Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte la romance vénitienne de George Sand. En février 1834, Pietro Pagello, un jeune médecin, est appelé au chevet d’une malade séjournant dans l’hôtel le plus chic de Venise. Vite remise, la romancière George Sand fera bientôt de ce bel italien son amant.
Retrouvez "Dans l'intimité de l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Dans l'intimité de l'histoire
00:02 - Et aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez donc l'histoire d'amour entre l'écrivaine Georges Sand et son médecin italien.
00:09 - Oui, en février 1834 à Venise, le jeune et très séduisant médecin chirurgien
00:16 Pietro Pagello a 26 ans et c'est un homme comblé, promis un bel avenir.
00:21 Il est marié à une femme absolument ravissante qui a un prénom qui m'a tapé dans l'oeil,
00:27 Arpalice, Arpalice c'est étrange comme prénom n'est-ce pas ? Il a ouvert son propre cabinet,
00:31 commence à avoir une bonne clientèle donc tout va très bien pour lui et ce matin là,
00:36 février 1834 dans la brume vénitienne, on frappe à sa porte,
00:41 c'est le factotum, enfin l'homme à tout faire, le groom en somme de l'hôtel Danielli, l'hôtel le plus chic de Venise.
00:49 L'hôtelier l'a envoyé chercher le médecin le plus proche pour une cliente malade.
00:54 C'est une dame française semble-t-il.
00:57 Arrivé au Danielli, Pagello pénètre dans la chambre de la malade et il voit, je le cite, une jeune dame
01:03 couchée sur un petit lit, coiffée d'un foulard rouge,
01:06 près du lit un grand jeune homme maigre et blond. La dame est Georges Sand, le jeune homme maigre et blond, on aura reconnu
01:14 son amant Alfred de Musquet, Musset de Musquet.
01:22 Alors Pagello saigne la malade, il revient la voir le lendemain, elle va mieux, voilà, tout aurait pu en rester là. Mais 15 jours plus tard,
01:29 Georges Sand lui fait adresser un billet dans un italien approximatif,
01:33 elle réclame sa présence pour Musset qui est fiévreux et délirant.
01:38 Retour au Danielli pour Pagello qui dès lors va s'y rendre tous les soirs, pendant une semaine.
01:44 Il passe de longues soirées avec Georges Sand à veiller le malade, bon,
01:49 évidemment il n'est pas bien difficile de trouver le beau Pagello plus sexy que Musset, parce que Musset à ce moment là, d'abord c'est un poète
01:55 complètement alcoolique, là il est fiévreux, il délire sur son lit de douleur, bon alors évidemment c'est pas très séduisant et
02:02 et puis il est tourmenté, il est fragile, enfin bon voilà. Donc un soir tard,
02:07 qu'arriva-t-il alors qu'il vienne de passer toute une soirée, une nouvelle soirée de garde malade,
02:13 Sand tout à coup saisit une liasse de feuillets et se met à écrire fiévreusement.
02:18 Elle écrit près d'une heure, d'un seul jet, sans une interruption, sans une rature,
02:23 puis elle glisse les feuillets dans une enveloppe qu'elle tend à Pagello. "A qui dois-je la remettre ?" demande Pagello.
02:30 Alors Georges Sand reprend l'enveloppe et elle y écrit "Au stupide Pagello".
02:37 Voilà comment Pagello entre dans l'histoire de la littérature et dans l'histoire de France par cette
02:42 dédicace de Georges Sand "Au stupide Pagello qui a pas compris que c'est lui que je désire".
02:46 Et cette lettre vient libérer précisément le désir qui couvait depuis des jours entre ces deux jeunes gens et un nouveau
02:54 couple d'amants de Venise est né. Alors Georges Sand quitte aussitôt l'hôtel d'Agnéli,
03:00 le malheureux Pagello là il vient de tomber aux griffes d'une maîtresse très exigeante.
03:05 - Ah bah parce qu'ils ont quand même consommé.
03:07 - Ah bah oui voilà j'expliquais ça de façon poétique.
03:09 - Mais non mais on veut bien le savoir.
03:11 - Mais oui bien sûr, il lapait chaud, bah voilà.
03:13 - Mais voilà.
03:15 - Ils sont partis. - Mais où ?
03:17 - Ah bah comment ça où ? Dans le vestibule, dans la chambre d'hôtel.
03:19 - Non mais j'ai l'impression que la femme est à la maison, la femme de Pagello.
03:23 - Et bien dans un premier temps à l'autre.
03:25 - Et il y a Muset qui est dans le lit.
