L'interview intégrale d'Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’IGPN

  • l’année dernière
Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’IGPN, était l'invitée de BFMTV ce dimanche soir pour parler du travail de l'Inspection générale de la police nationale, notamment dans le contexte des manifestations contre la réforme des retraites.
Transcript
00:00 Bonsoir Agnès Thibault-Lecuivre.
00:01 - Bonsoir.
00:02 - Merci beaucoup d'être avec nous, d'avoir accepté notre invitation.
00:04 C'est votre première interview, me semble-t-il.
00:06 Merci d'être avec nous ce soir.
00:08 Vous êtes la chef de l'Inspection générale de la police nationale,
00:12 la police des polices, c'est vous, ce sont vos équipes
00:15 qui enquêtent sur les accusations de violences policières,
00:17 notamment évidemment dans le contexte des manifestations
00:20 contre la réforme des retraites.
00:21 Je salue également Cécile Olivier qui est là ce soir.
00:23 Bonsoir Cécile.
00:24 Chef du service Police Justice de BFMTV,
00:26 elle est évidemment à mes côtés pour vous interroger ce soir.
00:29 D'abord une question de chiffres, combien avez-vous reçu de plaintes
00:33 ou combien d'affaires êtes-vous saisies depuis le début de ce mouvement
00:37 contre la réforme des retraites ?
00:39 - Je vais répondre à cette question bien sûr,
00:41 mais d'abord vous remercier de cette invitation
00:44 parce qu'il me semble particulièrement important
00:48 qu'à travers cette prise de parole,
00:51 je puisse en tant que patronne de l'IGPN témoigner
00:54 de ce que la transparence n'est pas un vingt mots.
00:58 On travaille et les enquêteurs travaillent
01:01 avec la plus grande rigueur qui s'impose,
01:04 avec toute l'exemplarité et on entend beaucoup de choses
01:08 sur l'Inspection Générale de la Police Nationale.
01:09 - Et on va vous montrer ce soir évidemment un certain nombre d'images
01:11 qui font réagir.
01:12 - Voilà, on entend beaucoup de choses,
01:13 il y a certaines idées préconçues, certains fantasmes parfois,
01:18 certaines images qui sont véhiculées dans la fiction,
01:20 séries policières notamment,
01:22 et l'IGPN, ce que c'est réellement,
01:25 parfois c'est vrai que les enquêteurs ne s'y retrouvent pas.
01:29 Au-delà des enquêteurs,
01:30 l'ensemble des agents de l'Inspection Générale de la Police Nationale,
01:32 parce que nous avons une fonction d'enquête,
01:35 nous avons aussi une fonction d'inspection, d'audit, de contrôle,
01:38 des visites surprises dans les commissariats,
01:40 des contrôles inopinés pour vérifier que le bon accueil
01:43 des victimes puisse être assuré,
01:45 et nous avons enfin une mission d'accompagnement,
01:48 de soutien au service des policiers.
01:49 - On va parler de tout ça, c'est le but évidemment de cette interview,
01:51 de savoir comment vous bossez,
01:52 mais simplement je reviens aux manifestations contre les retraites
01:54 qui ont démarré le 19 janvier.
01:56 Combien de fois vous avez été saisie depuis ?
01:58 - Je réponds donc à cette question.
02:00 Depuis le 19 janvier, premier jour des journées nationales d'action,
02:04 nous avons eu 17 procédures judiciaires.
02:08 Je tiens immédiatement à préciser que ce chiffre est par définition évolutif,
02:14 puisque nous sommes saisis par l'autorité judiciaire,
02:18 soit d'initiative de l'autorité judiciaire,
02:22 après par exemple une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux,
02:25 ou une vidéo que nous aurions reçue sur la plateforme de signalement
02:29 et que nous transmettons à l'autorité judiciaire,
02:31 ou encore d'une plainte, voilà.
02:33 Donc ce chiffre, aujourd'hui à 7h, est de 17.
02:36 - Ce chiffre m'interpelle, 17 depuis le 19 janvier,
02:39 parce qu'on sait que depuis jeudi dernier simplement,
02:42 on est à une douzaine d'enquêtes ouvertes et de saisies de l'IGPN.
