plus d'un
10:26 millier d'enfants ukrainiens qui ont été tués ou blessés. Plus d'un millier d'enfants
10:32 ukrainiens et des dizaines de milliers d'enfants ou des centaines de milliers d'enfants ukrainiens
10:36 qui sont traumatisés parce que des membres proches, des parents ont été tués ou tout
10:41 simplement qu'ils ont dû, à trois ans, à quatre ans, quitter leur appartement en
10:44 feu, etc. Et ça, si vous voulez, c'est impardonnable. Et donc tous ceux qui sont dans des discours
10:50 de conciliation en disant "non, là il y a des crimes majeurs", sans compter tout le
10:55 reste, au moment où nous parlons ce matin, vous avez encore, dans les zones qui sont
10:59 envahies par les forces russes, des viols. Ça m'a été confirmé encore la semaine
11:03 dernière à haut niveau en France. Donc tout ça est absolument ignoble.
11:08 Donc quand vous entendez les discours relativistes, ça vous énerve ?
11:11 Ça m'effondre, ça m'attriste profondément. Je trouve que c'est aller cracher sur la tombe
11:18 de ces enfants. C'est rajouter à l'horreur déjà qu'ils ont subi le fait de dire "écoutez
11:23 nous, on préfère des grands équilibres, on préfère des bons dictateurs qui vont
11:27 tenir parce qu'après ça va être dangereux, etc." Et moi, je ne peux pas participer à
11:32 cela et je ne veux pas tomber sous le coup des accusations de sentimentalisme. Ma position
11:39 aujourd'hui, c'est de dire que le réalisme politique-géopolitique joint à la morale
11:44 - et pour moi c'est un point important - les deux convergent pour refuser le clan du renoncement,
11:50 de la collaboration, de la soumission et de la peur. Sur le plan des pertes, on peut considérer,
11:55 c'est compliqué, c'est difficile, j'avance avec prudence, mais on peut estimer qu'environ
11:59 200 000 soldats du conglomérat russe - parce que dans l'armée russe, on en reparlera,
12:04 vous avez un peu de tout - mais 200 000 soldats ont été tués, blessés, prisonniers, mis
12:10 hors de combat. Hors de combat, c'est tous les problèmes psychiques des soldats, sans
12:15 compter ceux, les soldats russes qui sont allés sur ordre de leur supérieur creuser
12:19 dans la forêt rousse de Tchernobyl et qui sont en train de mourir de cancer dans les
12:24 hôpitaux russes. Donc en gros, vous avez 200 000 au total. C'est quand même du monde.
12:28 Du côté ukrainien, on peut estimer à 100 000 - les Ukrainiens ne communiquent pas - mais
12:32 environ 100 000 soldats certainement tués, blessés, capturés et aussi en trouble psychique
12:37 parce que c'est pas que d'un côté ou de l'autre. Sur le discours de Poutine, il n'y
12:41 a rien de nouveau. Rien de nouveau, encore qu'il y a deux...
12:45 - Même le traité START pour vous, c'est pas une sortie du traité de désarmement
12:48 nucléaire ? - Non, Kieraski, c'est dans cette gesticulation.
12:51 Poutine a construit son armée avec une force nucléaire qui a été renforcée et un petit
12:57 corps expéditionnaire. L'armée russe n'a pas d'armée de haute intensité. On y reviendra,
13:01 c'est un des problèmes de l'armée russe. Donc chaque fois qu'il peine à la tâche avec
13:05 son petit corps expéditionnaire, il vous ressort l'arme nucléaire. Maintenant sur le discours,
13:10 rien de nouveau. Ça déjà, il dit, sauf deux choses. La longueur de la partie sur
13:14 l'économique, avec une descente dans le détail, les taux d'intérêt sur l'immobilier. Qu'est-ce
13:19 que ça veut dire ? Dans le même moment, Poutine dit "nous, même pas mal". Ça veut
13:23 dire que ça fait mal. Les menaces sur les oligarques, vous allez voir que dans les semaines
13:27 qui viennent, vous allez avoir une recrudescence d'oligarques qui se sont penchés par la fenêtre
13:32 et qui sont tombés. - Qui sont malencontreusement tombés de la fenêtre.
13:35 - Voilà, donc vous allez avoir un renouveau de ça. Et deuxième point intéressant dans
13:40 le discours en creux, c'est toujours intéressant les discours des dictateurs, c'est tout le
13:43 discours sur "il faut subventionner le combattant et la famille du combattant". Depuis 12 mois,
13:50 Poutine le dit tous les 2-3 mois. Et donc s'il le répète aujourd'hui, c'est que ça
13:54 ne marche pas. Et Poutine essaye d'acheter avec de l'argent et des manteaux de fourrure
13:59 la paix sociale dans les zones les plus déshéritées de Russie où il a cherché ses soldats.
