Stéphie, atteinte de vitiligo nous raconte son parcours

  • l’année dernière
"Moi, comme le vitiligo il s'est déclenché après la vingtaine j'ai eu, en fait, l'impression de refaire une crise d'adolescence, uns crise identitaire."
Stéphie revient son quotidien avec le vitiligo, mais aussi sur l'acceptation de sa maladie.
Transcription
00:00 Il y avait des jours où je voyais mes plaques de vitiligo et je me disais "mais c'est pas possible, c'est pas moi, c'est pas mon visage, c'est pas mon corps, c'est pas ma peau".
00:06 Le vitiligo c'est une maladie auto-immune, ce qui signifie que mon système nerveux est défaillant.
00:11 Et mes anticorps, au lieu de n'attaquer que les "cellules" "dangereuses" comme les virus et les bactéries, ils attaquent des cellules saines.
00:19 Donc dans le cas du vitiligo, ils attaquent les mélanocytes, qui sont censés me protéger du soleil en produisant de la mélanine.
00:25 Et donc là où mes anticorps détruisent les mélanocytes, je ne bronze pas.
00:28 Ça s'est déclenché à partir de 2012, mais au début c'était vraiment deux petites tâches, elles ne se voyaient pas beaucoup, donc je ne me suis pas alarmée.
00:37 Et ça ne s'est pas développé pendant un an ou deux.
00:40 Et c'est vraiment après quand ça a commencé à s'étendre, à se développer sur les mains et ailleurs sur le corps que j'ai été voir le dermatologue et là il m'a dit que oui, je faisais du vitiligo.
00:49 Celle qui s'est développée le plus vite, c'est celle au niveau de ma main droite.
00:52 Ça a été assez effrayant parce qu'au début je pensais que je faisais un coup de soleil.
00:55 Et il faut savoir qu'il faut qu'on se protège du soleil tout le temps parce que là où on a de la dépigmentation, on peut brûler.
00:59 Parce qu'on n'a plus de mélanine qui est produite, donc on n'est plus protégé du soleil.
01:04 Donc j'ai mis ma crème solaire.
01:06 Et en fait le lendemain, c'était encore plus rouge et le surlendemain, c'était devenu blanc.
01:10 Moi, comme le vitiligo s'est déclenché après la vingtaine, j'ai eu l'impression de refaire une crise d'adolescence, une crise identitaire.
01:17 De devoir réapprendre à m'accepter, ça a été super dur parce que ça m'est tombé dessus.
01:21 Je ne l'ai pas choisi et petit à petit, j'avais de moins en moins confiance en moi.
01:25 Il y a eu une période où j'acceptais plus ce que j'étais.
01:27 Il y avait des jours où je pouvais me réveiller et je voyais mes plaques de vitiligo.
01:33 Et je me disais "mais ce n'est pas possible, ce n'est pas moi, ce n'est pas mon visage, ce n'est pas mon corps, ce n'est pas ma peau".
01:38 Et je pouvais en pleurer, mais parce que je ne l'acceptais pas et ça devenait obsessionnel.
01:43 Je pouvais passer des journées en culotte devant mon miroir à regarder est-ce que j'en ai derrière le genou ?
01:48 Est-ce que j'en ai dans le cou ? Est-ce qu'il y en a une que je n'ai pas vue et qui apparaît ?
01:52 Est-ce que là, je vais devoir mettre de la crème ou pas ?
01:54 Parce qu'au début, comme je ne l'acceptais pas, j'essayais de le traiter.
01:57 Les traitements sont contraignants, il y en a qui sont douloureux, il y en a beaucoup qui ne fonctionnent pas.
02:02 Donc, je pouvais me scruter toute la journée.
02:05 C'était super difficile.
02:07 La maladie, je pense qu'elle se voit essentiellement dans le regard des autres.
02:11 Des fois, on pouvait me fixer et les gens ne se rendent même pas compte.
02:14 Là, ça me rappelait que j'avais du vitiligo et là, ça me mettait mal dans ma peau.
02:17 Parce que ce n'est jamais agréable d'être analysée sous toutes les coutures.
02:20 Il est arrivé que je tienne la barre du métro et que, sans faire exprès,
02:24 une personne me frôle la main et qu'en voyant mes tâches, par réflexe,
02:27 elle retire sa main comme si j'étais contagieuse ou comme si ça lui avait fait peur.