02:47 Ça veut dire qu'il est en train de se passer quelque chose
02:49 depuis une semaine que vous n'aviez pas vu depuis le début de ce mouvement,
02:53 ou beaucoup moins vu que depuis le début de ce mouvement ?
02:56 Je vais vous poser la question autrement,
02:57 est-ce que vous avez le sentiment que les choses ont dégénéré depuis une semaine ?
03:00 - Forcé de constater, et je ne répondrai que dans les compétences
03:05 qui sont les miennes au titre de l'Inspection générale de la police nationale,
03:10 qu'il y a eu un changement, avec un changement de nature,
03:15 d'individus particulièrement radicalisés,
03:17 qui n'étaient pas sur les premières journées nationales d'action.
03:20 Donc, de facto, ce changement de nature, ce changement d'atmosphère,
03:25 cette radicalisation, nous la retrouvons dans nos saisines.
03:28 - Ça veut dire que plus de tensions dans les cortèges,
03:32 veut dire aussi plus d'accusations de violences policières ?
03:36 - Je pense que ce n'est pas ainsi qu'il faut raisonner.
03:39 Vous avez des forces qui sont sur le terrain,
03:46 dans le cadre du schéma national du maintien de l'ordre,
03:49 et qui agissent en toutes circonstances avec le même code de déontologie
03:54 qui s'impose à tous, et qui agissent, encore une fois,
03:59 en fonction des règles, des comportements qu'ils doivent avoir.
04:02 Ces comportements, c'est quoi ?
04:03 C'est le code de déontologie, le port du RIO, le numéro de matricule,
04:09 l'identification, c'est la façon dont vous vous adressez à une personne,
04:17 c'est le comportement de manière générale.
04:18 - Alors, pardon, je vous coupe, mais là, forcément, Cécile,
04:21 il faut qu'on revienne sur cet enregistrement
04:23 qui a beaucoup fait parler depuis 48 heures maintenant.
04:25 On replace le contexte, Cécile, de cet enregistrement
04:28 que l'on va entendre dans une seconde ?
04:29 - Voilà, ce sont un groupe de jeunes gens qui sont arrêtés
04:33 par une unité qui fait beaucoup parler d'elles, la Brave M,
04:37 et qui sont arrêtés, et vous disiez qu'il y a une façon de s'adresser aux gens.
04:41 Écoutez, on va écouter cet enregistrement,
04:44 on va voir comment ils parlent à ces jeunes.
04:45 - On écoute.
04:47 - Efface ton sourire.
04:48 Efface ton sourire.
04:49 Efface ton sourire.
04:51 Efface ton sourire.
04:52 - Tu la fermes ou tu la fermes ?
04:55 - J'en suis sur tes potes !
04:56 - Tu la fermes ou tu la remets ?
04:57 - Je ne ferme pas.
04:59 - Si tu ne fermes pas, tu commences à bégayer,
05:00 tu en remets peut-être une, non ? Pour te remettre la mâche à droite.
05:03 - Je peux te dire que si tu veux en veiller dans la rue,
05:04 tu vas avec ton cardio, mon gars.
05:06 Tu as traversé la rue, tu es au-dessus.
05:07 - Moi, je suis chaud.
05:08 - Tu sais que tu as une sacrée tête à claques, quand même.
05:12 - Tout à l'heure, on est arrivé, tu as bondé vers l'intérieur,
05:14 on ne t'avait plus de pic d'oeuvre.
05:16 - Ne t'inquiète pas, ta petite tête, on l'a déjà en photo.
05:19 Tu as juste à te repointer dans la rue la prochaine fois.
05:22 Je peux te dire que nous, les têtes, on est vachement figés, on les retient.
05:24 Ne t'inquiète pas que la prochaine fois qu'on vient,
05:26 tu ne monteras pas dans le car pour aller au commissariat.
05:28 Tu vas monter dans un autre truc qu'on appelle ambulance
05:30 pour aller à l'hôpital.
05:32 Ne t'inquiète pas.
05:33 Vas-y, rigole.
05:34 - On va à 30 km.
05:35 - Eh !
05:36 - Vas-y, rigole.
