L'ambassadeur de Chine convoqué au Quay d'Orsay après des propos polémiques

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00:00 Au moins quatre ambassadeurs chinois ont ou vont être convoqués dans leur capitale respective.
00:05 En Lituanie, en Lettonie, en Estonie et en France.
00:08 C'est précisément à Paris que le besoin d'explications est le plus important.
00:11 Ce week-end, l'ambassadeur chinois en France a tout simplement nié la souveraineté des pays issus de l'Union soviétique.
00:17 Voilà ce qu'il disait vendredi sur LCI.
00:19 Sur le droit international, ces pays de l'ex-Union soviétique n'ont pas le statut effectif
00:25 pour concrétiser leur statut d'un pays souverain.
00:29 Rétropédalage ce matin, ces propos sont un point de vue personnel, dit l'ambassade chinoise à Paris.
00:34 On en parle avec vous Jean-Yves Hurtubise.
00:36 Bonjour et merci de répondre à ces quelques questions.
00:39 Depuis Taïwan, vous êtes maître de conférence à l'université catholique Fujian, donc à Taïwan,
00:44 et co-rédacteur en chef de la revue Monde Chinois Nouvelle.
00:48 L'ambassade a visiblement corrigé le tir. Fin de l'histoire ou vous restez prudent ?
00:55 En fait, ce qui s'est passé, c'est quand même une conclusion, je dirais,
01:00 ça s'inscrit dans une série de commentaires qu'a fait cet ambassadeur peu académique, peu diplomatique.
01:09 On sait qu'il y a eu l'affaire Antoine Dombas, on sait que récemment il y a eu encore différents commentaires.
01:16 Donc évidemment, on peut dire qu'il a été...
01:21 Un chercheur français qui avait été, je crois, insulté par cet ambassadeur ?
01:25 Voilà, c'est ça. Donc il y a eu toute une série, on va dire, de commentaires assez peu diplomatiques.
01:34 Aussi récemment, il a dit par exemple que les Taïwanais auraient besoin d'être rééduqués,
01:40 si quand la Chine offrendrait Taïwan. Il y a eu tout un ensemble de commentaires.
01:45 Et ça, ce commentaire-là, montre finalement, d'une certaine manière, l'intrication entre le discours russe et le discours chinois.
01:52 C'est aussi, même si évidemment, du point de vue du pouvoir chinois gouvernemental,
01:57 on dit que ce sont des propos personnels, on peut comprendre pourquoi,
02:00 parce que les pays dont il parle, ce sont normalement des pays qui sont inclus dans le dispositif 16+1,
02:05 qui normalement devaient relier la Chine à ces pays de l'Est et du centre de l'Europe.
02:11 Évidemment, c'est difficile de participer à un projet chinois des rues de la Soie,
02:16 quand notre souveraineté nationale est déniée.
02:20 Mais c'est aussi, d'une certaine manière, la traduction de l'emprise du discours,
02:25 on va dire d'un certain discours néo-imperialiste du point de vue russe,
02:30 de dire qu'en fait les anciennes républiques n'ont pas de stature réelle,
02:35 parce que du fait qu'elles sont liées simplement,
02:37 leur existence est simplement liée à la désintégration de l'Union, de l'URSS.
02:42 Et finalement, c'est aussi un peu le discours vis-à-vis d'Ukraine.
02:45 Donc ce n'est pas simplement facilement de dire "on en reste là",
02:48 parce que finalement, ça montre aussi, on va dire, la position de la Chine,
02:52 aussi vis-à-vis de cette guerre en Ukraine.
02:54 Même si la Chine s'en défend, elle l'estime ce matin depuis Pékin,
02:58 qu'elle respecte le statut des États souverains des républiques,
03:02 après la dissolution de l'Union Soviétique.
03:03 Ça veut dire quoi ? Qu'il y a de l'hypocrisie ou réellement de vision ?
03:07 C'est-à-dire que l'ambassadeur…
03:10 Il y a aussi une chose qu'il faut rajouter, c'est que dans ces positions d'ambassadeur,
03:14 dans ce qu'on appelle la stratégie de "wolf warrior diplomacy",
03:18 la stratégie de la diplomatie du combatant,
03:21 on sait que aussi, de leur point de vue, du point de vue de ces ambassadeurs,
03:24 leur cible, ce n'est pas simplement les Français, c'est aussi les Chinois.
03:27 Et là, il va sans doute aussi être applaudi pour certaines choses qu'il dit,
03:34 pas simplement sur Taïwan, sur d'autres points.
