Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et son invité Michel Onfray reviennent sur les sujets qui ont fait l'actualité ces dernières semaines.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
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00:00 [Musique]
00:03 Punchline, Laurence Ferrari sur Europe 1
00:07 [Musique]
00:12 18h15, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1
00:15 avec notre invitée exceptionnelle, Michèle Onfray. Bonsoir.
00:18 Merci d'être avec nous.
00:19 "Anima, vie et mort de l'âme" de Lascaux au transhumanisme.
00:22 C'est publié aux éditions Alba Michel.
00:24 Évidemment, c'est un ouvrage extraordinaire.
00:26 On va y revenir dans un instant parce qu'il parle évidemment de l'âme, de notre humanité,
00:31 mais avec un prisme aussi à travers l'actualité.
00:34 L'actualité, évidemment, vous êtes aux prises à l'actualité comme nous tous,
00:38 avec cette vague de contestation contre la réforme des retraites.
00:41 Est-ce qu'elle est pour vous le symptôme d'un rejet du système ?
00:44 Est-ce que les Français rejettent le système général ou c'est le rejet d'un homme,
00:47 c'est-à-dire le Président de la République, à vos yeux ?
00:50 C'est la même chose. Je pense qu'il y a un rejet du système qui est incarné par cet homme
00:53 et le système était incarné par des gens qui précédemment défendaient exactement la même chose.
00:58 C'est mon dada, mais je dirais que depuis Maastricht, on a exactement la même politique.
01:01 Après, on fait semblant de dire que c'est la gauche, on dit après "c'est la droite", ça change.
01:05 Qu'est-ce qu'il y avait vraiment qui distinguait, à part des problèmes de style,
01:09 Sarkozy, Hollande, Juppé, Fabius ? Enfin voilà, c'est le même monde.
01:13 Je pense qu'il y a eu un vrai coup d'État en 2005,
01:16 quand les Français ont dit qu'ils ne voulaient pas de cette Europe dont ils avaient compris
01:19 qu'elle ne leur rendait pas la vie facile, et qu'en 2008, que ce soit Sarkozy et Hollande
01:24 qui ont dit "on va passer par-dessus la tête du peuple, on va demander au Congrès",
01:28 et les députés qui ont majoritairement voté contre un référendum.
01:31 Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, on a 50% des gens qui ne votent plus.
01:34 Et je pense qu'il y a cette...
01:36 C'est là la racine du mal, à votre avis, c'est ce référendum de Maastricht qui n'a pas été respecté.
01:39 Il n'y a pas qu'une racine, mais oui, il y a Maastricht, il y a le renoncement à la souveraineté
01:42 qui fait qu'on ne peut plus avoir une politique digne de ce nom.
01:44 Il y a 2005, effectivement, un référendum qui est négatif pour l'Europe
01:47 et on dit "vous l'aurez quand même en 2008".
01:49 Et puis après, cette idée qu'on criminalise Marine Le Pen en disant qu'elle est fasciste, raciste, nazi, etc.
01:54 Mais ça, on ne le dit pas pendant l'année, mais on le dit 15 jours avant les élections
01:57 en disant "bon, maintenant, il va falloir comprendre que vous avez le choix entre Adolf Hitler et Jean Moulin".
02:01 Et les gens comprennent que finalement, ça ne marche pas comme ça,
02:04 qu'on leur ment, qu'on les trompe, qu'il n'y a plus de démocratie.
02:09 C'est-à-dire que la colère qui s'exprime à travers certaines personnes dans les manifestations,
02:13 pas l'immensité des manifestants qui sont pacifiques,
02:16 c'est une colère qui recouvre, qui a de multiples facettes.
02:19 Ce n'est pas uniquement contre cette réforme des retraites que les gens sont en colère ?
02:22 Non, je pense que c'est un révélateur.
02:24 Le révélateur, il rend possible la photo qui a été prise précédemment.
02:27 Le cliché, il est fait en amont.