05:38 - Nous, on tape des Black Box à longueur de journée, mon gars.
05:40 - Je peux te dire qu'ils ont des couilles quand ils viennent.
05:42 Après, ils repartent aller chez leur grand-mère.
05:43 - Ils ramassent leur vent aussi.
05:46 - Voilà, pour ce document qui avait été révélé par l'Obsider et Le Monde,
05:49 quelle est votre première réaction face à ces mots-là des policiers ?
05:51 Encore une fois, ce sont des policiers qui parlent.
05:53 - À titre personnel, comme citoyenne,
05:58 je ne peux qu'être choquée,
06:00 terriblement choquée par ces propos.
06:02 Vous m'invitez aujourd'hui, pas en tant que citoyenne,
06:05 mais comme chef de l'Inspection générale de la police nationale.
06:09 Vous le savez, nous avons été saisis dès vendredi soir
06:12 par le préfet de police d'une enquête administrative
06:14 au titre du devoir de réaction de l'administration
06:17 et depuis hier soir par le parquet de Paris d'une enquête judiciaire.
06:21 Les faits, les faits, rien que les faits, le droit, rien que le droit,
06:25 que ce soit dans le cadre administratif ou dans le cadre judiciaire,
06:28 les enquêteurs, avec toute l'exhaustivité,
06:31 toute la célérité qui s'impose, vont devoir faire quoi ?
06:35 Retranscrire ces propos, auditionner "tout est moins utile",
06:39 identifier quels sont les policiers qui ont tenu les propos.
06:44 - Aujourd'hui, vous n'avez pas de certitude
06:45 que ce sont des policiers de la BRAF-M ?
06:47 - L'enquête est en cours, donc je ne peux pas répondre à cette question.
06:49 - Vous les avez identifiés, ces policiers ?
06:51 - Encore une fois, les investigations sont en cours,
06:53 donc je ne peux pas m'exprimer au-delà.
06:55 Ce que je peux vous indiquer, c'est que,
06:58 à l'Inspection générale de la police nationale,
07:01 nous n'interrompons pas les affaires.
07:02 Je dirais même que ce serait une insulte que de le dire
07:06 vis-à-vis de l'ensemble des femmes et des hommes de cette inspection.
07:09 Une insulte, pourquoi ?
07:10 Parce que, et je le constate depuis plusieurs mois,
07:14 où je suis à la tête de cette inspection,
07:17 ils sont guidés par quoi ?
07:18 Quel est leur seul boussole ?
07:19 C'est bien ce respect de la déontologie.
07:21 - Ça, j'entends bien, que c'est votre boussole, que c'est votre guide.
07:25 Néanmoins, il y a cette saisie, effectivement.
07:27 On sait qu'au moins deux des personnes qui sont sur cet enregistrement
07:30 ont décidé de porter plainte.
07:32 Pour déposer plainte, c'est une information qu'on peut confirmer ce soir,
07:34 plainte qui sera déposée normalement demain.
07:36 Vous disiez à l'instant qu'en tant que citoyenne, vous êtes choqué.
07:38 Qu'est-ce qui vous choque en tant que citoyenne,
07:40 dans ce que vous venez d'entendre ?
07:43 - Comme citoyenne, encore une fois,
07:45 je pense que ce n'est pas comme citoyenne que vous m'invitez,
07:47 mais le ministre de l'Intérieur, tout comme le préfet de police,
07:50 tout comme sur votre antenne à 13h,
07:52 la directrice centrale de la Sécurité publique l'ont dit,
07:56 ce sont des propos inacceptables
07:59 parce que nous sommes dans une société où le savoir-être,
08:02 le savoir-vivre, le respect d'autrui
08:05 doit impérativement toujours et incontestablement
08:09 primer sur tout le reste.
08:10 - Il n'y a pas seulement les propos, le simple fait de tutoyer.
08:14 On entend qu'il tutoie ses jeunes.
08:15 Le simple fait de tutoyer, est-ce que les policiers ont le droit de le faire ?
08:20 - Le code de déontologie que j'évoquais tout à l'heure
08:24 parle de cette question puisque c'est le vouvoiement.
08:28 - La règle.
08:29 - Voilà.
