Retrouvez "L'entretien - Dimitri Pavlenko" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-dimitri-pavlenko
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00:00 8h14 sur Europe, bonjour François Cornu-Gentil.
00:06 Bonjour.
00:07 Bienvenue sur Europe, vous êtes ancien député RPR, UMP, Les Républicains pendant 29 ans,
00:11 membre honoraire du Parlement et surtout spécialiste des questions de défense, des questions existentielles
00:17 pour une nation mais qui n'intéressait plus grand monde, il faut bien le dire, en France
00:20 depuis la guerre froide.
00:21 Tout a changé depuis l'invasion de l'Ukraine, alors qu'en est-il aujourd'hui de notre défense ?
00:26 On va en parler avec vous pendant un quart d'heure.
00:28 Première question François Cornu-Gentil, d'abord un peu brutale mais c'est la question
00:31 essentielle au fondamentalement, sommes-nous faibles aujourd'hui ?
00:35 Faibles non parce qu'on a quand même une belle armée mais on n'est pas véritablement
00:40 prêts à affronter un conflit sérieux, les militaires disent, de haute intensité.
00:46 C'est le paradoxe, on a des bons militaires, on a des équipements qui sont de bon niveau
00:50 sans doute mais on n'est quand même pas prêts.
00:53 La guerre est quelque chose de très compliqué, qui nécessite des moyens et comme on ne voyait
00:58 pas de menaces au cours des dernières années, on a baissé la garde.
01:01 On fait un peu toujours le même constat ces derniers temps, oui on a l'arme nucléaire
01:06 mais de l'autre on manque de munitions, une armée jugée échantillonnaire et puis il
01:11 y a eu le résultat de cette étude qui a beaucoup marqué les esprits de la RAND Corporation,
01:15 institution américaine qui disait que l'armée française face à une agression équivalente
01:19 à celle que connaît l'Ukraine de la part de la Russie, l'armée française tiendrait
01:23 15 jours.
01:24 On n'avait pas besoin de cette étude qui a marqué un peu les esprits, c'est ce que
01:28 disait à sa manière par exemple le général de Villiers quand il est parti, ce n'était
01:32 pas uniquement les 700 millions qui étaient en cause sur le moment, c'était bien...
01:36 C'était à l'été 2017.
01:37 Mais oui c'est en 2017, les militaires tirent la sonnette d'alarme depuis un certain temps.
01:43 Ce qui me frappe c'est qu'avec l'Ukraine tout le monde a compris, le grand public, les citoyens
01:47 que la guerre ce n'était pas uniquement dans les livres d'histoire, ça peut revenir à
01:51 nos portes, ça peut nous concerner, ce conflit personne n'a la moindre idée de la manière
01:55 dont ça peut se topper ou dégénérer.
01:58 Et j'ai l'impression qu'on regarde un peu ça comme une émission de télé-réalité.
02:02 Alors la guerre a été sortie du champ visuel, maintenant c'est rentré un peu dans le domaine
02:07 médiatique, on est content de voir des généraux se relier sur les chaînes de télé, mais
02:12 je ne suis pas sûr...
02:13 Donc il y a un discours sur la défense qui apparaît, ce qui n'est pas rien, mais je ne
02:18 suis pas sûr qu'il y ait une véritable prise de conscience, surtout qu'une prise de conscience
02:21 n'a de sens que si elle entraîne des actes derrière.
02:23 Alors on va en parler, puisque précisément le thème du jour sur Europe 1 c'est le patriotisme,
02:27 on n'est pas très loin de nos sujets, le patriotisme a fort à voir avec la guerre.
