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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il revient sur l'enquête sur les cartes de drogue qui a coûté la vie au journaliste Rafaël Moréno et qui a été reprise et terminée par "Forbiden Stories", un groupement de journalistes.

Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages

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Transcription
00:00 Mais d'abord c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno.
00:02 Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous observez ici la fabrique médiatique et ce matin,
00:06 vous vouliez nous parler du travail de Forbidden Stories,
00:08 groupement de journalistes qui vient tout juste d'achever une enquête.
00:12 Enquête commencée par un reporter qui a été assassiné.
00:15 Oui, l'histoire que je vous raconte ce matin Philippe, c'est celle d'un journaliste qui a toujours dit la vérité.
00:19 Il était colombien, il avait 37 ans, il s'appelait Raphaël Moreno
00:23 et alors qu'il recevait très régulièrement des menaces de mort et des balles de revolver dans des enveloppes en papier,
00:28 voilà ce qu'il avait promis l'été dernier face caméra à tous ceux qui voulaient l'empêcher de travailler.
00:33 Et si vous voulez me tuer, tuez-moi, mais je vous le dis, vous ne me ferez pas taire.
00:41 Et bien oui, oui, Raphaël Moreno disait la vérité.
00:44 Car Raphaël Moreno enquêtait sur les cartels de la drogue et sur la corruption qui gangrène son pays.
00:50 Il avait créé un média auquel étaient abonnés 56 000 personnes
00:53 et sur sa page Facebook, dans un style extrêmement véhément,
00:56 il balançait très régulièrement des révélations et des accusations.
01:00 « Ils se robent 1 000 millions de pesos en 50 jours. »
01:03 Ici par exemple, il affirmait que les barons de la drogue marchaient main dans la main avec certains élus
01:08 et qu'ils avaient volé 1 000 millions de pesos en 50 jours.
01:12 Alors, le 16 octobre dernier, Raphaël Moreno a pris une balle de revolver en pleine tête.
01:18 Il a laissé la grande enquête journalistique qu'il préparait,
01:21 une femme et trois enfants orphelins et au Parlement de Colombie,
01:25 les députés ont demandé une minute de silence pour saluer sa mémoire.
01:29 « Un minute de silence de pied pour le assassinat cobarde
01:34 du journaliste Raphaël Moreno-Garavito. »
01:37 Seuls nous voilà avant de mourir.
01:38 Assassiner Raphaël Moreno avait pris une petite précaution.
01:41 [sonnerie de téléphone]
01:45 « Eh, bonjour, je te raconte... »
01:46 Il avait contacté Forbidden Stories, ce groupement de 32 médias
01:49 répartis partout dans le monde, auquel il avait livré son agenda,
01:52 ses contacts et toutes ses enquêtes.
01:55 Voilà pourquoi, lorsqu'il disait que même mort, on ne le ferait pas taire...
01:59 « Et si me van à matar, maté me.
02:01 Pero le digo de frente, no me van a silenciar. »
02:06 Raphaël Moreno disait la vérité.
02:08 Car le journaliste Laurent Richard, qui dirige Forbidden Stories,
02:11 l'a dit publiquement hier sur la chaîne France 24,
02:14 son association avait scellé un pacte avec le reporter colombien.
02:18 « Il avait décidé de partager avec nous les enquêtes sur lesquelles il travaillait
02:21 pour que si jamais il lui arrive quoi que ce soit, nous puissions poursuivre son travail.
02:24 Et c'est ce que nous avons fait. »
02:25 Pendant six mois, 30 journalistes d'investigation ont donc repris le travail de Raphaël Moreno.
02:30 Ils ont poursuivi sa mission et depuis hier, leur enquête est disponible
02:34 sur de très nombreux médias.
02:36 En France, on peut la découvrir dans les colonnes du Monde ou sur l'antenne de RFI,
02:40 mais le Guardian britannique, le Soir belge ou encore l'Espagnol El País
02:44 publient eux aussi cette édifiante enquête.
02:46 On y apprend que 99 contrats publics ont été signés avec des entreprises
02:50 qui toutes appartiendraient à des proches des empereurs de la drogue colombienne
02:54 et qu'au total c'est 3 millions d'euros qui ont été détournés.
02:57 Mais l'essentiel, Philippe, n'est pas là.
02:59 Car l'essentiel, c'est bel et bien le message extrêmement puissant et admirable
03:03 d'opiniatreté que Forbidden Stories adresse finalement à tous ceux
03:07 qui partout dans le monde tentent de faire taire les journalistes.
03:10 Un message que Laurent Richard a résumé hier.
03:13 « Ce qui est important dans la collaboration, c'est qu'elle apporte de la protection.
03:16 Ça ne fait aucun sens de tuer un reporter s'il y en a 30 autres qui sont en train
03:20 de faire exactement la même chose. »
03:22 Et oui, si le partage du travail, des enquêtes et des révélations
03:26 agit comme un formidable boomerang, il est aussi et surtout un talisman épatant
03:31 et peut-être LA solution pour protéger les journalistes.
03:34 L'année dernière, en 2022, 86 confrères ont été tués dans le monde.
03:38 Parmi eux, il y avait donc Raphaël Moreno.
03:42 « Et si me van a matar, maten me. Pero les digo de frente.
03:47 No me van a silenciar. »
03:49 Un journaliste dont le travail se poursuit post-mortem,
03:52 un journaliste qui disait bien la vérité.
03:54 Merci beaucoup, Bruno Donnet. A demain.

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