Face à Rioufol du 09/04/2023

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Ivan Rioufol et Véronique Jacquier passent en revue l’actualité de la semaine dans #FaceARioufol

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00:00 20h sur CNews, le point sur l'information avant face à Riofol avec Isabelle Piboulot.
00:05 C'est une course contre la montre à Marseille.
00:10 8 personnes résident aux 17 rues de Thivoli ne répondent pas aux appels.
00:14 Pour l'heure, 5 blessés légers sont à déplorer.
00:17 Un incendie fait rage sous les gravats des immeubles mettant en péril les secouristes.
00:21 Il est encore impossible d'indiquer les causes de l'explosion,
00:25 mais le gaz fait partie des pistes envisagées.
00:28 Emmanuel Macron décrit par Boris Vallaud comme un forcené retranché à l'Elysée.
00:33 Invité du grand jury, le chef de file des députés PS a dénoncé l'obstination du président de la République.
00:40 Selon Boris Vallaud, le chef de l'Etat a provoqué une crise et un coup de force démocratique
00:45 en brutalisant le Parlement et en n'écoutant pas la rue sur la réforme des retraites,
00:50 alors qu'une nouvelle journée de mobilisation est prévue jeudi.
00:54 Enfin, en cyclisme, Mathieu Van Der Poel remporte en solitaire son premier Paris-Roubaix,
00:59 quatrième monument de la carrière d'une Irlandaise.
01:02 Cette 120e édition a été mouvementée, marquée par de nombreuses chutes et par la malchance de Wout Van Aert,
01:09 arrivé troisième après une crevaison.
01:11 Christophe Laporte, premier français, termine dixième.
01:18 À la une de face à Riofol, la vague migratoire se poursuit en France et les chiffres de l'INSEE
01:24 ont été mis sous le tapis par une partie de la classe médiatique et politique.
01:27 Pourtant les chiffres témoignent d'une impressionnante vague sur ces trente dernières années.
01:32 Pourquoi cette indifférence ? Faut-il un plan d'urgence ? On en parle dans un instant.
01:36 À la une également, Emmanuel Macron, les syndicats, les français, tout le monde sort perdant de cette crise
01:41 autour de la réforme des retraites. Tout le monde, sauf Marine Le Pen, en tête de tous les sondages
01:45 si l'on rejouait la présidentielle aujourd'hui. Pourquoi cette percée ? A-t-elle déjà un pied à l'Élysée ?
01:50 Il y a même en de réponses dans cette émission. Enfin, Yvan, vous recevez ce dimanche Alain de Benoît,
01:54 philosophe, auteur de "L'Exil intérieur" ou encore "Nous et les autres, l'identité sans fantasme".
02:00 Vous allez revenir notamment sur les dangers du communautarisme.
02:03 Voilà le programme face à Riofol. C'est parti. Ravi de vous trouver, cher Yvan Riofol.
02:08 - Moi aussi, chère Eliott. - Gabriel Cusel est avec nous. Bonsoir, cher Gabriel.
02:13 On va commencer avec l'immigration. Vous vouliez revenir sur la relative indifférence
02:17 avec laquelle la dernière étude de l'INSEE sur l'immigration, pardonnez-moi,
02:24 et qui confirme son importance, a été reçue. Et pourquoi vous vouliez commencer par ça ?
02:28 Parce que c'est une photographie intéressante d'un état des lieux qui nous montre qu'il y a un éléphant dans le salon.
02:35 Alors, naturellement, ceux qui suivent cette affaire de près le savent bien.
02:40 Mais simplement, ce qui est étourdissant, c'est de voir que ces chiffres qui ont été avancés par l'INSEE
02:45 n'ont semblé en tout cas n'intéresser personne.
02:49 Et cela met le doigt, de mon point de vue, sur une grande faiblesse sur le mal français,
02:54 qui n'est pas tant le mal de la centralisation, qui n'est pas tant le mal de la technocratie,
02:59 mais le mal de l'endormissement. Je dirais même le mal de l'apathie politique
03:03 comme méthode de gouvernement. Et cet endormissement est un mot que je retiens
03:07 et qui a été retenu également d'ailleurs par le rapporteur, le président de la commission parlementaire
03:13 sur le fiasco nucléaire, vous savez, qui a rendu des conclusions accablantes.
03:19 Les conclusions parlent de divagation, parlant des précédents gouvernements
03:23 qui ont cassé le parc nucléaire. Et ce président de la commission d'enquête
03:27 parle d'un endormissement d'une nation qui a oublié de penser sa puissance.
03:31 Et je pense que ce terme d'endormissement résume bien, dans le fond, plus que tout autre,
03:36 le drame que nous vivons. C'est-à-dire que c'est un endormissement que l'on peut décliner à l'envie.
03:40 Il y a un endormissement face à l'effondrement de l'école, un endormissement face à l'effondrement de l'hôpital,
03:45 un endormissement face à l'effondrement de notre endettement, etc. Vous pouvez développer ça ainsi.
03:51 Et donc, il est intéressant de voir que sur l'immigration, on est à l'apexe de l'endormissement
03:57 parce que les chiffres qui sont donnés par l'INSEE montrent, malgré tout,
04:03 une situation sans précédent historique. Je rappelle très rapidement, sans rentrer dans le détail,
04:10 l'état de la situation. Il y a à peu près 500 000 personnes qui rentrent chaque année,
04:15 aujourd'hui, depuis quelques années. Il y a notamment 320 000 titres de séjour en 2022,
04:21 154 000 demandeurs d'asile. Il y a 400 000 clandestins. Parmi les clandestins,
04:28 400 000 clandestins ont droit à l'aide médicale d'État, c'est-à-dire à des soins gratuits.
04:34 Et donc, on peut imaginer que tous les clandestins ne sont pas malades. Il y a beaucoup plus de clandestins
04:38 que les 400 000 qui font appel à cette aide médicale d'État.
04:43 Les émigrés, surtout, ce qui est intéressant, c'est que l'INSEE montrait que les émigrés représentent désormais
04:48 10 % de la population. En 1968, il n'était que 6,5 %. Et que sur trois générations,
04:56 les émigrés représentent aujourd'hui 30 % de la population totale, c'est-à-dire à peu près 20 millions de personnes,
05:06 avec une forte majorité naturellement maghrébine et africaine. 55 % des émigrés se réclament musulmans.
05:14 Et parmi ces musulmans, les musulmanes sont très majoritairement aujourd'hui porteuses de ce voile
05:21 qui caractérise leur religion et leur séparatisme, dans le fond, avec la société.
05:26 Et d'autant, et autre chiffre également qui peut donner une perspective sur ce changement de peuple,
05:33 ce changement de population, cette substitution de population, 40 % des zéros à 4 ans sont aujourd'hui d'origine émigrée.
05:39 Si l'on poursuit les lignes, on s'aperçoit malgré tout que nous sommes en train de vivre un véritable bouleversement
05:45 civilisationnel qui, à tout le moins, pourrait intéresser un débat public.
