Comment la France a laissé mourir ses ports

  • l’année dernière

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie

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Transcription
00:00 - Chanteur, imitateur... - Emmanuel Ducrox du journal l'Opinion, c'est à vous Emmanuel. Troisième jour de grève ce jeudi dans les ports de marchandises
00:06 français contre la réforme des retraites, des opérations qui s'appellent "Port mort".
00:09 Alors c'est devenu un peu de la routine depuis le début du conflit social Emmanuel.
00:13 Seulement ces opérations "Port mort" s'intensifient. - Et autant vous le dire, elles portent bien leur nom.
00:19 Pas seulement pour ce qui se passe dans le cadre de ce conflit social, "Port mort" aussi
00:24 pour le mal que ça fait aux ports français. Alors la France compte sept grands ports maritimes
00:29 Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes, Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux et Marseille. Je fais une interro après.
00:34 Ils ont petit à petit disparu des classements mondiaux et même européens.
00:38 Dans un monde dominé par les ports asiatiques, Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brême, Valence, eux s'en tirent bien.
00:43 Un seul port français figure dans le top 100 mondial du trafic de conteneurs, c'est celui du Havre. Il est au 68e rang.
00:50 C'est quand même dommage pour un pays qui compte 1000 kilomètres de littoral, une histoire dense de la marine marchande et qui a le deuxième
00:57 domaine maritime au monde. - Mais alors comment on explique cette faillite portuaire, Emmanuelle ?
01:00 - Alors un petit indice. La Banque mondiale tient un classement des 370 infrastructures portuaires dans le monde en fonction
01:06 du temps de chargement et de déchargement des navires. Les ports français brillent par leur inefficacité. Le port de Bordeaux figure à la
01:13 228e place, c'est le mieux noté, celui du Havre est 292e. Marseille, 315e.
01:20 Nos ports ont été sous-investis pendant longtemps, ils sont vieillots et puis ils sont bloqués à chaque conflit.
01:25 Les clients maltraités sont allés voir ailleurs. C'est dur à rattraper, une route maritime qui se détourne.
01:30 Les chaînes logistiques, ça ne se change pas comme ça en un clin d'œil. - Alors on avait pourtant
01:33 tenté il y a quelques années de redresser la barre. - Oui, il y avait eu de gros efforts très louables,
01:37 notamment un plan d'investissement en 2018. Ça allait même mieux au sortir de la crise sanitaire.
01:43 Nos ports avaient repris du poil de la bête. En 2021, ils avaient enregistré de fortes croissances
01:47 de leur trafic, notamment le port du Havre, il s'appelle Aropa.
01:52 25% d'activité en plus, c'était plus que la reprise globale du trafic. Il avait beaucoup modernisé ses infrastructures, ça payait.
01:59 Et puis patatra, guerre en Ukraine et maintenant mouvements sociaux.
02:02 Autant vous dire que le trafic déjà compliqué, qui connaît des à-coups à cause des grèves, des blocages, c'est dévastateur.
02:09 Ce sont des clients qui s'en vont et qui ne reviennent pas. Et ça s'appelle une belle occasion sabotée.
02:13 - Et la grève des dockers, par ailleurs, c'était vraiment une passion française.
02:17 - Surtout dans un monde portuaire où la CGT est en position dominante.
02:20 La propension française à la grève portuaire explique une bonne part de nos déboires, de la difficulté à moderniser, à décarboner,
02:27 à la manutention aléatoire. Tout ça est sujet à conflit.
02:31 C'est pas simplement une vue de l'esprit ou un dénigrement gratuit de la lutte sociale, ça fait partie de la réputation
02:36 mondiale des ports français. Ils ont le piqué de grève facile.
02:39 Je me suis appuyée pour cette chronique sur une enquête réalisée il y a deux ans par le très intéressant
02:44 Journal de la marine marchande, qui raconte comment ça se passe ailleurs, dans les ports concurrents en Europe. Alors des grèves, il y en a.
02:50 Dans les ports belges, aux Pays-Bas, il y en a aussi, mais elles sont circonscrites aux revendications au sein d'une entreprise, jamais sur le port.
02:57 En Allemagne, la grève politique dans les ports est interdite.
03:00 Elle n'est autorisée que pour ce qui concerne strictement le travail des dockers.
03:04 En Espagne, les grèves se font très très rare depuis 2017. Et une réforme des procédures d'embauche des dockers,
03:10 eh bien le résultat de tout ça, c'est un gâchis de nos atouts, une concurrence qui s'accroît.
03:16 Retenez ce chiffre, un container sur deux destiné à la France, transite désormais par un autre port européen.
03:23 - Ah, chiffre quand même éloquent. Merci beaucoup Emmanuel Ducrot pour votre chronique. On vous retrouve avec plaisir dès lundi.
03:29 Merci beaucoup Emmanuel. Demain, c'est Eugénie Bastier qui sera à votre place pour sa revue de précepto "Des idées".

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