Regain de tensions au Proche-Orient : "Qu'est-ce que la communauté internationale va faire ?"

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Transcript
00:00 On retrouve Thomas Vescovy, chercheur indépendant en histoire contemporaine,
00:03 auteur de l'ouvrage "L'échec d'une utopie, histoire des gauches en Israël".
00:06 Bonjour. Il y a à nouveau une flambée de violence au Proche-Orient.
00:09 Israël et le Liban affirment ne pas vouloir la guerre,
00:12 mais n'y a-t-il pas un tournant dans la situation ?
00:15 Il me semble qu'en fait il y a au moins trois acteurs qu'il faut actuellement prendre en compte.
00:20 Le premier c'est effectivement l'acteur israélien et le gouvernement Netanyahou
00:24 qui espèrent évidemment pouvoir unir sa société
00:27 après les traumas de contestation qu'ils viennent de vivre,
00:30 en mettant notamment l'accent, comme l'a fait le vénérate dans votre reportage,
00:34 sur la menace qui pèse sur Israël via l'Iran.
00:37 Deuxième acteur c'est évidemment effectivement l'Iran, mais surtout le Hezbollah.
00:40 Le Hezbollah libanais qui est en véritable perte de prestige
00:44 après qu'il ait participé à la répression des populations arabes,
00:47 notamment dans la guerre en Syrie,
00:50 et qui pourrait potentiellement espérer pouvoir profiter d'un nouvel affrontement
00:53 pour redorer un peu son image.
00:55 Mais une guerre évidemment coûterait cher au Hezbollah
00:58 vu la situation économique au Liban.
01:00 Et enfin c'est le Hamas, dont on ne parvient pas vraiment à lire actuellement les lignes.
01:03 Le Hamas ne peut évidemment pas rester inactif
01:06 quand on voit les images qui nous ont été émises depuis Jérusalem
01:09 dans les affrontements qu'a eu la Mosquée à l'Aqsa.
01:12 Mais ceci dit, la question centrale aujourd'hui c'est véritablement
01:15 qu'est-ce que la communauté internationale va faire et va dire
01:18 s'il y a un embrasement qui se déclenche entre ces différentes forces au Proche-Orient.
01:22 Mais tout d'abord, cette relance du conflit avec les groupes palestiniens et le Liban,
01:25 est-ce qu'elle va faire la terre la crise interne à Israël ou au contraire l'activer ?
01:30 Justement, c'est véritablement l'enjeu qu'on a là.
01:34 Netanyahou pensait pouvoir se donner à peu près un mois de répit
01:37 grâce au congé, c'est le début de la Pâque juive,
01:41 il a espacé un petit peu de temps pour essayer de redorer un peu son image.
01:46 Je pense qu'il y a actuellement deux options qui sont possibles en Israël.
01:49 Le premier, c'est qu'en cas de nouvel affrontement et de nouvelle guerre véritable,
01:53 on ait une unité nationale qui se renforce en Israël, comme c'était déjà le cas dans le passé,
01:58 mais ça, il faut vraiment qu'il y ait une guerre qui soit déclenchée de manière claire
02:02 avec les réservistes mobilisés.
02:04 D'ailleurs, on apprenait dans l'heure qui vient de précéder
02:08 que Netanyahou a appelé les réservistes, notamment de l'armée de l'air israélienne,
02:11 à être prêts à intervenir.
02:13 Et le deuxième point, c'est au contraire.
02:15 Au contraire, c'est qu'un nouvel embrasement fragilise encore plus Netanyahou
02:19 et relance un petit peu le débat sur le fait qu'il doit démissionner.
02:22 On voit par exemple dans l'opposition en Israël actuellement
02:25 que les principales figures de l'opposition n'appellent pas pour l'instant à une unité nationale,
02:29 mais plutôt à se tenir prêts aux côtés de l'armée israélienne.
02:32 Et ils accusent notamment Netanyahou et ses alliés d'extrême droite,
02:36 actuellement au gouvernement, d'avoir embrasé la situation et de mettre le feu aux poudres.
02:40 Il y a eu Netanyahou, un faiseur de troubles sur le plan intérieur,
02:43 mais aussi sur le plan extérieur maintenant.
02:46 C'est un petit peu l'enjeu.
