Réforme des retraites devant le Conseil Constitutionnel : «Certains souhaitent la censure partielle, d'autres souhaitent la censure totale»

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Lauréline Fontaine, professeur de droit public à l'Université Sorbonne-Nouvelle Paris 3 et auteure de “La constitution maltraitée” disponible aux éditions Amsterdam, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.

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Transcript
00:00 - Europe 1 Matin - Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la professeure de droit public Laureline Fontaine.
00:07 - Bonjour Laureline Fontaine.
00:09 - Bonjour Dimitri Pavlenko.
00:11 - Bienvenue sur Europe 1, vous enseignez Laureline Fontaine à la Sorbonne Nouvelle Paris 3, vous êtes une spécialiste de la Constitution,
00:18 votre dernier livre s'intitule "La Constitution maltraitée" parue aux éditions Amsterdam.
00:23 Alors question avec vous ce matin Laureline Fontaine, sur le Conseil constitutionnel,
00:27 rarement l'une de ses décisions aura été scrutée d'aussi près que celle que les sages doivent rendre sur la conformité du projet de loi retraite,
00:35 alors censurera, censurera pas totalement, partiellement ? Réponse vendredi en fin de journée.
00:41 Alors le Conseil constitutionnel Laureline Fontaine, est-ce que d'abord vous pouvez nous rappeler exactement quel est son rôle ?
00:46 - Alors son rôle lorsqu'il a été créé en 1958, c'était de surveiller le pouvoir législatif pour qu'il n'empêche pas le pouvoir exécutif d'agir.
00:59 Mais ça c'était son rôle initial et à partir de 1971, le Conseil constitutionnel s'est un peu émancipé de cette mission
01:07 et il a décidé de devenir ce qu'on appelle un gardien des droits et des libertés qui sont contenus dans la Constitution,
01:15 à l'image des autres cours constitutionnels qui existaient à l'époque en Europe ou à l'image de la Cour suprême aux Etats-Unis.
01:22 Et depuis 1971, il s'est constamment affirmé comme ce protecteur des droits et libertés
01:29 jusqu'à devenir, jusqu'à se présenter comme un véritable contre-pouvoir vis-à-vis du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif qui font la loi.
01:39 Voilà où est-ce qu'on en est à ce stade.
01:41 C'est l'expression d'ailleurs d'une certaine puissance mais ça va le placer dans une situation délicate
01:45 parce que voilà ce qui se dit actuellement, c'est que s'ils censurent le projet de loi gouvernementale,
01:50 on va dire que c'est le gouvernement des juges.
01:52 S'ils ne censurent pas, on dira que le Conseil constitutionnel protège l'exécutif.
01:56 La question est de savoir si le Conseil constitutionnel est véritablement impartial
02:02 et à cette question, Laureline Fontaine, dans votre livre, vous dites que non, justement le problème étant là,
02:07 le Conseil constitutionnel manquerait d'impartialité. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
02:12 Alors ce qui me fait dire ça, je suis partie de l'idée que le Conseil constitutionnel était présenté la plupart du temps
02:20 et se présentait comme un juge et d'ailleurs on les appelle les sages, une expression qui me semble totalement imméritée.
02:26 Je fais partie de ce constat-là. Alors qu'on soit ou qu'on soit pas d'accord avec le fait qu'il doit y avoir en France une justice constitutionnelle,
02:32 il n'empêche qu'il y en a une qui est déclarée comme telle.
02:35 Et j'ai cherché si cette justice constitutionnelle répondait bien aux critères de la justice dans un état de droit démocratique.
02:43 Et j'ai trouvé en effet qu'au regard d'un ensemble de faits, les juges qui composent le Conseil,
02:51 les membres qui composent le Conseil ne se comportent la plupart du temps pas de manière impartiale comme devrait le faire un juge.
02:57 Qui sont-ils ?
02:58 Qui ne sont pas tellement indépendants.
03:00 Qui sont-ils ? Ils sont neufs.
03:02 Alors oui, ils sont en principe neufs parce qu'ils peuvent s'y adjoindre parfois les anciens présidents de la République, ce qui est assez étonnant.
