Politique par anticipation : «Nous vivons une époque prévisible»

  • l’année dernière

Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il s'intéresse aux prévisions politiques et à un document exceptionnel de René Barjavel en 1947.

Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages
Transcript
00:00 Capitaine Marleau, nous serons avec José Daillon, mais d'abord c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:04 Bonjour Bruno !
00:05 Bonjour Philippe !
00:06 Tous les jours Bruno, vous décortiquez ici les obsessions médiatiques, et ce matin vous avez choisi de vous pencher sur la grande passion qu'entretient la télévision pour l'anticipation, car vous nous avez apporté une merveilleuse trouvaille.
00:18 Oui, alors ça n'a pas pu vous échapper Philippe, la télé est un média pressé, pressé de savoir ce que l'avenir nous réserve et d'essayer de l'anticiper.
00:26 Voilà pourquoi elle est toujours incroyablement prompte à faire des plans sur la comète.
00:31 Hier par exemple, la télé voulait absolument savoir quelle issue allait bien pouvoir prendre cette satanée réforme des retraites.
00:39 Alors, sur ces news, Pascal Praud a émis l'hypothèse d'une adoption au forceps.
00:44 Vous pensez qu'on va tous passer en 49.3 ?
00:46 Sur France 2, Julien Bugier a fait la même chose.
00:48 La question maintenant est de savoir si le gouvernement va passer en force ou non.
00:52 Tandis que sur BFM TV, Benjamin Duhamel spéculait sur les conséquences d'un rejet du texte par l'Assemblée Nationale.
00:59 Emmanuel Macron a très clairement fait planer la menace d'une dissolution en cas de vote négatif demain.
01:04 Bref, toute la journée, la télé a tenté de prendre de l'avance, au point que, en pleine conférence de presse,
01:10 le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a même dû prévenir très catégoriquement les journalistes.
01:15 Je ne vais pas me prêter à l'exercice auquel je vous vois tous prêts à me confronter, qui est l'exercice du "et si, et si, et si".
01:21 Voilà.
01:22 Alors, cette grande journée d'anticipation politique m'a rappelé un souvenir.
01:26 Car la passion de la télévision pour la prédiction du futur n'est pas neuve.
01:30 Et pour en apporter ici la démonstration, je vous ai dégoté, Philippe, un document merveilleux.
01:35 Car figurez-vous qu'en 1947, juste après la guerre, la télévision avait demandé à René Barjavel,
01:43 qui était un écrivain très connu pour ses romans d'anticipation justement, d'essayer d'imaginer le futur.
01:49 Elle lui avait proposé de réaliser un reportage dans lequel il pourrait donner libre cours à sa vision du siècle prochain.
01:55 Et ce que René Barjavel prédisait en 1947 est tout simplement prodigieux.
02:00 Saisissant, troublant de réalité avec ce que nous connaissons pour de bon aujourd'hui.
02:05 Car pratiquement tout y était.
02:07 Par exemple, Barjavel avait parfaitement su prédire l'essor qu'allait prendre la télévision.
02:12 "La télévision sera pour tous un besoin plus impérieux encore qu'aujourd'hui le cinéma ou la radio."
02:16 Mais mieux que ça, Barjavel avait aussi imaginé les progrès technologiques que nous allions connaître.
02:22 Car dans son film, il avait inventé rien de moins que le smartphone.
02:26 "On fera des postes récepteurs de télévision bijoux, des postes de poche, grands comme une lampe électrique."
02:32 Et oui, à l'image, il montrait des petites lampes de poche qu'il avait transformées en écrans portatifs.
02:37 Des écrans que tous les figurants tenaient avidement à la main tandis qu'ils marchaient dans la rue
02:42 avec cet air agarre et absorbé que nous connaissons tous si bien aujourd'hui.
02:46 "Et la rue présentera un singulier spectacle."
02:49 Et devinez un peu, ceux qui regardaient ces passants sur leur lampe de poche iPhone,
02:54 eh bien ils regardaient des chaînes info.
02:56 "Plus besoin d'acheter un journal, on se branchera sur l'émission d'information ou sur l'éditorial politique."
03:01 Mais attention, René Barjavel avait également vu venir les réseaux sociaux.
03:05 "Naturellement, dans le métro, on lira le poste du voisin par-dessus son épaule."
03:09 Ou encore les applications de rencontres, Tinder et même les amours virtuels.
03:14 "Et la petite provinciale romantique n'aura pas besoin de venir à Paris pour y rencontrer son idole.
03:19 Elle l'aura sur sa table de nuit."
03:21 Alors malheureusement, Barjavel n'a rien dit.
03:24 Pas un mot à propos de la réforme des retraites du 49-3 ou de la dissolution de l'Assemblée Nationale.
03:29 En revanche, il avait parfaitement vu venir les affres de ce que l'on nomme aujourd'hui la politique spectacle.
03:35 "Les ministres de demain, au lieu d'être choisis comme ceux d'aujourd'hui pour leur valeur, leur intelligence,
03:40 leur dévouement à la cause publique, seront choisis pour la séduction de leur sourire et le velouté de leurs yeux."
03:47 Alors voilà, tout ceci a été imaginé il y a 76 ans, bien avant l'omniprésence des écrans dans notre vie,
03:54 bien avant la 5ème République, avant même que nos chers politiques ne se filment tous les jours sur TikTok.
04:00 Nous vivons, cher Philippe, une époque prévisible.
04:03 Incroyable !
04:05 1947, Barjavel. Merci beaucoup, Bruno Donnet 2023.

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