• l’année dernière
Gabriel Attal estime avoir hier "entendu un président qui nous rappelait que l'on agit pour la souveraineté, pour l'indépendance de notre pays." "C'est important de dire très concrètement comment dans les mois qui viennent on souhaite agir et de ce point de vue là, il y a une feuille de route assez claire qui a été fixée." Le ministre répond d'ailleurs aux différentes critiques, pointant le "vide" du discours d'Emmanuel Macron. "Si la hausse de la rémunération des enseignants, ce n'est pas concret, je ne sais pas ce que c'est."

Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Il est 7h48, Léa Salam est votre invitée ce matin et le ministre délégué au compte public.
00:05 Bonjour Gabriel Attal.
00:06 Bonjour.
00:06 Merci d'être avec nous ce matin.
00:08 Vous avez déclaré ce week-end "il faut maintenant passer à autre chose".
00:11 Tournez la page des retraites.
00:12 Pensez-vous qu'avec l'intervention hier soir du président de la République, vous allez pouvoir passer à autre chose ?
00:16 D'abord j'entends régulièrement sur les plateaux certains souhaitant que le président réaffirme le cap,
00:22 explique pourquoi est-ce qu'on agit, pourquoi est-ce qu'on fait des réformes.
00:25 Et je crois qu'hier on a entendu un président qui nous rappelait qu'on agit pour la souveraineté, pour l'indépendance de notre pays.
00:31 Au fond la question qui est posée c'est de savoir si on souhaite être affaibli par des grandes puissances internationales,
00:38 par les marchés financiers, par l'intelligence artificielle, ou est-ce qu'on veut prendre notre destin en main
00:42 en investissant massivement pour le travail et pour les services publics.
00:46 Et moi je pense que c'est important de réexpliquer ça, c'est important aussi de dire très concrètement
00:51 dans les mois qui viennent on souhaite agir et de ce point de vue là, il y a une feuille de route assez claire qui a été fixée.
00:57 Travailler deux ans de plus, les 64 ans, c'est pour financer nos services publics ?
01:01 Ce qui est certain c'est que dès lors qu'on a un système qui est déficitaire, qui nous conduit à devoir emprunter sur les marchés financiers,
01:06 on est dépendant des marchés financiers. C'est vrai pour le système de retraite, c'est vrai aussi pour le budget du pays et pour la dette.
01:13 Je rappelle qu'on a 3 000 milliards de dettes. Un pays qui est dépendant des emprunts et des marchés financiers n'est pas un pays libre.
01:19 Je vous pose la question parce que c'est vrai que vous avez changé à plusieurs reprises d'explications sur cette réforme des retraites.
01:24 Au début vous disiez que c'était pour la justice sociale, ensuite vous avez expliqué que c'était pour assurer les retraites de tout le monde d'ici 10 ans.
01:30 Et c'est vrai qu'hier Emmanuel Macron a dit "travailler progressivement un peu plus c'est produire plus de richesses pour le pays".
01:37 Donc on se demande si au fond c'est pas vous Gabriel Attal qui aviez raison il y a 6 mois quand vous vous êtes fait taper sur les doigts
01:42 pour dire "en fait cette réforme des retraites c'est pour payer les services publics".
01:45 Non, cette réforme des retraites d'abord c'est pour permettre à notre système de perdurer avec des personnes qui travaillent, qui financent les pensions des retraités.
01:53 Mais plus on a de Français qui travaillent, c'est vrai, plus on a de recettes fiscales et sociales pour financer nos priorités.
01:59 Si on avait le taux d'emploi de nos voisins allemands, je peux vous dire que j'aurais beaucoup moins de travail pour équilibrer les budgets
02:04 parce qu'on aurait des recettes fiscales et sociales telles que ce serait beaucoup plus simple de financer nos politiques publiques.
02:09 "Cette réforme est nécessaire" a dit Emmanuel Macron hier "même si je regrette qu'elle n'ait pas été acceptée".
02:14 Ça veut dire quoi ? Elle n'est pas acceptée mais c'est pas grave, on passe à autre chose ?
02:18 Ça veut dire qu'il n'y a pas eu de consensus social avec les organisations syndicales notamment autour de cette réforme.