05:51 Or, le débat public, pour l'instant, on nous fait voter, en tout cas à Paris, sur les trottinettes électriques,
05:56 on nous parle de l'eau, on nous parle de l'euthanasie, etc. Mais cette question-là, cette question occultée,
06:01 est occultée et elle a encore été reçue avec un grand silence politique de la part du gouvernement
06:06 qui s'est empressé d'enterrer cette très mauvaise réforme sur l'immigration qui devait être présentée ces jours-ci
06:13 et qui sera retoquée, qui sera remise à plus tard. On parle en effet de l'eau, on parle de la santé,
06:18 on parle des trottinettes, on parle de la crise des retraites naturellement qui a mobilisé la gauche.
06:23 La droite, elle, ne parle que d'elle-même et de ses problèmes d'égo. Et puis vous avez également
06:28 le même mécanisme du déni des dénégationnistes, dénégationnistes, vous, ce que je les appelle
06:33 des dénégationnistes, qui assurent que non seulement la France a toujours été un pays d'immigration,
06:37 et qu'il n'y a donc pas de problème, or ce qui est faux, la France est un pays d'immigration
06:41 depuis la fin du XIXe siècle et c'était une immigration européenne qui s'est d'ailleurs remarquablement
06:47 assimilée pour ceux qui sont restés et que cette immigration-là a été une chance.
06:51 Quand je parle de l'immigration polonaise, espagnole, portugaise, que sais-je, tout ceci est vrai,
06:58 mais aujourd'hui cette immigration qui est une immigration extra-européenne qui est apparue
07:02 depuis les années 60 est une immigration qui porte problème. Or vous avez beaucoup de scientifiques,
07:08 notamment et singulièrement au cœur du Collège de France, et je pense à M. François Herrand,
07:12 qui pétitionnent pour assurer, là je les cite, "il n'y a pas de submersion migratoire et le grand remplacement
07:18 est un mythe". Le grand remplacement c'est cette formule qui a été rendue publique,
07:23 qui est reprise dans le débat public par l'écrivain Renaud Camus, qui décrit malgré tout une réalité.
07:29 Ce n'est pas un fantasme, c'est une réalité. On peut peut-être tergiverser sur le terme,
07:34 mais en tout cas moi je persiste à dire qu'en effet il y a un grand remplacement,
07:38 et les chiffres de l'INSEE le montrent. Et donc face à cette menace de libanisation,
07:45 de balkanisation, face à cette montée d'un communautarisme, face à cette montée d'une autre culture,
07:50 d'une autre religion qui était conflictuelle durant les siècles passés par rapport à la civilisation occidentale,
07:57 on pourrait au moins émettre quelques alertes. Or on voit qu'il y a une apathie générale,
08:02 une sorte de somnambulisme dans le fond, qui interroge sur ce que nous sommes devenus.
08:07 Ça va peut-être un peu plus loin. Comment vous expliquez cette indifférence apparente ?
08:12 C'est une indifférence apparente, en effet, vous avez raison. C'est une sorte d'indifférence traumatique.
08:17 Parce que quand vous interrogez les Français, à 70% ils vous disent qu'ils sont contre l'immigration.
08:21 Donc ceux qui nous disent que les problèmes identitaires n'intéressent pas les Français,
08:25 au prétexte que ces problèmes identitaires n'arrivent pas à émerger et que personne ne manifeste contre l'immigration,
08:30 70% des Français sont contre les retraites et beaucoup d'entre eux manifestent contre les retraites.
08:35 On pourrait imaginer que 70% des Français étant contre l'immigration manifesteraient contre cette immigration-là.
08:40 Mais on voit bien qu'il y a naturellement dans les esprits une tétanisation, une incapacité à formuler même
08:46 le fait qu'on pourrait être contre une immigration de peuplement qui déséquilibre la société,
08:50 au prétexte que l'idéologie antiraciste s'est enracinée au cœur de nos raisonnements.
08:55 Et si personne ne réagit, c'est parce que tout le monde est tétanisé à la perspective d'être traité de xénophobe,
09:01 de ce qui ne manque pas d'ailleurs, de raciste ou de quoi que ce soit.
09:04 C'est-à-dire quiconque aujourd'hui met en avant la fragilité de la cohésion nationale est immédiatement traité de fasciste.
09:11 Et donc le cœur de notre incapacité, de notre endormissement, le cœur de notre incapacité à nous indigner
09:18 vient effectivement de cette idéologie droite-lomiste, de cet antiracisme qui avait été défini comme étant le communisme du XXIe siècle
09:27 par Alain Finkielkraut ou par Renaud Camus, je ne sais plus qui d'eux.
09:30 De l'un ou de l'autre, c'était inspiré de l'autre.
09:32 Mais en tout cas, il faut sortir bien entendu de cet enfermement intellectuel qui nous empêche de penser.
09:39 Et là, on voit bien que le président tunisien, qui lui n'a pas pris de gants pour dire effectivement que son pays était fragile
09:44 et qu'il a reconduit chez eux une partie des immigrés d'Afrique noire, prétextant précisément d'avoir à protéger son peuple, sa cohésion.
09:53 Et pour nous-mêmes, ce serait également notre état-providence.
09:57 On voit bien la somme d'accablement qui est tombée sur ce président tunisien.
10:01 Et d'ailleurs, je remarque que l'Algérie commence à en faire autant.
10:04 C'est-à-dire que nous-mêmes, nous sommes pétris naturellement de contrition.
10:07 Nous avons à nous excuser surtout et nous donnons des verges pour nous faire battre dans la mesure où nous n'avons plus les éléments pour nous protéger,
10:17 les éléments intellectuels pour nous protéger.
10:19 Nous avons été subvertis par cette idéologie antiraciste qui, naturellement, a toutes les vertus, parce qu'on ne demande à personne d'être raciste, bien entendu.
10:26 Mais cette idéologie antiraciste exige aujourd'hui de ne plus faire de différence entre le citoyen et l'étranger
10:32 et de ne plus non plus accepter l'élémentaire distance qui sied à des civilisations.
10:40 Même Lévi-Strauss avait promu une distance élémentaire afin de préserver les identités, les caractéristiques, les peuples et les civilisations.
10:51 Et donc, nous sommes là, effectivement, dans ce terrorisme intellectuel, dans le fond.
10:55 Vous parlez de terrorisme intellectuel. Vous partagez ce constat, Gabrielle Puzel ?
10:59 C'est-à-dire qu'il y a un déni de toute évidence sur ce sujet.
11:03 Et pour reprendre votre métaphore, vous avez dit tout à l'heure qu'il y a un éléphant au milieu du salon.
11:09 Il y a ceux qui disent qu'il n'y a pas d'éléphant, que vous ne voyez pas ce que vous voyez.
11:14 Il y a ceux qui disent qu'il y a un éléphant dans le salon et c'est super, et c'est très bien.
