• l’année dernière
Georges est agriculteur à Cappy dans la Somme. Obligé de faire des travaux pour s'adapter aux normes européennes de production de lait, il se retrouve endetté à hauteur de 200 000 euros. Aujourd'hui, avec le prix du gazole, de l'électricité, le cours mondial du lait, et l'achat au plus bas coût de son lait par la grande distribution, il ne se paye plus et l'activité de la ferme familiale s'en trouve plus menacée que jamais.
Premier portrait vidéo de notre série "La vie chère", sur la façon dont l'inflation et ceux qui en profitent pèse sur le quotidien des Français.
Une campagne a été créée pour soutenir Georges https://www.leetchi.com/c/soutenez-georges-eleveur-de-vaches-en-picardie?fbclid=IwAR0YOVGKvuFvh5kAbCuw4NgTA1O1VerYfKcLnt1GBjeGwmNMiYwLGZl7wmQ

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00:00 Ma fille travaille un peu avec moi, mais je ne peux même pas la payer,
00:02 je ne peux pas me payer moi-même.
00:04 Pour que ça aille mieux, il faudrait que les grandes distributions diminuent leur marge
00:07 pour rémunérer un peu plus les producteurs.
00:09 Je fais de la dépression.
00:11 Je suis en redressement, même un peu avant, ça fait plus de 10 ans que je vis.
00:14 La vie qu'on a aujourd'hui, ça n'a plus rien à voir avec ce qu'on a vécu au départ.
00:17 Bonjour, je m'appelle Georges, je suis agriculteur à Capi, dans la Somme.
00:29 Bienvenue à la ferme !
00:30 C'est la ferme de mes parents, de mes grands-parents.
00:39 C'est la troisième génération, puis quatre avec mes enfants maintenant.
00:43 Toutes les vaches ont des prénoms.
00:44 Elle, c'est Prunelle.
00:45 J'ai un cheptel de 105 bêtes.
00:48 On produit entre 20 et 25 000 litres de lait par mois.
00:50 Mon activité principale, c'est production de laitière.
00:53 Après, j'ai un peu de culture aussi, je fais des céréales.
00:55 Le prix du lait a remonté un peu, ça suit la bourse, ça suit les cours mondiaux.
00:59 Les charges, elles ont monté.
01:01 On gagne plus, mais on redépense plus derrière.
01:03 Après, il y a le gasoil, il y a tout, l'électricité.
01:07 Il y a beaucoup d'éleveurs dans le coin qui arrêtent de produire.
01:10 Je travaille dix heures par jour, alors je n'ai pas de salaire du tout.
01:14 J'arrive à me prendre de temps en temps un peu d'argent, mais je n'ai pas de salaire régulier.
01:17 Ma fille, elle travaille un peu avec moi, mais je ne peux même pas la payer.
01:20 Je ne peux pas me payer moi-même.
01:21 Mon épouse, elle travaille au service à la personne, donc elle a beaucoup d'heures.
01:25 Ça occupe des personnes âgées.
01:27 On avait fait pour travailler à deux, mais on ne pouvait pas faire vivre notre famille.
01:31 On a tout de suite travaillé en plus.
01:34 Au début, on était bien, on vivait bien.
01:37 On ne tirait pas de salaire, mais au moins, on avait un peu de revenu.
01:41 Une fois qu'on avait commencé à avoir l'euro, ça a commencé à se dégrader.
01:44 Et c'était de pire en pire.
01:50 Les prises ont monté.
01:51 La vie qu'on a aujourd'hui, ça n'a plus rien à voir avec ce qu'on a vécu au départ.
01:55 C'est un métier que j'aimais beaucoup au début, mais j'aime encore, mais c'est plus difficile.
01:59 Je pense que pour que ça aille mieux, il faudrait que les grandes distributions diminuent leur marge
02:03 pour rémunérer un peu plus les producteurs.
02:05 À un moment donné, ils nous l'achètent dans les 40 centimes, mais c'est plus d'un euro le litre.
02:09 La marge, ce n'est pas durement zéro.
02:11 Je n'arrive même pas à en rémunérer.
02:17 On a un petit peu de volaille pour nous, pour avoir des œufs et manger une poule de temps en temps.
02:21 On fait des courses et ça augmente tout le temps.
02:23 On essaye d'aller dans les magasins les moins chers.
02:26 Mais même les moins chers sont de bien chers.
02:28 J'ai été obligé de faire des mises aux normes pour pouvoir continuer à produire du lait.
02:35 Donc j'ai refait un bâtiment plus grand, c'était obligatoire.
02:38 C'est les normes européennes.