02:24 C'est une réalité et pour le coup ce serait faire preuve d'aveuglement que de ne pas le dire.
02:27 Et donc quoi ? C'est pas grave, on passe à autre chose ? On tourne la page ? Vous n'acceptez pas mais c'est pas grave ? C'est comme ça, c'est la vie ?
02:34 Mais vous savez, Léa Salamé, je pense que la démocratie c'est qu'on peut être en désaccord sur certains points et sur certaines réformes,
02:40 y compris des réformes très importantes, et sur des réformes des retraites par le passé, il y en a rarement qui ont permis de bâtir du consensus.
02:47 Mais c'est aussi d'être capable de se mettre autour de la table et de réussir sur d'autres sujets.
02:50 Vous savez pendant la réforme des retraites qu'est-ce qui s'est passé ?
02:52 Vous avez les partenaires sociaux, le patronat et les syndicats qui se sont mis autour de la table
02:56 et qui ont signé un accord que le gouvernement va transcrire dans la loi sur le partage des profits dans l'entreprise.
03:02 C'est bien la preuve qu'on est capable sur un certain nombre de sujets de se mettre autour de la table.
03:06 Alors pas tout de suite, vous avez entendu la réaction de Laurent Berger hier.
03:10 Les syndicats de manière générale ont vivement critiqué cette allocution, déclaration hallucinante, dit la CFE CGC.
03:15 Cette allocution aurait pu être faite par Chad Jipiti, dit Sophie Binet de la CGT.
03:19 Laurent Berger a fustigé une espèce de vide avec rien de concret, estimant que non, la séquence des retraites n'était pas passée.
03:25 Vous leur dites quoi ce matin aux syndicats ?
03:28 Laurent Berger qui précise qu'il faut un délai de carence, qu'il n'ira pas parler d'autre chose, ni avec le président de la République, ni avec le gouvernement,
03:34 avant au moins le 1er mai. Vous le comprenez ce délai de carence ?
03:37 Je n'ai pas à porter de jugement sur les positions des syndicats.
03:41 Ce qu'a dit le président, c'est que sa porte était ouverte, et qu'au moment où les syndicats le souhaiteraient,
03:45 il pourrait venir le rencontrer pour avancer sur l'ensemble des sujets.
03:49 Ensuite, il n'y avait rien de concret.
03:51 Si la hausse de la rémunération des enseignants, ce n'est pas concret, je ne sais pas ce que c'est,
03:56 l'augmentation du budget de l'hôpital pour désengorger les services d'urgence dans les prochains mois,
04:01 ce n'est pas nouveau ?
04:02 C'est réel.
04:03 Oui, mais ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui...
04:05 Est-ce que c'est rentré en vigueur ?
04:06 Ce que certaines personnes vous disent, c'est qu'on réagit comme ça hier soir, vous l'avez vu sans doute.
04:12 Cette déclaration, cette allocution de 13 minutes, il aurait pu la faire il y a 3 mois,
04:16 puisqu'il n'a rien annoncé de nouveau alors qu'il y a une crise depuis 3 mois.
04:20 Moi, je crois que ce que le président nous demande, en tout cas, je l'ai pris comme ça en tant que ministre du budget et membre de ce gouvernement,
04:27 c'est finalement de continuer à bâtir un plan Marshall pour les classes moyennes dans les mois à venir.
04:31 On a beaucoup agi pour les classes moyennes.
04:33 On a supprimé la taxe d'habitation, on a fait une baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu,
04:38 on a défiscalisé les heures supplémentaires, permis de monétiser ces RTT.
04:42 Je crois que le président nous demande de bâtir un plan Marshall pour les classes moyennes,
04:45 de continuer cette action avec des mesures, pourquoi ?
04:48 Pour mieux vivre de son travail.
04:50 Il a dit lui-même qu'il souhaitait que les partenaires sociaux puissent avancer sans limites et sans tabou,
04:55 qu'on reprendrait un certain nombre de mesures, on pourra par ailleurs en ajouter.
04:58 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire aussi agir sur l'organisation du travail.