02:29 Je pense qu'il y a une colère, on la voit bien, il y a plein de grèves tout le temps, en permanence,
02:32 depuis des années, il y a des gens qui ne sont pas contents.
02:34 À l'hôpital, à l'armée, la police, l'Education nationale.
02:38 Une fois, ce sont les dentistes, une fois les notaires.
02:41 Personne n'est content dans ce pays.
02:44 Et personne ne prend en main cette colère des Français.
02:47 Il y a un moment donné où on ne gouverne pas contre le peuple, malgré le peuple, sans le peuple,
02:51 en lui disant "je vous méprise, je vous emmerde".
02:54 Macron avait utilisé cette expression contre les gens qui refusaient le vaccin.
02:59 Il y a un moment donné où cette colère déborde, et puis on a des violences.
03:03 Par exemple, les Black Blocs, c'est autre chose.
03:05 Ce sont des révolutionnaires professionnels, un peu la milice de Jean-Luc Mélenchon.
03:08 Ça fonctionne comme ça, ce sont ces sans-culottes.
03:11 Lui, on sait que c'est un obsédé de Robespierre.
03:13 Robespierre ne va pas sans le gouvernement révolutionnaire et sans la terreur.
03:16 Et qu'il y a cette espèce de violence.
03:18 Mélenchon, à chaque fois qu'il perd une élection, il dit qu'il la gagne.
03:21 Vous avez vu la législative qui a été perdue dimanche dernier.
03:24 Ce sont des magouilles politiques. Il n'est pas capable de dire "on a voté, on a perdu".
03:27 À chaque fois, il dit "j'ai failli gagner".
03:29 Un peu de chose près, j'étais le deuxième, donc si j'étais le deuxième, j'aurais été le premier.
03:32 Après, une fois qu'il dit "si je perds, j'arrête la politique".
03:35 Il perd, qu'est-ce qu'il fait ? Il veut être élu Premier ministre.
03:38 Donc, à un moment donné, on se dit qu'il y a des gens qui n'ont que le souci d'eux-mêmes,
03:41 et pas du tout le souci de la France, des Français qui prennent en otage la colère des gens.
03:44 Cette colère est légitime.
03:46 Mais il y a juste un moment donné où des politicards professionnels
03:48 ne peuvent pas stigmatiser les politicards professionnels quand ils en sont.
03:52 Vous dites le mépris du peuple, mais les députés sont élus par le peuple.
03:56 Ils ont été élus il y a moins d'un an, Michel Onfray.
03:59 Le peuple est représenté à l'Assemblée nationale.
04:01 Il a l'impression de ne pas être justement représenté par les élus.
04:05 Alors, techniquement, vous avez raison.
04:06 Simplement, si on regarde précisément, je crois que,
04:08 je n'ai pas le chiffre en tête, peut-être l'aurez-vous,
04:10 mais 50% des gens ne vont pas voter.
04:12 Déjà, quand 50% des gens ne vont pas voter,
04:14 croyez-vous qu'il y a une légitimité ?
04:16 Après ça, vous avez des gens qui, parmi ceux qui votent, disent
04:18 "voilà, on veut la NUPES ou on veut le Rassemblement national".
04:23 Et vous avez des gens qui vous disent "ah ben, la NUPES, elle n'est pas républicaine,
04:26 le Rassemblement national, ce n'est pas républicain non plus".
04:28 Donc, vous avez voté pour cette Assemblée nationale, mais,
04:31 je ne sais pas combien, un tiers peut-être, je ne sais pas,
04:33 je n'ai pas le chiffre en tête, mais vous ajoutez "Rassemblement national + NUPES",
04:37 on dit "non, ces gens-là ne sont pas dans l'arc républicain".
04:39 Donc, on va faire une politique sans eux.
04:41 Et à un moment donné, vous vous dites "ça ne peut pas marcher non plus".
04:43 Et Emmanuel Macron a perdu les élections.
