• il y a 2 ans
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 20 Avril 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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00:00 *Générique*
00:06 Aujourd'hui s'ouvre le festival du livre de Paris auquel France Culture va consacrer une large place.
00:12 Et pour fêter le livre et l'édition, j'ai décidé de vous inviter François Samuelsson. Bonjour.
00:19 - Bonjour.
00:19 - Vous êtes agent littéraire. Vous êtes, paraît-il, l'agent littéraire le plus influent d'Europe.
00:25 J'ai sous les yeux une interview formidable de Céline. Elle est publiée dans le Figaro. C'est une interview de 1960.
00:33 Alors Céline dit évidemment beaucoup de mal de beaucoup de ses confrères. Il dit "sagans, sartres, tous ces gens-là donnent dans le sexe.
00:41 Oh le sexe, pauvre petit merdeux !" Et puis il est très pessimiste. Ça ne va pas vraiment vous surprendre.
00:48 Il dit par exemple "le livre ne répond plus à rien". Qu'est-ce que vous en pensez ? Le livre ne répond plus à rien.
00:55 Je pense que si vous aimez Louis de Funès, il faut absolument lire la correspondance Céline Gaston Gallimard
01:02 parce que vous pourrez lire sur... rire, pardon, sur 700 pages Céline passant son temps à réclamer à Gaston de l'argent.
01:12 C'est à peu près la seule chose qu'il fait. Et d'ailleurs, il a cette saillie absolument sublime à un moment.
01:18 Il l'appelle "au sublime coffre-fort". Donc si vous voulez, c'est... On est en plein dans le cœur de mon métier.
01:25 Et j'aurais rêvé de représenter Céline d'ailleurs.
01:30 Justement, parce que vous précédez mes questions sur le fait que vous auriez pu représenter Céline, sur le fait que...
01:37 Je ne suis pas assez vieux quand même.
01:39 Le rapport... Non, évidemment, vous aviez vécu quelques années auparavant. Sur le fait que les rapports entre les écrivains et leurs éditeurs sont évidemment compliqués.
01:50 Alors vous êtes au milieu. Ça consiste en quoi, ce métier d'agent ?
01:54 Alors, pour revenir sur l'époque de Céline Monterlant et, disons, de tous ces écrivains de la, disons, les premiers trois quarts du XXe siècle,
02:04 la relation était une relation un peu paternaliste. Je n'irai pas jusqu'à évoquer un droit de cuissage.
02:10 Mais c'était une relation assez paternaliste entre l'éditeur et l'auteur.
02:15 Il y a un phénomène qui se produit lentement à partir des années 70.
02:21 Ça, c'est mon analyse, on peut la contester. Mais c'est, je dirais, une sorte d'élévation des classes moyennes.
02:26 Et donc l'accès au métier d'écrivain de gens qui n'ont pas les fortunes de ces gens-là, Claudel et d'autres.
02:33 Et ainsi se retrouvent dans une situation où ils doivent gagner leur vie.
02:38 Et c'est là que, par les hasards de la vie, j'avais monté une agence littéraire, qui existe toujours d'ailleurs à New York,
02:46 pour représenter les écrivains français, osés, à New York.
02:49 Et donc vendre leurs livres pour qu'ils soient traduits en langue anglaise, alors que l'on considère, considère toujours
02:56 que c'est la chose la plus difficile, c'est-à-dire obtenir une traduction en Amérique.
03:01 Et le métier, une fois appris, je l'ai, si je puis dire, importé, donc je n'ai pas inventé grand-chose,
03:08 mais le métier consiste finalement, quand on est agent littéraire, à être le compagnon de route d'un écrivain.
03:16 C'est très différent, par exemple, de l'intervention d'un avocat qui interviendra sur un contrat ponctuellement.
03:23 Là, vous avez, si vous voulez, d'ailleurs comme dans la représentation des acteurs, metteurs en scène ou scénaristes,
03:28 vous êtes dans une représentation longitudinale, si je puis dire, et vous êtes, je dirais, l'accompagnateur de l'ombre,
03:38 enfin un peu moins en ce moment pour mon cas, mais de ces artistes et en l'occurrence de ces écrivains.
03:44 Et donc vous les représentez, vous les accompagnez, vous accompagnez des écrivains très divers,
03:52 Frédéric Becbédé, Virginie Despentes, Philippe Dijon, Michel Houellebecq.
03:56 Est-ce qu'on peut accompagner vraiment de la même façon Virginie Despentes et Michel Houellebecq, François Samuelsson ?
04:02 Oui, absolument, puisque moi je représente des personnes, je ne représente pas des pensées.
04:09 Je veux dire, une maison d'édition, on peut très bien publier Virginie Despentes et Frédéric Becbédé,
04:16 dont on peut dire qu'ils ne sont pas exactement issus du même moule.
04:20 Donc le problème n'est pas tant de savoir ce que chacun pense à juste titre ou pas.
04:29 Enfin, et à juste titre tout le monde, simplement après ça dépend de l'appréciation qu'on peut avoir.
04:33 C'est-à-dire que vous n'avez pas une forme de littérature ou une forme d'écrivain ?
04:38 Alors, je pense que, si vous voulez, les agences littéraires, c'est peut-être moins visible en France,
04:43 c'est plus clair aux États-Unis, parce que pour la petite histoire,
04:47 une maison d'édition, par exemple en Amérique, n'accepte pas de manuscrit si elle n'est pas passée par le filtre d'une agence littéraire.
04:53 Mais ça, c'est un autre système extrêmement judiciarisé, c'est pour éviter les plaintes en plagiat, etc.
04:59 Dans le cas "français", si vous voulez, c'est un peu différent.
05:08 C'est-à-dire que vous êtes aux côtés d'un écrivain et vous pouvez ainsi agir pour son compte,
05:18 devant un éditeur, devant un producteur de cinéma, pour construire un opéra.
05:23 Enfin, il y a mille raisons, si vous voulez, de travailler avec un auteur.
05:28 Alors, par exemple, en ce moment, il y a un livre de François Krug qui est paru,
05:32 qui explique qu'il y aurait une proximité entre Michel Houellebecq et l'extrême droite.
05:39 Qu'est-ce que ça vous inspire, à vous, qui avez passé toute votre vie à gauche, par exemple ?
