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Lundi 17 avril 2023, SMART IMPACT reçoit Thomas Contentin (Directeur Général, Aquality France) et Willy Fortunato (Directeur Général, UV Germi)

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00:00 (Générique)
00:05 La réutilisation des eaux usées au cœur de notre débat. Je vous présente mes invités, Willy Fortunato, bonjour. — Bonjour, Thomas.
00:13 — Bienvenue. Vous êtes le directeur général d'UV Germy. Et puis avec nous en visioconférence Thomas Cotentin, qui est le... Bonjour.
00:20 Directeur général d'Aquality France. On parle de cette ressource qui est quasi inexploitée en France.
00:28 On est encore très très en retard. Les eaux usées, on pourrait commencer par lister les cas d'usage absurdes de l'eau potable.
00:36 Il y en a beaucoup, hein. — Ils sont très vastes, effectivement. Vous avez raison. En France, moins de 1% des eaux usées sont réutilisées.
00:44 Et par définition, l'eau potable, c'est l'eau qui est destinée à abreuver la population. Et ça représente une fraction infime
00:51 de ce qui est distribué en eau potable. Si on prend un foyer, 1% de l'eau d'un foyer est destinée à être bue. Tout le reste, c'est de l'eau d'usage.
01:00 Donc c'est pour le nettoyage de la vaisselle, des sols, des voitures, l'arrosage du jardin. Autant d'utilités qui n'ont pas besoin
01:08 d'être opérées par de l'eau potable. En industrie ou dans les villes, l'irrigation des centres-villes urbains, le nettoyage des rues
01:14 sont actuellement opérées avec de l'eau potable. Et c'est évidemment un luxe dont nous n'avons plus les moyens.
01:19 — Effectivement. Parce que pendant très longtemps, la France était d'une certaine façon bénie des dieux en matière de ressources en eau,
01:25 si on se compare à des pays évidemment du sud de l'Europe ou alors encore plus loin vers le sud. Sauf que maintenant, on a bien compris
01:31 que les sécheresses risquaient d'être répétitives été après été. Et peut-être même hiver après hiver. On a vu ce qui s'est passé au mois de février.
01:40 Alors je voudrais qu'on comprenne votre technologie. Vous utilisez les ultraviolets, c'est ça, pour filtrer l'eau ?
01:45 — Tout à fait. — Comment ça marche ? — En fait, le rayonnement ultraviolet est un phénomène naturel qui est émis par notre astre, le soleil.
01:53 Et qui permet de détruire l'ADN et l'ARN, qui sont les briques initiales du vivant. Donc nous, à UV Germy, on reprend ce phénomène naturel,
02:00 on l'amplifie, on le canalise pour dépolluer les milieux, l'eau, l'air ou les surfaces. S'agissant d'eau, l'idée, c'est de canaliser
02:09 une ressource en eau, de la traiter par UV pour assurer son utilité sans risque biologique, parce qu'avec la restriction de la quantité d'eau,
02:17 il y a aussi une diminution de sa qualité avec un risque biologique accru. UV Germy, on est en capacité de maîtriser ce risque biologique
02:24 pour la réutilisation des eaux. — Thomas Cotentin, je me tourne vers vous. À Quality, alors il y a des solutions de récupération des eaux de pluie.
02:31 On va en parler dans un court instant. Mais sur le recyclage des eaux usées, c'est quoi, votre technologie ? C'est quoi, vos procédés ?
02:38 — Alors nous, on est focalisés sur la valorisation et la réutilisation des eaux grises, les eaux grises qui est, on va dire, une sous-famille des eaux usées,
02:47 des eaux non conventionnelles, comme on dit maintenant. Et en gros, les eaux grises, c'est principalement les eaux savonneuses qu'on utilise pour notre bain,
02:54 pour notre douche, en gros tout ce qui sort de la salle de bain. Comme ça a été très bien dit, c'est des eaux qui sont faiblement polluées.
03:00 Et on a à l'échelle d'un foyer à peine la moitié de la consommation qui peut être remplacée par des eaux non potables telles que les eaux grises.
