La chronique du Dr Milhau du 08/03/2023

  • l’année dernière
Les conseils de notre docteur Brigitte Milhau sur les sujets santé qui vous concernent dans #BonjourDrMilhau
Transcript
00:00 C'est la journée internationale des droits des femmes.
00:03 Brigitte Millot, vous nous parlez ce matin des différences entre les hommes et les femmes sur le plan de la santé.
00:08 Oui, alors il y en a plusieurs.
00:09 Il y a les différences, on va dire, anatomiques, constitutionnelles.
00:13 Et puis après, les biologiques, on va les appeler comme ça.
00:17 Après, il y a des différences comportementales.
00:20 Ensuite, il y a aussi des différences environnementales.
00:23 Pour les premières, donc pour les différences biologiques,
00:28 il y a déjà des différences liées aux chromosomes sexuels.
00:31 Vous savez que les hommes, les femmes ont deux chromosomes X
00:34 et les hommes un chromosome X, un chromosome Y.
00:37 Toutes nos cellules ont un sexe.
00:39 Et oui, c'est comme ça.
00:40 Et il y a des maladies qui sont portées par les chromosomes
00:42 et donc qui sont transmises différemment selon qu'on est un homme ou une femme,
00:47 comme le daltonisme.
00:48 Ce sont les hommes qui sont daltoniens, comme l'hémophilie,
00:51 une maladie de la coagulation du sang.
00:53 Donc toutes ces maladies qui sont portées sur les chromosomes sexuels
00:56 vont être différentes, évidemment, chez les hommes et chez les femmes.
00:59 Il n'y a pas de femme daltonienne ?
01:00 Non, ça n'existe pas.
01:02 Exceptionnellement, il faudrait que dans toute la famille,
01:05 il y en ait, ça doit être un pour même pas infinitésimal.
01:08 Après, il y a les maladies qui sont évidemment liées à l'anatomie.
01:13 Ouh là, c'est différent à l'anatomie, aux hormones sexuelles.
01:17 Vous n'allez pas avoir de cancer de la prostate chez une femme
01:21 et de cancer du col de l'utérus chez un homme,
01:23 ni d'endométriose chez une femme,
01:24 ni la même alopécie, perte de cheveux chez un homme que chez une femme,
01:28 puisque c'est lié aussi aux hormones.
01:29 Donc voilà, il y a des différences.
01:31 Celles-ci, on les connaît à peu près.
01:33 Après, il y a des différences,
01:34 il y a des maladies aussi qui sont plus fréquentes
01:37 et avec une sévérité différente selon qu'on soit un homme ou une femme.
01:40 Il y a, par exemple, plus de femmes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer.
01:44 Non seulement il y a plus de femmes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer,
01:48 mais il y a aussi des formes un peu différentes.
01:50 Je parle de statistiques.
01:53 Les hommes souffrant d'Alzheimer sont plus agressifs
01:56 que les femmes qui souffrent de la maladie d'Alzheimer,
01:59 qui sont plus apathiques, plus down, plus calmes.
02:02 Statistiquement, il y a aussi des femmes qui sont agressives
02:05 et des hommes qui sont plus calmes.
02:06 Mais on va dire qu'il y a aussi une différence dans la forme,
02:09 dans la sévérité des maladies.
02:11 Les migraines sont plus fréquentes aussi chez les femmes.
02:14 Et puis, il y a aussi
02:18 des maladies auto-immunes qui sont plus fréquentes chez les femmes.
02:22 Les maladies auto-immunes, c'est quand nos propres cellules de défense
02:25 se mettent, au lieu d'attaquer tout ce qui est étranger,
02:29 se mettent à attaquer nos cellules.
02:31 C'est la sclérose en plaques, par exemple.
02:34 Ce sont des maladies thyroïdiennes.
02:36 Et on pense que là, ce serait lié à la testostérone,
02:40 qui est une hormone exclusive, enfin, surtout mâle.
02:43 Les femmes en ont très peu, sécrétée par les surrénales,
02:45 mais c'est surtout une hormone typiquement masculine.
02:48 Et en fait, la testostérone entraînerait une diminution
02:52 de nos lymphocytes B, des globules blancs,
02:54 et qui fait qu'en fait, comme ils sont en nombre plus petit,
02:57 ils attaquent moins nos cellules.
02:59 Donc, ce serait une des explications de la différence.
03:02 Pourquoi il y a plus de maladies auto-immunes
03:05 chez les femmes que chez les hommes ?
03:07 Après, il y a des maladies qui mélangent un petit peu les deux.
03:11 Et là, c'est un véritable scandale, on peut le dire comme ça.
03:16 Ce sont les maladies cardiovasculaires.
03:19 Un infarctus, pour un homme,
03:23 alors ça allie les deux, ça allie les symptômes, donc l'anatomie,
03:26 les signes qui sont un peu différents à la base chez les hommes et chez les femmes.
03:30 Et ça allie aussi le comportement et les clichés
03:32 qui sont encore dans la tête des gens.
03:34 Donc, un homme, quand il a un infarctus, il a des douleurs fortes dans la poitrine,
03:38 qui irradient dans le bras, qui irradient dans la mâchoire.
03:40 OK, chez les femmes, comme les artères sont un peu différentes,
03:44 il y a des symptômes qui sont aussi un peu différents,
03:47 avec des nausées, des palpitations, des troubles digestifs.
03:50 Vous voyez, ce n'est pas aussi caractéristique,
03:52 donc ce n'est pas aussi facile à reconnaître.