02:30 Mais peut-être d'abord une question un peu technique mais qui est intéressante, quelle
02:34 leçon vous tirez-vous de l'observation du conflit en Ukraine sur ce qu'on appelle la
02:38 doctrine d'emploi ? Qu'est-ce qu'il révèle de la guerre aujourd'hui qu'on n'avait pas
02:42 vue, qu'on n'avait pas anticipé ? Je vais donner un exemple par exemple, on voit une
02:45 guerre où il n'y a pas d'avion, par contre il y a beaucoup de drones dans le ciel et
02:48 tout ça, il faut bien le dire que beaucoup de militaires ont été surpris, ne s'y attendez
02:51 pas.
02:52 - Alors c'est quelque chose de très compliqué, évidemment chaque spécialiste à sa marotte,
02:56 son obsession, voit le truc décisif qui change tout.
02:59 Je crois qu'il faut tout regarder avec pragmatisme parce que la guerre est quelque chose de vraiment
03:03 très compliqué, vous avez à la fois des éléments très rustiques, la guerre c'est
03:09 pas uniquement l'aviation, le porte-avions, il faut occuper une ville, il faut tenir un
03:14 terrain, donc c'est rustique, c'est violent, c'est rude, c'est terrible.
03:17 Il y a un aspect de masse qui est très important et en même temps il y a un aspect sophistication,
03:23 satellites, drones qui vont chercher tous les personnages sur le champ de bataille.
03:28 - C'est très high-tech et très low-tech en même temps.
03:30 - C'est un mélange très complexe.
03:32 Alors effectivement selon les traditions militaires, vous en avez qui sont plus tournées vers
03:37 la recherche technologique, l'innovation à tout prix, d'autres qui sont plutôt sur
03:41 la rusticité.
03:42 En fait, à chaque époque, en fonction de la menace, en fonction de l'ennemi potentiel,
03:47 il faut voir quel est le bon dosage.
03:49 Et ce qui est très compliqué, c'est que l'armée c'est quelque chose de lourd, tous
03:53 les programmes d'armement ça dure sur 25-30 ans et en fait la configuration géostratégique,
04:01 elle bouge tous les 25 ou 30 ans.
04:04 Et donc on est à peine sur un modèle, on a eu le modèle de la guerre froide, après
04:08 on a eu les guerres asymétriques, maintenant on a ce conflit qu'on n'avait pas prévu,
04:12 voilà, comment on change ? Les choses sont sur des rails et sur des rails d'une autre
04:15 époque.
04:16 Donc à chaque fois on lance des programmes pour dans 20 ans, mais c'est les programmes
04:18 du moment.
04:19 Et c'est pour ça que je voudrais qu'il y ait un véritable débat, parce que les spécialistes,
04:24 évidemment, chaque armée veut ses armes qui sont propres, chaque industriel de la
04:29 défense veut vendre ses armements et on n'a pas suffisamment le recul pour voir précisément
04:37 de quoi on a besoin.
04:38 Sur la guerre en Ukraine, c'est très paradoxal, vous voyez effectivement que l'effet masse
04:42 est important, mais vous voyez que la haute technologie compte.
04:46 - Et vous dites l'effet masse, François Cornu, gentil.
04:48 - C'est les chars.
04:49 - Vous pensez à quoi ? On a 200 chars aujourd'hui.
04:52 - On a 200 chars, il faut qu'on pense qu'en Ukraine, il n'y en a plus, largement plus
04:55 de 1000 qui ont été détruits.
04:56 - Les Américains russes en auraient perdu 1500.
04:58 - Oui, exactement.
04:59 Donc est-ce que nous, ça vaut la peine de remonter vite en puissance ou pas ? C'est
05:05 un débat.
05:06 - Vous préférez avoir 1500 chars de mauvaise qualité ou bas de gamme plutôt que 200 extrêmement
05:09 équipés ?
05:10 - C'est tout ce débat qu'il faut avoir.
05:11 Moi, je pense que le débat est nécessaire.
05:14 Vous interrogez différents généraux, ils ont tous leur opinion, mais quelquefois contradictoire.
05:20 Le débat, il est nécessaire, non pas pour imposer ses vues à l'autre, mais parce que