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00:00 7h15, la question du jour et pour commencer une citation.
00:03 Ce matin, le chômage a atteint son plus bas niveau depuis 40 ans.
00:06 Derrière ce chiffre, des millions de Français ont retrouvé le chemin de l'emploi et la dignité de vivre des fruits de leur travail.
00:12 Le plein emploi qui n'était qu'un vieux slogan est désormais notre objectif.
00:16 Fin de citation, tels sont les mots.
00:18 Le tweet datant du 14 février dernier de Stéphane Séjourné, secrétaire général du parti Renaissance.
00:24 Et sur le papier, la tendance semble objective.
00:27 Le taux de chômage a chuté au quatrième trimestre de 2022 à 7,2%.
00:32 Mais quelle est la réalité derrière le chiffre, la diversité derrière le nombre ?
00:36 Comment se porte effectivement le marché du travail français et les emplois qui le composent ?
00:40 La situation est-elle vraiment historique et à ce point encourageante ?
00:43 Pour en parler, je reçois ce matin Géraldine Rioco.
00:46 Bonjour. Bonjour.
00:47 Vous êtes madame professeure des universités en économie à l'université Picardie-Jules-Verne,
00:52 affiliée au Centre d'études de l'emploi et du travail.
00:54 Et pour commencer, qu'est-ce que cela veut dire lorsque l'on dit que le chômage est à 7,2% ?
00:59 En somme, qu'est-ce que le taux de chômage et qu'est-ce que le plein emploi ?
01:03 Très bien. Et bien, effectivement, pour commencer, je pense qu'il est important de revenir sur ce qu'est le plein emploi.
01:10 C'est d'abord une notion qui est définie par Keynes, qui est un économiste majeur du 20e siècle.
01:15 Et pour lui, le plein emploi, c'est avant tout le plein emploi des moyens de production,
01:19 c'est-à-dire aussi bien des équipements, des machines, que le plein emploi de la main d'œuvre,
01:23 donc de la population qui voudrait travailler. Et c'est donc l'absence de chômage involontaire.
01:26 Donc ce qui veut dire que le plein emploi va être mesuré effectivement par un taux de chômage
01:32 qui n'est pas égal à zéro, qui est bas, mais qui n'est pas égal à zéro,
01:35 qu'on va appeler, qui correspondra à ce qu'on appelle le taux de chômage frictionnel,
01:38 parce que malgré tout, il y a toujours des difficultés à trouver immédiatement un emploi.
01:43 Il y a des problèmes d'information, il y a des problèmes de mobilité.
01:46 Donc ce taux de chômage frictionnel qui correspondrait au plein emploi des capacités de la main d'œuvre,
01:52 des capacités de la population active, est établi autour de 5% environ par l'OIT.
01:58 Mais c'est vrai que, comme vous le dites...
01:59 L'OIT, l'Organisation Internationale du Travail.
02:02 Pardonnez-moi, oui, qui est majeure là aussi pour expliquer comment se compose ce taux de chômage
02:08 et comment est-ce qu'il se mesure.
02:09 Et donc voilà, la réalité, c'est ça, c'est-à-dire que c'est un indicateur, le taux de chômage.
02:13 Donc aujourd'hui, il est à 7,2% au quatrième trimestre de l'année 2022.
02:18 Mais comment est-ce qu'on mesure ce taux de chômage ? Qu'est-ce qu'il y a derrière ce chiffre ?
02:21 Donc le taux de chômage, c'est avant tout un indicateur produit par les statisticiens et les statisticiennes de l'INSEE
02:26 à partir des enquêtes emploi qui se réfèrent aux critères du Bureau International du Travail, donc de l'OIT.
02:32 Et finalement, ce taux de chômage, c'est avant tout le nombre de chômeurs sur la population active.
02:37 La population active étant elle-même composée des personnes en emploi, ce qu'on appelle les actifs occupés,
02:43 et des personnes inoccupées, des personnes au chômage.
02:45 Donc dans la population active, il y a des chômeurs et des personnes en emploi.
02:49 Une distinction importante, il faut faire d'ailleurs la différence entre les chômeurs et les demandeurs d'emploi.
