Avec Pierre-Marie Sève, directeur de l’institut pour la justice
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio André Bercoff.
00:02 "Ça balance pas mal !"
00:04 Bercoff dans tous ses états, ça balance pas mal sur Sud Radio.
00:07 "Ça fait des décennies, même plus.
00:09 Y a des chansons sur la coco dans les années 20, dans les années 30.
00:13 Tout ça n'est pas neuf, mais ça a pris...
00:16 Ça a pris une dimension absolument...
00:19 Mais énorme, énorme, énorme.
00:21 Et on va en parler avec Pierre-Marie Sèvres,
00:25 le directeur de l'Institut pour la justice.
00:28 Bonjour Pierre-Marie Sèvres.
00:30 Bonjour André Bercoff.
00:32 Alors, vous avez écrit un article tout récemment dans le Figaro,
00:35 et puis vous en parlez, et vous dites ceci.
00:37 Vous dites "La cocaïne passant au seul port d'Anvers,
00:40 Anvers en Belgique, générerait 50 milliards d'euros,
00:44 soit l'équivalent de 10% du PIB belge."
00:47 C'est hallucinant ça.
00:49 Oui, absolument.
00:51 Vous l'avez dit un petit peu dans votre introduction,
00:53 la cocaïne, dans l'imaginaire collectif,
00:55 ce sont les années 70, 80, ami-ami,
00:57 et puis ça s'arrête là.
00:59 Et en fait, les saisies dans le port d'Anvers,
01:02 là en 2022, ont encore battu un record historique,
01:06 sans précédent.
01:08 Et tout ça marque un petit peu une évolution,
01:11 c'est-à-dire que pendant longtemps,
01:14 les États-Unis étaient le premier marché mondial de cocaïne.
01:16 Aujourd'hui, en 2022, 2023,
01:18 ce sera certainement l'Europe,
01:20 pour la première fois dans l'histoire.
01:22 Ah oui, pour la première fois, oui.
01:24 Absolument, absolument.
01:26 C'est vraiment tout nouveau.
01:28 Et Anvers est un petit peu le symbole de tout ça,
01:30 puisque je vous ai dit,
01:32 oui, 50 milliards d'euros, ce que j'écrivais dans ma tribune,
01:34 c'est-à-dire 10% du PIB belge,
01:36 c'est tout simplement hallucinant.
01:38 Mais Anvers n'est qu'une des portes d'entrée,
01:40 et il y en a beaucoup, beaucoup plus.
01:42 Ça fait environ 10 ans que toutes les agences,
01:45 à commencer par l'OFAS,
01:47 qui est l'Agence française de lutte contre le trafic de stupéfiants,
01:49 ça fait à peu près 10 ans que les signaux d'alarme
01:52 sont un petit peu au rouge.
01:54 Et d'année en année, ça s'aggrave.
01:56 Et on attend vraiment, en tout cas moi,
01:58 en écrivant cette tribune, j'attendais vraiment,
02:00 j'espère et j'espère toujours
02:03 obtenir une réaction des pouvoirs publics
02:05 pour lutter contre ce problème qui s'annonce
02:07 très, très, très dangereux.
02:09 Alors on va en parler après les informations.
02:11 Restez avec nous, c'est passionnant.
02:13 Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ?
02:15 50 milliards, vous imaginez ?
02:17 Pour la cocaïne uniquement, il y a tout le reste.
02:19 On en parle tout de suite après les informations
02:21 avec Pierre-Marie Sèvres.
02:23 Restez bien avec nous
02:25 pour cet entretien avec Pierre-Marie Sèvres
02:27 sur comment le tsunami de cocaïne qui déferle sur l'Europe
02:29 met en péril les démocraties et le face à face.
02:31 Tout de suite après avec Xavier Mouraud,
02:33 historien, analyse politico-stratégique,
02:35 directeur du site Stratpol.
02:37 Vous nous appelez au 0826 300 300
02:39 pour participer à l'émission.
02:41 A tout de suite.