04:46 Il les a gagnées parce qu'effectivement, je racontais tout à l'heure la façon de procéder,
04:50 mais quand vous avez, le général De Gaulle aurait démissionné, évidemment,
04:53 quand vous êtes élu avec 50% des gens qui n'ont pas voté,
04:56 quand après ça, vous avez une Assemblée nationale qui n'est pas à votre main,
04:59 soit vous faites une politique qui vous permet d'avoir une Assemblée nationale qui fonctionne,
05:03 soit vous démissionnez.
05:04 Mais c'est très dangereux, Michel, on ferait de remettre en cause
05:06 la légitimité de l'élection et d'Emmanuel Macron et des députés,
05:08 parce que vous voyez bien que c'est la porte aussi ouverte à tous ceux qui,
05:12 du côté de la gauche ou de l'extrême droite ou de l'extrême gauche, disent
05:15 "voilà, l'élection, elle n'a pas été légitime, il faudrait quoi, mettre un seuil,
05:18 dire qu'en dessous de 50%, l'élection n'est pas valable, il faut la refaire ?"
05:21 Ah, ça peut être ça, moi je pense oui, effectivement,
05:23 ou juste redire qu'un chef d'État, c'est pas quelqu'un qui se sert de la France,
05:27 mais c'est quelqu'un qui sert la France.
05:28 C'est-à-dire qu'il n'est pas là pour dire "je suis le chef et maintenant, je ne voudrais pas être grossier",
05:33 et ce n'est pas comme ça que ça se passe, c'est-à-dire que la démocratie, je rappelle,
05:37 c'est élémentaire, on apprend ça normalement à l'école, la démocratie du peuple, par le peuple, pour le peuple.
05:42 Mais on ne nous empêche pas de voter, Michel Lenfroy, tout le monde est libre d'aller voter.
05:45 Bien sûr, vous pouvez aller voter, il y a juste un moment donné où quand vous dites "vous votez,
05:48 et en même temps, si vous votez mal, on va mettre votre vote à la poubelle",
05:51 il y a juste un moment donné où les gens comprennent que ça ne sert à rien d'aller voter.
05:54 Si après on leur dit, vous savez, dimanche prochain, c'est soit Emmanuel Macron, soit le fascisme,
05:59 il y a un certain nombre de gens qui disent "bah non, on ne va pas voter pour Macron, mais on va voter contre",
06:03 il le dit lui-même, contre Marine Le Pen, il le dit lui-même le soir où il est élu, il dit "j'ai bien compris,
06:08 j'ai entendu, tout le monde n'a pas voté pour moi, mais vous avez voté contre, etc."
06:11 Je saurai m'en souvenir, il ne s'en souvient pas du tout.
06:13 Souvenez-vous de Chirac quand il avait été élu, il avait dit "j'ai bien compris", contre Le Pen,
06:17 que finalement, je saurai m'en souvenir, et il fait quoi ? Un gouvernement complètement RPR.
06:21 Donc les gens, ils ont une colère légitime. Donc je ne dis pas "c'est illégal", c'est pas...
06:26 J'ai dit simplement que comme fonctionne le principe, enfin la démocratie,
06:31 et bien effectivement, des gens disent "on ne joue plus à ce jeu-là parce que finalement, on est dupe".
06:35 Est-ce que le référendum d'initiative partagée, qui va peut-être être validé par le Conseil constitutionnel,
06:40 qui est proposé par la gauche, c'est une solution ? Le retour au peuple, c'est une solution ?
06:44 Pour moi, c'est la solution.
06:45 Sur la réforme des 64 ans, justement, c'est la solution.
06:47 D'abord, la solution, ce serait le retour à la Vème République.
06:50 58 + 62, l'élection au suffrage universel direct.
06:53 C'est-à-dire que vous avez un septennat, vous avez un chef d'État qui sert le peuple,
06:57 et qui ne se sert pas du peuple, et qui dit "vous votez pour moi, si vous ne votez pas pour moi, je m'en vais".
07:01 Macron, dans son premier quinquennat, il a perdu toutes les élections.