14:03 Et bien tout ça est à mon sens un aveu de faiblesse. Et ce pouvoir poutinien est fragile
14:09 et son outil militaire sur le terrain est à mon sens beaucoup plus fragile que ce qu'un
14:13 nombre de commentaires peuvent exprimer ces dernières semaines.
14:16 - Combien de soldats russes, Galia, Kerman, sur le terrain, au front aujourd'hui ? Quelle
14:22 estimation entre les troupes, les troupes issues de la mobilisation, celle d'Emilie
14:25 Wagner, celle de Kadirov ?
14:26 - Je pense qu'il doit y avoir près de 300 000 sur le terrain parce que j'ai fait un
14:32 calcul très simple. Si on additionne le nombre de troupes qui étaient là au moment de l'invasion,
14:39 qui étaient placées sur les frontières, les mercenaires Wagner, d'autres corps expéditionnaires
14:44 comme celui de Kadirov, Kadirov, tu sais comment on les appelle, et les mobiliser, on arrive
14:51 à peut-être un peu plus de 500. Si 200 000 sont décimés, et dans ce décompte, on ne
15:00 sait pas s'il y a Wagner ou non parce que les troupes Wagner ont été décimées particulièrement
15:07 fort. J'ai fait le décompte que des 50 000 des milices Wagner, il reste peut-être, peut-être,
15:17 20 000 voire moins. Et d'ailleurs, c'est un détail intéressant, Poutine hier n'a
15:23 pas mentionné Prigogine, n'a pas mentionné Wagner.
15:27 - Il faut dire que Prigogine le critique. Prigogine qui est le créateur des milices
15:33 Wagner, aujourd'hui critique ouvertement l'armée russe, donc Poutine.
15:36 - Mais attendez, il faut voir aussi pourquoi il le critique. Il le critique parce que ces
15:43 combattants ne reçoivent depuis probablement quelques semaines plus de munitions, on ne
15:49 sait même pas s'ils ont du ravitaillement parce qu'il y a des vidéos ahurissantes où
15:53 les combattants Wagner disent qu'ils n'ont plus d'armes et plus rien à manger. Et je
15:59 pense qu'en fait, il faut le voir dans l'autre sens. Prigogine espérait de passer à un
16:06 échelon supérieur du pouvoir, comme une troupe d'élite en quelque sorte. Il s'est
16:12 trop exposé et je pense que Poutine veut sa peau maintenant, tout simplement.
16:18 - Joe Biden a déclaré à Kiev que la guerre de conquête de Poutine était en train d'échouer.
16:22 Poutine a cru que l'Ukraine était faible et l'Occident divisé. Il a juste eu tout
16:26 faux. Romain Goupil, vous partagez cet enthousiasme, cet optimisme plutôt ? Pardon pour ma langue
16:33 à fourcher, l'optimisme de Biden ?
16:35 - Non seulement je le partage, mais là pour une fois, les faits vont suivre ce qu'on peut
16:43 analyser. Le fait de se rendre à Kiev, dans un pays en guerre, c'est la première puissance
16:49 mondiale. Celle qui a immédiatement envoyé des fonds et des armes pour annoncer qu'ils
16:56 allaient continuer et après affirmer à Varsovie qui serait le prochain but de guerre de Poutine,
17:04 s'il arrivait à vaincre, ce qui est impossible, il a perdu la guerre. Mais admettons qu'on
17:10 prenne l'hypothèse qui rentre en Ukraine, la frontière suivante, c'est la Pologne,
17:15 avec Molodi et Transnistrie. Donc une menace absolue pour tout le monde. Le fait que Biden
17:22 dise exactement cette phrase, l'Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie.
17:28 L'Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie. Et il va le dire à Kiev, il le
17:33 répète par sa présence et par les faits, c'est-à-dire en livrant des armes et en
17:38 formant, c'est ça maintenant l'espérance secrète, c'est qu'ils sont en train de
17:43 former des conducteurs de chars, des pilotes d'avions pour que dans la dissuasion, Poutine
17:51 sache que ça veut dire qu'éventuellement, les avions seront livrés à un moment pour
17:56 empêcher ces fameuses vagues humaines ou ces espèces de kamikazes ou l'utilisation
18:01 de ces milices de tueurs en Ukraine.
18:04 Mais de l'autre côté, Pierre Savant, Vladimir Poutine dit et accuse l'Occident et les
18:09 Etats-Unis de vouloir détruire la Russie. C'est aussi un discours qui passe ça ?
