Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 Emmanuel Ducrox du journal l'Opinion, alors vous nous parlez ce matin de la filière œuf, ça va pas fort, la France était...
00:05 - C'est Pâques !
00:06 - Oui, effectivement, oui, joli ! La France était le numéro 1 européen des œufs en 2021,
00:11 15 milliards de produits sur le sol français, c'est-à-dire 15% de la production de l'Union Européenne,
00:16 et bien voilà que cette place est menacée aujourd'hui, ça va pas fort !
00:20 - La production française d'œufs a décroché en 2022, c'est ce que raconte un article très intéressant
00:24 qui a apparu il y a quelques jours dans la France agricole, une baisse de 8% en un an et même de 11%
00:30 pour les œufs issus de poules élevées en cage, un effondrement, alors que c'était un secteur qui se portait plutôt bien.
00:36 Avant cette crise à elle seule, la France représentait 28% de la production d'œufs de plein air pour l'Europe
00:41 et 30% de la production bio.
00:43 - Mais qu'est-ce qui s'est passé, Emmanuel, pour que la production s'écroule ainsi ?
00:47 - C'est essentiellement dû à la grippe aviaire qui a frappé la France.
00:49 Ça a nécessité des vides sanitaires répétés dans l'ouest du pays, notamment entre octobre 2021 et juillet 2022,
00:56 3 millions de poules Pond2 sur 57 millions ont été abattues.
01:00 - Voilà, quel carnage ! Et ça a frappé un secteur qui était financièrement en plus déjà fragilisé.
01:04 - Et oui, parce qu'il a dû faire beaucoup d'investissements ces dernières années.
01:07 Alors d'abord pour éliminer progressivement les cages dans les élevages,
01:11 se réorganiser depuis l'interdiction du broyage des poussins mâles,
01:14 alors ça c'est des très bonnes nouvelles pour le bien-être animal, un vrai progrès,
01:17 mais ça aussi a été très coûteux.
01:19 Et puis les éleveurs ont vu les coûts de production flambées avec la hausse des céréales,
01:23 multipliées par 2 à la mi-2022, et ils ont du mal à rentrer dans leurs frais.
01:27 Parce que les consommateurs, vous, moi, on est très heureux qu'on élimine les cages,
01:32 mais on ne veut pas payer les œufs plus chers pour autant.
01:35 À la caisse, le coût des exigences éthiques semble soudain très lourd,
01:39 et puis il y a la pression des normes, les critiques sociétales,
01:42 résultat, pas mal d'éleveurs de poules ont littéralement jeté l'éponge.
01:45 - Et pourtant les Français des œufs, ils en mangent, la consommation française se porte très bien.
01:49 - Elle est en hausse de 20% sur un an, certaines gammes,
01:52 comme les œufs de poules élevés au sol, se portent extrêmement bien.
01:55 L'œuf, c'est une bonne protéine, pas cher, une production anti-crise en période d'inflation.
02:01 - Alors comment ça se traduit cette chute de la production française d'œufs ?
02:05 - Eh bien brutalement. La France était ostosuffisante en œufs depuis une dizaine d'années, c'est fini.
02:10 Elle ne produit plus assez d'œufs pour sa propre consommation.
02:13 Les importations ont bondi de 48% en un an, essentiellement depuis l'Espagne,
02:18 mais aussi depuis la Pologne, plus 522% d'importations de Polonais.
02:23 La France exportait des œufs, et ça aussi, ça s'est réduit comme peau de chagrin.
02:27 En un an, les ventes en volume de nos œufs hors de nos frontières ont chuté de 40% pour les œufs en coquille
02:33 et de 3,6% pour les ovoproduits. Alors ça c'est les préparations à base d'œufs pour l'agroalimentaire.
02:39 Résultat, notre balance commerciale qui était excédentaire a plongé dans le rouge en 2022,
02:44 100 millions d'euros de ventes de perdus en un an.
02:47 - Et encore un poste de perte de souveraineté alimentaire, mais vous nous dites que c'est encore pire que ça ?
02:51 - Une production qui baisse, une consommation qui augmente, il n'y a pas de secret, on se fournit ailleurs.
02:56 Ironie de l'histoire, on importe les œufs produits selon les méthodes qu'on ne veut plus chez nous,
03:00 c'est-à-dire pondus dans des cages, et c'est-à-dire ne respectant pas l'interdiction de broyage des poussins mâles.
03:07 Notre production vertueuse n'a pas été respectée dans son propre pays, elle est désormais saccagée,
03:13 et elle laisse ce place à bien pire, ça nous coûte en plus très cher économiquement.
03:17 On a donc cassé les œufs et on n'a même pas l'omelette.
03:21 - Signature Emmanuel Ducrot du journal Opinion, merci beaucoup Emmanuel.