03:08 Et donc nous, on recycle ces eaux grises qui sortent de votre salle de bain pour réalimenter derrière des usages, tels que la machine à laver,
03:14 tels que les WC, et puis aussi l'arrosage, le nettoyage de la voiture, des terrasses, toutes ces applications qui n'ont pas besoin en effet d'eau potable.
03:22 — Votre système, il s'adapte à toutes les tailles de bâtiments ? On peut être dans une maison individuelle ou même dans un appartement
03:28 ou alors dans une grande entreprise, par exemple ?
03:29 — Oui, il y a des technologies. C'est qu'une question d'échelle. Donc ça peut aller de la maison individuelle à un hôtel, à un gymnase, à une résidence.
03:37 Il y a toutes les solutions pour tous les projets.
03:40 — Alors on va rentrer un peu dans le détail de certaines des solutions que vous avez mises en place les uns et les autres.
03:44 Par exemple, oui, Fortunato, vous avez signé un partenariat avec Disneyland Paris. C'était à la fin de l'année 2022.
03:51 C'était quoi le cahier des charges ? De quoi il s'agit ?
03:54 — Alors pour être exact, ça fait longtemps qu'on a équipé Disneyland Paris d'un appareil qui permet de réutiliser les eaux usées traitées en sortie de la station d'épuration.
04:04 Et pour faire quoi ? Pour arroser les parcs, pour nettoyer les voiries et également pour les jeux d'eau.
04:10 Donc les économies par rapport à la ressource en eau potable sont énormes.
04:14 C'est environ 700 000 m3 d'eau potable économisé par an sur un site comme Disneyland.
04:20 Mais il y a d'autres projets au fur et à mesure que le parc grandit pour continuer à trouver et à exploiter les eaux usées traitées pour ces usages-là.
04:30 Et les exemples de Disney sont duplicables à l'échelle d'une ville, d'une agglomération.
04:36 Et UV Jeremie accompagne de nombreuses villes pour le nettoyage des voiries, par exemple, à partir d'eaux usées traitées.
04:41 — Et le partenariat de la fin de l'année dernière, c'est quoi ? C'est une montée en puissance avec les nouveaux parcs qui sont créés ?
04:47 — Absolument. C'est l'idée. C'est de continuer à être vertueux sur la ressource en eau, sur un parc qui est d'une ampleur particulièrement intéressante,
04:55 avec des consommations d'eau très fortes. — Oui. Donc ça avait été anticipé. Est-ce que l'année qu'on vient de vivre, avec ce que je disais,
05:03 ces deux sécheresses successives, été-hiver, j'imagine que vous, vous voyez des clients potentiels, des prospects arriver et se dire
05:12 « Qu'est-ce qu'on fait des eaux usées ? Vous avez des solutions ? Ça marche ailleurs ? » Comment ça se passe, là, depuis quelques mois ?
05:17 — Alors est-ce que ça marche ailleurs ? Oui. Vous parliez tout à l'heure des Européens du Sud, l'Espagne, l'Italie, la Grèce,
05:23 qui sont à plus de 10, 15, 20% d'eau usée traitée réutilisée. Donc ils ont ouvert la voie. Le cap est fixé. Et c'est évidemment ce qu'il faut qu'on fasse en France.
05:32 Il y a de nombreux sujets en industrie, dans les collectivités. Mais malheureusement, il y a encore des freins administratifs, des réglementaires
05:40 qui sont forts par réutilisation des eaux usées. — Alors c'est quoi, les freins réglementaires ? — C'est quoi ? Par exemple, pour réalimenter l'eau des toilettes,
05:46 il faut que l'eau soit potable. Par dérogation, depuis 2 ans, ça peut être de l'eau de pluie, mais on n'a pas le droit de mettre des eaux usées traitées
05:52 pour l'échasse d'eau des toilettes. — C'est totalement absurde. — C'est complètement absurde. Et ça freine évidemment les projets.
05:57 De la même façon, le nettoyage des rues avec des eaux usées traitées n'est actuellement réglementairement pas possible.
06:03 — Donc il suffit quoi ? Faut pas une loi, ça ? C'est quoi ? C'est un décret ? Ça peut être assez simple à mettre en œuvre ?
