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Mathieu Bock-Côté : «Moins on doit parler des fêtes chrétiennes, plus on doit parler du ramadan (...) Un changement démographique implique-t-il un changement d'identité ?»

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00:00 La déclaration d'Éric Ciocci, on traite comme une déclaration aujourd'hui, un joyeux
00:04 Spaak, on s'entend.
00:05 C'est-à-dire une formule élémentaire de politesse, de courtoisie.
00:09 Joyeux Spaak est désormais traité, non pas par l'ensemble de la population, mais par
00:15 les autorités morales consacrées, comme une déclaration qui relève de la provocation
00:21 politique et identitaire.
00:22 Joyeux Spaak, comment osez-vous ? Joyeux Noël, n'allez surtout pas trop loin.
00:27 Alors, on est dans cette logique et on est dans un système médiatique qui produit de
00:33 la controverse lorsqu'on rappelle les évidences de notre civilisation.
00:37 Et pourquoi la controverse dans les circonstances présentes ? Parce qu'Antoine Léaumont,
00:42 qui est un de nos préférés à La France Insoumise, et ça vaut la peine de le dire,
00:44 il n'est pas très loin à sa manière de Sandrine Rousseau.
00:47 C'est la tendance Robespierre-iste de La France Insoumise, la tendance 93, la tendance
00:52 terreur et joie.
00:53 C'est un homme qui finalement incarne la frange la plus extrême de La France Insoumise
00:59 et qui a l'art de la provocation, il faut le dire.
01:02 Mais il réussit à renverser la chose.
01:04 Donc la provocation, désormais, ce n'est plus de s'indigner qu'on souhaite Joyeux
01:08 Spaak, il réussit à faire passer un Joyeux Spaak pour une provocation.
01:12 Sur le fond des choses, c'est assez lunaire.
01:15 Mais ça représente assez bien, néanmoins, cette espèce de basculement qu'on voit dans
01:21 le calendrier, qu'on voit dans les commémorations, qu'on voit dans les mentalités, qu'on voit
01:25 dans la représentation de l'identité, avec une volonté d'en finir une fois pour toutes
01:30 avec les dernières traces du christianisme en France, les dernières traces, dis-je,
01:35 de la France catholique et peut-être même les dernières traces de la France parce qu'il
01:38 n'est pas si aisé de séparer les deux.
01:41 Alors quels sont les arguments si on fait le survol de cette controverse?
01:44 On va nous dire oui, mais la laïcité.
01:46 La laïcité exige de ne pas mentionner les fêtes religieuses dans l'espace public, de
01:51 ne pas mentionner les religions dans l'espace public.
01:53 Mais c'est une vision terriblement désincarnée de la laïcité.
01:57 Parce que quoi qu'on en dise, la civilisation occidentale, ne serait-ce que par son calendrier,
02:03 est indissociable de la référence au christianisme.
02:05 2023, après quoi exactement?
02:09 - Après notre ère.
02:11 - Oui, exactement.
02:12 Vous avez tout à fait raison.
02:13 C'est la formule qui a évolué.
02:14 On était après Jésus-Christ.
02:15 Maintenant, c'est de notre ère.
02:16 Mais c'est une ère qui se définit par rapport à quoi?
02:18 Allez, faites un effort.
02:19 Qui est né dans cette ère?
02:21 Alors, on est dans cette espèce de moment où la simple référence au calendrier chrétien,
02:26 qui est inscrit dans une histoire, une civilisation, passe désormais pour une provocation.
02:30 Or, sur le fond des choses, si la laïcité veut dire désormais qu'il n'est plus possible
02:35 de nommer les fêtes qui structurent le calendrier, qu'il n'est plus possible de nommer les origines
02:39 du calendrier, qu'il n'est plus possible aussi de référer à l'imaginaire de ce calendrier,
02:45 à l'imaginaire des fêtes.
02:46 Ce n'est pas pour rien que ce soit dit en passant que ces jours fériés, aujourd'hui,
02:49 il y a une raison particulière.
02:51 On le sait, la tendance était forte au fil des années.
02:53 On a remplacé les fêtes de Noël par les fêtes de fin d'année, les Pâques par les
02:58 fêtes du printemps.
02:59 Donc, une volonté de neutraliser toujours davantage la référence aux fêtes chrétiennes.
03:06 Il n'en demeure pas moins que le sens commun existe encore.
03:08 Alors, on nous dirait, oui, mais la loi de 1905.
03:10 Premièrement, la loi de 1905 n'exige pas, à ce que j'en sais pour l'instant, pas encore
03:15 de balayer le calendrier chrétien.
03:17 À tout de même pas encore.
03:18 Certains proposeront probablement cette interprétation un jour.