11:19 Si vous dites le contraire, c'est que vous êtes raciste.
11:21 Et il y a ceux qui disent, ben écoutez, maintenant, il y a un éléphant dans le salon, on ne peut rien faire, donc il faut s'en accommoder.
11:26 Et c'est vrai que l'ensemble de tous ces discours conduisent à un immobilisme.
11:32 Et on essaie de faire rentrer l'éléphant sous le tapis du salon, ce qui est quand même compliqué.
11:37 Il ressort de temps en temps et à la faveur des sondages.
11:40 C'est l'opinion des Français, mais vous savez bien qu'aujourd'hui, l'opinion des Français, tout le monde s'assoit dessus.
11:45 Moi, je suis très frappée de voir le déni de l'existence même de civilisation et de culture,
11:53 qui est offensante pour tout le monde.
11:55 Les Français, comme les immigrés, ont fait comme si les gens étaient des pages blanches, des homo economicus qui consomment,
12:01 et donc qui arrivent chez nous et rien ne va se passer.
12:06 Comme les autres, ils n'ont pas eu de culture particulière, pas d'éducation particulière, ni les uns ni les autres.
12:12 Ils sont interchangeables, d'ailleurs, on décide de les relocaliser à la campagne.
12:16 Vous savez, Emmanuel Macron nous a dit ça, c'est un terme quand même économique, la relocalisation.
12:19 On considère qu'ils remplaceront ceux qui ont quitté la campagne, et que, donc, il n'y a plus de considération culturelle.
12:26 Ça n'existe plus, ça ne fait plus partie de notre vocabulaire, et c'est quand même assez terrible.
12:31 Alors, j'ai entendu Yvan Rioufol dire très justement qu'on nous raconte, on a changé le narratif,
12:37 on fait comme si la France était les Etats-Unis.
12:39 On nous dit, mais non, la France, vous savez, ça a toujours été une terre de migration, ce qui est faux,
12:43 Yvan Rioufol l'a bien dit, au XIXe, il y a eu une vague migratoire tout à fait différente,
12:50 avec des gens du reste qui se sont assimilés, qui étaient de cultures très proches.
12:55 Et puis, on nous dit, mais vous voyez, déjà, à cette époque-là, il y avait des réflexes un peu xénophobes
13:00 avec les Polonais et les Italiens, donc c'est que les Français sont racistes.
13:03 Pas du tout, c'est que même quand les cultures sont proches,
13:07 ça ne se fait pas, ça ne passe pas comme une lettre à la poste,
13:11 il faut de fait une assimilation volontaire des deux côtés, si j'ose dire.
13:17 C'est-à-dire que le pays ait la volonté d'assimiler,
13:20 que les immigrants aient la volonté, les immigrés aient la volonté de s'assimiler,
13:23 ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
13:25 Moi, simplement, je voudrais terminer là-dessus.
13:27 On pourrait tirer une leçon de la guerre russo-ukrainienne.
13:30 C'est-à-dire qu'on en a parlé pendant des mois.
13:33 Ce qui fait aujourd'hui que la Russie revendique, par exemple,
13:38 un certain nombre de terres en Ukraine et fait la guerre en Ukraine,
13:41 c'est qu'il y a eu des mouvements de population et qu'aujourd'hui,
13:45 elle considère par exemple que le Donbass,
13:48 où se sont installés des Russes à la faveur d'un mouvement migratoire pour l'industrie,
13:56 pour des raisons, les Ukrainiens étaient tous des paysans
13:59 et on a fait venir des ouvriers russes,
14:01 fait aujourd'hui qu'il y a un problème d'identité.
14:03 On ne sait plus dans ces régions s'ils sont ukrainiens, russes,
14:05 tout le monde se dispute.
14:06 Et pourtant, c'était des gens très proches culturellement.
14:08 C'était des peuples chrétiens proches.
14:10 Du reste, c'est terrible de les voir faire la guerre.
14:13 Ça déchire le cœur.
14:15 Et bien même cela, ça a posé des problèmes.
14:18 Et pourquoi ne peut-on pas tirer des leçons de l'histoire
14:22 et de ce conflit aujourd'hui pour être à minima prudent
14:25 avant d'accueillir la terre entière ?
14:27 Mais quel père de famille ouvrirait ses portes au monde entier en disant
14:30 "je ne sais pas très bien combien j'ai d'invités, mes enfants s'en plaignent,
14:32 mais venez, ça va bien se passer, on est au pays des fous".
14:35 Les préconisations à présent.
14:37 Vous préconisez quoi, Yvan ?
14:40 Il faut se libérer de cette culpabilisation portée par l'idéologie antiraciste.
14:46 Encore une fois, je ne remets pas en cause naturellement
14:48 l'antiracisme, ce serait idiot de le dire,
14:51 mais on voit bien que c'est instrumentalisé au profit maintenant
14:53 de minorités qui, pour une partie d'entre elles, nous détestent.
14:56 Donc il faut avoir le courage naturellement de sortir de notre exil intérieur
14:59 et d'affronter cette submersion, qui est une submersion intellectuelle
15:03 qui, encore une fois, nous fragilise et qui ne nous donne pas les armes
15:06 pour nous défendre. Or, nous sommes aujourd'hui attaqués.
15:09 Et moi, il y a une personnalité que je trouve très courageuse
15:12 dans le débat public, alors naturellement qui est envahie par beaucoup de poltrons,
15:15 mais il y en a un qui s'appelle Pierre Brochand,
15:18 que j'ai déjà cité, je crois, deux ou trois reprises dans cette émission,
15:21 tellement il parle clair et tellement ses propos sont sensés.
15:24 Pierre Brochand, c'est l'ancien patron des services secrets,
15:27 ancien ambassadeur, et il a dit très récemment chez Alain Finkielkraut
15:31 et encore ce dimanche dans le JDD répondant à Catherine Ney,
15:34 dans un portrait de Catherine Ney, je le cite,
15:37 "il faut ignorer le chantage au racisme ou au fascisme
15:41 qui sont des escroqueries intellectuelles".
15:44 Je trouve qu'on ne peut pas mieux dire que ceci, c'est très exactement
15:47 ce que je pense. Monsieur Brochand n'est pas un fasciste,
15:50 monsieur Brochand est un républicain, est un républicain modéré
15:53 qui nous dit très exactement ce qu'est effectivement cette instrumentalisation
15:56 de l'antiracisme et lui préconise un virage à 100 degrés,
16:01 c'est-à-dire qu'il veut réduire l'immigration à 180 degrés.
16:04 Il veut réduire l'immigration à 10 fois moins déjà,
16:09 et il veut se libérer de la tutelle des courses européennes,
16:13 il veut se libérer du pouvoir des juges, dans le fond,
16:18 qui font de la morale au détriment de la politique,
16:21 et il fait preuve de courage comme on aimerait que d'autres hommes politiques
16:25 à droite ou à gauche fassent autant preuve de courage.
