Chute de l'URSS et Ukraine : «Quand les gens se réveillent dans un autre pays, sans savoir comment vivre»

  • l’année dernière

Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce lundi, il fait le lien entre deux reportages qui racontent, chacun à leur manière, l’histoire d’un changement, d’une mutation spectaculaire, en Russie.

Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages

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Transcription
00:00 Dans un instant nous recevons l'une des voix d'Europe 1, les yeux bleus de France 2.
00:04 Olivier Delacroix arrive dans un instant mais avant cela c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:08 Bonjour Bruno.
00:09 Bonjour Philippe.
00:10 Tous les jours Bruno, vous scrutez ici les bouleversements médiatiques et ce matin,
00:13 un an après le début de la guerre en Ukraine, vous avez été frappé par deux documents que vous avez vus hier.
00:18 Oui, télescopage ce matin Philippe, entre deux reportages qui racontent chacun à leur manière
00:22 l'histoire d'un changement, d'une mutation spectaculaire en Russie.
00:26 Le premier, c'est un article formidable signé Ariane Chemin qui est apparu hier dans les colonnes du journal Le Monde.
00:32 Son titre, l'enfance soviétique de Volodymyr Zelensky.
00:35 Dans un long papier qui emprunte à la fois les codes du reportage et ceux du portrait,
00:40 la journaliste décrit l'enfance du président ukrainien.
00:43 On y apprend qu'il a grandi dans une Ukraine soviétique du temps de l'URSS
00:47 mais qu'il n'évoque jamais cette période comme si, écrit notre consoeur, il y avait là un sujet tabou.
00:54 Car de l'URSS, le meilleur souvenir que semble avoir conservé Zelensky, c'est celui de sa chute.
00:59 En 1991, lorsque Gorbatchev arrive au Kremlin, lorsque la perestroïka remplace le communisme de plomb,
01:06 le jeune Volodymyr n'a que 14 ans. Et pourtant, il se souvient que ça lui a permis d'échapper
01:10 à sa formation obligatoire dans les jeunesses communistes.
01:13 Et il se souvient aussi des tout premiers salaires capitalistes de son père, un ingénieur
01:18 qui était alors parfois payé en coupons, en savon, en pneus ou en bouteilles de shampoing.
01:24 Mais de ce passionnant papier, Philippe, j'ai surtout retenu une phrase.
01:27 Une phrase prononcée par un ami d'enfance de Zelensky qui a dit à Ryan Chemin
01:31 "Les gens se sont réveillés dans un autre pays sans savoir comment vivre".
01:37 Et cette petite phrase-là, Bruno, vous y avez songé en découvrant hier soir
01:40 un autre reportage sur France 5 cette fois.
01:42 Oui, car l'émission C'est politique s'est intéressée pour sa part au sort des journalistes
01:46 du grand quotidien russe Novaya Gazeta. Et figurez-vous qu'eux aussi se sont réveillés
01:51 dans un autre pays sans savoir comment vivre.
01:54 Je me sens en sécurité ici.
01:56 Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que comme Maria Epifanova, qui dirige l'emblématique
02:00 journal d'opposition russe, le seul à avoir encore une voix libre, les 30 journalistes
02:05 qui le fabriquent au quotidien ont dû fuir leur pays. Ils vivent aujourd'hui à Riga, en Lettonie.
02:11 Parce qu'en Russie, c'est impossible d'être juste indépendant.
02:16 Il faut se battre pour son droit à l'indépendance.
02:20 Là-bas, à 200 kilomètres de la frontière avec la Russie, de Vladimir Poutine, il tente
02:24 courageusement de continuer à raconter le régime russe comme il va, mais également
02:28 à témoigner de tous ceux qui le bousculent encore de l'intérieur.
02:32 Je pensais à Elena Piotrowa. C'est une Instagrameuse queer.
02:36 Elle a un million d'abonnés sur YouTube.
02:38 Depuis Riga, donc, Maria Epifanova a confié aux journalistes de France 5, Pierre Caillé,
02:43 les grandes difficultés qu'elle rencontre pour pouvoir tout simplement continuer à
02:47 exercer son métier.
02:48 On n'est pas des militants, on est des journalistes.
02:51 Et j'ai été saisi par sa façon de devoir finalement préciser, presque justifier l'idée
02:56 même qu'elle se fait de son travail.
02:58 Mais des journalistes indépendants, ça fait automatiquement de nous des opposants.
03:03 Oui, car avant la guerre, la situation des journalistes de Novaya Gazeta était déjà
03:08 très difficile, mais depuis le 28 février dernier, elle est devenue impossible, intenable.
03:13 Kirill Martinov, l'un des journalistes les plus emblématiques du journal, l'a dit
03:17 au reporter de Cpolitik, en Russie, il risque aujourd'hui 20 ans de réclusion.
03:21 « Vous savez, c'est vraiment un sentiment très étrange.
03:25 Je me sens en sécurité ici et en même temps, pas loin de là, je sais que je peux me retrouver
03:32 jeté dans une prison russe.
03:34 » Alors, et bien, alors, comme ses confrères, il vit désormais l'exil, l'exil dans un
03:38 pays qui n'est pas le sien.
03:40 Mais la parenthèse pourrait bien tourner court.
03:42 Le 7 février dernier, le tribunal de Moscou a définitivement révoqué la licence de
03:47 la plus ancienne rédaction indépendante de Russie, le Sésame, qui permettait à Novaya
03:51 Gazeta d'être publiée dans un régime qui refuse de raconter la guerre qu'il mène
03:57 à l'Ukraine, l'Ukraine là où, il y a tout juste un an, les gens se sont réveillés
04:02 dans un autre pays sans savoir comment vivre.
04:04 Merci beaucoup, Bruno Donnet. À demain.

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