05:43 - Oui, je n'ai pas lu ce livre, mais je suis toujours circonspect devant les effets d'amalgame.
05:51 Parce qu'on dit Houellebecq, mais il y a aussi Sylvain Tesson, qui tout d'un coup se voit adosser ce nouveau brassard.
06:01 Je pense que, si vous voulez, l'appréciation politique, elle varie.
06:04 Les appréciations politiques, en général, varient selon les époques.
06:07 Je vous prends un exemple. Il y a eu, très exactement, le 21 juin 1973,
06:12 une grande manifestation contre Ordre Nouveau, une organisation d'extrême droite,
06:18 qui tenait un meeting à la mutualité contre l'immigration sauvage.
06:22 La raison pour laquelle nous manifestions et voulions empêcher cela,
06:27 c'est parce que c'était une affirmation d'ordre raciste.
06:32 Aujourd'hui, dire qu'on est contre l'immigration "sauvage" a plus une implication économique.
06:40 Elle peut être ici et là teintée de racisme.
06:43 Mais si vous voulez, voyez, ce que j'essaye de vous dire, c'est que les couleurs changent au fur et à mesure du temps.
06:52 Et donc, vous pourriez finalement vous accueillir des écrivains différents les uns des autres,
06:59 vous les accompagner. J'ai lu, par exemple, que vous aviez soufflé l'un de ces sujets à Emmanuel Carrère.
07:06 C'est vrai. Ça s'est passé comment, François Samuelson ?
07:09 Écoutez, c'était un moment où il était dans une profonde déprime, qu'il raconte d'ailleurs dans "Yoga".
07:15 Et il était sec, ce qui peut arriver à un écrivain.
07:24 Et à l'époque, la biographie était plus en vogue qu'elle ne l'est aujourd'hui.
07:29 Et je sais qu'il était un grand amateur de science-fiction.
07:37 Et il a fini par aboutir sur Philippe Cadic.
07:44 Alors, il y a une anecdote assez amusante qui va vous montrer le rôle d'un agent.
07:47 C'est qu'il voulait absolument, c'était une encoche à son habitude de publier avec Paolo Tchakovsky-Laurent chez POL,
07:53 il voulait absolument faire ce livre avec Élisabeth Gill, qui était la directrice de collection chez De Noël de Présence du Futur,
07:59 et qui avait publié Philippe Cadic et qui l'avait accompagné au festival de science-fiction de Nancy,
08:04 la seule et unique fois de sa vie où il est venu en France.
08:07 Et à l'époque, Élisabeth Gill...
08:08 Je crois que c'était à Metz.
08:10 À Metz, pardon. Enfin, c'était dans l'Est de la France.
08:12 Et donc, Élisabeth Gill était aux éditions Julliard.
08:18 Donc j'avais mis une clause intuitu personae avec Élisabeth Gill.
08:21 Je voulais absolument que s'il y avait quoi que ce soit, il ne puisse pas être séparé.
08:29 Des raisons x et y.
08:30 Elle a quitté Julliard, elle est rentrée chez Paiot.
08:33 Rebellote, on a refait le contrat avec Paiot, qui ne voulait pas la clause intuitu personae.
08:38 C'était la réponse "On My Dead Body".
08:41 Et puis ensuite, Élisabeth Gill a été licenciée de Paiot et elle a atterri chez Seuil.
08:44 Et c'est pour ça que le livre est aux éditions du Seuil.
08:46 Mais j'aurais juste revenir un instant sur ce que vous avez dit par rapport au fait qu'on puisse représenter des gens,
08:51 je dirais, d'obédience différente.
08:53 Différents, dans tous les sens, d'ailleurs, du mot différent.
08:55 La seule chose que je peux dire, c'est que l'agence que je dirige,
09:01 elle a une certaine, je dirais, coloration littéraire.
09:04 C'est une vraie volonté.
09:06 Les choses ne se font pas par hasard.
09:10 D'autres représenteront peut-être des écrivains plus, je dirais, commerciaux.
09:14 Mais si vous voulez, c'est comme d'ailleurs les maisons d'édition.
09:18 Je veux dire, ce n'est pas la même chose si vous êtes chez Michel Laffont ou si vous êtes chez Grasset.
09:23 - Ça veut dire quoi ?
09:24 Ça veut dire que, par exemple, on ne va pas forcément citer de nom d'ailleurs, François Samuelson,
09:28 mais il y a des écrivains très vendeurs que vous ne, justement, vous n'accompagneriez pas, que vous refuseriez de représenter ?
09:37 - Ce n'est pas que je refuserais.
09:38 Je veux dire, tout écrivain a droit à un bon agent.
09:41 Simplement, ce n'est pas ma tasse de thé.
09:43 Donc, je sais que pour faire ce métier, je ne voudrais pas être grandiloquent,
09:48 mais pour défendre quelqu'un, il faut, je dirais, être en osmose avec son travail.
09:53 - Alors, justement, en osmose avec son travail, lorsque vous parliez de carrière,
09:56 vous sentez l'écrivain, l'écrivaine ?
09:58 Vous sentez le marché ?
09:59 Vous sentez les deux quand vous lui dites "fais cette bio de Kadic" ?
10:04 - Non, il n'y a rien...
10:08 Ça va vous faire sourire, mais non, il n'y a rien lié au marché.
10:10 C'est-à-dire, là, quand vous faites une suggestion telle que celle-là à Emmanuel, qui est au fond du trou,
10:17 vous le faites pour son bien.
10:21 Et parce que vous savez qu'il a la compétence, la qualité et le bagage pour pouvoir faire cette biographie.
10:29 Et d'ailleurs, c'est très intéressant parce que ce livre est sorti à marché gentiment,
10:34 mais ensuite, grâce aux adaptations successives des livres de Philippe Kadic au cinéma,
10:40 avec Arnold Schwarzenegger, Tom Cruise, etc., son livre est vendu dans le monde entier.
10:45 - C'est devenu un classique.
10:47 - Oui, mais à l'époque, vous voyez, quand vous le faites, je ne sais plus quelle année c'était,
10:50 on ne peut pas savoir ce que sera l'avenir.
10:54 C'est ça qui est intéressant.
10:55 - Et alors, les rapports des écrivains, encore une fois, à l'argent sont difficiles.
10:59 Le marché est difficile aussi.
