Réforme des retraites : "On est au bout de la Ve République", estime Sandrine Rousseau

  • l’année dernière
Sandrine Rousseau, députée EELV de Paris, était mercredi 19 avril l’invitée du 8h30 franceinfo.

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00:00 - Après la promulgation de la réforme des retraites par Emmanuel Macron, vous avez tweeté, je vous cite,
00:04 "Là où nous conduit l'hubris d'un homme, un seul dans sa folie de toute puissance."
00:08 Ça veut dire quoi ?
00:10 - Ça veut dire qu'Emmanuel Macron, et d'ailleurs sa dernière allocution nous l'a montré,
00:15 a un seul type de discours qui consiste à dire "J'ai raison, vous comprenez pas, mais j'ai raison,
00:21 et je m'en fiche du fait que vous ne compreniez pas."
00:23 - Et vous pensez qu'il a fait cette réforme par orgueil ?
00:26 - Je pense qu'il y a eu un entêtement et je pense que la promulgation de la loi dans les heures qui ont suivi l'avis du Conseil constitutionnel
00:33 est le signe de cet entêtement. C'est-à-dire qu'il est dans une affaire personnelle,
00:38 enfin même pas presque, il est dans une affaire personnelle sur la gestion de cette réforme des retraites
00:42 et on est au bout de la Ve République. On est dans le pire de la Ve République,
00:46 c'est-à-dire dans un pouvoir qui est extrêmement concentré à l'Élysée.
00:50 Je rappelle quand même que dans sa dernière allocution, le président Macron n'a pas mentionné sa première ministre.
00:55 Elle n'existe pas, ce qui est quand même fascinant.
00:57 Et donc en fait on a l'impression que c'est lui qui gère.
01:00 En plus il se met en scène face au mouvement syndical, il y a eu des fuites qui disaient qu'il avait maîtrisé,
01:06 il avait battu le mouvement syndical.
01:08 Vraiment ce sont des codes qui sont complètement dépassés de la politique
01:11 et par ailleurs ça s'appuie sur une politique qui me semble être très datée en réalité des années 80,
01:17 un libéralisme un peu forcené.
01:19 - Et vous pensez que ça aurait été différent si ça avait été une femme à l'Élysée ?
01:22 - Je pense que la matière n'a pas été très différente, mais je pense que là on a besoin de déviriliser la politique, oui.
01:29 Oui, je le pose comme ça.
01:31 - Déviriliser c'est-à-dire ?
01:32 - C'est-à-dire sortir de la figure des chefs autoritaires qui imposent et qui sortent conquérants de conflits sociaux.
01:40 Je pense qu'on doit aller vers la coopération, vers la discussion, vers l'échange, vers l'humilité aussi
01:46 parce que les représentants politiques doivent être humbles vis-à-vis des personnes qu'ils représentent.
01:51 Et moi je n'ai pas senti d'humilité chez Emmanuel Macron.
01:53 - Pardon, mais alors ça veut dire dans votre logique qu'une Marine Le Pen n'aurait pas réagi comme ça ?
01:57 - Non, c'est pour ça que je vous dis que Thatcher, c'est pas une question finalement de sexe de la personne qui occupe la fonction,
02:03 c'est des codes du pouvoir qui sont encore très emprunts de chefs de guerre et d'un monde qui s'effondre.
02:14 Mais là on est quand même dans des limites et planétaires et sociales
02:18 et on voit bien que cette manière de faire de la politique n'a plus de sens auprès des Français.
02:22 - Toujours sur le choix de vos mots, Sandrine Rousseau, après la décision du Conseil constitutionnel de valider la réforme en grande partie,
02:29 vous avez réagi en disant que c'était une réforme légale mais illégitime politiquement.
02:33 Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, dit qu'opposer la légitimité politique contre le droit, ça s'appelle le coup d'État.
02:40 - Oh bah au moins !
02:42 - Ça vous fait sourire ?
02:44 - Bien sûr que ça me fait sourire, mais les conservateurs là ont très peur de la situation.
02:49 Le Conseil constitutionnel a jugé que la réforme était légale, très bien.
02:54 Pour autant quand 80% des salariés s'opposent à cette réforme et que ça ne diminue pas,
02:59 quand 70% des Français dans leur ensemble, entre 65 et 70% des Français dans leur ensemble, sont contre cette réforme,
03:07 il y a une forme d'illégitimité de la réforme qui est menée.
03:10 La démocratie ça n'est pas le fait de confisquer le pouvoir vis-à-vis du peuple, c'est au contraire de représenter le peuple.
03:19 Et à quel moment en fait représentons-nous le peuple quand il y a 80% des salariés qui sont contre cette réforme ?
03:24 - Lors de l'élection présidentielle ou législative ?
03:26 - Oui mais ça c'est un des débats sur la démocratie représentative.
03:29 Est-ce que pendant 5 ans, le fait d'avoir eu un mandat fait que pendant 5 ans on ne revient pas vers le peuple en fait
03:35 et on ne le représente plus parce qu'on a un mandat pendant 5 ans et qu'on est en roue libre en quelque sorte pendant 5 ans
03:41 ou est-ce qu'au contraire on est dans une posture humble vis-à-vis des gens qui manifestent dans la rue ?
03:47 Moi je suis plutôt sur cette seconde option.
03:48 - Est-ce que vous faites partie de ceux qui disent qu'il faut revoir la composition du Conseil constitutionnel
03:52 nommé par l'Assemblée nationale, le Sénat et le chef de l'État ?
03:55 - En fait il y a plusieurs manières d'avoir ce type d'instance dans les démocraties.
04:00 - Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux ?
04:02 - En l'occurrence le fait que là ce soit des politiques qui soient essentiellement nommés
04:10 fait qu'il y a une sorte de lien factuel avec leur ancienne carrière politique et leurs anciennes loyautés politiques
04:22 et donc évidemment ça entache les décisions qu'ils prennent d'un soupçon d'aspect partisan.
04:31 - Vous dites que le Conseil constitutionnel n'est pas indépendant ?
04:33 - Non je ne dis pas ça parce que je pense que précisément il doit être indépendant.
04:37 - Et dans les faits est-ce qu'il l'est ?
04:38 - Non mais moi j'ai toujours respecté la décision du Conseil constitutionnel.
04:41 Je dis juste qu'il y a le droit et il y a aussi la manière de rendre le droit
04:44 et en effet pour que rendre la justice soit légitime il faut aussi qu'il y ait vraiment une certitude d'indépendance
04:52 ce qui aujourd'hui n'est pas totalement présent je pense dans les faits.
04:55 - Et donc vous préférez des personnalités qui n'ont jamais eu de parcours politique avant ?
04:59 - Je pense qu'à minima il faut un mixte.
05:01 - C'est ce qui est le cas aujourd'hui ?
05:03 - Pas complètement puisqu'il y a une majorité quand même qui dépend du politique.

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