08:30 Après, tout le sujet, on y veille dans nos missions d'inspection générale
08:37 puisque nous ne sommes pas refermés sur nous-mêmes.
08:40 Nous travaillons et nous échangeons avec la défenseur des droits,
08:43 avec le barreau, avec des associations de victimes,
08:46 avec des associations de quartiers
08:49 pour précisément travailler à ce rapprochement police-population.
08:52 Et de fait, je ne peux que vous rejoindre,
08:54 le tutoiement est un des facteurs.
08:57 - Vous parlez de rapprochement police-population,
08:58 on sait évidemment, et vous en parliez au début,
09:00 le contexte dans lequel tout ça s'inscrit,
09:02 de manifestations qui sont tendues, qui sont violentes, etc.
09:05 Mais quand on parle de déontologie, de rapprochement,
09:07 qu'on a en l'espace d'une minute,
09:08 et l'enregistrement fait une vingtaine de minutes,
09:11 le tutoiement, une claque, apparemment, évidemment,
09:13 tout ça mériterait d'être confirmé,
09:14 mais ce sont des soupçons, des soupçons de claques,
09:16 de menaces, d'intimidation, éventuellement pour l'une des personnes,
09:20 on verra ce qu'il y aura dans la plainte,
09:22 mais éventuellement une plainte pour agression sexuelle,
09:24 ou pour une tentative d'agression sexuelle,
09:26 parce qu'il y a eu des gestes de la part des policiers
09:28 qui auraient été particulièrement déplacés.
09:31 Quand vous parlez de confiance de la population,
09:33 ce genre d'événement-là est terrible pour la confiance.
09:36 - Ces abus sont même destructeurs pour l'institution police nationale.
09:41 Je le dis d'autant plus que je suis magistrate
09:43 de l'ordre judiciaire de formation,
09:46 et que ce que je constate, c'est quoi ?
09:48 150 000 policiers, des policiers sur lesquels,
09:53 lorsque nous sommes saisis,
09:54 aussi bien en administratif qu'en judiciaire,
09:57 nous ne laissons rien passer,
09:58 nous menons des enquêtes qui ne sont ni à charge ni à décharge.
10:02 Nous menons des enquêtes, pourquoi ?
10:04 Pour établir si, oui ou non,
10:05 il doit y avoir une proposition de sanction au niveau disciplinaire.
10:09 Si, oui ou non, au titre du concours à la manifestation de la vérité,
10:12 il y a une infraction qui doit être imputable.
10:15 C'est ça toute notre mission.
10:16 Vous avez ces sanctions qui sont prononcées,
10:19 elles jettent l'opprobre sur l'ensemble des autres services de police,
10:23 sur l'ensemble de chacun des policiers de terrain,
10:26 qui eux sont exemplaires.
10:27 Et c'est bien en ça que l'institution,
10:30 quand elle reconnaît qu'elle a failli,
10:32 avec toute l'humilité qui s'impose,
10:34 elle doit gagner en ce sens la confiance
10:36 et ce rapprochement police-population.
10:38 Alors justement, vous parlez des enquêtes,
10:40 une enquête pour ce genre de fait ou même encore plus grave,
10:43 combien de temps elle prend ?
10:45 Et est-ce que, par exemple, ces policiers,
10:47 il y a une autre manifestation mardi,
10:49 est-ce qu'ils vont être sur le terrain pour encadrer les gens mardi ?
10:52 Deux volets par rapport à cette question.
10:56 Encore une fois, le volet administratif, le volet judiciaire.
10:59 Dans le cadre administratif,
11:02 il y a des rapports qui sont sollicités par l'autorité hiérarchique,
11:06 des rapports que nous, nous demandons.
11:08 Dans le cadre judiciaire, des réquisitions judiciaires,
11:13 des auditions, des interpellations, des placements en garde à vue.
11:17 Je disais tout à l'heure qu'on doit travailler
11:20 avec toute la célérité qui s'impose.
11:22 Il n'en demeure pas moins que le climat irruptif,
11:25 une certaine hystérisation qu'on peut entendre.
11:29 Nous, on doit s'en extraire,
11:31 on doit travailler avec toute la sérénité,
11:33 toute la rigueur qui s'impose.