11:02 Est-ce qu'aujourd'hui, vous avez la sensation, François Samuelson,
11:06 de comprendre comment un livre, non seulement s'écrit, se fabrique, mais aussi se vend ?
11:12 - Ça, c'est le boulot de l'éditeur.
11:14 Moi, je vends l'auteur et lui, il vend le livre.
11:16 Chacun sa part dans le grand fil commercial de l'édition.
11:23 - Mais vous êtes en amont et donc vous savez.
11:26 - Non, je sais, je sais.
11:27 Mais si vous voulez, c'est ce que je dis souvent.
11:30 Je fais ce métier depuis bien longtemps et j'ai toujours entendu les gens pleurer.
11:34 Bon, alors il y a effectivement...
11:36 - Dès 1960, apparemment, ils pleurent.
11:38 - Oui, non, mais c'est...
11:40 Donc, oui, c'est vrai qu'en ce moment, la littérature marche moins bien.
11:46 Mais il y a deux ans ou l'année dernière, avec un certain nombre d'effets d'Aubaine
11:51 grâce au Covid et les éditeurs ont très, très bien gagné leur vie.
11:55 Donc, vous savez, voilà, l'éditeur aussi, c'est une entreprise commerciale.
12:00 Ils veulent souvent nous faire croire qu'ils ont une espèce de...
12:06 Comment dire ? Pas vocation, mais enfin, bref, un destin qui serait plus qu'être commerçant,
12:14 c'est-à-dire vendre des livres.
12:15 - Votre autre spécificité, François Samuelsson, c'est de travailler aussi bien en littérature
12:20 et également dans le domaine du cinéma.
12:22 Si vous deviez faire un bon comparatif, être agent pour des stars de cinéma ou être agent
12:31 pour des stars littéraires ?
12:32 - Alors, les acteurs, être acteur et surtout actrice, c'est, je pense, un des métiers
12:40 les plus difficiles au monde.
12:41 C'est-à-dire, quand vous n'avez...
12:43 C'est-à-dire, c'est le seul métier, à ma connaissance, où vous pratiquez un métier
12:49 artistique et vous n'avez aucune maîtrise sur ce que vous voulez faire.
12:52 Vous devez attendre le coup de fil qui va vous solliciter.
12:55 Donc, quand vous n'avez pas réussi, vous craignez de ne pas y arriver.
12:59 Et puis, quand vous êtes, je dirais, en haut du tableau, vous avez peur de ne pas y rester.
13:03 Et donc, c'est quelque chose qui crée une insécurité, qui fait que pour l'agent, vous
13:07 êtes, je dirais, continuellement bombardé de coups de fil.
13:10 Alors que quand vous êtes agent littéraire, je ressors souvent cette anecdote avec l'aval
13:15 de l'auteur.
13:16 Parfois, j'appelle Olivier Adam pour vérifier qu'il n'est pas mort.
13:18 Donc, on est vraiment dans deux extrêmes.
13:22 Deux extrêmes.
13:23 Mais alors, les acteurs, les actrices sont plus anxieux que les écrivains ?
13:27 Oui, je crois.
13:29 Oui, oui, oui.
13:30 Parce qu'un écrivain, quelque part, il peut pratiquer son art seul dans sa chambre ou
13:36 à l'hôtel ou dans la rue, au café, où il veut.
13:39 Il peut créer son, je dirais, son inquiétude.
13:43 Elle est d'ordre différent.
13:44 L'acteur, lui ou elle, c'est de ne pas avoir de travail.
13:49 Je dirais, vous êtes, vous restez chez vous, les bras ballants.
13:52 Le pont qui se fait aujourd'hui de plus en plus entre vos deux métiers, François
13:57 Samuelson, c'est que les livres sont aujourd'hui de plus en plus utilisés dans des récits
14:05 portés à l'écran.
14:07 C'est vieux comme le cinéma, mais maintenant, il y a les séries et ça, ça change beaucoup
14:12 de choses, j'imagine, dans votre métier ou en tout cas dans l'industrie du livre.
14:16 Non, je pense que surtout, d'abord, pardon, je fais un petit retour en arrière.
14:21 Vous savez, le livre a toujours été la base du cinéma.
14:23 Rappelez-vous, peut-être dans votre jeunesse, que certains films commençaient, on voyait
14:28 les premières pages d'un livre qui se tournait, fondu au noir et on rentrait dans le film.
14:31 Donc, si vous voulez, le livre a toujours été une des bases les plus fortes de l'adaptation
14:36 au cinéma, etc.
14:37 La série est, je dirais, une version un peu tartinée d'un film et que ça juste multiplie
14:43 de par l'argent qui dégringole sur l'audiovisuel.
14:48 Il y a un appel d'air beaucoup plus fort pour un certain nombre d'histoires, donc de livres
14:54 indirectement.
14:55 Mais les livres ont toujours été très demandés.
14:57 Mais le fait qu'il y ait aujourd'hui la possibilité peut-être plus grande de transformer
15:04 des livres en série avec une économie différente, avec peut-être aussi une manière d'écrire
15:09 différente, ça c'est quelque chose que l'on disait beaucoup moins auparavant François
15:13 Samuelson, le fait que certains livres sont écrits, par exemple, comme des scénarios.
15:17 Je ne peux pas vous répondre là-dessus parce que je crois que ce qui est intéressant,
15:25 c'est d'abord et avant tout le thème littéraire.
15:28 Alors après, si vous voulez, il y a toujours la sensibilité du moment dont je parlais
15:31 tout à l'heure pour des raisons politiques.
15:33 C'est aussi lié à l'environnement dans lequel vous vivez.
15:36 Et si vous voulez, ça modifie pour une part la création littéraire.
15:41 Mais il n'y a pas, je crois, ça ne se fait pas parce que il y a…
15:44 Enfin, c'est un peu l'œuf et la poule.
15:46 Les éditeurs et les écrivains pleurent.
15:48 Les lecteurs ou les critiques littéraires aussi pleurent parfois.
15:52 François Samuelson considère que la grande littérature c'était avant, qu'il y a
15:57 de moins en moins de production de grands livres.
16:00 Qu'est-ce que vous en pensez ?
16:01 Je pense que c'est faux.
16:03 Je pense que d'abord, les grands livres, ils se dessinent avec le temps.
