World Press Photo : le puissant symbole d'une révolution en marche
Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il s'intéresse à la photo qui a remporté le World Press Photo.
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Transcript
00:00 Mais d'abord c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno.
00:02 Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous analysez ici les productions médiatiques.
00:06 Et ce matin, vous avez choisi de nous raconter une image, une photographie de presse,
00:10 qui vient tout juste d'être récompensée.
00:12 Oui, la photo dont je vous parle ce matin, Philippe, a reçu hier le prix Régional,
00:16 décerné par la très prestigieuse organisation World Press Photo.
00:20 Alors cette image, je vous la raconte.
00:22 *musique*
00:25 Elle met en scène une femme, une très jeune femme.
00:28 Elle a l'air d'avoir une toute petite vingtaine d'années,
00:31 et elle est attablée seule, enfin presque, dans la rue, vraisemblablement à la terrasse d'un café.
00:36 Assise au premier plan, l'héroïne de la photographie ressemble aux très nombreuses jeunes filles
00:41 que nous avons coutume de croiser ici, dans nos pays occidentaux.
00:44 Elle porte un pantalon beige, une paire de baskets blanches, un t-shirt bleu,
00:48 et un manteau camel dont ses longs cheveux bruns ont recouvert le col.
00:53 Toutefois, elle a le regard un peu mélancolique.
00:55 On ne sait pas très bien si elle est triste ou désabusée, mais elle fixe l'objectif avec un air maussade.
01:01 Les couleurs de la photo sont du reste comme elles, un peu sombres.
01:04 L'image a dû être captée en fin de journée, juste avant la tombée du jour,
01:07 et la lumière est un brin palichonne.
01:11 Mais la grande réussite de cette image réside dans les contrastes,
01:14 car au milieu de cet ensemble un peu terne, émergent deux grosses touches de couleurs.
01:19 La table devant laquelle elle se trouve est jaune, jaune canarie,
01:23 et la chaise sur laquelle elle est assise est rose, d'un rose girly,
01:26 brillant, qui tranche avec le noir de jai de sa longue chevelure.
01:31 Mais j'allais oublier de vous préciser un petit détail, Philippe.
01:34 La photo n'a pas été prise dans un pays où les femmes sont libres.
01:38 Non, elle a été immortalisée en Iran.
01:51 Un pays dans lequel le régime des mollahs oblige les femmes à couvrir leurs cheveux
01:55 et à porter le voile islamique.
01:58 Pour ne pas avoir respecté cette obligation-là, il y a un peu plus de 6 mois,
02:01 Masha Amini est morte, morte, après avoir été arrêtée par la police des mœurs.
02:05 Elle avait 22 ans, et la jeune fille de la photo a sensiblement le même âge qu'elle.
02:10 Mais je vais vous parler à l'instant des contrastes, des contrastes de cette image,
02:14 et le plus saisissant figure à l'arrière-plan.
02:16 Juste derrière cette très jolie jeune fille, tête nue et cheveux au vent,
02:21 le ciel, lui, est voilé.
02:23 Il est voilé, mais il n'est pas le seul.
02:26 Car c'est bien le contraste entre le premier et l'arrière-plan
02:29 qui donne toute sa puissance à cette photographie-là.
02:32 Derrière la jeune fille aux cheveux libres, toute l'image est envahie par un long cortège de femmes.
02:39 Elles sont une bonne dizaine. Elles marchent, elles marchent, et elles sont intégralement voilées.
02:44 Recouvertes de la tête aux pieds par de longs tchador noirs
02:48 qui les anonymisent et les invisibilisent.
02:50 Tandis que la jeune fille est unique, singulière,
02:53 et par effet de contraste, donc, d'une force spectaculaire.
02:57 Cette image-là, Philippe, c'est le photographe Ahmad al-Abizaz qui l'a réalisé.
03:02 Il est iranien, et pour avoir su saisir et publier ce puissant symbole de la révolution
03:09 qui est actuellement en marche dans son pays,
03:11 il vient tout juste d'être condamné à cinq années de prison ferme
03:15 et à l'interdiction catégorique d'exercer son métier.
03:19 Merci beaucoup Bruno Donnet, à demain.