16:27 Et ce courage consiste à dire, dans le fond, pour être brutal,
16:30 non, l'immigration n'est plus une chance pour la France,
16:32 elle a été une chance pour la France incontestablement
16:35 avec cette immigration européenne qui a beaucoup apporté,
16:38 à la fin du 19e siècle et dans toute une partie du 20e siècle bien entendu,
16:43 mais l'immigration, d'abord l'immigration massive est aujourd'hui coûteuse,
16:46 les chiffres sont contestés, mais à peu près à 30 milliards de coûts
16:51 annuels pour la collectivité, c'est une immigration qui menace
16:54 la paix civile, naturellement, c'est une immigration qui fait s'affronter
16:57 les communautés, c'est une immigration qui affaiblit notre modèle social,
17:00 c'est une immigration qui affaiblit les services publics eux-mêmes,
17:03 puisque si les services publics eux-mêmes sont engorgés,
17:06 c'est également parce qu'ils n'arrivent plus à répondre
17:08 à l'énorme demande de ceux qui arrivent et qui n'ont jamais cotisé auparavant
17:12 pour consolider ces services publics-là, et donc c'est une immigration
17:17 qui asphyxie non seulement l'État, mais qui asphyxie la société.
17:20 Donc il faut aujourd'hui qu'on ait le courage, dans le fond,
17:23 d'avoir à se prononcer au-delà des intimidations,
17:27 et la meilleure des solutions, puisque visiblement le système
17:30 semble être bloqué et que l'endormissement semble être général,
17:33 la meilleure des solutions serait de demander au peuple son avis
17:36 à travers un référendum. La question ne doit pas être très compliquée
17:40 à poser, de savoir si oui ou non ils veulent la poursuite
17:43 d'une immigration de peuplement.
17:45 Et d'ailleurs, c'était une proposition de Marine Le Pen.
17:47 Tiens, tiens, Marine Le Pen, vous voulez en parler dans votre second édito,
17:51 puisque plusieurs sondages donnent Marine Le Pen en tête,
17:54 et même parfois Marine Le Pen élue face à Emmanuel Macron au second tour.
18:00 Mais quelle leçon vous en tirez, alors que là on a le sondage
18:04 du Figaro magazine de ce week-end ?
18:07 C'est un petit peu la même leçon, c'est dans la continuité.
18:09 C'est-à-dire que ce sondage, il y en a deux, dont un qui donne Marine Le Pen.
18:13 S'il y avait des élections demain, alors c'est un peu sauvegrenu naturellement,
18:15 parce que Macron ne se présenterait pas, mais s'il y avait des élections demain,
18:18 Marine Le Pen passerait au second tour à 55%.
18:21 Donc c'est une bombe, ça s'appelle une bombe.
18:23 Et donc, vous remarquerez que le même endormissement,
18:26 le même phénomène d'endormissement que je vous ai décrit,
18:29 le même phénomène d'habitude, a également répondu à ce sondage-là,
18:33 en évacuant ce chamboulement politique, qui de mon point de vue s'en est un,
18:39 parce que dans ce sondage, on montre également...
18:41 Alors certes, Macron garde à peu près le socle assez mince de son électorat,
18:45 il perd un ou deux points, je crois, mais Mélenchon ne tire pas profit
18:49 du dynamisme apparent de sa politique d'insurrection de la rue,
18:54 parce qu'il perd de trois à quatre points,
18:57 mais en revanche, Marine Le Pen en gagne de sept à huit.
19:01 Et donc, on peut naturellement s'interroger, de savoir si les politologues
19:06 ont raison de dire que Marine Le Pen n'arrivera jamais à l'Élysée.
19:10 J'ai beaucoup de respect pour Patrick Buisson, qui dans le Figaro Magazine,
19:12 assure que le plafond de verre qui empêche à Marine Le Pen d'accéder au pouvoir
19:16 est devenu un plafond de béton. J'entends ses arguments.
19:20 Ses arguments consistent à dire que Marine Le Pen est d'abord pénalisée par son nom,
19:24 qui fait revenir à son père, bien entendu.
19:28 Il fait remarquer également que l'électorat des retraités,
19:33 qui soutient plutôt Mordicus, selon lui, Macron,
19:37 est un électorat qui est fort de 17 millions de personnes,
19:40 et que ça représente 45% des votants, et que ceux-ci ne laisseront jamais passer Marine Le Pen.
19:45 Je veux bien, mais il y avait un autre sondage paru dans Libé cette semaine également,
19:50 qui montrait que Macron n'était plus soutenu que par 33% des retraités et 36% des cadres.
19:56 Et je vois également que la défiance vis-à-vis de Macron s'accentue partout,
20:01 d'autant que son déni devient carrément un mode de gouvernement,
20:04 puisque non seulement il dénie maintenant la colère,
20:06 j'avais déjà parlé de ça en disant qu'il ne voyait pas la colère,
20:08 mais il dénie maintenant également la crise de la démocratie
20:12 qui crève les yeux à quiconque veut bien la voir.
20:14 Et donc je trouve qu'aujourd'hui l'histoire s'accélère.
20:17 Vous avez eu M. Dupont-Aignan qui a évoqué même cette semaine également
20:22 la possible destitution du président de la République.
20:25 Et moi je demanderai un peu de prudence à tous ceux qui annoncent que Marine Le Pen,
20:31 quoi qu'il arrive, par sa supposée incompétence, par son passé, par son entourage, etc.,
20:37 ne pourra jamais être président de la République.
20:39 Je pense qu'aujourd'hui on arrive à un moment où tout bascule
20:42 et que la révolution du réel, celle que je vous ai décrite,
20:45 qui amène à se confronter dans le pragmatisme à l'effondrement de toutes les idéologies,
20:50 que cet effondrement du réel peut maintenant permettre tous les basculements.
20:55 On a toujours dit pendant cette séquence de la réforme des retraites,
20:59 tout le monde est perdant, que ce soit les Français, les syndicats, Emmanuel Macron, l'exécutif.
21:03 Est-ce qu'aujourd'hui la seule gagnante c'est Marine Le Pen ?
21:06 Il semblerait qu'elle sorte de la séquence gagnante.
21:09 Alors c'est vrai que c'est une photographie, les élections présidentielles n'ont pas lieu demain
21:13 et elle n'aura pas Emmanuel Macron face à elle.
21:15 Mais néanmoins le contraste frappant entre le comportement de son groupe et celui de la NUPES
21:23 l'a fortement servi, évidemment.
21:25 Elle a offert le visage d'une opposition respectueuse.
21:29 Et ça les Français ont pu le remarquer, d'autant plus que c'était en complet décalage
21:33 avec la campagne qu'avait faite Emmanuel Macron et tous ceux qui ont voté pour lui.
21:37 Vous vous souvenez, pendant le deuxième tour, on est reparti avec le grand théâtre antifasciste
21:43 que Jospin avait décrit, qui existe depuis 8 ans, mais la marque égale commence à devenir un peu grosse.