16:08 Pour des raisons diverses et variées, ils prennent une dimension.
16:17 Ils peuvent être découverts.
16:20 Je pense qu'au contraire, la littérature française n'a jamais été aussi vivante
16:25 que depuis les années 90.
16:27 Pourquoi 90 ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
16:29 Parce qu'il y a eu avant, si vous voulez, des coups de boutoir du nouveau roman et du
16:33 structuralisme, ce qui faisait que la fiction était peu en vogue.
16:36 Et il y avait assez peu de production de fiction littéraire.
16:41 Je dirais la grande exception, et là, pour illustrer mon métier, ça a été l'établi
16:49 de Robert Linard.
16:51 Vous voyez, quand j'ai commencé mon métier, j'avais un souhait, c'était de porter
16:55 à l'écran l'établi de Robert Linard, parce que je considère que c'est une des
16:58 œuvres littéraires les plus importantes des années 70 et qui dit beaucoup de choses
17:02 sur les années 70.
17:03 C'est cette génération qui fondera le journal Libération.
17:06 Oui, parce que l'une de vos passions, auxquelles vous avez consacré un livre, d'ailleurs,
17:11 c'est le journal Libération.
17:13 Voilà.
17:14 Et donc, l'établi de Robert Linard raconte l'histoire d'un jeune, comme il y en a
17:19 eu beaucoup, d'un jeune étudiant normalien destiné aux plus grandes choses et qui finalement
17:24 décide d'aller s'installer, de s'établir et donc de travailler à la chaîne, etc.
17:29 Et c'est un livre qui est extrêmement bien écrit, très fort.
17:33 Et un de mes vœux était de le porter à l'écran.
17:35 Et ça a été dix ans de travail et il est sorti dans une relative indifférence.
17:39 Non ! Si vous regardez les résultats en salle, hélas oui.
17:44 Mais ça ne veut rien dire.
17:45 Vous voyez ce que je veux dire ? Ça ne veut rien dire.
17:46 Regardez, aujourd'hui, on dit que Jeanne Dillman de Chantal Ackerman est le meilleur
17:49 film du monde.
17:50 Je ne suis pas sûr qu'on l'aurait dit il y a cinq ans.
17:52 On se retrouve dans quelques instants, François Samuelson, à l'occasion du Festival du
17:57 Livre de Paris.
17:58 Les Matins s'intéressent à l'édition.
18:01 Vous êtes agent littéraire.
18:03 Vous serez rejoint par deux éditeurs, Olivier Nora qui dirige la Maison Grasset et Dorothée
18:10 Cuneo qui dirige les éditions.
18:12 De Noël, il est 8h sur France Culture.
18:15 7h-9h
18:16 Les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
18:21 C'est une question qu'on ne devrait pas poser à des éditeurs, comment se porte l'édition.
18:25 Mais comme aujourd'hui s'ouvre le Festival du Livre de Paris, on a quand même décidé
18:31 de parler de livres avec vous, François Samuelson.
18:34 Vous êtes agent littéraire et je vous présente deux éditeurs, Dorothée Cuneo.
18:40 Bonjour.
18:41 Vous êtes la directrice des éditions de Noël.
18:44 À côté de vous, Olivier Nora, le directeur général des éditions Grasset.
18:48 Vous vous êtes beaucoup engueulé, Olivier Nora, avec François Samuelson.
18:52 Historiquement, beaucoup.
18:54 On est des vieux machins.
18:55 Ça se passe comment avec un agent littéraire, Olivier Nora ?
19:00 Ça se passe comment ? Tout dépend des agents et des éditeurs d'ailleurs.
19:04 Il y a des périodes dans lesquelles il vaut mieux avoir un agent lucide qu'un auteur
19:10 qui ne l'est pas.
19:11 Puis il y a des périodes dans lesquelles il vaut mieux avoir un auteur lucide qu'un
19:14 agent qui ne l'est pas.
19:15 Donc ça dépend beaucoup des situations.
19:17 Et vous, Dorothée Cuneo, comment ça se passe avec les agents ? Est-ce que vous dites que
19:22 c'est monsieur 10, 12 %, je ne sais même pas d'ailleurs quel est le pourcentage que
19:26 prend François Samuelson.
19:28 Très raisonnable.
19:29 10 seulement.
19:30 10 seulement.
19:31 En effet, les situations varient, mais il y a beaucoup de situations où on n'a pas
19:36 affaire aux agents.
19:37 La plupart encore des auteurs français ne sont pas représentés par des agents.
19:45 Et nous faisons ce travail, nous éditeurs, on vend des livres, mais aussi on accompagne
19:49 les auteurs dans leur travail quotidien.
19:53 François Samuelson, ça veut dire que vous pouvez travailler, on a parlé des auteurs
19:57 et vous nous avez dit que vous aviez quand même une patte en matière d'éditeur.
20:01 Comment ça se passe ?
20:02 En matière d'éditeur ?
20:03 Est-ce que vous pouvez travailler avec tous les éditeurs ?
20:05 Oui, je peux travailler avec tous les éditeurs.
20:07 Ce que je disais, c'était que les agences littéraires avaient une identité par rapport
20:18 à la liste de la maison et que c'était la même chose pour les maisons d'édition.
20:25 Donc à partir de là, vous vous retrouvez mécaniquement face à des éditeurs avec
20:30 lesquels vous êtes en osmose par le choix des auteurs ou par les choix artistiques.
20:38 On a dit que les éditeurs comme les romanciers d'ailleurs se plaignaient depuis longtemps,
20:44 mais quand même un point Olivier Nora sur ce qui se passe aujourd'hui dans l'édition.
20:50 Dans l'édition ou sur le marché du livre ?
20:52 Sur le marché du livre, sur la façon dont les affaires se font.
20:58 Oui, les chiffres ne sont pas mauvais agglomérés si j'ose dire.
21:05 Ce qui bouge pas mal, c'est une espèce de tectonique de plaque qui fait qu'il y a
21:09 des secteurs qui sont en développement et des secteurs qui souffrent un peu plus.
21:12 Mais quand vous prenez la littérature générale adulte, l'ensemble de ce secteur-là, les
21:18 chiffres ne sont pas vraiment mauvais.