02:53 Absolument, c'est-à-dire que là, je parle vraiment des enquêtes INSEE,
02:56 et donc c'est des enquêtes représentatives auprès d'un échantillon représentatif de la population,
03:04 et qui n'a rien à voir, qui n'est pas la même chose que les demandeurs d'emploi en fin de mois,
03:08 qui là, est une donnée produite par Pôle emploi.
03:10 Donc là, c'est une enquête, et donc à partir de cette enquête auprès des ménages,
03:13 on va pouvoir identifier à peu près le nombre de chômeurs.
03:16 Est-ce que la situation que l'on connaît présentement est vraiment historique ?
03:20 La communication du parti présidentiel affirme que, je le répète, c'est le niveau le plus bas depuis 40 ans.
03:26 Alors, je n'ai pas forcément trouvé cela en faisant quelques recherches.
03:29 Alors oui, non, bien sûr, c'est un niveau qui est bas,
03:31 c'est un niveau qui est... le taux de chômage était aussi bas dans les années avant la crise financière de 2008.
03:36 Mais ce qui est important, une fois de plus, si vous le permettez,
03:38 c'est quand même de revenir sur cette question de mesure,
03:40 parce que malgré tout, le nombre de chômeurs, il ne tombe pas comme ça des statistiques.
03:43 Il y a des critères importants pour que les personnes soient comptées comme étant au chômage.
03:47 Il y en a trois, c'est le fait de ne pas avoir travaillé ne serait-ce qu'une heure pendant la semaine de référence pendant laquelle a lieu l'enquête,
03:53 être disponible pour travailler dans les 15 jours,
03:56 et avoir fait au moins une recherche active d'emploi dans les quatre dernières semaines.
04:01 Or, ces critères-là, ils ont toujours été appliqués, par le passé également,
04:06 mais c'est vrai qu'avec des latitudes et des interprétations qui ont pu varier.
04:10 Et donc, quand on entend ça, ça veut dire que les personnes en emploi sont celles qui ont travaillé au moins une heure pendant la semaine de référence.
04:16 Donc, il faut aussi s'interroger, quand on observe ce que c'est que le taux d'emploi, sur la qualité des emplois.
04:22 C'est-à-dire que certes, le taux de chômage est bas,
04:24 mais qu'est-ce qu'il va y avoir derrière les emplois que les personnes occupent ?
04:30 Quels sont ces types d'emplois ?
04:32 Et puis, il ne faut pas non plus négliger qu'à côté de ce taux de chômage,
04:35 il y a un indicateur qui est tout à fait intéressant aussi,
04:38 qui est celui du halo autour du chômage,
04:40 et qui est composé des personnes qui ne cherchent pas d'emploi,
04:43 qui ne sont pas disponibles, mais qui souhaitent, malgré tout, travailler.
04:46 Donc voilà, si vous voulez, certes, cet indicateur est faible,
04:49 mais pour autant, il n'est pas suffisant pour exprimer tout ce que cela peut représenter sur le fonctionnement du marché du travail.
04:55 Alors, qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui, Géraldine Rioucaud, sur la qualité des emplois, justement,
04:59 corollaire de ce taux de chômage relativement bas, historiquement bas ?
05:03 Est-ce que les emplois français, aujourd'hui, sont de moins bonne qualité qu'ils ne l'étaient autrefois ?
05:08 Alors, la qualité de l'emploi, elle se mesure notamment par la part des personnes qui vont occuper un CDI,
05:14 ou par la part des emplois à temps plein.
05:16 Elle va se mesurer éventuellement aussi par le niveau des salaires.
05:19 Donc c'est sûr que par rapport à la situation que l'on avait dans les années de forte croissance économique,
05:25 après la Seconde Guerre mondiale, certes, la qualité des emplois,
05:28 si tant est qu'on s'accorde là, juste, principalement, sur ces indicateurs,
05:32 elle n'est pas du même niveau, ne serait-ce que parce qu'il y a davantage d'emplois à temps partiel,
05:37 ou qu'il y a davantage de CDI.
05:38 Pour autant, il est vrai que quand on s'accroche à ces indicateurs-là,
05:41 on observe que cette qualité des emplois a plutôt progressé,
05:45 puisque le taux d'emploi en CDI ou le taux d'emploi à temps plein a tendance à progresser.