11:35 Et il y a un temps inextricable pour exploiter,
11:38 pour recueillir les témoignages.
11:40 Il ne faut pas confondre la précipitation
11:42 et la rigueur d'une enquête,
11:44 quand bien même elle doit se faire rapidement.
11:46 Oui, mais vous voyez bien que quand il y a des manifestants violents,
11:48 ils sont jugés en comparution immédiate, extrêmement rapidement.
11:52 Et les gens ne comprennent pas que quand il y a des policiers violents,
11:55 ça prend des semaines, des mois, voire des années.
11:57 Il y a un sentiment de point de mesure.
12:01 Je peux vous assurer, vous garantir,
12:04 et l'ensemble des enquêteurs de l'Inspection générale de la police nationale
12:09 pourraient en témoigner que c'est une chose dont je suis convaincue
12:15 et sur laquelle nous devons progresser,
12:17 sur arriver à rendre de manière encore plus rapide que ce que nous le faisons
12:23 aussi bien nos conclusions en administratif,
12:25 et nous, l'IGPN, on dit quoi dans l'enquête administrative ?
12:29 Oui, non, y a-t-il eu manquement ?
12:31 Et si oui, oui, non, doit-il y avoir proposition de sanctions ?
12:34 Des sanctions qui, pour les plus faibles,
12:36 ne passent pas par un conseil de discipline,
12:38 et pour les plus graves, par un conseil de discipline.
12:40 – J'ai une autre image à vous montrer, on parlait de la BRAV-M.
12:43 À l'instant, Brigade qui se déplace à moto dans les rues de Paris, je le rappelle,
12:45 et dont un des hommes se retrouve soupçonné d'avoir mis un coup de poing à un manifestant,
12:49 c'était lundi dernier.
12:51 [Cris de la foule]
13:04 Cette semaine, le préfet de police disait qu'une enquête était donc ouverte,
13:06 vous avez été saisi pour ces faits-là, précisément,
13:09 qu'une enquête était ouverte pour savoir si ce geste était adapté.
13:13 Dans quelles conditions, dans quelles circonstances,
13:16 ce geste-là, ce coup porté par ce policier qui fait tomber ce manifestant,
13:21 ou cette personne, dans quelles conditions est-ce que ce geste-là pourrait être adapté ?
13:26 – Les policiers, en ce qui sont personnes dépositaires de l'autorité publique,
13:32 sont attributaires de cette violence légitime dont on parle souvent.
13:37 Toute la problématique, c'est que toute violence, qu'elle soit légitime ou non,
13:42 est intrinsèquement violente.
13:46 Donc, notre travail, c'est quoi ?
13:48 C'est de déterminer si oui ou non, en contextualisant cette image,
13:53 en essayant de déterminer avec toute image que nous pouvons trouver,
13:57 que ce soit d'éventuelles caméras piétons, dont sont porteurs les policiers,
14:02 ce qui est une vraie progression, que ce soit des images privées,
14:07 des images publiques, toute image que nous devons exploiter,
14:10 en amont comme en aval de la scène, contextualiser,
14:13 encore une fois, comme je vous le disais, les faits, rien que les faits,
14:16 et au vu de la matérialité des faits que nous aurons établi,
14:20 nous mettons les règles de droit en parallèle et nous voyons si oui ou non,
14:24 il y a légitimité. – Là aussi, vous êtes choquée ?
14:25 Devant ces images, vous êtes choquée là aussi ?
14:27 – Là-dessus, je ne pourrais pas m'exprimer autant comme citoyenne
14:31 sur les propos, l'enregistrement de la brave M,
14:34 je peux spontanément vous dire que je suis choquée,
14:37 autant sur cette image-là, j'en suis désolée,
14:39 mais précisément parce qu'il y a une nécessité de contextualiser,
14:42 et c'est tout notre travail dans le cadre de l'enquête judiciaire
14:46 dont nous avons été saisis par le parquet de Paris que de pouvoir le faire.
14:49 – Il y a une expression que le ministère de l'Intérieur, par exemple,
14:53 et même des gens à l'IGPN, refusent d'employer,
14:56 c'est le terme de "violence policière",
14:58 est-ce que vous, vous l'employeriez ce terme ?