18:13 Oui, effectivement, ça passe en interne du côté russe parce que vous avez un matraquage
18:18 depuis très longtemps sur le thème de la guerre patriotique, du renouveau des nazis.
18:21 Donc ça, c'est un discours qui peut passer.
18:23 Et puis, ça passe aussi en externe dans certains pays, notamment certains pays du Sud.
18:27 Il y avait eu le mot d'Emmanuel Macron qui avait dit "je suis surpris de voir combien
18:33 les Etats du Sud ne nous font plus confiance, nous étant l'Occident".
18:37 Il a intérêt aussi et son discours passe quand, évidemment, on agite le spectre des
18:42 Américains impérialistes et du souvenir de la guerre d'Irak et d'autres guerres
18:48 ratées par les Américains.
18:49 Oui, tout à fait.
18:50 Loin de moi l'idée de dire que les démocraties ont toujours été vertueuses.
18:54 Et j'ai dénoncé en son temps l'invasion de l'Irak par les Américains sur un mensonge
19:00 d'Etat.
19:01 Mais ce que je dis souvent, c'est qu'une démocratie, même fragile, qui commet des
19:05 erreurs voire des fautes graves, vaut un million de fois une dictature en bonne santé.
19:10 Donc le relativisme consistant à dire qu'il marche dans ce qu'on appelle le Sud global,
19:15 "ah oui, mais vous savez, c'est la faute des Américains, c'est finalement l'occidentalisation,
19:20 c'est le souvenir du colonialisme", tout ça est un discours complètement artificiel
19:24 et de propagande.
19:25 Oui, mais qui marche.
19:26 Si vous écoutez Dominique de Villepin lundi, il dit...
19:28 Oui, mais c'est pas parce que ça marche que c'est juste.
19:30 Vous savez...
19:31 Oui, mais il faut trouver la parade pour être coïncant.
19:34 Oui, bien sûr.
19:35 Je ne suis pas de dire que c'est injuste.
19:37 Non, non, mais vous avez raison.
19:38 Il faut trouver la parade et c'est vrai que ça n'est pas simple parce que derrière le
19:42 discours sur la désoccidentalisation, il y a ce que j'ai appelé dans mes précédents
19:46 essais de géopolitique, dans le monde, dans certains pays, une envie de barbarie et de
19:50 tyrannie.
19:51 C'est-à-dire que vous avez dans un certain nombre de pays une fatigue des exigences démocratiques
19:56 et le modèle totalitaire est un modèle qui séduit parce qu'il permet de s'affranchir
20:01 d'abord des contraintes de l'alternance politique, du droit, de la liberté de la presse.
20:05 Et effectivement, cela séduit.
20:07 Donc il faut essayer de contrer le discours.
20:09 Mais je pense que nous sommes dans une bascule pour 40 ou 50 ans parce que ces mouvements
20:13 de fond sont lourds et que donc il faut être courageux, tenace sur nos valeurs et ne pas
20:18 céder à la peur.
20:19 Passons au standard inter, nous attend Elisabeth.
20:21 Bonjour madame, bienvenue.
20:22 Oui, bonjour.
20:23 Je veux remercier pour ma question.
20:25 Elle est toute simple.
20:26 Voilà, vous avez parlé tout à l'heure d'évoquer ce qui peut se passer dans la tête de Poutine.
20:32 Moi je veux bien, mais je pense qu'on est à faire un très grand détraqué.
20:36 Et donc à quoi sert-il d'essayer de savoir ce qui se passe dans une tête de fou et comment
20:42 il pénétrer ? Et à la suite, est-ce que ça sert à quelque chose d'y répondre ou
20:47 de s'en servir ?
20:48 Merci Elisabeth pour cette question.
20:50 Détraqué, fou, que se passe-t-il dans la tête d'un fou ? Est-ce important d'y aller ?
20:54 Galia Ackermann, je vous livre la question.
20:56 Je ne considère pas Vladimir Poutine comme un fou.
21:00 C'est un homme extrêmement dangereux.
21:03 C'est un homme qui est probablement paranoïaque, mais la paranoïa est propre pratiquement
21:11 à tous les dictateurs.
21:12 Ce n'est pas quelque chose d'original.
21:14 Vladimir Poutine vit dans une réalité parallèle et il a eu deux objectifs, je pense, dès
21:25 son arrivée au pouvoir.
21:26 Et c'est peut-être pour cela d'ailleurs qu'il a été propulsé au pouvoir suprême,
21:32 à savoir restaurer l'Empire.