06:07 — Mais c'est extrêmement simple. C'est une volonté, une volonté politique. Et c'est ce que tout le monde attend, que ces freins réglementaires
06:14 se lèvent pour être en capacité de faire face à l'urgence, d'aller très vite sur le déploiement des projets.
06:19 — Thomas Contantin, vous êtes également président de l'IFEP, qui est le syndicat professionnel des métiers de valorisation de l'eau de pluie.
06:26 On est là aussi... Est-ce qu'on est là aussi sur une ressource sous-exploitée en France ? — Oui, c'est sous-exploité. Alors juste petite rectification.
06:34 La loi autorise à réutiliser l'eau de pluie dans les bâtiments depuis 2008. Mais en effet, c'est la seule exception.
06:40 C'est la seule exception à ce jour. C'est-à-dire que si c'est pas de l'eau de pluie, ça doit être de l'eau potable.
06:44 Et on sait aujourd'hui que la technologie, elle permet de faire tout un tas de choses. Et l'eau de pluie, oui, c'est là aussi
06:51 encore une ressource qui est sous-exploitée, parce que l'eau de pluie, elle tombe partout, différemment, dans des quantités là aussi
06:57 variables suivant où on se situe. Mais c'est une ressource qui est à la portée de tous. Et la valorisation de l'eau de pluie, elle a un double
07:04 bénéfice. C'est que c'est autant d'eau qu'on va pas chercher dans les nappes profondes. Mais aussi, ça permet de gérer les abattos,
07:13 ce qu'on appelle les abattos, en cas d'orage, quand justement il y a un excès d'eau de pluie.
07:17 — Alors on va prendre un exemple... Pardon, je vous interromps. On va prendre un exemple avec le nouveau campus Agro-ParisTech.
07:24 Qu'est-ce que vous avez mis en place avec eux ? — Eh ben par exemple, sur le campus là-bas, l'idée, ça a été de récupérer un maximum d'eau
07:31 des toitures pour ensuite – c'est logique au regard de leurs études – d'utiliser cette eau pour associer et utiliser, arroser cette eau de pluie
07:42 vers tous les espaces verts. Donc ça fait à la fois un système qui est quasiment autonome, donc on prend pas du tout d'eau potable pour arroser
07:50 les espaces verts. Et en même temps, on regarde tout ce qui se passe sur le plateau de Saclay. Ça permet aussi de gérer les eaux pluviales.
07:57 Donc là-bas, vous avez une grosse cuve qui a été installée avec un système de pompage. Et tout est alimenté en eau de pluie.
08:02 — Je reste avec vous, Thomas Cotentin, parce que là, on est sur un nouveau campus. Est-ce que sur des bâtiments, on va dire, plus anciens,
08:08 c'est plus compliqué ? Je parle de l'eau de pluie et puis des eaux grises en général. Est-ce que ça suppose beaucoup d'infrastructures
08:13 pour finalement faire basculer le système et se passer d'eau potable ? — Oui. On peut pas le nier. C'est un peu plus compliqué,
08:22 parce que forcément, on est obligé de respecter des normes sanitaires qui sont très strictes. C'est-à-dire qu'à aucun moment,
08:26 on doit se retrouver à mélanger dans un même tuyau de l'eau potable et de l'eau qui ne l'est pas, de l'eau de pluie ou des eaux grises,
08:31 peu importe. Donc c'est vrai que quand on est dans un bâtiment existant, ça peut être un peu compliqué de se retrouver à tirer
08:37 de ce qu'on appelle des réseaux séparatifs. Donc voilà, c'est un petit peu plus compliqué. Dans le neuf, ça s'anticipe et ça se prévoit.
08:43 Dans l'existant, il y a des bâtiments qui se prêtent plus à ces autres types de travaux que d'autres.