02:39 Ça m'a entraîné des investissements assez lourds.
02:41 Et puis derrière, le prix du lait n'a pas monté.
02:44 Aujourd'hui, on a un redressement judiciaire.
02:46 Parce qu'on était au tribunal et tout.
02:48 Parce qu'on était des voleurs.
02:50 Ça fait 4 ans, ça va, on arrive à suivre le remboursement.
02:53 Mais j'en ai encore pour 10 ans.
02:54 C'est à la retraite.
02:54 C'est les collecteurs de lait qui nous ont forcé la main à investir.
02:58 Sinon, ils ne ramessaient plus le lait.
02:59 C'est le groupe Sodial, c'est YouPlay, Candio.
03:02 On a eu à peu près dans les 200 000 euros d'investissement.
03:05 Avec des crédits, après il y a de l'électricité, il y a de l'aménagement de bâtiments, il y a pas mal de choses.
03:10 Je fais de la dépression depuis que je suis en redressement.
03:15 Même un peu avant, ça fait plus de 10 ans que je suis là.
03:17 J'ai un traitement depuis ce temps-là.
03:20 Au départ, je ne dormais plus.
03:21 Après, je n'avais plus envie de me lever, je ne voulais plus travailler.
03:24 C'est parce que j'avais mes enfants et mon épouse pour me soutenir.
03:27 Parce que tout seul, je ne suis peut-être plus là aujourd'hui.
03:30 Je ne suis jamais là.
03:32 Depuis que je travaille, ça fait que j'ai pris de l'eau 2-3 au week-end peut-être.
03:36 En se faisant remplacer avec du mal.
03:38 Vous venez, on va aller à la maison, je vais vous montrer des papiers.
03:41 On va renlever les bêtes.
03:43 Ça, c'est tous les cartes d'identité des bêtes.
03:45 Le nom des vaches, le nom de l'hyper, le nom de la mère.
03:48 On a eu une fuite d'eau dans la cour, sous terre.
03:51 On n'a pas vu tout de suite, bien sûr.
03:52 Ça a duré au moins un an.
03:53 J'ai plus de trois fois la consommation normale d'une année.
03:57 J'ai 24 000 euros.
03:58 Rien que pour la fuite en fait.
04:00 Ils m'ont réduit un petit peu.
04:01 Entre 9 et 10 000, ils m'ont descendu.
04:03 Donc, ça fait à peu près 14 000 euros qui vaut le que je règle.
04:05 Ils me disent, vous avez consommé, vous payez.
04:07 Je dis, je n'ai rien consommé, c'est parti dans la terre.
04:09 Je veux bien payer un peu plus, mais pas tant que ça.
04:11 Ils savent très bien que c'est une fuite.
04:13 C'est eux qui m'ont dit qu'ils avaient une fuite.
04:15 Ils me demandaient 1 000 euros par mois, mais je n'ai pas réussi à suivre.
04:17 J'ai payé deux, trois fois, puis après, je n'ai pas pu continuer.
04:20 Il y a des gros exploitants dans le coin qui arrosent en glace chaleur en plein jour.
04:24 Ça arrive aussi, même qu'il pleuve, qu'ils arrosent encore.
04:26 Ils gaspillent, et puis moi, j'ai une fuite.
04:28 C'est pas de ma faute, on veut me faire payer.
04:30 Il y a déjà un agriculteur qui est venu me voir pour me reprendre mes tiers.
04:37 Si tu veux qu'on t'aide, tu me dois quand même un peu de terre.
04:40 Ils appellent ça des gens, des gros exploitants qui n'ont jamais assez.
04:44 Je leur ai dit, de toute façon, il n'y a pas vous qui avez le droit de vivre.
04:47 Moi, j'ai des enfants, j'ai le droit de vivre aussi.
04:49 Après, on a commencé à vandaliser mes tracteurs.
04:51 Dans les réservoirs, j'ai eu de l'eau, des pommes de terre, de la terre, des cailloux.
04:56 Je tombais en panne tout le temps.
04:58 Et cet été, on m'a ouvert un cheval au poitrail.
05:02 Il n'est pas mort, on a réussi à le soigner, mais il est chaud.
05:05 J'ai des soupçons, mais je n'ai pas de preuves.
05:08 J'ai porté plainte, les gendarmes n'ont rien fait.
05:11 Ils n'ont même pas enquêté, il n'y a que moi qui ai ramené des photos.
05:13 Ils n'ont pas bougé.
05:14 Si je vends, ce sera à mes enfants, mais pas à d'autres.
05:19 Ça reste à la famille. Je ne laisserai pas des gros me bouffer.
05:22 [Musique]

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