02:43 [Musique]
03:01 Eh, ça s'est passé ce matin.
03:03 Ce matin, l'intersyndical
03:05 est venu dire
03:07 à Elisabeth, born to be alive,
03:09 eh ben voilà.
03:11 On t'a vu, tu veux pas retirer la chose.
03:13 Eh ben on s'en va.
03:15 On s'en va. Mais j'espère que
03:17 Elisabeth Born tiendra le coup
03:19 et qu'on n'entendra pas ses larmes
03:21 vraiment, parce que on voudrait que ça continue
03:23 tout ça. Mais...
03:25 c'est mal barré.
03:27 Eh bien, Pierre-Marie,
03:31 vous voyez, là on n'était pas
03:33 dans les gars de la narine,
03:35 on n'était pas dans le savant Cossinus,
03:37 on n'était pas dans la bataille du rail.
03:39 Pierre-Marie Sèvres,
03:41 c'est assez terrifiant.
03:43 On a envie de ricaner,
03:45 mais franchement,
03:47 vous donnez des chiffres,
03:49 Pierre-Marie Sèvres. En France, en an 2000,
03:51 2001, il y a 22 ans,
03:53 consommatrice régulière de cocaïne
03:55 de la population, 0,3%.
03:57 Aujourd'hui, 1,6%
03:59 de la population française,
04:01 on est passé en plus de 20 ans,
04:03 de 0,3 à 1,6.
04:05 Et alors, ça induit
04:07 beaucoup de choses,
04:09 parce qu'il y a d'abord la sécurité,
04:11 ce qui se passe, et puis la corruption aussi.
04:13 Pierre-Marie Sèvres.
04:15 Pierre-Marie Sèvres,
04:17 vous êtes avec nous ?
04:19 Vous ne nous entendez pas, apparemment.
04:21 - Je vous entends, c'est bon.
04:23 - Ah ça y est ?
04:25 - Oui, c'est bon, je vous entends.
04:27 Oui, oui, alors des affaires de corruption, on en entend assez régulièrement.
04:29 Je ne sais pas si vous vous souvenez,
04:31 en 2018, on avait eu une affaire de corruption
04:33 d'un docker du Havre, par exemple.
04:35 Les dockers sont absolument indispensables
04:37 dans le bon fonctionnement
04:39 des transports
04:41 de cocaïne, puisque l'essentiel de la cocaïne
04:43 se transporte
04:45 par la mer, par les bateaux.
04:47 - Les containers, les fameux containers.
04:49 - Exactement.
04:51 On a aussi un autre problème, qui est d'ailleurs très spécifiquement
04:53 français, qui est le transport par voie aérienne.
04:55 Ce sont les mules, dont on a tous
04:57 entendu parler dans les films,
04:59 mais qui aujourd'hui, les plus de
05:01 mules au monde, pratiquement, en tout cas en Europe,
05:03 sont à Orly.
05:05 Elles passent par la Guyane, et ce sont des jeunes
05:07 guyanaises ou des jeunes guyanais
05:09 qui transportent de la cocaïne sur eux.
05:11 Donc je disais, il y a la corruption
05:13 des dockers, qui est un point important,
05:15 mais il y a des corruptions beaucoup plus graves.
05:17 Je prends un seul exemple.
05:19 Il y a un ou deux ans,
05:21 le chef de la police du port
05:23 d'Anvers, donc le port d'Anvers,
05:25 il faut bien comprendre que c'est le lieu de transit
05:27 majeur de la cocaïne en Europe.
05:29 - En Europe, d'accord.
05:31 - Il y a Valseul, il y a aussi Rotterdam,
05:33 il y a Le Havre, il y en a d'autres,
05:35 mais Anvers est vraiment le premier et le plus emblématique.
05:37 - Alors, qui s'y est passé ? Allez-y.
05:39 - Le chef de la police du port d'Anvers
05:41 a été arrêté pour corruption
05:43 par la police fédérale belge.
05:45 - Le chef de la police du port d'Anvers, carrément ?