21:48 Emmanuel Macron avait fait une campagne négative, en disant "c'est moi ou le chaos".
21:54 Marine Le Pen était censée être le chaos.
21:56 Et finalement les Français se disent "on nous avait vendu le monstre du Loch Ness et le Yeti,
22:02 ça a l'air de plutôt bien se passer, et le chaos, c'est plutôt du côté d'Emmanuel Macron qu'il a suscité,
22:10 voire la NUPES avec lui, qui quand même, implicitement ou explicitement,
22:14 pour les uns ou pour les autres, avait appelé à voter Emmanuel Macron.
22:17 Donc c'est vrai que c'est très dangereux, parce que toute cette rhétorique est peut-être en train de s'effondrer.
22:24 C'est-à-dire que les Français ne croient plus à la parole d'Emmanuel Macron
22:29 et d'une partie de la classe politique, et de fait se disent "peut-être que tout ce qui nous a été dit sur le RN,
22:37 c'était aussi de la blague, si vous me permettez l'expression".
22:42 En tout cas, le moins que l'on puisse dire, et qu'ils ne font pas peur,
22:44 si certains font peur aujourd'hui, ce n'est pas Marine Le Pen.
22:47 J'ai le souvenir, pendant le débat de l'entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen,
22:51 Emmanuel Macron dire à Marine Le Pen "si vous êtes élue, ce sera la guerre civile".
22:55 Est-ce qu'aujourd'hui, il ne faudrait pas craindre un chaos pire encore, si Marine Le Pen arrivait au pouvoir, Yvan ?
23:01 Question chaos, on est quand même servi.
23:03 Je sais, c'est pour ça que je vous rappelle ça.
23:05 On ne voit pas si c'est dit, on peut difficilement faire pire, non mais c'est très sérieusement.
23:08 Le chaos qui a été introduit par la politique d'Emmanuel Macron est une réalité,
23:13 et le tout sauf Macron s'impose aujourd'hui malgré tout.
23:15 Et quand Macron dit "il n'y a pas d'alternative", on voit bien qu'il ne veut pas se confronter à la réalité d'une alternative.
23:20 Je n'applaudis pas particulièrement cette alternative, mais elle existe.
23:23 Je suis un photographe de l'instant et je vois bien qu'il y a un chaos épouvantable
23:27 et que la crise de la démocratie que l'on annonce également si Marine Le Pen arriverait au pouvoir,
23:31 est une crise de la démocratie qui est présente au cœur même des rassemblements syndicaux.
23:37 Parce que c'est même le leader de la CFDT qui refuse de voir que les représentants du RN
23:45 puissent venir s'agréger au cortège contre la réforme des retraites,
23:51 alors que le RN est contre la réforme des retraites.
23:53 Et que donc il y a la crise de la démocratie, elle est dans son attitude qui est de reléguer aux oubliés
23:58 toute une partie d'un électorat qui devient un électorat majoritaire.
24:01 Donc la crise de la démocratie, non seulement le chaos est là,
24:03 mais la crise de la démocratie est portée par ceux qui se réclament de la démocratie.
24:06 Donc il y a un moment où il faut arrêter ces hypocrisies-là.
24:09 Ces hypocrisies-là, il faut ouvrir les yeux, et les yeux qui s'ouvrent forcent aujourd'hui à regarder
24:15 que les réalités ne correspondent pas en effet aux préjugés, ne correspondent pas aux mots d'ordre,
24:19 ne correspondent pas aux politiquement corrects, et qu'il y a effectivement une grande révolution,
24:24 une grande révolution peut-être conservatrice, on verra comment on peut la nommer
24:28 avec notre invité qui va arriver à l'instant, mais je pense que c'est en tout cas un vieux monde qui s'effondre.
24:35 Et l'invité qui arrivera dans un instant, c'est Alain Debenois, philosophe, écrivain notamment de l'Exil intérieur,
24:43 nous et les autres, l'identité sans fantasme, la publicité, et ensuite on commence cet entretien.
24:47 A tout de suite.
24:49 20h30 sur CNews, on écoute le point sur l'information d'Isabelle Piboulot,
24:55 et ensuite on reprend face à Riofol.
24:58 Ce drame dans les Alpes en Haute-Savoie, à la mi-journée, une avalanche sur le glacier d'Armancet
25:05 a fait au moins quatre morts et un blessé léger. Les victimes étaient en randonnée sur le massif du Mont-Blanc.
25:11 Aucune alerte avalanche n'avait été émise par Météo France, mais la chaleur et le vent
25:16 ont pu provoquer la catastrophe. Emmanuel Macron a adressé ses pensées aux victimes,
25:21 ainsi que son soutien aux secours mobilisés.
25:24 La Chine continue ses coups de pression sur Taïwan. Pékin a simulé des bombardements ciblés contre l'île,
25:31 au deuxième jour d'un exercice d'encerclement total. Les manœuvres militaires doivent se terminer demain.
25:36 Le ministère de la Défense taïwanais a détecté aujourd'hui 11 navires de guerre et 70 avions chinois
25:42 autour de l'île. Une ramada semblable à celle recensée hier.
25:46 Et puis face aux attaques ces derniers jours au Proche-Orient, le pape François a fait part de sa vive inquiétude.
25:52 Une escalade de violence qui menace selon lui le dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
25:57 Le souverain pontife s'est exprimé à l'occasion de la fête de Pâques, lors de sa traditionnelle bénédiction
26:02 Urbi et Torbi, devant près de 100 000 fidèles réunis place Saint-Pierre au Vatican.
26:11 La seconde partie de Face à Rioufol, toujours avec Yvan, bien sûr, Gabriel Cluzel également.
26:16 Et nous sommes avec Alain de Benoît. Bonsoir Alain de Benoît.
26:19 Je rappelle que vous êtes philosophe, que vous avez écrit notamment "L'exil intérieur, nous et les autres, l'identité sans fantasme".
26:27 Yvan Rioufol, pourquoi avoir invité ce dimanche soir Alain de Benoît ?
26:31 Écoutez, parce que je voudrais réparer une injustice, une injustice qui frappe Alain de Benoît,
26:36 qui depuis les années 70 est étiqueté "extrême droite". Il était l'initiateur de la nouvelle droite dans les années 70.
26:43 Et depuis ce temps-là, il est devenu infréquentable, au point même que je reconnais que moi aussi j'ai mis du temps à le lire.
26:49 Et quand je l'ai lu, alors vous avez écrit 135 livres, je crois, donc je n'ai pas lu tout ce que vous avez écrit.
26:55 Mais des quelques livres que j'ai commencé à lire tardivement, je n'ai pas vu quelqu'un d'extrême droite,
27:01 je n'ai même pas vu quelqu'un de droite, j'ai même plutôt vu quelqu'un de gauche.
27:04 Et je vous dirais, si vous vous situez quelque part entre la droite et la gauche, ou même si vous vous situez tout court.
27:09 Et donc je trouve que cette injustice a devu être réparée, c'est pour cette raison-là.