07:04 Qu'est-ce qu'il a fait ? Rien.
07:05 Là, il est élu, il a de nouvelles élections, il les perd, qu'est-ce qu'il fait ? Rien.
07:10 Dieu, même pas mal.
07:12 Il dit que c'est une victoire que la motion de censure a été rejetée à 9 voix près.
07:15 Vous comprenez ça ?
07:16 Exactement, comme quand il a dit, je crois que c'était aux Européennes jadis,
07:20 que si Marine Le Pen arrivait en tête, ce serait une catastrophe,
07:22 elle arrive en tête, il dit quoi ? "Perdre de si peu, c'est une victoire".
07:25 Bon, évidemment, avec cette sophistique-là, vous pouvez tout dire.
07:28 Mais les gens, ils ont bien compris ça.
07:30 Ils se disent "ben non, on ne va pas soutenir quelqu'un qui nous dit, quand il est minoritaire,
07:34 que ça lui va".
07:35 Il a même dit à la télévision, souvenez-vous, je suis suppliquant,
07:37 mais que c'était même pas 9 voix, 1 voix lui aurait suffi.
07:40 Vous vous rendez compte ?
07:41 Il y a quelqu'un qui méprise.
07:42 Vous imaginez quoi ? 9, c'est confortable.
07:45 Une m'aurait suffi.
07:46 Cette façon de dire "moi, si j'ai le chiffre avec moi, je méprise le peuple".
07:50 Une interview du président à PIF Magazine, Marlène Schiappa dans Playboy.
07:54 Ou l'inverse.
07:55 Voilà, on a les élites qu'on mérite ?
07:57 Je ne comprends pas qu'on se comporte comme ça, sauf à vouloir vraiment mépriser les gens.
08:01 Je crois qu'il y a un moment donné où j'ai été invité, enfin peu importe.
08:05 Il y a des invitations qu'on refuse, il y a des supports qu'on refuse,
08:08 il y a des endroits où on ne s'exprime pas.
08:10 Et quand on est chef de l'État, est-ce que vraiment PIF Gadget ou PIF, je ne sais pas quoi,
08:14 est-ce que c'est défendable ?
08:15 C'est bien, PIF existe, très bien.
08:17 Mais il y a des endroits où, jadis, il intervenait dans la NRF, la revue de Gallimard.
08:22 À chaque fois, il tient un discours.
08:24 C'est fait comme avec des algorithmes.
08:26 Je vais parler à ma chambre, à Bidule, à Intel.
08:28 Il y a un peu de mépris des gens, une espèce d'arrogance du genre "je vous provoque".
08:32 Et il y a quelque chose comme une provocation.
08:34 Quand il dit d'ailleurs dans ce texte que le président de la République peut effectivement remettre son mandat,
08:39 il n'en fera rien.
08:40 Il nous donne une grande leçon de gaullisme dans PIF,
08:42 mais dans la réalité, il n'y a pas de pratique de la démocratie.
08:47 Vous parlez même, Michel Onfray, de "populicide".
08:50 Ça veut dire quoi ? Qu'on prive le peuple de quoi ? De sa dignité ?
08:54 C'est un mot qui a été inventé par Gracchus Baboeuf pour parler du génocide vendéen
08:59 en disant qu'il y a eu chez Robespierre et ses copains la volonté de détruire le peuple de Vendée.
09:05 Gracchus Baboeuf dit que c'est un "populicide".
09:07 Et donc, comme on m'a dit "vous êtes populiste, vous êtes populiste", on met ça régulièrement,
09:10 je dis "oui, oui, je suis populiste, il n'y a aucun problème, j'aime le peuple, j'ai envie de défendre le peuple,
09:14 je pense qu'il faut porter le peuple et qu'un homme d'État, un chef d'État, un homme politique,
09:18 c'est quelqu'un qui dit "mais je ne suis là que par votre force et votre puissance,
09:21 donc je suis populiste, ça ne me gêne pas". Et je dis "le choix, en plus de ça, c'est populiste ou populicide".