21:19 Ce à quoi on insiste en ce moment qui surprend un peu les uns et les autres, c'est une
21:24 croissance très forte des mangas, ça on en a déjà parlé et le pass culture n'y
21:29 est pas pour rien, à une croissance assez saisissante de secteurs, ce qu'on appelle
21:35 young adulte, a priori, enfin qui était le cœur du métier des jeunes adultes, qui
21:40 sont l'heroic fantasy et la dark romance.
21:44 Ça c'est assez nouveau, enfin c'est assez nouveau.
21:47 Fifty Shades of Grey c'était déjà de la dark romance, c'est un continu dans ce
21:50 degré, mais enfin aujourd'hui, promu par TikTok, par des booktalkers, par des booktalkeuses,
21:56 ce secteur s'envole, c'est près de 200% de croissance, là où la littérature générale
22:00 adulte classique peine un petit peu plus.
22:03 - Dorothée Cuneo, c'est quoi la dark romance ?
22:05 - La dark romance c'est des livres, par exemple là si on en prend un qui est dans les listes
22:15 de best-seller, il s'appelle Captive, ça veut déjà dire beaucoup, et c'est là par
22:21 exemple l'histoire d'une jeune fille qui se fait maltraiter en fait par un homme, mais
22:27 elle ne sait pas qu'elle aime ça, mais néanmoins elle pense qu'elle va le sauver, donc elle
22:32 reste et les choses se compliquent.
22:34 - C'est quoi ? C'est disons de la littérature sentimentale type harlequin, revu et corrigé
22:41 de manière plus...
22:42 - Et d'ailleurs Guillaume c'est passionnant parce que du point de vue idéologique, il
22:50 faudra qu'on m'explique comment ce secteur peut être en croissance au moment où le
22:59 fond idéologique de l'époque est quand même très hostile au patriarcat, très hostile
23:04 aux stéréotypes de genre, et le pire des stéréotypes de genre véhiculés par ce genre
23:08 de livre.
23:09 Comment est-ce compatible, comment pouvez-vous avoir une telle croissance de consommation
23:13 de ce type de livre au moment où vous avez une telle vigilance sur les critères qui
23:17 président à ces codes.
23:18 - Dorothée Cuneo, est-ce que vous avez une explication, ou en tout cas des idées ?
23:22 - En tout cas, est-ce qu'on doit se réjouir de la diversité ? Parce qu'on pense qu'en
23:27 effet c'est une génération, c'est quand même des lectrices, qui doivent avoir entre
23:33 15 et 25 ou 30 ans, qui viennent faire leur marché sur TikTok et qui lisent ces livres.
23:41 Et c'est vrai que c'est là aussi où on a beaucoup de woke.
23:47 - De sensibilité, voilà.
23:48 - Donc soit on déplore une schizophrénie, si c'est les mêmes, sinon on peut se réjouir
23:54 d'une diversité de la jeunesse.
23:55 - Il y a plusieurs interprétations.
23:57 Soit on estime que la bande passante intersectionnelle c'est 5% du pays et que les 95 autres continuent
24:03 de lire ça.
24:04 Soit on estime que ce sont les mêmes et que dans la journée il y a de l'idéologie et
24:07 la nuit des fantasmes.
24:08 - Bon, moi je vais me tourner vers François Samuelson qui accompagne des auteurs woke
24:13 comme des auteurs qui sont considérés comme étant plutôt des boomers et dans la vague
24:19 inverse de Virginie Despentes à Frédéric Becbédé et François Samuelson.
24:23 Et vous avez malgré tout des auteurs qui se vendent.
24:26 Pourquoi d'après vous un tel succès par exemple pour Virginie Despentes, ou j'imagine
24:31 aussi pour le dernier Becbédé ?
24:33 - Parce que je pense que ce sont des auteurs qui sont en osmose avec leur époque.
24:39 C'est des généralités qui sont toujours difficiles à raccrocher aux uns et aux autres
24:47 individuellement.
24:48 Mais quand vous prenez quelqu'un comme Virginie Despentes qu'Olivier publie chez Grasset,
24:54 c'est quelqu'un qui est je dirais un personnage leader de son époque, qui correspond aux 5%
25:02 de la bande passante dont parle Olivier.
25:03 Mais manifestement ça fait déjà du monde, même si ça déborde un peu sur cette définition-là.
25:09 Quant à Becbédé, pour des raisons diamétralement opposées à celles de Virginie, il est posé
25:17 aussi son époque et ses livres expriment cela.
25:24 - Pour moi Virginie n'est ni assignable ni résumable aux 5% de la bande passante intersectionnelle.
25:32 Je ne pense pas du tout.
25:34 Et prenez son succès depuis 20 ans, il ne repose pas là-dessus.
25:37 - Mais si on prend justement la bande passante des éditions Grasset de Virginie Despentes
25:43 à Yann Moix par exemple, il y a une bande passante très large ?
25:46 - Ah oui, il y a une tessiture très large.
25:47 Non, moi je pense que les grandes maisons sont les maisons des grandes querelles et
25:50 que ça a toujours été le cas.
25:52 Voilà, vous prenez le Gallimard du XXe et vous aviez la cohabitation de Sartre et Camus
26:02 et de Céline si vous voulez.
26:04 Donc relisez les textes de Céline sur Sartre, sur Jean Solparte comme il l'appelait, et
26:11 voyez la violence et la virulence de ses propos arrivent à tenir ensemble des gens dont l'essentiel
26:17 de la sensibilité, les idéologies sont diverses voire antinomiques.
26:22 Ça me semble être un des métiers de l'édition aujourd'hui.
26:25 - Et chez De Noël, alors il y a des collections qui sont des collections mythiques.
26:29 On parlait de Kadhik, Présence du futur.
26:32 Chez De Noël, ça a été le berceau de la science-fiction.
26:37 En France en tout cas, c'est là où on a découvert un grand nombre d'auteurs comme Bradbury.
26:42 - Oui, il y a Zimov, Bradbury qui sont là.
26:45 Et puis même au départ, avant, Céline puisque vous en parliez François, ça a démarré avec Robert De Noël.
26:53 - Et alors, comment aujourd'hui se développe une patte chez De Noël, Dorothée Cunéon ?
26:58 - Aujourd'hui, en littérature française et en littérature étrangère, ce dont on a parlé,
27:09 ce qu'on déplore là, c'est le marché.