27:14 Et puis j'ai également un faible, dans le fond, pour les indésirables,
27:17 parce que je trouve que quand on veut faire taire les indésirables, c'est qu'ils ont souvent des choses intéressantes à dire.
27:22 Et donc pour toutes ces raisons-là, soyez le bienvenu.
27:25 – Vous savez, quand j'entends des qualificatifs de ce genre, moi je réagis avec un formidable éclat de rire.
27:34 Parce que l'extrême droite, je ne sais pas très bien ce que c'est,
27:38 mais personnellement géreur de l'extrémisme, comme vous l'avez dit, je ne me reconnais pas toujours dans la droite,
27:46 donc évidemment, ça ne me paraît pas très bien articulé tout ça.
27:51 Mais surtout, c'est un indice formidable, c'est un aveu formidable pour dire qu'on n'a jamais rien lu de moi.
28:04 Vous, vous avez changé d'avis, vous venez de le dire.
28:07 Vous avez fait le geste interdit, vous m'avez lu.
28:10 Évidemment, quand on lit, on s'aperçoit que c'est toute autre chose.
28:14 Moi, je ne suis pas un acteur de la vie politique, je suis un essayiste, un écrivain,
28:20 quelqu'un d'intellectuel qui essaye de comprendre le moment historique dans lequel nous nous trouvons,
28:27 et puis de le faire comprendre à ses contemporains.
28:30 Et j'aime les critiques, j'aime beaucoup les critiques, mais il n'y a plus de critiques, au sens de l'antique disputation, vous savez.
28:42 Quand on vous oppose une critique bien formulée, un argument intellectuel précis, c'est passionnant pour un intellectuel.
28:51 Ça n'existe plus.
28:53 – Est-ce que vous avez été blessé ?
28:54 – C'est remplacé par les mantras.
28:56 – Vous avez été blessé par votre relégation ?
28:58 – Comment ?
28:59 – Vous avez été blessé personnellement par votre relégation ?
29:01 – Non, c'est jamais quelque chose qu'on accueille avec du grand plaisir,
29:07 mais au fond, c'est le prix de la liberté, c'est le prix de l'indépendance.
29:10 Moi, je suis d'abord un esprit libre, un penseur indépendant.
29:13 – Un rebelle, vous dites que vous êtes un rebelle.
29:15 – On est forcément rebelle, j'ai écrit un livre qui s'appelle, vous venez de le dire, "L'exil intérieur".
29:22 – Alors, une parenthèse, permettez-moi de le dire, c'est un formidable livre d'aphorismes,
29:26 et qui sont tout à fait remarquables, et vraiment, j'encourage beaucoup à le lire,
29:30 j'ai été passionné par sa lecture.
29:32 – Vous êtes gentil, c'est un livre assez personnel,
29:34 mais quand on se sent étranger au monde dans lequel on habite,
29:37 forcément, on est porté vers une certaine forme de rébellion.
29:41 Mais encore une fois, moi, ce qui me frappe, c'est l'évacuation du débat,
29:45 au profit du moulin à prière, on récite des mantras,
29:50 tout ce qui est à l'ouest de Sandrine Rousseau est potentiellement fasciste, d'extrême droite,
29:57 c'est comme le racisme systémique, c'est un peu la même chose, c'est partout.
30:01 Vous venez de voir dans les informations que vous avez commentées,
30:07 il y a des sondages qui maintenant donnent Marine Le Pen,
30:11 la gagnante au second tour des présidentielles, à 55%.
30:14 Oh ! 55% de gens d'extrême droite, vous voyez bien que ça ne veut plus rien dire,
30:21 ça ne veut plus rien dire, donc il faut passer à autre chose.
30:25 Parler des étiquettes, ça n'a aucun intérêt,
30:28 les étiquettes c'est pour les pots de confiture,
30:31 moi je préfère le contenu au contenant,
30:35 donc on laisse tomber les étiquettes et puis on parle des idées,
30:40 de ce que l'on pense, les uns et les autres.
30:42 J'aimerais alors votre expertise de philosophe, d'observateur, de journaliste aussi un peu,
30:48 parce que vous avez aussi une formation journalistique dans le fond,
30:51 vous vous collez vraiment aux événements,
30:53 et j'aimerais que vous nous expliquiez comment, d'après vous,
30:55 nommer les crises que nous traversons,
30:58 est-ce que c'est une crise sociale, est-ce une crise démocratique,
31:01 est-ce une crise civilisationnelle,
31:03 comment voyez-vous la période que nous vivons,
31:05 est-ce une période quasiment révolutionnaire dans le fond, ou pas ?
31:11 Alors c'est un peu plus complexe que ça,
31:13 il se trouve, voyez-vous, que j'ai lancé en 1988 une revue qui existe toujours,
31:18 qui s'appelait "Crisis",
31:20 je l'ai appelée "Crisis" justement parce qu'il y a déjà 35 ans environ,
31:25 je pressentais qu'on rentrait dans une époque de crise généralisée.
31:29 Vous ne pouvez pas oublier qu'en grec le mot "crisis" veut dire à la fois crise, bien sûr,
31:34 mais également décision, la décision qui permet de sortir de la crise.
31:39 Depuis la crise, vous dites, est-ce qu'elle est d'abord ceci ou cela, elle est tout,
31:44 il y a une crise politique, une crise économique, une crise financière,
31:49 une crise de la dette, une crise de la sociabilité générale,
31:55 une crise des institutions, des syndicats, des partis, des églises,
31:59 une crise morale, spirituelle, intellectuelle, c'est la crise généralisée.
32:05 Et cette situation de crise, c'est au fond une caractéristique classique
32:11 des périodes de transition, des périodes d'interreille,
32:16 pour prendre la vieille formule canonique, à la tête, on ne peut plus,
32:21 et à la base, on ne veut plus, et donc ça casse, c'est comme les,
32:26 comment dire, la dérive des continents, à un certain moment,
32:30 il y a un choc, un petit cliquet, et puis ça fait des tremblements de terre,
32:35 parfois des éruptions volcaniques.
32:38 Alors ces crises, je crois qu'on peut quand même les ramener à une fondamentale,
32:45 c'est la crise de la démocratie libérale, qui n'est pas la seule forme
32:49 de démocratie possible, tant s'en faut, mais qui aujourd'hui
32:53 est véritablement rentrée en crise. La démocratie libérale,
32:57 c'est une démocratie parlementaire et représentative, le problème,
33:01 c'est qu'elle représente de moins en moins, certains diront même
33:04 qu'elle ne représente plus rien, ne se sent plus représentée.
33:09 Et ça, c'est quelque chose de très fort, à partir du moment
33:15 où la plupart des hommes politiques ou des députés sont élus par défaut,
33:20 ou par des petites minorités de suffrage par rapport aux inscrits,
33:24 il y a évidemment un défaut de légitimité. Le système de la démocratie libérale
33:30 aujourd'hui n'est plus producteur de légitimité au moment où l'État
33:35 n'est plus producteur de socialité, c'est-à-dire qu'il y a un divorce.