05:47 - Exactement. - La haute autorité.
05:49 - Oui, un policier
05:51 fédéral belge a lui aussi été
05:53 attrapé en flagrant délit.
05:55 Ce sont les dockers qui l'ont dénoncé.
05:57 Il a été attrapé en flagrant délit, il leur a offert
05:59 un million d'euros pour qu'ils puissent
06:01 ouvrir, ce policier belge,
06:03 pour qu'ils puissent ouvrir un conteneur.
06:05 Donc, évidemment, le faire passer dans du trafic
06:07 ensuite derrière. Donc, la corruption,
06:09 c'est un danger.
06:11 Là, on parle de dockers, on parle ensuite
06:13 de chefs de la police.
06:15 Ça peut monter beaucoup, beaucoup, beaucoup plus haut.
06:17 Je rappelle par exemple que
06:19 un des vrais narco-états qui existent sur Terre
06:21 qui est le Suriname, qui est un petit pays
06:23 complètement gangréné par la cocaïne
06:25 et par son transport,
06:27 le Suriname,
06:29 le président de la République du Suriname a été
06:31 accusé, il est toujours accusé,
06:33 il a plus ou moins fui, mais il a été accusé
06:35 pendant longtemps d'être un des trafiquants
06:37 de cocaïne les plus importants au monde.
06:39 Donc, ça peut monter vraiment très haut
06:41 dans l'appareil d'État.
06:43 - Alors, justement, Pierre Maillessier, vous dites
06:45 "Le directeur du Centre Pensionnaire d'Analyse
06:47 du Renseignement Maritime pour les Stupéfiants
06:49 (SOERTOP)
06:51 interrogé par Le Point, disait ceci
06:53 "De plus en plus de membres des autorités
06:55 judiciaires et politiques sont
06:57 corrompus en Europe occidentale,
06:59 chez nous, donc, la cocaïne génère
07:01 tellement d'argent qu'elle représente
07:03 une menace pour la démocratie européenne."
07:05 Est-ce que c'est pas exagéré ? Il y a vraiment
07:07 aujourd'hui, on est gangréné
07:09 à ce point ?
07:11 - Alors, oui, je pense
07:13 qu'il faut le dire et je pense que la plupart des gens
07:15 ne réalisent pas. En fait, ce qui se passe actuellement
07:17 aux Pays-Bas et en Belgique
07:19 est extrêmement, extrêmement inquiétant.
07:21 Il y a des journalistes
07:23 qui ont été menacés. Il y a le plus grand
07:25 journal néerlandais, l'équivalent du Figaro
07:27 du Monde aux Pays-Bas,
07:29 qui a été incendié par des membres
07:31 de la Mocro-Mafia, qui est la mafia
07:33 marocaine
07:35 originaire du RIF, les plateaux du RIF,
07:37 qui sont les plus grands trafiquants de drogue,
07:39 en gros, en Europe. Et ils ont
07:41 balancé une voiture-bellier
07:43 piégée sur les locaux du journal.
07:45 - Ah, là, oui, carrément. - Donc, là,
07:47 vous imaginez, c'est quand même...
07:49 Les journalistes ne peuvent plus faire leur travail.
07:51 Il y a la fille du roi
07:53 des Pays-Bas, qui a été menacée
07:55 de mort, menacée d'enlèvement,
07:57 par les mêmes Mocro-Mafia,
07:59 donc les trafiquants néerlandais. Aujourd'hui,
08:01 alors qu'elle vivait à Amsterdam, elle était étudiante,
08:03 aujourd'hui, elle vit cloîtrée dans
08:05 le Palais-Royal.
08:07 Mais il y a aussi des gens qui meurent un petit peu
08:09 presque par hasard, c'est terrible,
08:11 mais moi, je me souviens très bien avoir vu une affaire
08:13 aux Pays-Bas aussi, dans un parking.
08:15 Un règlement de compte entre
08:17 trafiquants, et bien c'est un
08:19 couple avec son bébé, qui est pris
08:21 en plein milieu, qui est pris pour la
08:23 cible en question, et qui...