27:14 On l'a connu meilleur, mais enfin, on a quand même beaucoup de très bonnes histoires.
27:20 J'étais hier à la Foire de Londres, ça fourmille de gens qui racontent des histoires.
27:25 On m'a raconté 150 histoires.
27:26 - C'est quoi une foire littéraire ? Ça se passe comment ?
27:28 - Une foire littéraire, c'est des éditeurs qui viennent acheter au monde entier,
27:32 donc rencontrer des agents et rencontrer des éditeurs du monde entier, des histoires.
27:37 Donc c'est du speed dating, on est deux autour d'une table et on nous raconte des histoires, toute la journée.
27:44 - Quelles sont les principales foires littéraires, François Samuelson ?
27:47 - Principalement la Foire de Francfort, la Foire de Londres, le Lébié en Amérique.
27:53 - On n'en a pas en France ?
27:56 - La salle de ce soir.
27:57 - Si, ce soir, il y a le Salon du Livre.
27:59 - En fait, le Salon, c'est comme une grande librairie, mais il va accompagner le Salon au mois de juin.
28:04 Il y a le Paris Book Market et là, ça se développe, c'est assez bien.
28:07 Ça a commencé l'année dernière et là, il y a environ presque 100 éditeurs du monde entier
28:13 qui vont venir pour rencontrer les agents.
28:16 - Olivier Daurin ?
28:17 - Juste pour rebondir sur cette affaire de raconter des histoires,
28:20 je pense qu'un des problèmes qu'on a avec la fiction française aujourd'hui,
28:24 parce que c'est ce secteur-là qui a le plus de difficultés,
28:29 la non-fiction, les essais, on arrive encore,
28:31 je pense qu'on a des pays troublés de toute façon,
28:34 il y a une volonté d'élucidation de l'époque qui passe aussi par des essais, par la non-fiction.
28:39 Le roman français, il est de plus en plus assigné à résidence dans l'autofiction,
28:45 le récit de soi, l'histoire personnelle, la confession, la confidence.
28:50 Et donc, c'est vrai qu'on a de plus en plus de difficultés avec le roman de l'imaginaire,
28:56 qui était la pratique même classique du roman.
29:00 Et tout se passe comme si on avait une sorte de swap, d'échange, d'interversion,
29:06 qui fait que plus le réel est contaminé par le fait qu'il est par la réalité alternative,
29:11 par la vérité alternative, plus on demandait au roman de produire ses preuves de vérité,
29:17 à la fois de légitimité, puisqu'il faut être légitime maintenant à écrire ce qu'on décrit,
29:21 et à se mettre à la place d'autrui, et ses preuves de vérité.
29:24 Je pense que ça, ce sont des critères qui vont étroitiser de plus en plus l'assise du roman
29:30 qui pose un problème majeur.
29:31 Outre le fait que quand le réel est plus invraisemblable que la fiction,
29:36 les gens vont moins vers la fiction.
29:37 Or, nous vivons dans une période d'un réel très invraisemblable.
29:41 - Qu'est-ce que vous en pensez, François Samuelson ?
29:43 - Juste terminer sur les salons.
29:46 Avant, l'utilité des salons, c'est quand même amuser au fil du temps.
29:52 C'est-à-dire la facilité de communication par le biais numérique et Internet
29:56 fait que c'est devenu beaucoup moins crucial que ça ne pouvait l'être auparavant.
30:01 - Sauf les contacts humains.
30:03 - Voilà, les contacts humains.
30:04 Mais le salon, c'est un peu tirer au tromblant,
30:07 alors que quand vous parlez à quelqu'un, vous tirez au fusil à lunettes.
30:10 Donc, ce n'est pas exactement la même chose.
30:13 Quant à la littérature du réel, c'est-à-dire l'autofiction, on a...
30:22 - Notamment celle que vous avez développée, je ne sais pas quel verbe employer, avec Emmanuel Carrer.
30:27 - Ah, c'est compliqué.
30:29 - Je dirais qu'il est un genre à lui tout seul.
30:32 C'est-à-dire qu'il y avait l'autofiction, je dirais, plus classique.
30:37 Mais là, lui, si vous voulez...
30:39 - Lewborfsky.
30:40 - Voilà, Serge Lewborfsky.
30:41 Lui, il s'est créé son propre monde et il intervient lui-même dans le cadre du récit.
30:47 Et c'est d'ailleurs ce qui avait débloqué son livre "L'adversaire".
30:52 "L'adversaire" est resté dans le tiroir pendant plus d'un an,
30:55 parce que je crois qu'il avait un haut le cœur par rapport à cette histoire.
30:58 Et puis, si vous voulez, le fait qu'il commence le livre en disant
31:02 "J'accompagne mes enfants" au moment où Romand assassine toute sa famille, son chien, je ne sais plus.
31:08 Donc, si vous voulez, tout ça a débloqué et ça a paradoxalement fait basculer Emmanuel dans ce genre qui lui appartient.
31:18 Et d'ailleurs, une petite anecdote à ce sujet.
31:20 On dînait un jour chez Éric Renard, qui lui, est un vrai auteur de fiction.
31:25 Et je me souviens, après le dîner, on redescendait l'escalier
31:28 et Emmanuel me disait son admiration pour Éric Renard, parce qu'il disait
31:31 "Je serais incapable aujourd'hui de faire ce qu'il fait, et ce qu'il fait est assez admirable."
31:34 Il parlait du système Victoria à l'époque.
31:37 Éric Renard ensuite a fait de l'autofiction.
31:40 - Si, il a fait des textes.
31:43 - Également dans ce registre-là.
31:46 - Dans "L'amour des forêts".
31:47 - Et justement, lorsque l'on prend ces différents genres, Olivier Nauras,
31:52 l'autre chose qui a bouleversé, qui est en train de bouleverser le marché de l'édition,
31:57 c'est ce qu'on appelle les "IP", intellectual property,
32:00 et le fait de disposer aujourd'hui de ce moyen-là pour rendre les éditeurs peut-être
32:07 un peu plus heureux de faire leur métier, ou de le faire plus facilement.
32:10 Expliquez-nous comment fonctionnent les IP, à quoi ça sert ?
32:13 - Oui, alors, ça c'est un vocabulaire d'industriel de la culture, pas d'homme de culture.