33:40 – Est-ce que vous ne confondez pas démocratie représentative
33:43 et démocratie libérale ? Parce que dans le fond, le libéralisme
33:46 est quand même le meilleur moyen de se préserver du totalitarisme,
33:50 le libéralisme peut avoir une vertu.
33:52 – Là-dessus, on ne sera pas forcément d'accord, mais c'est une autre question.
33:56 Non, pour la politologie classique, la démocratie libérale,
34:02 c'est la démocratie parlementaire et représentative constitutionnelle.
34:06 – Alors vous voudriez la remplacer par quoi ?
34:08 – Je ne cherche pas à la remplacer, je ne suis pas un auteur de programme,
34:13 je sais simplement qu'il y a des formes de démocratie plus directes,
34:17 plus de base, plus participative, qui peuvent suppler au défaut,
34:22 aux limites de la démocratie libérale.
34:25 Mais ce qui m'intéresse, c'est de voir que l'on assiste à un divorce profond
34:32 de la classe politique en général et du peuple.
34:36 Les gens, ça a été dit et répété, mais je trouve que les travaux
34:42 de Christophe Guillouis par exemple sont très significatifs.
34:46 Il y a une coupure, il y a une coupure en deux, les élites ont fait sécession,
34:52 se sont repliées sur une activité hors sol dans les villes mondialisées.
34:59 Et puis les gens de peu, ceux que Macron regarde du haut de son trône
35:05 avec autant d'arrogance que de mépris de classe, ceux-là,
35:11 ils se retrouvent dans une situation de précarité, de paupérisation
35:17 et de triple insécurité, insécurité sociale, insécurité politique
35:23 et insécurité culturelle.
35:26 Et si on cherche les raisons pour lesquelles ça glisse vers le phénomène
35:32 que vous avez signalé tout à l'heure, c'est-à-dire que la crise actuelle
35:36 qui profite-t-elle de toute évidence au Rassemblement national,
35:40 c'est peut-être parce que le Rassemblement national a su prendre en compte
35:44 à la fois l'insécurité culturelle, les problèmes de l'islamisme,
35:48 de l'immigration et l'insécurité sociale, qui fait que des gens n'arrivent plus
35:53 tout simplement à vivre avec le revenu du travail.
35:57 Regardez ce qui se passe sur la réforme des retraites actuellement.
36:01 Moi je ne suis pas pour cette réforme des retraites,
36:03 mais je ne vais pas m'engager dans ce débat technique.
36:06 Ce que je vois, c'est que comme à l'époque des Gilets jaunes,
36:09 70-75% de la population soutient ce mouvement.
36:14 Ce qui me montre qu'en réalité, les retraites c'est une chose importante,
36:19 mais c'est un prétexte aussi.
36:21 C'est tout ce qui permet à cette colère sociale qui travaille le corps de la nation,
36:29 le corps public, d'exploser, de se manifester, et finalement le bienvenu.
36:35 Les gens n'en peuvent plus tout simplement.
36:38 C'est tout de même un paradoxe.
36:39 Vous décrivez cette colère sociale qui est réelle,
36:41 et en même temps vous voyez sans doute comme moi,
36:44 une sorte de grand somnambulisme général.
36:47 C'est-à-dire que cette société dite éruptive ne sort pas dans la rue,
36:51 ou du moins elle ne sort que cornaquée par des syndicats.
36:53 Mais enfin, les manifestations ne sont pas...
36:55 Pas toujours.
36:56 Alors c'est vrai pour la réforme des retraites,
36:58 mais il n'y a pas que les syndicats quand même.
37:00 Ce n'était pas vrai pour les Gilets jaunes,
37:02 qui ont été quand même d'un esprit de résolution,
37:06 avec après ça a un peu dégénéré,
37:08 mais enfin on a bien vu à quel point ces gens,
37:11 qui n'étaient pas mis autour des ronds-points,
37:16 ni par les syndicats, ni par les partis politiques,
37:20 se sont semaine après semaine, avec des efforts extraordinaires,
37:25 heurtés à une répression.
37:28 Parce que là, ce n'était plus du matière de l'ordre.
37:31 C'était une véritable répression
37:33 qui donne la mesure de cette colère sociale.
37:36 Donc à l'époque, j'avais dit de la vague des Gilets jaunes,
37:44 que c'était un peu une sorte de répétition générale.
37:48 On va de répétition générale en répétition générale.
37:52 Alors on peut dire, oui, mais les gens sont aussi apathiques.
37:56 C'est vrai que les classes populaires s'abstiennent,
37:59 c'est le silence des moutons.
38:01 Mais on voit quand même qu'à chaque fois,
38:05 ça s'arrête à un niveau plus élevé.
38:08 Donc on est là devant une logique de fond,
38:12 devant une dynamique de fond,
38:14 qui n'est plus du tout d'ordre conjoncturel,
38:16 mais d'ordre structurel,
38:18 et qui fait qu'on aboutit à une crise générale du régime,
38:22 à une crise de système.
38:24 Gabriel Puzel.
38:25 Oui, Saufière-Loire de ma part,
38:27 c'est de vous qu'on tient l'expression "pensée unique".
38:30 Une pensée unique, oui, c'est exact.
38:32 Vous l'avez théorisé.
38:34 Ça fait un certain nombre d'années que vous avez théorisé ce concept.
38:38 Est-ce que finalement ces crises ne vont pas aboutir
38:42 à faire en sorte que le mur de la pensée unique s'effondre ?
38:47 Est-ce que vous n'y voyez pas un signe ?
38:50 Je serais tenté de le dire comme vous,
38:53 mais c'est pris dans une sorte de rapport dialectique.
38:56 C'est-à-dire que plus ça s'effondre,
38:59 plus ceux qui ont essayé de faire régner la pensée unique,
39:04 sous tous ses avatars, ont du mal à le faire,
39:09 plus on leur oppose non seulement des arguments,
39:14 mais leur aile, tout simplement.
39:17 Et plus ils sont comme le chien à qui on veut enlever son os,
39:20 c'est-à-dire qu'il devient agressif.
39:23 Et vous avez tous ces incidents que je qualifierais de burlesques,
39:31 alors qu'en fait ils sont bien souvent à pleurer.
39:34 Lorsque je vois la charmante madame Binet
39:40 refuser de parler dans le micro que lui tend ses news
39:45 au motif que ses news n'aiment pas le pluralisme,
39:48 alors que c'est à elle qu'on tend le micro,
39:50 on se dit que là on atteint quand même des sommets, n'est-ce pas ?
39:55 Plus les délires dont je parle longuement dans mon livre
39:59 sur l'identité de la pensée décoloniale,
40:03 wokiste et autres, sur lesquels il y aurait à dire.
40:06 – Parlons-en un peu.
