Métamorphose. Un mot qui fascine autant qu'il terrifie Isabelle Sorente. Peut-être parce qu’il lui évoque l’adolescence qui nous transforme malgré nous en grands corps hypersensibles, tellement écorchés vifs que toutes les légendes de l’univers semblent tatouées sur nos bras.
Retrouvez toutes les chroniques d'Isabelle Sorente dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-d-isabelle-sorente
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00:00 Et voilà un nouveau chapitre culturel qui s'ouvre tout de suite, il est question d'écriture
00:05 car aujourd'hui c'est Isabelle Sorande qui est dans la place, ma chère Isabelle.
00:09 Salut les amis, je vais vous parler de métamorphose.
00:15 Métamorphose, il y a quelque chose de fascinant dans ce mot, de terrifiant aussi,
00:20 peut-être parce qu'il évoque l'adolescence qui nous transforme malgré nous en grands corps hypersensibles
00:25 tellement écorchés vifs que toutes les légendes de l'univers semblent tatouées sur nos bras.
00:30 La métamorphose est un mot à double tranchant, on ne sait jamais s'il penche du côté de l'émerveillement ou de l'épouvante.
00:38 Comment ce genre de choses se décident ? Quelle divinité opère la transformation ?
00:42 Le premier dieu venant à l'esprit c'est Zeus, le maître de le limp,
00:46 le dieu métamorphose aussi nombreuse que les coups de foudre qui lui font poursuivre naffes et mortels
00:51 sous la forme d'un serpent, d'un cygne, d'une pluie d'or, d'un nuage, de ce pauvre amphitryon
00:56 et même de la déesse Artemis pour séduire l'une de ses compagnes.
01:00 Les naffes ne sont pas toujours consentantes, il faut le savoir.
01:03 Lorsqu'un dieu les poursuit, elles peuvent être si horrifiées qu'elles se métamorphosent en arbre,
01:08 le plus souvent éternel symbole de sidération.
01:12 Mais si les métamorphoses sont si inquiétantes, c'est qu'elles révèlent aussi une facette de nous-mêmes,
01:16 un fauve, un loup, une part de notre être profond comme une créature cachée
01:21 qui à la faveur d'un bouleversement remonterait à la surface.
01:25 Vous avez remarqué que notre président actuel ressemble de plus en plus à Nicolas Sarkozy.
01:30 Comme si à force d'imiter tout à fait consciemment son ton de voix, ses expressions,
01:36 ce voulant proche des gens, il finissait mystérieusement par emprunter ses traits.
01:41 Comme dans ses contes où à force de porter un masque, notre visage finit par lui ressembler
01:45 ou par donner l'illusion d'une ressemblance.
01:48 Par exemple, si je dis "Bonjour la France Inter", bon je le fais mal, mais j'ai un petit côté Charline,
01:54 ou du moins une énergie Charline, une vague aura Charline.
01:57 Et peut-être, peut-être que si je répète ça tous les jours,
02:00 Charline, je finirais par avoir envie de m'habiller un peu comme vous, de me coiffer un peu comme vous.
02:04 On en revient aux adolescents à ce mimétisme entre amis
02:08 qui fait qu'on se ressemble sans vraiment se ressembler et pourtant ça se voit physiquement.
02:13 Le psychiatre Carl Jung raconte qu'à la fin de sa vie, on lui disait parfois qu'il avait quelque chose de chinois,
02:19 une ressemblance physique hautement improbable puisque Jung était suisse,
02:23 il n'avait pas du tout de traits asiatiques,
02:25 mais Jung en était venu à croire qu'à force d'étudier le mystère de la fleur d'or et le Tao,
02:29 sa familiarité avec la mystique chinoise avait fini par le transformer.
02:34 Le dieu des métamorphoses, celui qui les ordonne, celui qui nous transforme serait donc le langage.
02:40 Comment nous parlons, ce que nous lisons et qui nous imitons est le masque invisible qui façonne notre visage.
02:47 Prenons conscience de notre pouvoir de métamorphose en ce monde qui nous fait croire que tout est figé,
02:51 productif et visible quand la plus grande partie de l'univers se compose d'une matière noire et invisible.
02:57 Prenons conscience de notre pouvoir de métamorphose, cela vaut mieux car tout pouvoir ignoré se retourne contre nous.
03:03 En ce moment même en quoi nous transformons, nous, mille réponses sont possibles,
03:07 mais si vous passez beaucoup de temps sur votre ordinateur, vous aurez sûrement remarqué que le mot "non" s'efface peu à peu de votre vocabulaire,
03:14 soit parce que ceux que nous sollicitons n'ont même pas le temps de nous répondre,
03:18 soit parce qu'il ne fait pas partie des paramètres autorisés.
03:21 Si la machine nous donne un choix, c'est toujours entre accepter et découvrir plus tard.
03:26 Nous nous métamorphosons donc en créatures qui imitent des machines qui disent toujours "oui". Quel dommage !
03:32 Isabelle Sorente, merci Isabelle !
03:36 C'est vrai que c'est joli les métamorphoses, on se métamorphose rarement en tabouret, en parcmètre ou en tractopelle.
03:42 C'est vrai, je n'ai jamais vu ça encore, mais il ne faut pas l'écarter.
03:46 Isabelle Sorente, merci.