08:51 — Willy Fortunato, dans les nouveaux projets immobiliers, est-ce que cette dimension-là, ce dont on parle ensemble depuis une dizaine de minutes,
08:58 elle est encore sous-estimée ou sous-utilisée ? — Vous avez parfaitement raison. Malheureusement, c'est pas encore,
09:05 même sur les projets immobiliers nouveaux, complètement d'actualité. Au niveau des entreprises, au niveau des promoteurs,
09:14 ça devient un sujet qui les intéresse, l'hôtellerie, l'hôtellerie de plein air, parce qu'ils touchent du doigt que la disponibilité de l'eau
09:21 n'est plus garantie. On a parlé de l'énergie pendant longtemps. Il en va de même pour l'eau. Donc les industriels sont plus sensibles
09:28 à s'équiper et à prévoir très rapidement des solutions qui leur permettent d'être moins dépendants de la ressource.
09:33 Mais il y a une vraie urgence à accélérer sur l'ensemble des solutions, et notamment du stockage et de l'évolution des bâtiments.
09:41 — Est-ce qu'il y a encore un frein psychologique ? — Je ne sais pas s'il y a un frein psychologique. Il y a sûrement une méconnaissance
09:47 des cycles de l'eau. C'est pour ça qu'on a autant abusé. C'est pour ça que les solutions n'ont pas été mises en avant.
09:53 Mais il n'y a aucun risque à utiliser de l'eau de pluie ou de l'eau grise pour les chasse-d'eau des toilettes ou pour irriguer ces jardins.
10:00 Et techniquement, on s'est parfaitement maîtrisé la situation. Aujourd'hui, le risque principal, il est de manquer d'eau.
10:06 — Oui. Et on peut... Je reste avec vous, Oli Fortunato. Il y a des degrés... Enfin on peut choisir en quelque sorte son niveau
10:13 de recyclage de l'eau, c'est ça, en fonction de l'usage qu'on va en faire ? — Bien sûr. Et c'est l'idée. Pour pouvoir savoir
10:19 quelle est la bonne solution, il faut faire du cas par cas. Il faut savoir dans un foyer, est-ce qu'on est sur une habitation individuelle,
10:25 est-ce qu'on est sur un appartement, et derrière, quelles sont les principales sources de l'utilisation d'eau.
10:31 Et une fois qu'on a fait ce diagnostic-là, on voit les solutions à déployer en fonction des besoins. On remplira pas
10:37 et on mettra pas les mêmes technologies si on a besoin de remplir une piscine, d'irriguer un jardin ou juste de faire du nettoyage
10:43 de linge ou de vaisselle. — Ouais. Thomas Contantin, un dernier mot peut-être sur les mesures annoncées par le président de la République
10:50 dans son plan eau. Est-ce qu'elle vous semble à la hauteur des enjeux ?
10:54 — Malheureusement, c'est des mesures qui nous ont un peu déçus parce que, bon, voilà, déjà, elles manquent d'aspects concrets.
11:01 Et puis les objectifs qui ont été fixés, ils sont quasiment en recul par rapport à ce qui avait été annoncé à l'issue des assises de l'eau en 2019.
11:10 Donc pour nous, c'est un peu décevant, sachant que par rapport à ce que vous disiez tout à l'heure, non, le grand public, il est prêt.
11:16 Il y a le baromètre du CIO tous les ans. On est de l'ordre de 80-85 % des Français qui sont prêts à utiliser des eaux usées traitées
11:24 ou de l'eau non potable pour certaines applications. Donc en plus, le grand public est prêt. Nous, on le voit bien par rapport à nos entreprises,
11:30 les demandes qu'on a qui remontent du terrain et des particuliers. C'est phénoménal. Et aujourd'hui, nous, on est vraiment dans une démarche de se dire
11:36 – un peu dans ce qui vient d'être dit précédemment – à chaque usage sa qualité d'eau, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, on peut plus permettre
11:41 d'utiliser de l'eau potable pour toutes les utilisations. Donc il y a des solutions techniques. Les industriels français, ils sont prêts.
11:49 Et c'est pour ça qu'on a été un peu déçus, parce qu'aujourd'hui, voilà, il y a une attente qui est énorme. Il y a des solutions techniques.
11:55 Et le plan, voilà, il manque sans doute à notre avis d'ambition à court terme, parce que l'urgence, elle est là.
12:03 – Merci beaucoup. Merci à tous les deux. Et à bientôt sur Bismarck. On passe à notre rubrique Start-up.
12:08 Et si on repassait notre permis de conduire ?

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