09:25 Le populicide, c'est celui qui tue le peuple. Et on tue le peuple en disant "je ne vous écoute pas,
09:30 je vous méprise, vous avez voté, mais je mets votre référendum à la poubelle".
09:35 Imaginez qu'Anne Hinald Gau, après qu'elle ait demandé aux Parisiens ce qu'ils pensaient des trottinettes,
09:40 et qu'ils disent "90% ou plus, nous n'en voulons pas" et qu'elles disent "vous l'aurez quand même".
09:44 Et à un moment donné, on dirait que c'est un déni de démocratie.
09:47 Pourquoi est-ce que ce n'est pas un déni de démocratie quand les gens disent de cette ZAD à Nantes
09:51 qu'ils n'en veulent pas et on leur dit "bon, vous l'aurez quand même".
09:54 Et à un moment donné, on se dit "si ce n'est plus la démocratie, si les élections ne font plus la loi,
09:59 alors il faut nous dire dans quel régime nous vivons". De fait, la démocratie est assez lointaine.
10:03 Vous parlez même de nihilisme, d'une vague de nihilisme qui frappe la France.
10:07 Comment frappe-t-elle concrètement ?
10:09 On pourrait prendre plein d'exemples, mais les deux dont vous venez de parler,
10:12 je pense qu'un chef de l'État qui s'exprime dans PIF et une femme politique qui s'exprime dans Playboy,
10:19 avec quand même, j'ai vu un peu...
10:21 On défend les droits des femmes, dire "une femme a le droit de disposer de son corps comme elle le veut".
10:26 Oui, bien sûr, tous les droits, bien sûr, on peut faire ce genre de choses.
10:30 Mais il y a un moment donné où peut-être on pourrait en faire moins dans le verbe,
10:34 dans la démonstration, dans le narcissisme, ce genre de choses, et un peu plus dans les vies quotidiennes.
10:38 Les femmes qui souffrent, les femmes qui sont frappées par leur mari,
10:41 les femmes qui n'ont pas les pensions alimentaires,
10:43 ou les femmes qui n'achètent pas de dentifrice ou de savon.
10:45 J'ai vu ça l'autre jour, des gens qui, parce qu'ils sont pauvres,
10:48 ne peuvent pas acheter des produits pour leur propre hygiène.
10:51 Mais il y a une urgence ici, bien plus que de dire "je me démontre légèrement dévêtue".
10:56 On voit un peu de sa cuisse à partir de la hanche, si je me souviens bien sur cette photo, en couverture.
11:01 Je pense que les femmes méritent mieux que ça.
11:03 - Dans ce livre, "Anima", que vous publiez chez Albin Michel,
11:06 vous faites un constat du déclin de nos civilisations occidentales, ou pas ?
11:11 - Ah oui, complètement !
11:13 Moi, j'ai fait un livre qui s'appelle "Décadence" pour le montrer,
11:15 j'en ai fait un autre qui s'appelle "Puissance et décadence" pour continuer à le montrer concrètement,
11:18 et puis "Anima", c'est une histoire de l'humanité à partir de l'âme,
11:21 en disant effectivement que, c'est pas le sous-titre, mais le bandeau dit "Vie et mort de l'âme".
11:26 Je pense qu'il y a une disparition de l'âme aujourd'hui.
11:28 Au point qu'Elon Musk nous dit que l'âme, ce sont nos datas.
11:31 C'est-à-dire que les traces que vous laissez sur Internet, c'est vous.
11:34 Et c'est votre âme.
11:35 Et ces traces-là, on va pouvoir aujourd'hui les mettre sur une clé USB
11:39 qui nous permettra, si on veut, de pucer des individus.
11:42 Elon Musk travaille là-dessus pour faire de telle sorte qu'on vous crée une espèce d'immortalité.
11:46 Et on se dit "c'est ce vers quoi on va", et les progressistes aujourd'hui nous disent ce genre de choses.