15:01 Est-ce que vous le trouvez justifié ?
15:03 Des violences policières, vu ce qu'on vient de voir ?
15:06 – Je n'emploie que les termes qui sont conformes aux textes
15:11 qui guident notre action.
15:12 Ces textes, ce sont quoi ?
15:13 Ce sont le code pénal, le code de procédure pénale,
15:16 le code de la sécurité intérieure, le code de déontologie.
15:19 Oui ou non, une violence par une personne dépositaire
15:24 de l'autorité publique est-elle légitime ou non ?
15:27 – Donc il n'y a pas de violence policière pour vous ?
15:29 – Je pense qu'employer cette expression,
15:33 autrement que sous fond de polémique,
15:36 n'est vraiment pas le sujet nous concernant.
15:38 Nous concernant, c'est quoi ?
15:39 Il y a une violence dépositaire de l'autorité publique,
15:43 qui a cette violence légitime ?
15:44 Oui ou non, est-elle légitime ou illégitime ?
15:47 C'est la seule question.
15:48 – Mais pourtant, on parle de violence conjugale, de violence éducative,
15:52 ça ne veut pas dire que tous les conjoints ou tous les parents sont violents,
15:55 pourquoi ne pas vouloir nommer ce terme ?
15:58 Est-ce qu'il y a un déni ?
16:00 – Je pense que vous l'aurez compris dans mes propos,
16:03 il n'y a absolument pas de déni et tout comportement inacceptable,
16:09 tout abus doit être dénoncé, doit être sanctionné, bien évidemment.
16:14 Pour autant, ces sujets de sémantique, franchement,
16:20 je pense que ce n'est pas le débat qui doit nous animer aujourd'hui.
16:23 – Je reviens au policier que l'on a vu à l'instant,
16:25 au policier que l'on entendait tout à l'heure,
16:26 et je reprends la question de Cécile.
16:28 Ces policiers sur lesquels vous enquêtez,
16:30 est-ce qu'ils peuvent malgré tout se retrouver à nouveau, mardi, sur le terrain ?
16:34 – Ces policiers dépendent d'une direction d'emploi,
16:43 sous l'autorité du préfet de police ou du directeur général de la police nationale,
16:48 ce n'est pas moi qui peux répondre à cette question.
16:51 – Je reviens à la brave M, certains élus à gauche notamment demandent sa dissolution,
16:55 on a vu encore cette manifestation tout à l'heure devant l'hôtel de Ville de Paris,
16:58 est-ce qu'elle fait, cette brave M, l'objet de signalements importants, nombreux,
17:05 notamment depuis le début de ces manifestations ?
17:08 – Sur la plateforme de signalement qui est ouverte à tous les usagers
17:13 qui souhaiteraient dénoncer un comportement d'un policier,
17:18 nous recevons un certain nombre de signalements
17:21 qui peuvent concerner des policiers de cette brigade de répression de l'action violente motorisée,
17:27 mais pas seulement.
17:29 – Vous n'avez pas plus de plaintes contre cette brigade-là ?
17:33 – Je ne peux absolument pas répondre à cette question à ce jour,
17:36 parce que peut-être que la suivante serait sur les 17 procédures dont nous sommes saisis,
17:41 combien concerne la brave M, dès lors que je vous ai expliqué
17:45 que notre premier travail est précisément celui d'identifier,
17:49 ce serait prématuré.
17:51 – Pardon, on voit passer à l'écran les mots de Jean-Luc Mélenchon
17:53 qui dit "le scandale d'une police que plus personne ne contrôle plus vraiment
17:56 éclate sous les yeux de tous, et d'abord des policiers républicains et insoumis,
17:59 que ces comportements de hordes hackeurs en premier".
18:02 Une police que plus personne ne contrôle plus vraiment,
18:06 qu'est-ce que vous répondez à Jean-Luc Mélenchon,
18:07 c'est votre boulot de contrôler la police ?
18:09 – C'est tout à fait mon travail, et j'en suis d'ailleurs particulièrement fière,
18:14 cet organe de contrôle interne de la police nationale, il est essentiel.