21:34 Dès ses premiers jours, il a explicitement parlé de la plus grande catastrophe géopolitique,
21:45 l'éclatement de l'Union soviétique.
21:46 Mais pas seulement, et c'est ça qui a été brièvement évoqué par Romain Goupil, parce
21:53 que la guerre froide, en effet, s'appuyait sur deux piliers, le pilier américain et
21:58 le pilier soviétique.
22:00 Mais derrière l'Union soviétique, non seulement il y avait les républiques qui
22:05 maintenant sont indépendantes et qui sont un destin à eux, mais aussi la moitié de
22:10 l'Europe, tous les mouvements communistes mondiaux, y compris en France, les pays soi-disant
22:16 ce que Léa Salamé a rappelé, non alignés, la lutte contre le colonialisme, etc.
22:22 Et tout ça ensemble, malgré la faiblesse économique de l'Union soviétique, en faisait
22:29 un pôle politique et militaire extrêmement important.
22:32 C'est cette influence que veut restaurer Poutine.
22:35 Rapidement, Romain Goupil, quand vous entendez "Poutine est fou", vous qui avez été
22:40 sur les terrains de guerre à plusieurs reprises pour filmer notamment, vous le pensez, vous,
22:45 qu'il est fou ?
22:46 - Je pense pas du tout.
22:47 - C'est pour ça qu'il a tout fait rationnel.
22:48 - Je pense qu'il est extrêmement rationnel et que c'est les dirigeants européens, démocrates,
22:54 qui sont fous de ne pas avoir vu tous les signaux et la façon dont ils répondaient
23:00 à ces signaux.
23:01 À partir du moment où Obama ne respecte pas la ligne rouge sur les armements chimiques,
23:06 c'est un signe, on est fou.
23:08 À partir du moment où la Géorgie, il attaque en disant "on est en train de tuer, il y
23:13 a un génocide qui se passe en Neu Ceti", on est fou sur la Géorgie.
23:16 On est fou sur la Syrie quand il soutient le boucher de son propre peuple, Bachar el-Assad,
23:22 qui va faire des laboratoires de torture soutenus par l'Iran et par la Russie.
23:28 On est fou de ne pas avoir vu tous les signes depuis 20 ans.
23:32 Il a été mis en place, comme le dit Galia, pour ce programme-là.
23:35 - Dernière question, Pierre Servan.
23:37 Les Ukrainiens répètent qu'ils ne se battent pas seulement pour eux, mais pour nous, pour
23:42 nos valeurs.
23:43 Est-ce que vous pensez qu'on l'entend ici, qu'on le comprend ?
23:46 - Je crois que oui.
23:48 Je crois que oui.
23:49 Il y a des sondages qui sortent sur le soutien à l'armement à l'Ukraine.
23:52 Moi, je pense qu'il y a une conscience en Europe, notamment dans le monde occidental,
23:57 mais plus largement, puisque vous avez la même prise de conscience à Taïwan, en Corée
24:01 du Sud, au Japon, etc.
24:02 Il y a vraiment la conscience que si on laisse passer ça, c'est-à-dire le fait qu'un pays
24:06 membre permanent du Conseil de sécurité décide, sous couverture nucléaire, d'attaquer
24:11 son voisin.
24:12 Alors déjà que la situation internationale est très préoccupante dans plusieurs points
24:16 du monde, alors là, si vous voulez, c'est la fin de tout.
24:19 Et donc je crois qu'il y a des inquiétudes.
24:21 Moi, je vois, je suis souvent interpellé, on rencontre des lecteurs, etc.
24:23 Il y a une préoccupation, mais il y a une conscience du fait qu'on ne peut pas lâcher
24:27 cela.
24:28 Et le grand échec stratégique de Poutine, c'est que l'Union européenne s'est renforcée,
24:32 l'OTAN s'est renforcée, et que derrière l'Ukraine, vous avez 140 pays qui ont condamné
24:36 l'invasion, 70 pays qui directement soutiennent et 50 qui, sur le plan militaire, sont derrière.
24:42 Donc il y a vraiment une prise de conscience qu'il y a quelque chose d'important se
24:45 joue et que si en Europe, on commence à remettre en question les frontières au motif qu'on
24:50 estime qu'historiquement, dans le discours de Poutine, c'est intéressant, le retour
24:53 des terres historiques, ça c'est hyper dangereux.
24:56 C'est pour ça que c'est important quand même de comprendre ce qu'il a dans la tête.
24:58 Il n'est pas fou, il est logique, mais il est extrêmement dangereux.
25:02 NICOLAS : Merci à tous les trois.

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