11:50 Il y a des progressistes aujourd'hui en Espagne qui estiment qu'on peut pratiquer la zoophilie.
11:54 À gauche, aujourd'hui, c'est ça, la possibilité d'acheter, de vendre des enfants,
11:57 de louer l'utérus des femmes, d'avoir des relations sexuelles avec des animaux.
12:00 Et on se dit "mais enfin... ou de tolérer les moustiques, parce que ce sont des pitures de moustiques,
12:05 parce que ce sont des moments qu'ils s'en viennent de nourrir leurs petits
12:08 et qu'il faut vivre avec des animaux liminaires".
12:10 Donc les animaux ont plus de droits que les enfants.
12:12 On peut aujourd'hui, avec l'interruption médicale de grossesse, l'IMG, j'entends bien l'IMG, pas l'IVG,
12:18 - Oui, je le connais, au 9e mois.
12:19 - avorter jusqu'à la vie de... - C'est exceptionnel, on le rappelle.
12:21 - Oui, exceptionnel, enfin, pour des raisons psychosociales.
12:24 C'est-à-dire qu'en fait, il y a des enfants qui sont moins sacrés que des moustiques.
12:28 Je pense effectivement que dans une civilisation, quand on peut coucher avec son chien,
12:31 quand on peut dire "attention, ne détruisez pas des moustiques, c'est terrible",
12:34 mais qu'en même temps on dit "vous pouvez détruire un enfant pour des raisons psychosociales"
12:37 si vous pensez que c'est pas un signe de nihilisme.
12:39 - "Vie et mort de l'âme", dans ce livre, vous parlez beaucoup de la religion, à toutes les époques.
12:44 Est-ce que c'est un refuge pour l'âme, pour la sauvegarde de l'âme humaine ou pas ?
12:49 - Mais disons que c'est la religion qui préempte l'âme.
12:52 C'est-à-dire que je démarre avec des hypothèses sur Lascaux, évidemment,
12:56 mais après on a des textes avec les Égyptiens,
12:59 et on voit bien que ce sont les Asurs, Sumères, Babylone, la Grèce, Rome, etc.
13:03 Jusqu'à aujourd'hui, il y a une dématérialisation.
13:06 Du moins, l'âme est immatérielle.
13:08 "Psyché" et "papillon" en grec, ça veut dire la même chose, c'est l'âme.
13:12 Donc il y a quelque chose comme ça d'indicible, d'éternel, etc.
13:17 Jusqu'à ce qu'on commence à dire "non, elle est quand même un peu matérielle".
13:20 Descartes nous dit "il y a dans le cerveau une glande pinéale",
13:23 c'est ce qu'on appelle l'épiphyse d'aujourd'hui,
13:25 c'est là que se fait la liaison entre la matière et l'esprit.
13:28 Et puis il y a des philosophes qui disent "elle est laissée de côté un peu l'esprit,
13:31 l'esprit c'est de la matière, et donc on matérialise totalement".
13:34 Et jusqu'à aujourd'hui, on passe avec l'homme nouveau,
13:37 les Jacobins qui estimaient à l'époque qu'on pouvait faire un homme nouveau
13:40 et faire se croiser les hommes et les animaux,
13:43 sachez Condorcet, sachez Labéziéès, sachez Diderot,
13:46 qui nous disent "faites des chimères, les singes se doivent pouvoir copuler ensemble,
13:50 et fabriquez une espèce d'homme nouveau".
13:52 Et je m'entends aujourd'hui, Sandrine Rousseau nous parler de l'homme déconstruit.
13:55 Si un homme déconstruit, c'est qu'on peut le reconstruire,
13:58 et le principe c'est l'homme nouveau.
14:00 Donc je me dis effectivement, nous arrivons à un moment donné où l'âme est totalement immatérielle,
14:03 et cette âme immatérielle, enfin cet homme immatériel disparaît au profit d'une âme matérielle
14:08 qui est assimilable aux datas.