03:54 Mais surtout, il y a une heure de retard pour aller aux urgences chez les femmes.
03:59 Pourquoi ? Parce que personne ne pense qu'elles font un infarctus.
04:02 Mais les femmes, elles, même non plus,
04:04 puisqu'elles ont l'habitude de cette espèce de caricature,
04:07 l'homme de 50 ans, un peu costaud, qui fume, qui boit, qui a ces douleurs là et là.
04:12 Non, chez les femmes, il y a des infarctus.
04:15 Elles meurent plus d'infarctus, quand même, deux fois plus que les hommes.
04:18 Pourquoi ? Parce qu'elles sont moins bien prises en charge.
04:20 Une heure de retard pour arriver aux urgences.
04:22 Et une fois arrivées aux urgences, là encore,
04:25 même le corps médical ne les prend pas bien en charge.
04:27 Il y a encore une heure de retard sur la prise en charge,
04:30 une fois qu'elles sont aux urgences.
04:31 Donc, vous voyez, il y a une étude américaine qui a montré aussi
04:34 que pour un arrêt cardiaque,
04:35 les femmes sont deux fois moins réanimées que les hommes.
04:38 On ne pense pas... Enfin, c'est un truc de fou.
04:41 Une femme qui arrive avec une douleur dans la poitrine,
04:43 on va lui dire "prenez un calmant, détendez-vous, c'est du stress".
04:46 On ne va pas penser à lui faire un électrocardiogramme.
04:48 Enfin, vous voyez jusqu'où ça va.
04:50 Les clichés ont vraiment la vie dure du point de vue de la santé
04:53 et de la différence de prise en charge entre les hommes et les femmes.
04:56 À l'inverse, pareil pour des maladies chez les hommes, moins graves.
04:59 Mais l'ostéoporose, c'est-à-dire une densité osseuse
05:04 un peu moindre, fragile, qui entraîne des fractures.
05:06 C'est plus fréquent chez les femmes, mais ça arrive aussi chez les hommes.
05:10 Et on n'y pense pas.
05:11 Mais un tiers des fractures du col du fémur chez l'homme
05:14 sont liées à de l'ostéoporose.
05:16 Donc, vous voyez, c'est important quand même d'y prendre en charge.
05:19 Après, je vous le disais au début, il y a aussi des maladies comportementales.
05:22 On sait qu'il y a trois fois plus de cirrhose chez les hommes que chez les femmes.
05:28 Voilà, parce qu'ils se mettent à boire, évidemment.
05:31 Après, pour les maladies comportementales,
05:34 il y avait beaucoup plus de problèmes de cancer du poumon
05:37 et de cancer lié au tabac en général chez les hommes que chez les femmes.
05:41 Mais comme les comportements changent et qu'elles sont en train de fumer
05:45 de plus en plus, de rattraper les hommes, les chiffres aussi suivent.
05:48 Et il y a plus de cancer du poumon, pas plus.
05:50 Il y en a toujours moins, mais ça monte énormément chez les femmes.
05:54 Donc, vous voyez, il y a tous ces choses-là qui font des différences importantes.
05:59 Et puis après, il y a une chose dont je voulais parler, dont on ne parle pas trop.
06:03 C'est la recherche.
06:04 La recherche, imaginez-vous que jusqu'en 93,
06:07 et c'est le Congrès américain qui avait changé tout ça,
06:09 eh bien, il n'y avait pas de recherche, pas d'essai clinique,
06:13 ni dans les minorités ethniques, ni chez les femmes.
06:17 On ne testait que chez le mâle blanc.
06:20 Ça a un peu changé, mais ça reste encore très difficile.
06:24 Il y a très peu de femmes dans les essais cliniques, toujours.
06:26 Alors après, les raisons, elles se comprennent un petit peu,
06:31 mais il faudrait quand même adapter les essais cliniques aussi aux femmes.
06:35 Pour vous dire le ridicule de la chose, il y avait un essai sur un médicament,
06:39 un Viagra féminin, eh bien, il a été testé chez les hommes, le Viagra féminin.
06:43 On marche un peu sur la tête.
06:46 Après, ça peut se comprendre aussi parce qu'il y a
06:49 testé un médicament, notamment dans les premières phases de toxicité,
06:54 savoir si ça peut avoir une toxicité sur le futur fœtus,
06:57 savoir aussi que quand on a des cycles hormonaux,
07:00 ça peut interférer aussi.
07:02 Il y a tout un tas de choses, mais on peut aussi tenir compte
07:05 de tous ces éléments et quand même tester les médicaments
07:09 chez les hommes ou chez les femmes.
07:10 Notamment, on sait qu'on n'a pas la même corpulence et mettre la même dose
07:13 de médicament pour un homme qui a une masse
07:17 corporelle beaucoup plus importante que chez les femmes.
07:19 Peut-être pas, d'ailleurs, ça avait été fait pour un somnifère.
07:22 Ça avait soulevé un tollé incroyable, un somnifère où on avait décidé
07:25 de baisser la dose par deux pour les femmes.
07:28 Et les femmes s'étaient rebellées comment ?
07:29 Mais nous sommes des hommes comme les autres.
07:32 Les femmes, et bien non, les femmes ne sont pas des hommes comme les autres.
07:35 Donc, on voit ces différences, elles existent.
07:38 Et les clichés aussi ont la vie dure.
07:40 [Musique]
07:44 [SILENCE]