08:25 Il y a le mari, je crois, qui est mort.
08:27 Enfin bref, et puis ça,
08:29 c'est encore un petit
08:31 état des lieux, mais si on en arrive
08:33 au Mexique, où on a des centaines de milliers de morts par an,
08:35 ça va être
08:37 une autre chanson.
08:39 Je rajoute un autre petit élément.
08:41 Vous vous souvenez peut-être aussi, cette affaire
08:43 de Champloo-les-Vignes, en Seine-Maritime,
08:45 c'est une mère,
08:47 une PS, qui a été mise en examen,
08:49 qui est aujourd'hui mise en examen avec un de ses adjoints,
08:51 pour trafic de cocaïne.
08:53 Trafic de drogue.
08:55 Pour avoir prévenu des inondations.
08:57 Et ce qui est terrible, c'est qu'à la fois, vous dites, il y a la corruption,
08:59 il y a l'explosion du trafic,
09:01 mais il y a aussi l'explosion des consommateurs.
09:03 On vient de donner les chiffres,
09:05 et ça, juste, on va pas faire de psychologie
09:07 facile,
09:09 mais ça tient à quoi, cette explosion
09:11 des consommateurs, à votre avis,
09:13 Pierre-Marie Sèvres ?
09:15 Ça tient aussi à l'explosion
09:17 de l'offre de cocaïne.
09:19 C'est-à-dire que, depuis une dizaine
09:21 d'années, en gros, les trois pays
09:23 producteurs de cocaïne, que sont la Colombie,
09:25 le Pérou et la Bolivie, ont doublé
09:27 leur production de cocaïne. Donc, ils en ont énormément.
09:29 Dans le même temps,
09:31 on a le marché américain qui est saturé.
09:33 Donc, on a une stagnation du marché
09:35 de la cocaïne aux Etats-Unis, une très légère augmentation
09:37 depuis dix ans, mais on est plus ou moins saturé
09:39 à cause des opioïdes. Les Etats-Unis, vous le savez,
09:41 probablement, sont face à une épidémie
09:43 gravissime d'opioïdes,
09:45 de fentanyl, plus précisément,
09:47 maintenant. Et donc,
09:49 on a beaucoup plus de cocaïne
09:51 qui est disponible en Europe. Et donc,
09:53 c'est beaucoup plus facile pour les consommateurs
09:55 d'y arriver. Mais vous avez raison,
09:57 je pense qu'il y a plusieurs choses qui peuvent être faites
09:59 du côté des consommateurs. C'est évidemment plus de
10:01 sensibilisation dans les écoles, etc.
10:03 Ça, évidemment, on le sait, c'est nécessaire.
10:05 Et puis, un peu de sanctions, peut-être, quelques sanctions
10:07 un peu plus fortes.
10:09 L'apport du bâton,
10:11 l'apport du gendarme, c'est le cas de le dire.
10:13 C'est ça, exactement.
10:15 Pour les trafiquants, comme pour les consommateurs.
10:17 Et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles
10:19 les trafiquants...
10:21 Puisqu'en fait, ce sont les Colombiens, en gros,
10:23 je vous résume ça très gros, les Colombiens qui produisent,
10:25 les Mexicains qui transportent.
10:27 Les cartels mexicains se sont rendus compte
10:29 qu'aux Etats-Unis, les sanctions judiciaires
10:31 étaient très très lourdes, très très fortes.
10:33 C'est pas toujours exécuté,
10:35 mais les Etats-Unis n'y vont pas de main morte
10:37 dans la lutte contre la famine. Donc, on choisit l'Europe et on va vers l'Europe.
10:39 Parce que l'Europe est beaucoup plus...
10:41 est beaucoup plus...
10:43 beaucoup moins sévère que les Etats-Unis,
10:45 c'est beaucoup plus facile, il y a beaucoup moins de risques.
10:47 Tout ça est un calcul de coûts-bénéfices
10:49 qui est positif pour eux.