03:27 - Oui mais ils ont une suite, vous savez ce que c'est Stéphane, donc il y a toutes sortes d'alcoves, de petits réduits, on peut aller dans le...
03:33 - Non mais il faut être précis, on veut les adresses, on veut visiter tout ça.
03:37 - Je ne sais pas où Pagello et Georges Sand ont fait l'amour au Danielli, mais croyez-moi il semblerait qu'ils se soient dépatouillés pour y arriver.
03:43 - D'accord.
03:45 - Et donc du coup ils prennent un petit appartement tous les deux au centre de Vénis, c'est Georges Sand qui va l'aménager.
03:51 Alors note Andrée Moroix cette bête formule à propos de Georges Sand, elle avait l'adultère ménagée, donc elle s'est mise à tout aménager.
03:59 Mais bien vite le pauvre Pagello, ils sont complètement isolés, ostracisés, et puis sa réputation en pâtit.
04:04 Vous vous rendez compte, dans Vénis ils ont dit "mais qu'est-ce que c'est que ce médecin qui trompe sa femme avec cet auteur français ?"
04:12 Et du coup sa clientèle le boude, son père ne veut plus entendre parler de lui, son frère non plus d'ailleurs,
04:16 qui ne comprend même pas pourquoi Pietro s'est entiché de cette étrangère trop maigre,
04:20 "une sardine", écrit-il, "dont les lèvres émettent toujours, même à distance, un relent de gros tabac".
04:26 Oui parce qu'elle fumait beaucoup la Georges Sand. Alors assez vite, de tauride, leur relation s'attiedit,
04:32 car Georges Sand, qui est saisi par le besoin d'écrire, elle est quand même à Vénis et c'est ce qui l'a fait vivre,
04:38 et bien parfois elle gratouille des feuillets le soir pendant 6, 7 ou même 8 heures d'affilée en buvant du thé et en fumant.
04:44 Alors le pauvre Pagello, il passe quand même un peu au second plan, ils vont voyager quelques temps autour de Vénis,
04:51 mais finalement, fin juillet, Georges Sand, qui n'a pas vu ses enfants depuis 8 mois, décide de rentrer à Paris.
04:56 Alors dans ses valises, elle met son petit Pagello, qui la suit fort caninement, comme aurait dû dire Colette, fort docilement,
05:03 il suit sa maîtresse, ou plutôt son maître d'ailleurs en l'occurrence, les voilà à Paris dans les premiers jours d'août.
05:09 - Et Mousset, il est où ? - Ah bah lui, maintenant on ne le calcule plus, il est resté à Vénis,
05:14 là il est sub-clacant, il n'en a plus pour longtemps, il est plus très intéressant.
05:18 - Il est trop romantique. - Alors du coup, Georges Sand casse son Pagello dans une chambre minuscule au 4ème étage d'un hôtel rue des petits Augustins,
05:25 elle lui présente quand même quelques professeurs en médecine parisien,
05:29 mais enfin lui, il est complètement abandonné en terre étrangère par la femme qu'il aime, sans argent, sans amis,
05:34 et il écrit à son père "si quelqu'un a toutes les raisons de se jeter à la Seine, c'est bien moi".
05:39 Fin août, elle l'invite à Nohant, et il se revoit une dernière fois, il refuse d'y aller,
05:44 il se quitte par une simple poignée de main absolument glaciale sans avoir échangé un mot.
05:49 Jamais Pagello ne reverra Georges Sand, jamais plus il ne lui donnera de ses nouvelles, ni n'en recevra d'elles.
05:56 Mais 60 ans plus tard, en 1896, Pagello autorise son fils à remettre au célèbre docteur Cabanes,
06:04 qui écrivait toujours sur les maladies des célébrités et qui en a fait de nombreuses biographies,
06:10 il autorise son fils à remettre à ce docteur Cabanes une copie de la fameuse lettre.
06:14 Elle est sublime cette lettre, c'est une déclaration d'amour d'une femme qui brûle de désir pour un étranger
06:20 dont elle ne comprend pas la langue et qui est très frustrée parce qu'elle ne peut pas exprimer ses sentiments
06:25 comme elle l'entendrait, donc elle se sent un petit peu ravalée à l'état de bête désirante.
06:30 Avant sa mort, donc, Pagello a eu la grandeur d'âme de ne pas priver la littérature française
06:37 de l'une des plus belles lettres d'amour qui ait jamais été écrite.
06:41 Alors voilà, pas si stupide que ça ce Pagello finalement.
06:45 Merci beaucoup Clémentine !