Aujourd'hui, Isabelle nous parle du livre de notre invité Lucie Azéma, L’usage du thé, une histoire sensible au bout du monde
Retrouvez toutes les chroniques d'Isabelle Sorente dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-d-isabelle-sorente
Retrouvez toutes les chroniques d'Isabelle Sorente dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-d-isabelle-sorente
Category
🦄
Art et designTranscription
00:00 L'usage du thé se lit comme un voyage sur les routes des caravanes.
00:04 La route du thé et des chevaux, un voyage qui est plein de chemins qui bifurquent.
00:08 Et votre récit, Lucie Azéma, nous emporte donc sur les traces des adorateurs du thé,
00:13 des maîtres chinois, des aventurières et des botanistes occidentaux.
00:18 On y croise tellement de personnages extraordinaires que j'avoue avoir pensé à chaque page.
00:23 Juliette, mais quelle histoire, quel roman ça pourrait faire ? Quel film ce serait
00:27 de raconter la vie de Lu Yu, l'ancien enfant disgracié qui devient un maître de thé,
00:33 ou celle de Robert Fortune, ce nom, le botaniste colonial qui vient voler le secret du thé
00:39 aux Chinois.
00:40 Le thé, c'est un peu la plante presque magique qui va ouvrir les routes du commerce.
00:45 C'est le breuvage des aventuriers, celui de l'amitié.
00:47 Son amertume, sa douceur, ses épices sont aussi variées que les paysages de l'Inde,
00:52 de l'Iran ou de la Chine.
00:53 Et en vous laisant, j'ai en fait pensé à l'épice de Dune, le grand roman de Frank
00:58 Herbert que j'ai d'ailleurs lu moi en Inde, en siro-tant du chai.
01:03 Et je n'arrêtais pas de penser à l'épice.
01:06 Dans le roman de Herbert, l'épice donne des dons de précience et elle prolonge la
01:11 vie.
01:12 Et dans l'usage du thé, on apprend que les Chinois échangeaient autrefois du thé,
01:16 alors ils étaient malins, contre des chevaux au Tibet, ils se constituaient comme ça une
01:20 cavalerie astucieusement pour occuper de nouveaux territoires.
01:23 On apprend l'existence de "plant hunters", des chasseurs de plantes, comme le botaniste
01:28 Robert Fortune qui part en Chine voler le secret du thé pour que la compagnie britannique
01:32 des Indes puisse le cultiver.
01:33 Alors c'est des sales types la compagnie britannique des Indes, c'est des voyous qui
01:38 entreprennent de privatiser le pays des Upanishads pour cultiver le thé.
01:43 Et c'est cette annexion, cette privatisation qui est en fait à l'origine, vous expliquez,
01:48 de la colonisation.
01:49 Cette privatisation pour le commerce du thé organisée par cette bande de marchands.
01:53 Et c'est toujours, en fait on est toujours dans ce monde de l'épice, l'épice c'est
01:57 la pâte du gain.
01:58 Et la route du thé elle est comme ça pleine d'histoires, certaines sont pleines d'ombres
02:01 et d'autres sont douces.
02:02 C'est autour d'un thé partagé à Shiraz en Iran que vous rencontrez Azin qui va devenir
02:07 l'une de vos meilleures amies.
02:09 Et vous écrivez cette phrase très belle "la naissance d'une amitié est un changement
02:13 d'air, une faille dans le temps et l'espace".
02:15 On croise dans votre livre des moments comme ça, des voyageurs, des poètes comme Mayank
02:20 Austin Sufi, notre cher Delhi Wallah qui compose chaque jour des poèmes en images sur la ville
02:25 de Delhi.
02:26 Pour ceux qui ne connaissent pas, je recommande de suivre son travail sur Instagram.
02:29 On apprend aussi qu'à peine installés en Inde des héritiers spirituels, enfin spirituels
02:33 si l'on peut dire, de la compagnie britannique des Indes, ont bâti un échafaud pour brûler
02:38 des sorcières à Bombay.
02:39 On ne se refait pas.
02:40 On vous accompagne pour un thé nocturne sur votre balcon en Iran.
02:45 William Blake, le grand poète, voulait tenir l'infini dans la paume de sa main et vous
02:50 Lucie vous le goûtez dans une tasse de thé.
02:52 Au fond le thé c'est vraiment l'épice, le soma, la boisson divine qui nous donne
02:57 accès à cet ancien monde qui ne se trouve sur aucune carte.
03:00 C'est le monde des souvenirs d'enfance, le monde de nos rêves, de nos blessures,
03:04 celui de la lenteur et des variations de lumières.
03:07 Comme les mythiques oiseaux trouvant le cimorgue à l'issue d'un voyage sans fin, comme
03:12 dans une déambulation en spirale, comme dans un conte zen.
03:15 On pourrait dire qu'avant la lecture de votre livre, une tasse de thé est une tasse
03:19 de thé.
03:20 Pendant la lecture, elle se change en caravanserail, en chœurs brûlants et en nuits étoilées.
03:24 Et après la lecture, tout cela ne fait plus qu'un.
03:28 Isabelle Sorrente, merci beaucoup pour cette belle chronique sur l'usage du thé paru
03:33 chez Flammarion de Lucie Hazéma.