02:48 C'est-à-dire que vous avez, sur le plan intérieur, c'est très clair,
02:50 que depuis trois mois il a complètement fracturé la société juive israélienne.
02:54 Il espérait se donner un peu de répit.
02:56 Sauf qu'en même temps, Netanyahou, il faut le rappeler,
02:58 depuis qu'il est arrivé au gouvernement le 1er janvier dernier,
03:01 il n'arrête pas de marteler que lui, sa priorité, ce n'est pas la réforme judiciaire.
03:04 C'est l'ennemi iranien.
03:06 C'est la capacité de l'Iran à se positionner autour d'Israël.
03:08 Donc Netanyahou n'a jamais caché son souhait d'un affrontement avec l'Iran.
03:11 Reste qu'il ne peut pas se le permettre si, un,
03:14 la communauté internationale s'oppose vigoureusement à ça,
03:17 notamment l'allié américain,
03:18 et deuxièmement, si au sein de la société israélienne,
03:20 il n'a pas un soutien clair et net des réservistes et de la population.
03:25 Sauf que là, ce n'est pas le cas pour l'instant.
03:26 On a vu pendant les trois mois de contestation
03:28 que les réservistes de l'armée israélienne se sont clairement mobilisés
03:31 contre un soutien à Netanyahou,
03:33 dès lors que le gouvernement ne respecterait pas les droits démocratiques
03:37 au sein d'Israël.
03:39 Oui, il y a une rupture sans précédent au sein de la population juive israélienne en ce moment
03:43 et l'opposition est d'ampleur contre la réforme de la Cour suprême
03:46 voulue par Netanyahou,
03:47 puisque Netanyahou veut supprimer tout contre-pouvoir.
03:50 Les attaques des jeunes palestiniens, elles semblent spontanées.
03:53 Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur le rôle
03:55 des différentes organisations palestiniennes actuellement ?
03:58 En fait, vous avez en Palestine une absence totale de leadership,
04:01 une absence de protection, une absence de justice également pour les Palestiniens,
04:05 qui mécaniquement alimente la tentative pour les jeunes générations de prendre les armes.
04:09 C'est-à-dire que les Palestiniens, ces dix dernières années,
04:11 s'étaient engagés dans un processus de reconnaissance au niveau international,
04:15 au niveau de l'ONU, de l'UNESCO, de la CPI également,
04:18 et puis ils ont bien vu que tout ça a mené finalement à encore plus de colonisation,
04:22 l'occupation qui se maintient,
04:25 et même à ce que maintenant les ONG internationales parlent d'apartheid
04:28 à l'encontre des Palestiniens.
04:29 C'est donc un système où, sans espoir et sans véritable vue dans l'avenir d'une solution politique,
04:37 certains sont tentés effectivement par un retour aux armes
04:40 pour essayer de montrer à Israël une capacité de leur part de résistance.
04:44 Évidemment, vu la disproportion des forces, on voit bien à quoi ça mène, à encore plus de morts,
04:49 mais il est clair que sans solution politique et sans respect des droits
04:53 des populations vivant sous occupation israélienne, donc les Palestiniens,
04:57 il faut certainement encore plus, malheureusement, d'attaques et d'opérations,
05:00 et surtout de jeunes Palestiniens qui vont se constituer en mini-groupes armés
05:04 dans différentes villes pour s'attaquer soit aux colons, soit à l'armée israélienne.
05:08 Et pour les ministres israéliens d'extrême droite religieuse et ceux qui les soutiennent,
05:12 il ne s'agit plus d'une guerre pour le droit à un État, mais d'une guerre sainte,
05:16 sans aucun compromis possible et sans aucune négociation, justement ?
05:19 Disons que ça, c'est la dynamique de tous les fondamentalistes religieux, de toute façon.
05:23 C'est de ne voir dans ces conflits qu'une guerre de civilisation
05:26 entre juifs et contre-musulmans. En réalité, ce n'est pas le cas.
05:30 En réalité, vous avez au Proche-Orient actuellement une situation
05:33 de non-respect des droits internationaux, comme on a ailleurs dans le monde,
05:36 et sur laquelle, sur cette situation de non-respect des droits internationaux,
05:39 cette situation de colonisation et d'occupation,
05:41 viennent se greffer des dynamiques religieuses,
05:44 qui sont évidemment alimentées par ces groupes-là,
05:47 qui ont tout intérêt, de toute façon, à aller vers l'affrontement religieux,
05:50 puisque c'est leur dynamique première.