03:11 Mais les neuf membres sont nommés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée Nationale.
03:18 Et il se trouve que ces trois autorités nomment en général soit des personnalités politiques qui ont une longue carrière politique derrière elles.
03:26 Actuellement nous avons deux anciens premiers ministres au Conseil, nous avons deux anciens ministres, nous avons deux anciens parlementaires.
03:32 Donc ils vont se retrouver à juger de ce qu'ils ont fait parfois auparavant ou de ce que leurs anciens collègues continuent de faire.
03:40 Et puis pour ceux qui ne sont pas ministres, députés ou premiers ministres, on a des personnalités qui ont été en général directeurs d'un cabinet ministériel ou d'une assemblée.
03:51 Donc ça fait qu'on a une composition qui est vraiment très très proche du pouvoir politique, qui s'agit justement de contrôler.
03:56 Donc ce qui met de toute façon le Conseil dans une situation j'allais dire presque structurelle de partialité vis-à-vis de ce qu'il doit juger.
04:04 Je vais donner quelques noms, vous avez l'ancien dire-cap de Gérard Larcher, l'ancienne directrice de cabinet d'Éric Dupond-Moretti,
04:10 Jacqueline Gouraud, Jacques Mézard, ancien ministre d'Emmanuel Macron, Alain Juppé, Laurent Fabius et sept des neuf juges actuels ont été nommés sous Emmanuel Macron.
04:20 Alors évidemment c'est vrai que ça pose cette question de l'indépendance politique.
04:24 Venons-en au texte maintenant si vous le voulez bien, Laureline Fontaine, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif,
04:33 qui est cette enveloppe législative choisie pour héberger ce projet de loi réformant les retraites.
04:39 Alors d'après vous, est-ce qu'il y a matière à censure sur ce texte ?
04:45 Alors vous savez la particularité du droit c'est qu'on peut souvent argumenter dans un sens ou dans un autre.
04:52 Depuis plusieurs semaines, on voit beaucoup de constitutionnalistes avancer un certain nombre d'arguments,
04:59 plutôt en faveur de la censure, certains en faveur de la censure partielle et d'autres en faveur de la censure totale.
05:08 Alors les arguments existent de toute évidence parce qu'on est dans un scénario un peu inédit,
05:14 dans la mesure où le gouvernement a choisi d'utiliser l'article 47.1 pour réformer les retraites, ce qui est totalement inhabituel, inédit.
05:24 C'est la procédure d'examen accéléré du texte, ce qui est prévu dans les textes budgétaires,
05:30 mais normalement c'est utilisé quand on est en fin d'année et qu'il faut s'assurer que le texte soit voté avant le 1er janvier.
05:37 Alors là on voit qu'on est en début d'année, il n'y a pas vraiment de pertinence finalement.
05:41 D'autant que le texte ne concerne pas spécifiquement le budget de l'année prochaine,
05:47 mais le budget sur évidemment toutes les années à venir contient des décisions qui normalement sont prises par ailleurs,
05:54 dans des lois ordinaires, votées selon une véritable procédure de délibération,
05:59 parce que le projet de financement de la Sécurité sociale, normalement,
06:03 ça se limite à une forme de répartition des recettes et des dépenses en fonction d'autres décisions qui ont été prises.
06:09 Donc effectivement on voit ici que la procédure qui a été utilisée et qui est raccourcie,
06:14 qui a même permis que l'Assemblée nationale ne vote pas le texte en première lecture,
06:19 et qu'elle ne le vote pas non plus en dernière lecture, puisque le 49.3 a été utilisé,
06:25 donc que l'usage de cette procédure était bien destiné à limiter le pouvoir de délibération du Parlement.
06:30 Donc en ce sens on pourrait effectivement argumenter.
06:33 En tout cas, tout est possible, et même son contraire, ça on l'a bien compris grâce à vous, Laureline Fontaine.
06:38 Merci d'être venue nous expliquer tout cela sur Europe 1, on n'en a pas fini,
06:43 évidemment des débats sur ce projet de loi retraite.
06:46 Bonne journée à vous, je rappelle le titre de votre dernier ouvrage,
06:49 "La constitution maltraitée", c'est aux éditions Amsterdam, 7h19 sur Europe 1.

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