05:50 Mais, en fait, au-delà de ça, j'ai envie de dire que la qualité des emplois,
05:55 c'est aussi la qualité que souhaitent y mettre les personnes.
05:58 C'est-à-dire que, qu'est-ce que c'est qu'un emploi de qualité,
06:01 si c'est un emploi dans lequel vous ne vous retrouvez pas,
06:03 dans lequel vous n'êtes pas satisfait de vos conditions de travail,
06:07 et qui ne correspond pas vraiment à ce que vous voulez faire.
06:08 Donc, il y a aussi toute cette question-là qui est derrière.
06:11 Il y a des emplois d'insertion qui ne sont pas forcément des emplois de qualité,
06:13 mais qui, pour autant, quand on les prend au pied de la lettre,
06:15 mais qui, pour autant, permettent aux gens d'accéder à un emploi.
06:18 Donc, voilà, ce n'est pas non plus quelque chose d'évident.
06:20 On lit beaucoup sur les réseaux sociaux que certains élus estiment que la baisse du chômage présente
06:26 s'explique par le nombre record de radiations de chômeurs par pôle emploi.
06:29 Est-ce que c'est vrai ?
06:30 Alors, je reviens un petit peu là-dessus.
06:33 C'est-à-dire que quand on regarde l'indicateur du taux de chômage,
06:36 il provient vraiment de l'enquête emploi.
06:38 Donc, c'est un indicateur qui est construit à partir de cette enquête-là,
06:42 et qui finalement n'a rien à voir avec la radiation des demandeurs d'emploi à pôle emploi,
06:49 puisque pôle emploi, c'est un autre indicateur.
06:51 Donc, si vous dire qu'on peut très bien compter les gens comme étant au chômage dans l'enquête emploi,
06:56 alors qu'ils n'ont jamais été inscrits à pôle emploi, donc jamais radiés.
06:59 C'est vraiment deux statistiques différentes.
07:00 Je pense que c'est important de dire les choses.
07:02 C'est vraiment deux statistiques différentes.
07:03 Pour autant, bien sûr qu'il y a quand même un lien.
07:06 Il y a aussi ce qu'on appelle des chômeurs découragés,
07:08 donc des gens qui arrêtent de chercher,
07:09 qui donc ont pu être radiés ou ne plus s'inscrire au niveau de pôle emploi,
07:14 et donc ne plus figurer dans le taux de chômage, le nombre de chômeurs recensés.
07:17 Dernière question, en quelques mots, derrière ce chiffre 7,2%, c'est le taux de chômage actuel.
07:22 Il y a évidemment une diversité des situations.
07:26 Le taux de chômage des seniors, le taux de chômage des jeunes est bien supérieur à celui-ci.
07:30 Alors, le taux de chômage des jeunes est supérieur, oui,
07:32 puisqu'il est plutôt autour de 17%.
07:34 Le taux de chômage des seniors, non, il est plus bas.
07:35 Mais c'est-à-dire que dans le...
07:36 Enfin, voilà, il y a aussi un certain nombre de chômeurs qui ne sont plus forcément actifs
07:41 ou alors qui ne sont plus forcément actifs ou occupés.
07:45 Enfin, donc sur le taux de chômage des jeunes, oui, le taux de chômage des jeunes est plus élevé.
07:49 Pour autant, il a quand même relativement baissé.
07:52 Les jeunes sont plutôt, par rapport aux seniors notamment,
07:55 c'est-à-dire que quand ils sont au chômage, ils vont retrouver plus vite un emploi que les seniors.
07:57 Parce que le taux de chômage des seniors, le problème, il est là.
07:59 C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas retrouver rapidement un emploi.
08:03 Donc oui, effectivement, cet indicateur, c'est moyen.
08:05 Il faut regarder aussi les femmes, il faut regarder les hommes.
08:07 Enfin, voilà, il faut regarder tout un tas de choses.
08:09 Et la diversité des situations derrière les statistiques moyennes ?
08:12 Absolument, notamment en fonction du niveau de qualification également.
08:15 Merci beaucoup, Géraldine Rieuxco.
08:16 Je rappelle que vous êtes professeure des universités en économie à l'Université Picardie-Jules-Verne,
08:21 affiliée au Centre d'études de l'emploi et du travail.