14:10 Vous dites "mais moi je connais des gens, un campagne, qui n'ont pas d'ordinateur,
14:13 et qui n'ont pas de téléphone portable, donc ils n'ont pas de data, donc ils ne sont pas,
14:16 ils n'existent pas".
14:18 Si vous êtes votre trace numérique, alors il y a une humanité qui n'existe pas,
14:21 parce qu'elle n'est pas traçable.
14:24 Il y a une négation d'une partie de l'humanité en fait.
14:26 La société dans laquelle nous vivons, Michel Onfray, nous amène à effacer les pans entiers des humains.
14:33 Oui, on déshumanise au sens étymologique.
14:36 Je pense effectivement que quand on abolit les différences entre les hommes et les femmes,
14:40 entre les adultes et les enfants, entre les animaux et les hommes,
14:43 il y a un moment donné où tout ce valant,
14:45 effectivement on risque plus d'aller au tribunal parce qu'on a tué un petit chat,
14:50 et qu'on en a fait une vidéo, éventuellement de tuer quelqu'un.
14:54 Je pense à Madame Halimi qu'on a jeté par sa fenêtre avec des cris antisémites,
14:58 et on dit "non, ce monsieur il avait fumé un peu de hashish,
15:00 ce qui s'explique, ce qui se comprend, etc."
15:02 Donc oui, il y a un moment donné où on se dit,
15:04 si la religion n'est plus là pour porter l'âme,
15:07 il n'y a pas de spiritualité sans religion.
15:09 Ça veut dire que c'est difficile aujourd'hui de parler d'une âme, comme je le fais,
15:12 en disant "mais l'âme d'une certaine manière c'est ce qui enveloppe le corps,
15:14 ça reste quelque chose de matériel, je suis matérialiste,
15:17 je suis toujours athée, je ne suis pas dans la quête de Dieu,
15:19 je ne suis pas dans le désir d'une conversion, je tiens à le dire."
15:22 Juste dire "mais redéfinissons un peu l'âme d'un être,
15:25 c'est son style, son ton, son allure, c'est sa voix,
15:28 c'est sa style ouenne, c'est sa façon d'être,
15:30 et ça, ça n'est pas réductible à des datas."
15:32 Ce qui est inquiétant c'est que la suite de Anima,
15:34 le deuxième livre que vous préparez après, s'appelle "Barbarie".
15:36 C'est-à-dire que c'est la suite logique,
15:38 c'est qu'on va vers une société barbare ?
15:40 On y est déjà un peu, avec tout ce que je vous ai dit,
15:42 on s'attire vraiment à Barbarie, et je pense que quelqu'un
15:44 comme Elon Musk est vraiment un personnage
15:46 qu'il faut regarder de près, parce qu'avec Neuralink,
15:49 c'est-à-dire le puissage du cerveau, avec SpaceX,
15:52 ces fusées qui permettent de quitter la Terre,
15:55 avec Tesla qui permet de travailler sur l'intelligence artificielle,
15:59 ces gens-là nous préparent un avenir effectivement
16:01 qui est, alors pour le coup, post-chrétien, post-moderne,
16:04 et qui sera total et planétaire.
16:05 C'est-à-dire là nous aurons un état civilisationnel planétaire,
16:08 il se joue actuellement du côté de la côte ouest des États-Unis,
16:12 c'est-à-dire chez les Californiens,
16:14 et Elon Musk lui-même, qui travaille à l'intelligence artificielle
16:16 depuis des années, vient de signer une pétition, vous avez vu,
16:18 où il dit "pfff, un petit moratoire de 6 mois, c'est fini, c'est parti".
16:22 C'est l'histoire de l'apprenti sorcier, vous savez,
16:25 Paul Dukas, Goethe, et puis Lucien Samozad
16:27 qui nous racontent cette histoire, c'est parti,
16:29 et dans l'histoire de l'apprenti sorcier,
16:32 il y a un sorcier qui calme le jeu,
16:34 c'est pas l'apprenti, mais le sorcier vient et calme le jeu.
