Ce jeudi 16 mars, le député Liot, Charles de Courson, présente la motion de censure de son groupe. Pour rappel, le gouvernement avait déclenché l'utilisation du 49.3 pour faire passer en force la réforme des retraites.
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00:00 Madame la Présidente, Madame la Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Madame
00:17 la Présidente de la Commission, Madame la Rapporteure Générale, mes chers collègues.
00:20 Le groupe Lyott a pris l'initiative de cette motion de censure parce que nous défendons
00:26 plusieurs valeurs qui sont attaquées par ce texte sur les retraites.
00:30 Nous défendons une nation française décentralisée politiquement mais aussi socialement.
00:35 Nous défendons une société solidaire qui aide chaque citoyen à trouver sa place,
00:41 une république sociale telle qu'elle est inscrite dans notre Constitution.
00:44 Nous défendons aussi une société libre qui permet à chacun de choisir sa vie, y compris
00:51 le moment de sa retraite.
00:52 Au début de l'examen du projet de loi sur les retraites, nous avons parlé de déni
00:59 de démocratie.
01:00 Depuis, le gouvernement a usé de toutes les manœuvres possibles pour contourner et contraindre
01:06 le débat parlementaire pour tordre les procédures.
01:08 L'Assemblée nationale, seule représentante du peuple français, n'aura jamais voté
01:14 sur ce projet de loi qui cristallise les tensions, les inquiétudes et la calère de nos concitoyens.
01:20 Je veux insister sur la gravité de cet instant.
01:30 Notre décision de déposer une motion de censure n'a pas été prise à la légère.
01:35 Notre égroupe vous avait mis en garde contre la tentation de passage en force.
01:40 Dès l'automne, nous avons appelé à de vraies négociations avec les partenaires
01:45 sociaux.
01:46 Nous avons appelé à une grande conférence sociale sur le travail et le financement
01:50 du système de retraite.
01:52 Nous avons toujours joué le jeu de l'écoute et du dialogue.
01:55 Notre groupe n'a d'ailleurs pas voté jusqu'à ce jour les précédentes motions
01:59 de censure.
02:00 Nous avons pris toute notre part pour éviter de fracturer notre pays, plus qu'il ne l'est
02:05 déjà.
02:06 Mais ce texte a marqué la mort des engagements pris en juillet dernier.
02:11 Madame la Première Ministre, relire aujourd'hui votre discours de politique générale est
02:17 cruel.
02:18 Je vous cite.
02:20 « Nous mènerons pour chaque sujet une concertation dense.
02:24 Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d'ouverture.
02:30 » Eh bien, vous avez échoué à rassembler, vous avez échoué à convaincre, alors vous
02:36 avez cédé à la facilité et évité la sanction du vote.
02:40 D'autant qu'en réalité, rien ne vous obligeait au 49-3.
02:53 Le courage, le respect des institutions, le respect de vos engagements auraient dû conduire
02:58 au vote.
02:59 Nous voulions voter.
03:00 Même les groupes de la majorité voulaient voter.
03:03 Ce vote, vous l'auriez très probablement perdu.
03:06 Mais c'est la règle en démocratie.
03:09 Madame la Première Ministre, vous avez décidé d'engager votre responsabilité.
03:22 Eh bien nous, nous avons décidé de prendre les nôtres avec cette motion de ceinture.
03:27 Et pour la déposer, nous avons reçu le concours de nombreux députés d'autres groupes politiques.
03:33 Et je tiens ici à tous les remercier.
03:36 Nous avons déposé cette motion de censure car vous avez clairement détourné l'esprit
03:44 de la Constitution.
03:45 Vous avez fait le choix tout d'abord de recourir à cette fausse loi de financement rectificatif
03:51 de la sécurité sociale dès janvier, alors même que la loi initiale était à peine votée.
03:56 La note du Conseil d'État ne nous a pas été transmise.
04:00 Nous savons que certains des articles du texte sont de véritables cavaliers sociaux.
04:04 C'est le cas notamment de l'index senior, de dispositions relatives à la pénibilité
04:09 ou à la GIRC-ARCO.
04:12 Ce que je dis ici n'est ni anecdotique ni technique.
04:18 Vous avez délibérément choisi cette procédure pour préparer un éventuel passage en force.
04:22 Une procédure qui facilite le recours à un 11e 49-3 en un an.
04:28 Une procédure qui encadre et contraint les délais d'examen, rendant impossible tout
04:34 débat serein et approfondi.
04:36 Résultat, l'Assemblée nationale n'a examiné que deux articles.
04:40 Elle a d'ailleurs à une large majorité rejeté l'article 2, malgré tout transmis
04:45 au Sénat par le gouvernement.
04:46 Au Sénat justement, vous avez fait le choix de recourir au vote bloqué du 44-3 pour écourter
04:53 les débats.
04:54 Et tout cela pour in fine nous priver d'un vote sur le texte issu de la CMP.
04:59 Comment accepter un tel mépris du Parlement ?
05:02 Comment accepter de telles conditions d'examen sur un texte qui aura des incidences durables
05:07 sur la vie de millions de nos compatriotes ?
05:10 Si notre notion venait à être rejetée, nous euserions de la dernière arme le recours
05:23 au Conseil constitutionnel.
05:25 Celui-là tranchera en droit.
05:27 Et de nous promettre, je le cite, « Oserais-je par ailleurs vous rappeler que ce projet de
05:35 réforme des retraites n'a pas de délégitimité démocratique ? ».
05:39 Contrairement à ce que dit le Président de la République, les Français ne l'ont
05:42 pas élu pour repousser à 64 ou 65 ans l'âge légal de départ à la retraite.