32:21 On parle jamais d'IP dans des maisons d'édition.
32:24 On a des créateurs, des auteurs, des œuvres, et puis ces œuvres se trouvent
32:29 possiblement pouvoir intéresser d'autres secteurs de l'activité culturelle.
32:33 Donc, oui, plus le marché premier est difficile pour des livres,
32:39 et plus nous valorisons en effet les moyens de décliner le contenu de ces livres
32:45 sur l'ensemble des secteurs et des moyens possibles.
32:51 Donc, on se sent sessionnaire de droit, on est propriétaire d'un copyright
32:58 et on est sessionnaire de droit sur l'ensemble des supports possibles.
33:01 Voilà, dont en effet les adaptations audiovisuelles,
33:04 dont les séries, puisque la série fait floresse aujourd'hui.
33:08 Et ça, c'est vrai que cet oxygène de la session des droits,
33:11 droits étrangers, droits secondaires avec le poche, le club et l'audio,
33:16 et tout ce que vous voulez, et les droits audiovisuels,
33:19 tout ceci nous donne en effet une plus grande capacité de retour sur investissement
33:24 ou d'amortissement en tout cas des risques de la publication.
33:27 - Des sommes qui sont sensiblement supérieures à celles qui sont d'ordinaire utilisées
33:33 ou mobilisées dans l'édition, Olivier Le Droit ?
33:35 - Oui, mais beaucoup d'appelés, peu d'élus, si vous voulez.
33:38 C'est-à-dire entre l'intérêt pour un livre, puis l'option,
33:42 puis l'achat éventuel d'options, puis le tournage, puis le non-tournage,
33:46 et puis... Enfin, je veux dire...
33:48 - Olivier a entièrement raison.
33:50 Si vous voulez, le cinéma, pour aller vite,
33:54 c'est un cimetière de projets non-aboutis.
33:57 C'est-à-dire que des livres peuvent être pris sous option,
34:00 mais une fois qu'ils sont pris sous option, ça ne signifie pas qu'ils deviendront des films.
34:04 Et que le plus difficile, justement, est la construction du projet artistique
34:09 qui va créer le film avec...
34:11 - Alors, par exemple, vous avez accompagné François Samuelsson,
34:13 Karine Thuil avec "Les choses humaines".
34:15 Ça s'est passé comment ? Ça se passe comment ?
34:18 Est-ce qu'on prend un livre, on se dit "Là, il y a la possibilité d'en faire un film" ?
34:21 - Non, non, là, je ne vais pas m'attribuer des mérites que je n'ai pas.
34:24 C'est simplement... Enfin, simplement.
34:26 Yvan Attal voulait absolument porter cette histoire à l'écran.
34:30 Et je connais très bien Yvan, et donc les choses se sont faites assez vite.
34:35 Et c'est assez vite, oui.
34:36 - Dans la vie d'une maison de décis...
34:37 - Il y a des moments où François est plus proactif,
34:39 des moments où il est plus réactif.
34:40 Voilà, il y a des choses que tu construis complètement,
34:43 et puis il y a des auteurs que tu représentes.
34:46 - Dorothée Cuneo, pour "De Noël aussi",
34:49 ça a fonctionné récemment, le fait justement de céder ce qu'on appelle des IP,
34:54 des propriétés intellectuelles.
34:55 - Oui, mais c'est vrai que l'époque n'a jamais été aussi avide d'histoire.
34:59 C'est-à-dire que tout le monde cherche des bonnes histoires quand même.
35:01 Tout le monde cherche...
35:03 Voilà, la famille qui a été renversée par une baleine en mer Pacifique,
35:09 la mère qui est devenue le père, enfin, etc.
35:11 On nous raconte tout le temps des histoires,
35:12 et c'est vrai qu'il y a beaucoup, beaucoup d'avidité pour ces histoires.
35:15 Là, on a eu un formidable exemple d'IP, je ne sais pas,
35:20 mais en tout cas d'adaptation,
35:21 et on voit que le roman reste une matrice.
35:23 Je parle de "18/3" de Pauline Guéna,
35:26 qui est d'abord un livre, un récit, un an à la PG,
35:32 et qui va devenir "La nuit du 12",
35:36 inspiré, donc, qui va avoir le livre qui a eu six César,
35:39 - Le film du film.
35:41 - Le film qui a eu six César, pardon,
35:43 qui a été aussi, enfin, qui a pu inspirer le personnage du flic en thérapie,
35:48 la première saison, si vous vous en souvenez,
35:50 c'était aussi écrit par Pauline Guéna, l'autrice,
35:53 et puis qui va sans doute peut-être se décliner en série.
35:56 On a aussi des demandes de remake des Espagnols
35:59 ou d'autres pays qui voudraient refaire "La nuit du 12".
36:01 Bref, on voit que quand même, la littérature reste la matrice.
36:05 - Mais alors, oui, j'essayais de faire dire à François Samuelson
36:07 que ça a changé votre métier, j'avais du mal tout à l'heure,
36:10 je vais essayer avec vous, Dorothée Cuneo,
36:12 que quand même le fait qu'aujourd'hui,
36:14 l'économie du livre, et notamment pour les auteurs,
36:17 est une économie qui, pour beaucoup d'auteurs,
36:19 est une économie assez précaire, c'est compliqué de vivre ce que l'on écrit.
36:23 En revanche, si on fait une adaptation,
36:26 si on a la chance de voir son livre adapté, ça change la donne,
36:29 ça veut dire que les manuscrits qu'on vous envoie,
36:31 les livres qu'on vous propose, sont probablement plus encleins
36:36 à avoir derrière la tête l'idée d'une adaptation, d'une série, ce genre de choses.
36:40 - Oui, il y a toujours, c'est vrai qu'il y a cette double détente,
36:43 mais néanmoins, l'adaptation va surtout, on va dire,
36:50 quand elle réussit, quand elle aboutit, quand un livre devient un film,
36:54 l'adaptation, l'achat, c'est 2 ou 3% du budget d'un film, le livre,
37:02 mais on espère que ça va, en effet...
37:04 - Ça dépend comment c'est négocié.
37:06 - Bien sûr, bon, attention, mais en revanche,
37:08 on espère que ça va vraiment aider l'auteur,
37:11 c'est-à-dire que là, l'auteur va pouvoir devenir éventuellement co-scénariste,
37:14 ou, voilà, va aider au film, et puis ensuite,
37:19 on va revendre le livre en poche, on pourra le traduire,
37:21 donc oui, c'est vertueux.
