Josette Torrent, plus jeune résistante de la Seconde Guerre mondiale : "Les déportés revenaient si maigres, je pensais ne pas reconnaître mon père"

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Chez Josette Torrent, la Résistance est une affaire de famille. À 12 ans, elle rejoint son père dans un réseau clandestin qui lutte contre l'occupation nazie. Quand ce dernier est arrêté, son monde change. À la fin de la guerre, accompagnée de sa mère, elle scrute chaque train qui revient des camps, avec l'espoir de voir revenir son parent.
Transcript
00:00 On ignorait complètement qu'il y avait des camps de concentration, on ne savait pas.
00:03 On pensait que tous ceux qui partaient en Allemagne étaient prisonniers de guerre.
00:07 À la fin de la guerre, bien sûr, j'ai attendu que mon père revienne.
00:15 Pendant un an, on n'a pas eu de ces nouvelles, c'était affreux.
00:18 Avec ma mère et une photo de mon père, on allait à tous les trains qui revenaient, bien sûr.
00:23 Et croyez-moi, c'est quelque chose que je n'oublierai jamais quand...
00:27 On a vu descendre des trains, les déporter, certains encore avec leurs costumes rayés.
00:32 J'étais tellement maigre, tellement qu'on ne voyait que les yeux.
00:37 Et là, j'ai eu une panique, j'ai dit je ne vais pas reconnaître à mon père ce que je voyais que des yeux.
00:42 On est allés comme ça jusqu'à fin mai 1945.
00:45 Ma mère faisait voir la photo de mon père, tout ce qui arrivait.
00:49 Il y en a un qui a dit oui, je le connais, je l'ai vu, j'étais avec lui à Flossenburg.
00:53 C'est un camp de concentration qui paraît-il était le plus dur qui existe.
00:58 Ce monsieur a dit à ma mère, je l'ai vu, je l'ai connu.
01:02 Il est mort le 17 novembre 1944.
01:06 Ma mère se trouvait mal.
01:08 Et moi, je suis devenue un bloc.
01:10 Je suis restée, je ne sais pas combien d'heures ou quoi, raide, comme un mur, sans pleurer, sans rien.
01:15 Je n'ai pas pu pleurer.
01:17 Je n'ai plus pu pleurer à partir de ce moment-là.
01:20 Et quand je suis revenue à moi, des heures après, j'ai dit, papa n'est pas mort.
01:24 Je suis restée dans ce déni pendant 40 ans.
01:27 J'ai toujours pensé que mon père allait revenir.
01:30 D'ailleurs, ma fille est née, elle me dit toujours, nous avons vécu avec un fantôme.
01:34 Ma mère voyait son père partout.
01:36 J'ai accepté que mon père soit mort quand un jour, en 1993,
01:42 ils avaient mis une rue à son nom.
01:45 Et alors la plaque avait été changée.
01:46 La première plaque, c'était Michel Thorand, martyre de la Résistance.
01:51 Et la deuxième plaque, c'était simplement Michel Thorand.
01:54 Quand j'ai vu ça, j'ai compris que vraiment, mon père était mort.
01:58 J'ai réagi auprès de la mairie.
02:00 Et l'ancienne plaque a été remise le jour même.
02:03 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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