18:19 Et je pense que nous devons démontrer chaque jour
18:25 que nous sommes une inspection au service d'eux,
18:30 on est au service des policiers de terrain, encore une fois,
18:33 qui dans leur très grande majorité ne faillissent pas, ne dysfonctionnent pas,
18:37 ils n'ont qu'une envie, c'est que précisément ceux qui dysfonctionnent
18:41 puissent être écartés, et d'autre part, on est au service de la population
18:46 parce que cette population a besoin d'avoir une police en qui elle a confiance,
18:50 et pour que cette confiance puisse être restaurée par notre action
18:54 à l'inspection générale de la police nationale,
18:56 il faut qu'on arrive, quand c'est le cas, à déterminer avec la célérité qui s'impose,
19:01 quels sont les manquements, les fautes, les infractions
19:05 qui peuvent être reprochées à tel ou tel policier.
19:07 – Il y a une critique qui revient souvent sur l'IGPN,
19:10 c'est que ce sont des policiers qui enquêtent sur des policiers,
19:14 sur leurs propres collègues, est-ce que vous trouvez ça justifié ?
19:17 Et par exemple, quand vous parlez, il faut identifier les policiers violents
19:22 sur les vidéos, est-ce que vous y arrivez facilement ?
19:24 Est-ce que la hiérarchie vous communique les éléments ?
19:27 – Les enquêteurs à l'inspection générale de la police nationale,
19:33 par définition, sont des policiers.
19:36 Il y a par ailleurs à l'inspection générale, au-delà de sa chef,
19:39 qui n'est pas policier, des contractuels.
19:42 – La chef c'est-à-dire vous, vous êtes magistrate.
19:44 – C'est-à-dire moi, voilà exactement, des contractuels, des attachés,
19:49 il y a un magistrat de l'ordre administratif,
19:51 nous ne sommes pas refermés sur nous-mêmes.
19:54 Comme je pouvais l'indiquer tout à l'heure,
19:56 les échanges que nous pouvons avoir, notamment dans le cadre
19:59 d'un comité d'évaluation de la déontologie de la police nationale,
20:03 où avec l'ensemble des policiers, avec toutes les directions d'emploi
20:07 de la police nationale, avec le barreau, avec la défenseur des droits,
20:11 avec des associations, avec des magistrats,
20:13 nous discutons actuellement sur le sujet des contrôles d'identité,
20:16 je pense que c'est bien la preuve que nous ne sommes pas refermés sur nous-mêmes,
20:21 que la question n'est pas de savoir les pairs, qui jugeraient les pairs, etc.
20:26 C'est l'exemplarité, l'objectivité, l'impartialité qui doit guider notre action.
20:31 – Donc on vous communique très facilement les identités des policiers
20:34 mises en cause dans les vidéos, vous avez zéro difficulté là-dessus ?
20:38 – Comme enquêteurs, aussi bien en administratif qu'en judiciaire,
20:42 nous les sollicitons, nous les requérons, et l'autorité judiciaire
20:47 sous le contrôle de laquelle nous agissons en judiciaire,
20:50 peut s'enquérir de savoir si nous avons réponse aux réquisitions.
20:53 – Pardon, on sait qu'il y a un certain nombre d'affaires dont vous avez la charge,
20:57 où précisément l'identification des policiers est impossible,
21:00 par exemple parce qu'ils ont un casque, parce qu'ils portent une cagoule,
21:03 ce qui est visiblement de plus en plus le cas chez les policiers
21:05 qui interviennent notamment en maintien de l'ordre,
21:07 d'avoir une cagoule qui les rend totalement… impossible à identifier,
21:11 leur numéro de matricule parfois pas tellement visible.
21:14 – Est-ce que c'est autorisé d'ailleurs ?
21:15 – Est-ce que par exemple la cagoule c'est autorisé ?
21:18 Est-ce qu'on est obligé quand on est policier d'avoir son numéro d'identification ?
21:21 – Le RIO, le numéro d'identification, de fait, doit être porté
21:28 comme le prescrit le code de déontologie.
21:30 – Et la cagoule, est-ce que c'est autorisé ou pas ?