37:23 - Non, mais l'insiste de François est significatif,
37:27 il va chercher à vous démontrer que nous sommes incapables
37:30 de faire des sessions de droit, en tout cas, les agences sont mieux outillées pour ça.
37:34 - C'est vrai qu'il préfère nous laisser ne pas vendre les livres en librairie
37:39 et vendre les droits d'adaptation au cinéma que l'inverse, voilà.
37:42 - Non, non, je m'inscris en faux sur ce que dit Olivier,
37:45 le législateur en 1985 a très clairement séparé le contrat au cinéma
37:50 et le contrat auteur, faisant un clin d'œil...
37:52 - Qu'est-ce que ça veut dire ?
37:53 - Ça veut dire qu'avant, les droits cinéma étaient une sorte de déclinaison naturelle
37:57 des droits littéraires, et que ça ne l'est plus depuis 1985,
37:59 c'est un contrat séparé, voilà.
38:01 - Et ça veut dire que vous trouvez par exemple...
38:03 - Ce contrat séparé peut être signé par l'auteur avec l'éditeur,
38:05 ou quand il y a un agent, l'agent peut garder la faculté d'exploitation.
38:08 - Rassurez-vous, l'éditeur a trouvé la parade, le problème n'est pas là,
38:11 mais ça veut dire que les droits cinéma ne n'ont pas forcément à être cédés à l'éditeur
38:15 dont ce n'est pas le métier.
38:17 - Enfin, dont ce n'est pas le métier, mais qu'il se trouve pouvoir exercer, très bien.
38:21 - La traduction, Olivier Nora, le fait de voir le rayonnement
38:26 de la littérature française à l'étranger, là aussi,
38:29 c'est une source de revenus, ça se passe comment aujourd'hui ?
38:32 Qui sont les auteurs français qu'on lit à l'étranger ?
38:35 - Michel Houellebecq.
38:37 - Oui, notamment, Houellebecq.
38:40 Enfin, si vous parlez des auteurs dans notre catalogue,
38:44 moi, Laurent Binet est lu,
38:48 Latresse a été très lu et très cédé,
38:53 Petit pays de Gaël Phaille a été très lu et très cédé.
38:56 - Virgilie Despentes aussi.
38:58 - La Virginie, bien sûr.
39:00 - Et alors, Houellebecq, François Samuelson, parce que c'est vous qui l'avez accompagné,
39:04 là aussi, c'est aujourd'hui l'écrivain français le plus connu, diriez-vous ?
39:10 - Écrivain, oui.
39:12 - Vivant, on va dire.
39:14 - Oui, il est traduit dans 44 langues, oui, bien sûr.
39:18 Je ne l'ai pas compris dans toutes ces entreprises cinématographiques.
39:21 - Carrère aussi.
39:24 - Carrère aussi.
39:26 - Voilà, ce n'est pas toujours une question de prouesse quantitative,
39:32 le nombre de langues, l'important, c'est l'imprégnation réelle dans des marchés étrangers.
39:38 Qu'est-ce qui fait que des auteurs sont très repérés ?
39:42 Alors, il y en a qu'on suit de moins près, mais qui, je pense, font des belles carrières.
39:48 Je pense que des auteurs comme Musso, comme Lévy, etc., doivent être des auteurs assez connus.
39:53 Là, simplement, on est moins proche de la balle parce qu'on ne les publie pas.
39:57 - Dorothée Cuneo ?
39:59 - À l'inverse, on peut quand même déplorer qu'il y a de moins en moins de littérature étrangère qui soit lue en France.
40:04 On regarde dans la liste des best-sellers en fiction ou en non-fiction.
40:08 Là, cette semaine, par exemple, en non-fiction, tout est français.
40:13 Le premier, c'est Quentin Tarantino, "Premier étranger", qui est à la 30e place,
40:19 mais c'est vraiment hyper français.
40:22 Et en littérature, ceux qui sont lus là...
40:24 - Hyper français, hyper anti-Vax et hyper Zemmour.
40:27 Ça vous donne un peu le barixte entre du pays.
40:29 - C'est très joyeux.
40:30 Et en littérature, c'est Stephen King et Bretton Hill.
40:34 Et le reste, on est sur la "Dark Romance", qui est assez française, d'ailleurs.
40:38 Donc là, il y a aussi vraiment un problème de fermeture.
40:42 - Un mot de conclusion là-dessus, Olivier Norat ?
40:45 - Je ne sais pas si on peut conclure sur l'ensemble des sujets qu'on a abordés.
40:48 - Non, sur la littérature étrangère et sur vos inquiétudes.
40:51 - Là-dessus, je pense qu'il faut...
40:53 - On a besoin de vous, Guillaume.
40:55 - Un des problèmes qui se posent, c'est qu'en réalité,
40:59 ni les radios, ni les télévisions ne prennent plus le risque d'inviter des auteurs étrangers
41:05 qui ne maîtrisent pas le français.
41:06 - Eh bien, on le fait dans les matins de France Culture,
41:10 et dans le reste, bien sûr, de la grille de France Culture.
41:12 Merci, François Samuelsson.
41:14 Merci à vous, Olivier Norat et Dorothée Thénault.
41:17 J'en profite quand même pour vous donner les résultats de la radio,
41:20 puisqu'on a parlé des résultats des auditeurs... des éditeurs, pardon,
41:24 et le résultat des auditeurs, comme ce sont les audiences Médiamétrie aujourd'hui,
41:28 et qu'elles viennent d'être publiées pour les mois de janvier à mars.
41:31 France Culture signe un début d'année dans la continuité de ces très bons résultats.
41:35 Il me faut donc remercier nos 1,673,000 auditeurs.
41:40 La chaîne enregistre également de très bonnes audiences sur le numérique,
41:43 puisqu'elle est la deuxième station la plus écoutée en différé,
41:46 et qu'elle enregistre 30 millions d'écoutes à la demande par mois.
41:49 Un grand merci à tous pour votre fidélité.
41:52 Vous allez pouvoir, grâce à cela,
41:54 écouter Anne Lorchoin dans quelques instants dans son point sur l'actualité.

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