03:21 Et deuxièmement, j'ajouterais que la laïcité à laquelle je tiens, à laquelle vous tenez,
03:24 à laquelle nous tenons, n'épuise pas l'identité.
03:27 - Vous?
03:28 - Je suppose que vous tenez la laïcité comme nous tous.
03:30 Mais elle n'épuise...
03:31 - J'ai pas d'avis.
03:32 - D'accord.
03:33 - J'vous t'écoute.
03:34 - Alors, mais elle n'épuise pas l'identité française.
03:38 L'identité française ne tient pas exclusivement dans la laïcité.
03:42 Elle ne suffit pas à dire la France.
03:45 Quoi qu'il en soit, ça n'a aucun sens de dire que la laïcité exigerait qu'on ne mentionne
03:50 plus à tout le moins quelques fêtes dans le calendrier qui structurent encore notre
03:54 imaginaire et qui relèvent du sens commun.
03:55 Donc cet argument ne tient pas.
03:57 Là, il y a l'autre argument qui nous est avancé.
03:59 On dit oui, si vous souhaitez joyeux Pâques, vous devez donc mentionner toutes les fêtes
04:03 religieuses de toutes les religions par refus de logique discriminatoire, par exigence égalitaire.
04:09 Alors, si vous êtes secrétaire général des Nations unies, c'est probablement vrai.
04:13 Mais il se trouve que la France n'est pas encore pour l'instant une province conquise
04:17 de l'Empire onusien.
04:19 Et la France demeure un pays avec une religion historique, avec une matrice religieuse historique.
04:25 Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens d'autres religions qui vivent en France.
04:28 Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens sans religion qui vivent en France.
04:30 Ça veut dire que dans les...
04:32 Mais c'est complètement fou qu'on ait à rappeler ça.
04:34 Je m'entends parler en ce moment, je me dis, il y a quelques années, on aurait dit, ce
04:37 monsieur est fou, pourquoi prend-il tant de temps à dire 2+2=4?
04:39 Mais on est aujourd'hui dans un exercice pédagogique permanent pour rappeler que 2+2=4.
04:44 Et rappeler qu'il y a une empreinte, une matrice chrétienne, une matrice catholique en France,
04:49 des racines catholiques, que tout ça a une marque catholique, une empreinte catholique,
04:53 et que tout ça va de soi, et que la religion historique de ce pays, c'est le catholicisme.
04:57 Ce n'est pas faire outrance aux autres que de le mentionner.
04:59 Mais pour le régime, pour l'idéologie dominante, enfin, plus que le régime, là, bien, mentionner
05:04 l'identité de la France, c'est déjà de la discrimination.
05:06 Pour ces gens, ils nous expliquent, en fait, que c'est non seulement la discrimination,
05:11 mais la simple existence de cette identité fait problème.
05:14 Et la France, pour être vraiment ouverte, devrait se défaire des dernières traces de
05:18 son identité.
05:19 Et finalement, on nous dit, c'est quoi la France?
05:20 C'est un territoire avec des valeurs, mais sans peuple et sans histoire.
05:23 On bannit Pâques, on bannit Noël, on bannit à peu près tout ce qu'on peut bannir d'une
05:28 manière ou de l'autre.
05:29 Et j'ajoute, cela dit, qu'il y a une fête qu'on ne bannit pas, qu'on ne refuse pas
05:33 de célébrer dans le calendrier public, c'est le Ramadan.
05:36 Alors ça, le Ramadan, on en entend parler.
05:38 Imaginez si les médias prenaient autant de temps à nous expliquer ce qu'est Pâques
05:42 que ce qu'est le Ramadan.
05:43 On assisterait probablement à des conversions en masse aujourd'hui.
05:46 Mais non, ou peut-être des conversions dans l'autre sens, vers le Ramadan.
05:49 Donc, c'est intéressant de voir que moins on doit parler de Pâques, moins on doit parler
05:53 de Noël, moins on doit parler des fêtes chrétiennes, plus on doit parler du Ramadan.
05:57 On nous dira « mais c'est que la démographie française a changé, a changé tellement
06:01 qu'il faut désormais parler du Ramadan ». Je dis « ah bon, la démographie française
06:04 a changé ? On m'avait dit que c'était une fake news ou une théorie complotiste ».
06:08 Quoi qu'il en soit, je constate qu'un changement démographique implique un changement d'identité.
06:13 Et vous noterez, soit dit en passant, par rapport à, j'évoque le Ramadan, le deux
06:18 poids de mesure dans la manière de parler des symboles d'un et de l'autre.
06:20 Quand on parle de Pâques, on ne parle que du chocolat.