05:01 J'ai expérimenté dans mes administrations, dans mon ministère, la semaine de 4 jours.
05:05 Vous faites votre durée hebdomadaire de travail sur 4 jours au lieu de 5.
05:08 Je pense que c'est des initiatives sur lesquelles on peut avancer.
05:10 Ça veut dire aussi un meilleur accès aux services publics.
05:14 Il a parlé de ces Français qui travaillent sans pour autant bénéficier des aides
05:18 et sans pour autant bénéficier de services publics qui répondent à leurs attentes.
05:22 Moi je crois qu'on peut refaire de la France le pays qui a les meilleurs services publics en Europe.
05:26 On y met les moyens en termes de budget.
05:28 D'ici la fin de l'an prochain, on aura désengorgé les services d'urgence.
05:33 C'est-à-dire qu'en un an et demi, vous allez désengorger les services d'urgence.
05:36 C'est l'engagement du Président de la République.
05:38 Avec quel argent vous allez embaucher des personnels, vous allez ouvrir des lits ?
05:42 Non mais ce que je veux dire c'est que c'est bien de dire qu'on va désengorger dans un an et demi,
05:45 mais dans un an et demi, il n'y aura plus de problème d'urgence d'engorger en France.
05:50 Le budget de l'hôpital public cette année, c'est le ministre du budget qui vous le dit,
05:53 il dépasse les 100 milliards d'euros.
05:55 C'est jamais arrivé dans l'histoire de notre pays.
05:57 Donc on met des moyens.
05:58 Maintenant il y a des enjeux d'organisation.
06:00 Il y a eu un discours en début d'année important sur la question de l'hôpital.
06:02 Oui, quand on fixe cet objectif, je crois aussi qu'on répond aux aspirations de tous ces Français
06:06 qui se disent "je paye des impôts pour des services publics qui se dégradent".
06:10 On met des moyens colossaux, historiques, sur l'éducation.
06:13 Le budget augmente de 4,5 milliards cette année.
06:15 Il y aura des revalorisations importantes pour les enseignants.
06:17 Des primes pour faire en sorte que les absences de courte durée puissent être remplacées.
06:22 Vous avez aujourd'hui des Français de classe moyenne qui disent
06:24 "finalement j'ai le sentiment de payer deux fois".
06:26 Je paye des impôts pour des services publics et en même temps j'envisage
06:29 de payer pour une école privée pour mes enfants
06:31 parce que je ne trouve plus dans l'école publique ce que j'y cherche pour mes enfants.
06:34 La classe moyenne dont vous parlez ce matin, elle était majoritairement, elle, dans la rue.
06:39 C'était eux qui manifestaient ces trois derniers mois.
06:41 C'est pour ça qu'en plus des mesures fiscales de pouvoir d'achat
06:45 sur lesquelles on doit continuer à avancer pour ceux qui travaillent,
06:47 on doit aussi avancer sur d'autres enjeux, je le disais,
06:49 le sens et l'organisation du travail et aussi le fait qu'il y ait plus de gens qui travaillent.
06:53 Moi j'ai entendu des Français me dire "vous nous demandez de travailler un peu plus longtemps
06:57 pour payer le système de retraite mais enfin si déjà tout le monde travaillait,
07:01 ça réglerait une partie du problème".
07:02 Donc je le dis, la réforme du RSA qui est importante pour inciter davantage,
07:06 accompagner davantage vers la reprise de l'emploi.
07:09 C'est sur ces sujets qu'on doit avancer.
07:11 Un plan de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, ça c'est votre domaine, c'est votre ministère,
07:16 vous avez eu une annonce à nous faire ce matin parce que c'était aussi pas très précis.
07:20 On entend parfois à l'extrême gauche des gens considérer qu'il n'y aurait que de la fraude fiscale
07:24 et à l'extrême droite des gens considérer qu'il n'y aurait que de la fraude sociale.
07:27 Moi je pense qu'on doit agir sur toutes les fraudes.
07:29 J'ai construit pour ça un plan et j'ai notamment travaillé avec les parlementaires
07:32 puisque j'ai proposé à l'ensemble des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat
07:37 de participer à l'élaboration de ce plan.