02:32 En remarques classiques, celle qui revient le plus souvent quand on m'en fait,
02:38 c'est "Ah, tu t'es brûlée, tu ne sais pas cuisiner",
02:41 "Ah, tu as oublié de t'essuyer en sortant des toilettes", donc très classe.
02:44 Parfois, c'est des remarques qui ne partent pas d'une mauvaise intention.
02:48 Et c'est encore plus dur.
02:49 "Ah, mais ça ne fait pas mal."
02:50 "Oh, ce n'est pas grave, ce n'est pas si moche."
02:52 Ben, ce n'est pas la question, en fait.
02:54 Ça fait souffrir quand même.
02:56 Ce n'est pas parce que ça ne fait pas souffrir physiquement
02:57 que ça ne fait pas souffrir psychologiquement, mentalement.
03:00 Et oui, ce regard-là, au début, il était très dur à accepter.
03:03 Et oui, il a changé.
03:04 Enfin, moi, je n'ai jamais vécu ça avant d'avoir du vitiligo.
03:07 On a l'impression que les gens se posent des questions,
03:09 mais ils ne me les posent pas.
03:10 C'est frustrant parce que moi, ça ne me dérange pas de répondre aux questions.
03:13 Au contraire, j'aime autant en parler et faire comprendre aux personnes
03:17 que ce n'est pas dangereux ou comment fonctionnent les maladies auto-immunes.
03:19 Plutôt qu'on ne me demande même pas mon avis et qu'on me dévisage,
03:22 que ce ne soit pas agréable et que je me dise,
03:24 "Bon, il y a quelque chose qui ne va pas.
03:25 Est-ce que c'est mon vitiligo ou peut-être est-ce que j'ai quelque chose entre les dents ?"
03:28 C'est difficile à vivre, en fait, parce que parfois,
03:30 j'ai l'impression que je ne suis pas légitime à parler de cette maladie-là.
03:33 Parce que je suis blanche, parce que ça ne se voit pas,
03:35 parce que ce n'est pas si moche.
03:37 On se dit automatiquement que ça ne touche que les peaux mates, foncées et noires.
03:41 Je pense que c'est un frein à l'ouverture de cette discussion-là.
03:44 Maintenant, aujourd'hui, je pense qu'on en parle de plus en plus.
03:46 Et le plus bel exemple que je puis citer, c'est la mannequin Winnie Harlow
03:50 qui, elle, en a fait sa force, en a fait carrière.
03:53 Et son vitiligo, il est vraiment très, très étendu, très prononcé.
03:57 Donc, je pense qu'elle a énormément aidé à ouvrir cette conversation-là.
04:00 Je ne pense pas l'avoir vécu comme un handicap,
04:03 mais je pense que je m'en suis créée un,
04:05 dans la mesure où tout de suite, je n'avais plus confiance en moi.
04:08 J'ai dû repenser mon image et je pense que j'en ai fait un trop gros truc
04:11 parce que j'avais l'impression qu'il fallait que tout de suite, je cache.
04:15 Au fil des années, j'ai eu l'envie d'éduquer autour du vitiligo.
04:20 Et petit à petit, plus j'en parlais et mieux j'étais dans ma peau.
04:23 D'en parler, de l'extérioriser, je ne le gardais plus pour moi.
04:26 Ce n'était plus que ma maladie.
04:29 Je pouvais changer le regard des gens.
04:30 Et du coup, petit à petit, j'étais plus à l'aise pour faire des photos,
04:33 j'étais plus à l'aise pour porter ce que j'aimais.
04:35 Et forcément, comme je ne le cachais plus, ça se voyait plus.
04:39 Donc les gens le remarquent plus, ont plus envie de me poser des questions.
04:42 Comme je suis mieux dans ma peau,
04:44 du coup, les gens ont peut-être moins peur de me vexer
04:48 s'ils jamais me posent la question.
04:49 Et en fait, ça s'est fait comme ça, en en parlant autour de moi.
04:52 Si on décide que ce n'est pas un handicap, ce n'en est pas un.
04:54 Et ça se passera bien.
04:55 [Musique]

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