16:36 Il n'y aura pas de sorcier pour calmer le jeu.
16:38 Cette histoire est partie,
16:40 et nous aurons effectivement des individus puissés,
16:42 des individus sauvés,
16:44 des individus qui auront évidemment la loi,
16:46 parce qu'ils auront le pouvoir pour eux,
16:48 et puis une espèce de valetaille sur la planète entière
16:50 qu'on utilisera comme des esclaves.
16:52 Dans ce livre, vous parlez de l'âme,
16:54 il y a une question qui a été évoquée hier
16:56 sur la fin de vie par la Convention citoyenne,
16:58 qui s'est prononcée en faveur d'une aide active à mourir.
17:02 Est-ce que vous êtes favorable à cette aide active à mourir ?
17:05 Je sais que Michel Houellebecq estime que c'est une hérésie.
17:09 Est-ce que pour vous, ça cadre avec l'âme telle que vous l'avez décrivée dans ce livre, Anima ?
17:14 Alors je pense qu'il faut...
17:16 Oui, je suis pour l'euthanasie, depuis longtemps.
17:18 J'allais dire depuis toujours,
17:20 je n'ai jamais changé sur ce sujet-là,
17:22 et puis j'ai eu, hélas, la possibilité dans ma vie
17:24 d'activer une euthanasie, disons-le comme ça.
17:28 Je crois simplement que c'est comme à l'époque de l'avortement.
17:31 C'est-à-dire, à l'époque, Giscard avait écrit ses mémoires,
17:35 dans "Le pouvoir et la vie", je crois, où il disait "je suis contre l'avortement",
17:38 mais en même temps, l'avortement, c'est "les femmes peuvent y aller parce qu'elles ont de l'argent en Suisse", etc.
17:42 Puis les autres, ce sont les tricoteuses, et il y a un problème.
17:45 Donc je crois qu'il y a un moment donné où le problème, c'est pas pour ou contre l'euthanasie.
17:48 Le problème à le poser, c'est "est-ce que vous êtes pour une euthanasie qui est pratiquée comme elle est pratiquée,
17:52 c'est-à-dire vous avez des copains qui sont dans un hôpital, qui vous aident,
17:55 qui font ça en douce et qui se disent "bon, on n'en parle pas", etc.
17:58 Bon voilà, ou alors, France d'en bas, pas de copains, pas d'amis, pas de relations,
18:02 et là, vous allez souffrir jusqu'au bout.
18:04 Alors je dis, mais la question c'est pas pour ou contre, c'est faire de telle sorte
18:07 qu'elle ne continue pas à rester comme ça, clandestine, comme c'est souvent le cas,
18:10 mais que légalement, il y ait des dispositions qui nous permettent d'y aller.
18:13 Maintenant, la possibilité de se suicider, c'est pas une obligation de se suicider.
18:18 La possibilité de choisir sa mort, c'est pas non plus une invitation à dire
18:22 "la première infirmière venue, vous pouvez en finir avec cette personne-là,
18:25 elle occupe un lit depuis trop longtemps", c'est pas ça.
18:27 C'est justement s'il n'y a pas de législation sur ce sujet, que le pire sera certain.
18:32 Donc je suis pour une législation, oui.
18:34 Merci beaucoup Michel Onfray.
18:35 Animé aux éditions Albin Michel, "Vie et mort de l'âme", de Lascaux au Transhumanisme,
18:39 un livre brillant, que, évidemment, on recommande à nos lecteurs,
18:42 à nos auditeurs et à nos téléspectateurs.
18:44 Merci beaucoup d'être venu ce soir dans Punchline, sur CNews et sur Europe 1.
18:48 Dans un instant, autre invité exceptionnel, le général d'armée Christian Rodriguez,
18:51 directeur général de la Gendarmerie Nationale,
18:53 il nous dira ce qui s'est passé réellement à Saint-Sauline,
18:56 face au Black Bloc, le 25 mars dernier.