07:39 Je le présenterai dans les prochaines semaines, oui avec des mesures fortes
07:42 pour lutter davantage contre la fraude fiscale et la fraude sociale dans notre pays.
07:45 Sur la fraude fiscale par exemple, je souhaite doubler les effectifs du service d'enquête judiciaire des finances
07:51 qui a notamment réalisé une perquisition importante il y a quelques jours
07:54 qui a été beaucoup commentée par la presse sur des banques.
07:58 Je souhaite renforcer les moyens mais il y aura d'autres mesures fortes
08:01 que j'annoncerai dans les prochaines semaines.
08:03 L'historien Pierre Rosanvalon a déclaré hier soir sur Quotidien
08:05 "Nous sommes en train de traverser la crise démocratique la plus grave qu'ait connue la France depuis la fin de la guerre d'Algérie".
08:10 Vous lui répondez quoi ?
08:12 Moi j'ai beaucoup de respect d'abord pour les intellectuels, les historiens et Pierre Rosanvalon en particulier.
08:18 La pire crise démocratique depuis la guerre d'Algérie.
08:21 Qu'il y ait un malaise dans notre pays, c'est une évidence autour de cette réforme.
08:25 Qu'il y ait des oppositions vives, on l'a vu.
08:28 Et qu'il y ait besoin, et c'est toujours utile et nécessaire, de personnes comme Pierre Rosanvalon
08:32 pour nous rappeler le sens de la démocratie.
08:35 C'est aussi important. Je pense que notre pays a traversé des crises majeures depuis la guerre d'Algérie.
08:40 Il y a eu mai 68, il y a eu 95 le pays à l'arrêt, il y a eu la grande crise des banlieues,
08:45 il y a eu la loi travail sous François Hollande.
08:48 Qu'il y ait, encore une fois, une perte d'adhésion démocratique,
08:52 mais depuis des années, et notamment avec un phénomène grandissant de l'abstention, de vote des extrêmes.
08:56 C'est une réalité, le président l'a dit lui-même dans son intervention,
08:59 qu'il fallait réconcilier avec le vote.
09:02 Rien de spécial depuis trois mois ? Rien de particulier ? Rien de plus aigu ?
09:07 Ce n'est pas ce que je dis, mais je crois que le président a démarré son intervention
09:11 précisément en reconnaissant qu'il y avait un malaise, une colère,
09:14 qu'il n'avait pas réussi à créer du consensus autour de cette réforme.
09:17 Ce que je dis, c'est qu'il y a un travail de longue haleine,
09:19 que quand on parle de délégitimation des institutions ou de problèmes démocratiques,
09:23 on peut aussi s'interroger sur ceux qui remettent en cause les institutions elles-mêmes.
09:27 Le travail du Parlement, le travail du Conseil constitutionnel.
09:30 Je ne dis pas qu'il n'y a pas de sujet, je dis qu'il y a une responsabilité collective,
09:33 et évidemment qu'on doit aussi nous-mêmes nous en emparer.
09:36 Dans 100 jours, ça ira mieux ? Le 14 juillet prochain ?
09:39 En tout cas, je crois qu'on a des objectifs précis sur un certain nombre de chantiers
09:43 sur lesquels on va avancer.
09:45 Maintenant, je crois que le sens de nos réformes aussi, c'est d'agir pour nos enfants,
09:48 pour les plus jeunes générations.
09:50 Évidemment, il y a des sujets qu'on ne réglera pas d'un coup de baguette magique comme ça.
09:53 Quand on fait un choix majeur comme celui qu'on a fait au début du précédent quinquennat,
09:57 de mettre fin au numerus clausus pour qu'il y ait davantage de médecins formés
10:00 pour répondre aux problèmes des déserts médicaux.
10:03 On sait qu'un médecin, ça ne se forme pas tout de suite et qu'on ne verra pas les effets tout de suite.
10:06 Et que peut-être que ce ne sera pas nous qui bénéficierons politiquement des résultats de cette réforme.
10:10 C'est un cadeau pour le succès.
10:11 Non, c'est nécessaire pour le pays.
10:13 Merci Gabriel Attal. Merci d'avoir été avec nous et belle journée.

Recommandations