40:07 Dans votre livre, vous relativisez un peu la menace
40:09 qui ferait peser le communautarisme.
40:11 Alors peut-être il y a-t-il effectivement une définition à donner,
40:14 mais quelle est effectivement, d'abord, la hiérarchie des menaces,
40:17 si vous en faites une, et quelle est la place du communautarisme
40:20 aujourd'hui dans une société fragmentée ?
40:22 – Alors là, il y a deux questions si vous voulez.
40:25 La hiérarchie des menaces.
40:27 Il y a beaucoup de menaces, c'est évident, aujourd'hui,
40:30 mais je ferai deux catégories.
40:32 Vous avez les menaces dont tout le monde est plus ou moins conscient,
40:36 parce que ça fait du bruit, qu'on l'a sous les yeux.
40:38 Et la première menace c'est l'islamisme et tout ce qui s'y rattache,
40:42 les attentats, le malheureux père qui a été tué…
40:48 – Amel ? – Le père Amel, le Bataclan, Samuel de Hattie, etc.
40:57 Et les attentats, bon, là, personne ne peut ignorer cette menace.
41:02 L'autre menace, vous l'avez mentionnée tout à l'heure,
41:05 c'est une immigration qui est devenue une immigration de peuplement,
41:10 totalement différente des anciennes immigrations,
41:13 et du fait que, comme toujours, il y a des étrangers en France,
41:16 moi ça ne me gêne pas un instant qu'il y ait des étrangers en France,
41:20 mais là c'est tout autre chose.
41:22 C'est une immigration de peuplement qui, dans certains de ses secteurs,
41:27 tente à s'instaurer comme une contre-culture, une contre-société,
41:32 et à présenter des contre-valeurs,
41:35 donc qui s'émancipent de ce qui devrait être la règle générale
41:40 du fameux vivre ensemble, c'est-à-dire le respect d'une loi commune.
41:45 Et puis, en dehors de ces menaces, je crois qu'il y en a d'autres,
41:51 très importantes, mais qu'on voit moins,
41:53 parce qu'on n'y est pas directement confrontés dans l'existence quotidienne.
41:59 J'en vois plusieurs. Il y a déjà ce que Stephen Swick, dès 1924,
42:07 appelait l'uniformisation du monde,
42:10 le fait que, petit à petit, les modes de vie s'alignent,
42:14 on vit de la même manière, on construit de la même manière,
42:17 la personnalité des peuples et des cultures s'efface,
42:20 ça c'est une grande menace.
42:22 La marchandisation du monde, c'est-à-dire que la diffusion des valeurs marchandes
42:28 colonise l'imaginaire symbolique au profit de valeurs de profit,
42:33 de concurrence, de guerre de tous contre tous.
42:37 Vous décrivez la mondialisation.
42:39 Bien sûr, la mondialisation, mais en comprenant bien que la mondialisation,
42:44 c'est d'abord l'universalisation du modèle du marché,
42:48 selon les règles de libre échangisme,
42:51 sur la libre circulation des hommes et des capitaux.
42:55 Il y a la montée de l'inculture, on ne va pas revenir là-dessus,
42:59 mais elle est évidente, elle va de pair avec la montée de la laideur,
43:04 qui est également quelque chose de terrible.
43:07 Et puis il y a deux grandes menaces, à mon sens,
43:10 dont on va de plus en plus parler.
43:12 Premièrement, c'est la mise en place d'une société de surveillance et de contrôle.
43:18 Alors, on le sait bien, on le voit bien,
43:20 mais ce n'est pas seulement en Chine que ça se passe.
43:23 Les démocraties occidentales disposent dès à présent,
43:27 pour vous surveiller, vous contrôler,
43:31 de moyens techniques dont les anciens régimes totalitaires
43:35 auraient seulement pu rêver.
43:38 Et puis l'autre dernière menace, et qui, à mon avis,
43:42 est une très grande menace, c'est le développement de certaines technologies,
43:47 avec en visière les chimères, la fusion programmée de l'électronique et du vivant,
43:55 et puis le massif de l'intelligence artificielle,
43:59 dont on commence déjà à pas mal parler,
44:01 mais dont on ne voit que le tout début de l'iceberg.
44:06 D'après des données que j'ai lues récemment,
44:08 dans une revue scientifique qui avait l'air à peu près sérieuse,
44:12 les possibilités de l'intelligence artificielle vont être multipliées
44:18 dans les dix ans qui viennent par un million chaque année.
44:23 – Il ne reste plus qu'une minute.
44:25 – Donc on ne voit que le début, voilà ce que je voulais dire.
44:27 – Nous sommes à la fois, quelle est la place du sacré ?
44:29 Alors vous avez pris vos distances avec le catholicisme, avec le christianisme,
44:33 mais malgré tout, j'aurais voulu savoir quelle était la place du sacré.
44:35 Est-ce que le sacré peut être également une bouée dans le fond,
44:38 dans cet univers matérialiste que vous nous décrivez ?
44:40 Et là vous avez 54 secondes.
44:42 – Bien sûr, d'accord.
44:43 Alors le sacré, qui me paraît plus important que le saint,
44:46 ce n'est pas la même chose,
44:47 le sacré n'est pas lié intrinsèquement à une religion plutôt qu'à une autre.
44:52 Le sacré est une aspiration naturelle de l'homme
44:55 qui a besoin qu'il y ait quelque chose qui le dépasse,
44:58 qui le tire un peu par les cheveux au-dessus de lui-même.
45:01 Et le problème c'est que le sacré, tout comme la vie méditative,
45:05 comme la vie intérieure, comme le disait Bernanos,
45:09 est éteint progressivement par ce que j'indiquais tout à l'heure,
45:14 c'est-à-dire l'explosion des valeurs de profit et d'intérêt
45:18 qui découragent toute appétence vers le sacré,
45:23 vers ce qui nous excède de nous-mêmes.
45:27 Le capital, lui, il s'excède de lui-même par suraccumulation,
45:35 mais nous, nous n'avons plus le moyen de nous excéder de nous-mêmes
45:39 par le sacré entre autres.
45:42 – Merci à tous les trois, merci encore Alain Debenois,
45:45 je rappelle vos deux ouvrages, "L'exil intérieur", entre autres, évidemment,
45:49 et "Nous et les autres, l'identité sans fantasme".
45:52 Vous parliez du sacré, on pourrait peut-être citer
45:54 "Reconquérir le sacré" de Sonia Mabrouk, puisque c'était la dernière question.
45:59 Merci cher Yvan.
46:00 – Le sacré c'est le sujet d'émission pour des heures.
46:04 – Ah bah écoutez, on va essayer, mais juste après cette émission.
46:07 – Non merci de… – C'est en quête d'esprit.
46:09 – Merci à vous et merci de votre patience,
46:11 parce que je me perçois que j'ai un peu trop parlé.
46:13 – Non non, pas du tout, c'est la règle du jeu.
46:15 – La publicité à tout de suite sur CNews.
46:18 [Musique]