21:33 – Il y a des forces spécifiques d'intervention qui peuvent porter d'une cagoule,
21:40 là je ne sais pas à quoi vous faites allusion, donc pareil je ne peux pas répondre à votre question.
21:43 – On voit souvent dans les vidéos des images de la brave notamment
21:46 avec des policiers avec des cagoules.
21:48 – Même la brave souvent casquée évidemment,
21:50 par définition, ils se déplacent à moto, évidemment, et on a ces images-là.
21:55 – Mais vous le constaterez qu'il y a un réel effort sur l'identification,
21:59 puisque vous parliez des casques, vous voyez parfois des bandes fluorescentes derrière les casques,
22:05 vous voyez des marquages sur les tenues des policiers,
22:07 donc cette volonté de dissimulation, elle n'existe pas,
22:11 elle n'existe pas ni de la part des CRS, ni de la part des supérieurs hiérarchiques de la bravem.
22:19 – Est-ce qu'il y a une dérive en matière de placement en garde à vue ?
22:22 On avait cette manifestation tout à l'heure de jeunes qui dénoncent le fait
22:24 d'avoir été placé en garde à vue, d'avoir été relâché derrière sans poursuite,
22:28 parce qu'ils disent qu'on n'avait rien fait, et on s'est retrouvé en garde à vue pour rien.
22:30 Est-ce qu'il y a une dérive, notamment au moment de ces manifestations
22:34 contre la réforme des retraites ?
22:37 – Les placements en garde à vue sont décidés sous le contrôle de l'autorité judiciaire,
22:46 bien évidemment, mais sont décidés sur le terrain par un policier qui va interpeller,
22:53 et ensuite un placement en garde à vue qui est décidé.
22:57 Là-dessus, il faut s'interroger bien évidemment sur le nombre de ces gardes à vue,
23:05 sur des personnes qui, en dépit de sommation, refusent de partir,
23:13 alors qu'il y a eu ces sommations.
23:15 Donc sur ce nombre de gardes à vue, là-dessus,
23:18 vous comprendrez bien que je ne peux pas m'exprimer,
23:21 je dis simplement une chose, les policiers agissent dans le cadre d'une règle de droit,
23:26 et quand cette règle de droit impose qu'après sommation,
23:29 il doit y avoir une dispersion, tout manifestant doit l'entendre ceci.
23:34 – Une dernière question, une dernière remarque,
23:36 et ça revient à ce qu'on disait au début de l'interview,
23:38 mais ça fait lien avec ce dont on va parler dans un instant,
23:40 c'est-à-dire Sainte-Soline et les violences très fortes qui ont eu lieu hier.
23:43 Comment vous décririez le cadre dans lequel travaillent précisément les policiers aujourd'hui,
23:49 au cœur de ces manifestations où effectivement il y a de la violence,
23:52 il y a un certain nombre de centaines de personnes qui viennent pour casser,
23:56 pour en découdre, comment est-ce que vous décririez aujourd'hui ce cadre-là ?
23:59 – Les policiers y travaillent des heures et des heures sur le terrain,
24:06 vous l'avez vu, ça a été dit, ça a été largement commenté,
24:10 il y a d'ailleurs des réflexions en interne de la police nationale
24:13 sur le principe de la résilience, comment après de telles scènes,
24:18 pouvoir se remettre sur le terrain sans qu'il puisse y avoir ensuite
24:23 des débordements qui sont inacceptables.
24:26 Il y a une réflexion transversale d'ailleurs, et moi j'échange souvent
24:30 avec les différents directeurs des directions d'emploi de la police nationale,
24:34 de la préfecture de police sur ce sujet, c'est comment trouver l'adéquation
24:39 entre ce qui est imposé et avec une violence de plus en plus forte
24:44 et par ailleurs cette boussole, cette éternelle boussole
24:47 qui est bien celle de la déontologie, de l'éthique de responsabilité
24:51 qui doit guider absolument tous les policiers.
24:54 – Merci beaucoup, merci Agnès Thibault-Lecuve d'avoir été avec nous ce soir,
24:58 merci Cécile, c'était votre première interview ce soir sur BFM TV,
25:00 merci de l'avoir accordée à notre chaîne.

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