05:52 Mais rappelons quand même que, historiquement, même les pays de la région,
05:55 que ce soit le Liban, la Jordanie à côté, ou même l'Égypte avant,
05:59 il y a à chaque fois, dans la pacification des relations avec Israël,
06:03 la condition qui est mise, ce n'est pas une question religieuse,
06:05 c'est la condition de respecter les droits des Palestiniens
06:08 et d'aller vers une solution politique avec les Palestiniens.
06:10 C'est la seule condition qui est mise pour une pacification réelle et véritable avec Israël.
06:15 Et pour l'instant, malheureusement, on n'en prend pas la direction.
06:17 Mais cette fois-ci, au regard de l'opinion internationale,
06:20 y compris de l'administration américaine de Joe Biden,
06:23 la responsabilité de cette nouvelle flambée de violence en incombe au gouvernement israélien ?
06:29 Là, c'est clair que c'est assez univoque.
06:31 Les images qui sont parvenues de Jérusalem sont véritablement choquantes.
06:35 Même le consulat français à Jérusalem a mentionné le mot de "choquant".
06:40 On a eu des gens qui se sont fait véritablement frapper au sein d'un des 3e lieux sains de l'islam.
06:46 Et vous ajoutez à cela, effectivement, depuis le 1er janvier,
06:49 on en est à 93 Palestiniens qui ont été tués, dont plus de la moitié ne sont pas des combattants,
06:54 et 16 Israéliens qui ont été tués.
06:57 Donc, dans tout ce flambé de violence, on a côté israélien un gouvernement
07:01 qui est pourtant normalement, en tant que parti qui occupe des territoires palestiniens,
07:07 ça doit être la force de protection des populations civiles.
07:09 Or, il ne joue pas ce rôle.
07:11 Il joue au contraire un rôle qui alimente les tensions.
07:14 Et on peut craindre encore plus de tensions, dès lors que le ministre Itamar Benvir,
07:18 qui est le chef de la sécurité en Israël, donc le chef des polices,
07:21 n'arrête pas d'alimenter et d'appeler les jeunes colons, notamment les plus extrémistes,
07:25 à prendre les armes et à agir comme ils l'entendent.
07:28 Donc, évidemment, on n'est pas dans une situation de pacification
07:30 et de volonté de renouer un semblant de dialogue.
07:33 Pour terminer, le mouvement pour la paix en Israël n'existe presque plus.
07:37 Est-ce que l'extrémisme de Netanyahou pourrait contribuer à le faire renaître ?
07:42 Ça, il faudrait attendre les prochaines semaines pour le voir.
07:45 Ce qui est sûr, c'est que ce mouvement de contestation depuis trois mois
07:48 a redonné un espoir sans précédent à l'alternative en Israël,
07:51 même si pour l'instant, c'est un mouvement qui s'est surtout contenté
07:54 de vouloir défendre ce qu'on appelle un petit peu les privilèges de la démocratie juive.
07:58 Et ce n'est pas vraiment étendu aux droits des Palestiniens,
08:00 puisque l'occupation a été véritablement occultée de ce mouvement de contestation.
08:03 Ceci étant, il est clair que lorsque le 1er janvier Netanyahou était revenu au pouvoir,
08:07 personne n'attendait un mouvement de contestation aussi fort.
08:09 Tout le monde pensait que Netanyahou avait devant lui un boulevard politique
08:12 pour mettre en place son programme.
08:13 Et finalement, non, il a été contesté par la rue.
08:15 Et tout porte à croire que dans cette contestation-là,
08:18 on peut avoir les germes d'un futur renouveau de liens au sein de la population israélienne
08:24 avec la population palestinienne pour essayer de penser à un nouvel avenir.
08:27 En tout cas, c'est tout ce qu'on peut espérer pour l'heure,
08:29 puisque ce gouvernement Netanyahou risque en tout cas d'aller de plus en plus
08:33 vers des affrontements militaires, voire même le chaos en Israël et aussi dans la région.
08:37 Merci beaucoup Thomas Vescovy pour votre décryptage en français.

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