05:47 Beaucoup d'entre nous ont voté pour lui au second tour par défaut.
05:51 Quant aux élections législatives, au premier tour, seuls 13% du corps électoral ont voté
05:57 pour des candidats soutenus par le Président de la République.
05:59 Et au second tour, vous n'avez obtenu que 250 sièges pour former ici une minorité
06:06 présidentielle.
06:07 Alors qu'il fallait un vrai dialogue avec les forces politiques et les partenaires
06:14 sociaux, vous n'avez proposé aux organisations syndicales qu'un semblant de concertation,
06:20 ajoutant au déni de démocratie politique un déni de démocratie sociale.
06:25 Le Président Macron, après sa réélection, reconnaissait que « nombre de Français
06:32 avaient voté pour lui, non pour son programme, mais pour faire borrage à l'extrême droite
06:36 ». Et de nous promettre, je le cite « J'ai conscience que ce vote m'oblige pour les
06:42 années à venir ». Qu'est-il advenu de cette promesse ? Qu'en est-il du fond de
06:48 cette réforme ?
06:49 Rappelons que ce projet de loi a été vendu autour de deux arguments, la justice sociale
06:54 et le financement durable de notre système de retraite.
06:57 Votre premier argument ne tient pas.
07:00 Vous le savez, au fond de vous, le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans cristallise
07:05 en réalité toutes les injustices.
07:07 Les 17,7 milliards d'euros d'économies attendues sont essentiellement portés par
07:12 les plus modestes.
07:13 Ils portent sur ceux qui auront à travailler plus sans voir leurs pensions progresser,
07:19 sur ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui exercent souvent des emplois pénibles,
07:23 et qui ont des carrières hachées, et donc principalement les femmes.
07:28 Ce sont toutes ces personnes qui ont été peu reconnues lors de la crise sanitaire et
07:35 qui subissent maintenant l'inflation de plein fouet.
07:38 Cette réforme augmentera la précarité de nos compatriotes qui, après 55 ans, sont
07:44 souvent, hélas, déjà poussés vers la sortie, le chômage ou le RSA.
07:48 Conscients des inégalités que vous aggravez, vous avez tenté d'atténuer l'injustice
07:53 de votre projet en introduisant des mesures "cache-misère", mal calibrées, quitte
07:58 à aboutir à des usines à gaz.
08:00 La promesse de pension minimum à 1 200 euros pour tous n'est qu'une illusion, voire
08:04 un mensonge révélé, par l'obstination de plusieurs de nos collègues à demander
08:08 la vérité.
08:09 Après nous avoir dit qu'ils n'avaient aucun compte à nous rendre, le ministre
08:14 a reconnu que la mesure ne toucherait pas 200 000 bénéficiaires, mais entre 10 000
08:19 et 20 000 personnes chaque année.
08:21 Autre tour de passe-passe, celle de faire croire que nos concitoyens qui ont commencé
08:26 à travailler avant 21 ans ne cotiseraient jamais plus de 43 ans.
08:30 Tout ceci est faux.
08:31 Les conditions pour bénéficier du dispositif carrière longue sont bien plus complexes.
08:36 La réalité, c'est que dans deux tiers des cas, ces personnes devront cotiser plus
08:40 de 43 annuités.
08:41 J'en viens à présent à votre deuxième argument, le redressement des comptes de la
08:50 branche retraite.
08:51 Avant tout, je rappellerai les insuffisances de l'étude d'impact qui ne permet pas
08:55 de mesurer les incidences exactes de cette réforme.
08:58 L'incéssérité budgétaire de ce texte doit être soulignée.
09:02 Ainsi, les 17,7 milliards d'économies ne tiennent pas compte des effets dus à l'accroissement
09:07 des dépenses sur l'assurance maladie, le RSA, les allocations chômage, l'invalidité
09:12 que les spécialistes estiment entre le tiers et le quart des économies à réaliser.
09:16 Et à l'usine de l'accord trouvé en CMP, les dépenses supplémentaires s'élèvent
09:21 à un peu plus de 7 milliards.
09:22 Tout cela, mis bout à bout, il est permis de penser que votre réforme ne pourrait finalement
09:27 aboutir qu'à 1 milliard d'économies par an d'ici 2030.
09:30 Une France au bord du précipice pour 1 milliard.
09:34 La priorité serait plutôt de s'attaquer, Monsieur le Ministre, du budget au déficit
09:39 de 155 milliards du budget de l'État.
09:42 Ainsi, non seulement vous n'arrivez pas à atténuer l'injustice de cette réforme,
09:48 mais par ailleurs vous n'assurez pas non plus l'équilibre du système de retraite.
09:52 C'est bien qu'au final on s'interroge tout ça pour ça.
09:55 Le président de la République invente un dernier argument.
09:58 Il faudrait imposer la rigueur budgétaire pour ne pas perdre la crédibilité de la
10:02 France sur les marchés financiers.
10:03 Mais c'est précisément le recours au 49-3 et la crise politique et sociale qu'il
10:08 faut qui peut affoler les marchés et faire exploser le coût de notre dette.
10:13 Madame la Première Ministre, nous avons proposé une porte de sortie, retirer votre projet
10:19 et nous remettre au travail.
10:21 Aujourd'hui, je vais vous dire notre inquiétude.
10:24 Nous voyons un pays qui se déchire, des institutions bloquées, une démocratie en danger.
10:30 Aujourd'hui, nous avons besoin de retrouver le chemin de l'écoute, du dialogue, du respect
10:37 de nos concitoyens.
10:38 Je vous remercie.
10:41 (Applaudissements)