06:23 Je n'ai rien contre, j'aime bien le chocolat, mais le fait est que ce n'est pas le point
06:26 de vérité de cette fête, ce n'est pas le chocolat.
06:28 Quand on parle du Ramadan, on en parle de manière religieuse, de manière sous le signe
06:33 de la plus grande piété.
06:34 Et vous noterez même la manière dont on parle des figures historiques.
06:37 Quand on parle de Mahomet, on dit toujours « le prophète », comme si c'était
06:40 le vôtre, comme si c'était le mien.
06:41 Est-ce que lorsqu'on parle de Jésus, on se dit « le fils de Dieu ». Vous savez,
06:44 le fils de Dieu, le fils de Dieu.
06:46 Alors non, la seule personne dans l'ensemble des figures religieuses importantes qu'on
06:50 mentionne avec le titre dont il se réclame, c'est Mahomet.
06:52 C'est assez intéressant par ailleurs.
06:54 Alors, au terme de tout cela, qu'est-ce qu'on voit?
06:56 Le simple fait de mentionner aujourd'hui dans la vie publique des références chrétiennes
07:02 passe aujourd'hui comme une provocation, comme si le simple fait d'exister aujourd'hui
07:05 c'était une provocation.
07:06 Mais pouvons-nous faire preuve de la même insolence lorsque nous parlons de l'islam
07:12 ou bien d'autres religions?
07:13 Non, non, ça manifestement ce n'est pas le cas aujourd'hui.
07:16 C'est-à-dire que l'insolence est réservée à la religion qui est appelée à tomber.
07:20 C'est normal, vaivictis, malheur au vaincu.
07:22 Et on se trouve d'un côté devant une religion qui est sûre d'elle-même et de l'autre
07:25 côté devant une religion qui pousse l'autocritique jusqu'au désir d'auto-annihilation, à tout
07:30 le moins une civilisation plus qu'une religion.
07:32 Ce qui est intéressant, cela dit, c'est que la déchristianisation est une tendance
07:36 lourde de la modernité.
07:37 Ça, il n'y a pas de doute là-dessus, je pense qu'il faut le reconnaître.
07:39 Et ce qu'on oublie, cela dit, c'est que la modernité c'est moins le passage d'un
07:43 monde de la religion à un monde sans religion, comme on l'entend quelques fois, on sortirait
07:46 de la religion.
07:47 C'est le passage d'une religion à une autre.
07:50 La modernité est à elle-même quelquefois, il ne faut pas l'oublier, une religion à
07:54 tout le monde, il y a une dimension religieuse dans la modernité.
07:56 Je m'explique.
07:57 Il y a une nouvelle conception de l'être humain.
07:58 C'est assez fascinant.
08:00 Dans le cadre du catholicisme, de la civilisation chrétienne, il y avait l'idée d'une filiation,
08:04 d'une continuité historique.
08:05 Il y avait cette idée que l'homme naissait d'un père et avait la vocation à poursuivre
08:08 le monde.
08:09 Qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui?
08:10 Une nouvelle conception de l'être humain qui veut s'auto-engendrer.
08:13 Il ne n'est pas homme ou femme, d'ailleurs, soit dit en passant, il peut même choisir
08:16 son sexe, il ne doit plus vivre l'agonie sous le signe d'un moment de transcendance,
08:20 il doit même choisir sa propre mort pour être tellement maître de lui-même qu'il
08:24 veut choisir et sa naissance et sa mort et son sexe.
08:26 Donc finalement, la grande question de la modernité, ce n'est pas de chasser Dieu,
08:30 ce n'est pas de se dire Dieu n'existe pas et l'homme poursuivra son chemin.
08:33 C'est l'homme qui dit je prendrai la place de Dieu et je décide de le remplacer, si
08:37 on peut me permettre la formule, dans les circonstances présentes.
08:40 Et devant cela, il y a les nouveaux réfractaires, des gens qui continuent de dire, vous savez,
08:44 l'homme a un enracinement, l'homme naît homme ou femme, l'homme tient à sa culture,
08:49 l'homme tient à son identité.
08:50 Et des gens qui sont dans cette logique d'attachement, d'enracinement sont traités comme des déchets
08:54 de l'histoire, comme des rebuts de l'histoire.
08:56 Mais quand vous déconstruisez une religion, une civilisation, une identité, au terme
09:02 de cela vous avez des ruines et au terme de ces ruines vous avez peut-être, non pas le
09:07 grand vide, mais l'islam qui peut arriver à la manière d'une puissance de conquête.
09:11 Et de ce point de vue, lfi fait bien son travail de déconstruction et pave le chemin à la
09:16 prochaine France.
09:17 [Musique]
09:20 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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