03:36 Donc, ce n'est pas qu'il y a un double discours,
03:38 c'est que, évidemment, l'État chinois ne peut pas nier la souveraineté des pays en question,
03:43 mais ça montre malgré tout l'idée qu'il y a un discours,
03:48 un discours qui est réellement présent.
03:50 Et c'est un discours qui est aussi porté par la Russie,
03:53 c'est-à-dire que la perte de l'Union soviétique est une catastrophe,
03:58 et à partir du moment où la Chine a construit tout son récit national sur le fait
04:02 "nous, on n'est pas la Russie, nous, on ne veut pas cette catastrophe
04:05 de la perte des territoires liée à la chute du communisme",
04:09 c'est normal que ce type de récits ressurgissent.
04:13 Donc, ce n'est pas simplement, il y a d'un côté le discours officiel,
04:15 d'un côté le discours personnel, il y a tout un discours
04:18 qui est un discours du point de vue du rapport entre la Chine et la Russie
04:24 et leur rapport au communisme, leur rapport à la chute de l'Union soviétique,
04:28 et de ce point de vue, si Jinping et Vladimir Poutine sont en ligne
04:33 pour, d'une certaine manière, avoir un aspect un peu, une vision très critique
04:39 de cette indépendance de ces pays, puisqu'on sait qu'une fois que ces pays sont indépendants,
04:44 ils peuvent, par exemple, demander à être rattachés à l'OTAN.
04:46 Et donc, c'est un peu bizarre de dire d'un côté, oui, on reconnaît leur indépendance,
04:50 en même temps, de dire que la Russie est justifiée d'attaquer
04:54 parce que, de façon indépendante, ils ont voulu intégrer l'OTAN.
04:56 Quelle devrait être la réponse aujourd'hui des Occidentaux ?
05:00 L'ambassadeur, d'après Le Monde, a été convoqué au Quai d'Orsay ce matin à Paris,
05:04 et dans le journal Le Monde, il y a 80 parlementaires européens
05:06 qui demandent à la ministre Catherine Colonna de déclarer l'ambassadeur de Chine
05:11 "persona non grata". Est-ce qu'il faut aller jusque-là ?
05:16 C'est-à-dire que, du point de vue de la France,
05:19 comme une république française responsable et qui garante des principes diplomatiques,
05:25 il faut aussi, nous, même si les autres n'agissent pas de façon diplomatique,
05:29 il faut toujours soi-même agir de façon la plus diplomatique possible.
05:33 Et donc, sans doute, ce n'est pas nécessaire d'en venir là.
05:37 Par contre, ce que ça montre, comme je l'ai évoqué récemment,
05:40 c'est que tout le dispositif 16+1 délient entre la Chine et ces pays-là,
05:45 déjà qu'il était assez ralenti par le manque d'investissement promis d'euro de la soie
05:51 et ensuite par la position de la Chine, de la vie d'aggare en Ukraine,
05:54 on voit que là, c'est encore un peu le clou dans le cercueil du 16+1.
05:59 Et du point de vue de la France, évidemment, c'est assez malheureux
06:03 par rapport à ce que disait le président Emmanuel Macron sur son retour de Chine,
06:07 son espoir que la Chine pourrait être impliquée dans une résolution de paix
06:12 vis-à-vis entre l'Ukraine et la Russie.
06:14 On voit qu'ici, il y a quand même l'adoption, encore une fois,
06:17 du discours, du narratif russe nostalgique de la disparition du RSS.
06:22 Très rapidement, s'il vous plaît, je profite juste de votre présence à Taipei.
06:26 Est-ce que ces propos ont été relayés et analysés là-bas avec une forme d'inquiétude ?
06:31 C'est-à-dire, du point de vue, évidemment, du point de vue taïwanais,
06:35 ce que montrent ces propos, c'est aussi la conception d'une certaine manière
06:41 assez fluctuante que la Chine a avec la notion d'État souverain.
06:46 Normalement, c'est un principe fondamental aussi qui est reconnu par la Chine.
06:50 Mais finalement, en ne voulant pas condamner l'agression de la Russie sur l'Ukraine,
06:55 il se donne aussi, toujours pareil, la possibilité que leur attaque sur Taïwan
07:00 ne soit pas condamnée.
07:01 Et donc, la défense de la position russe, même jusque dans le narratif,
07:06 de dire "bon, finalement, ce sont des États qui n'existent pas
07:08 parce qu'ils ne viennent que de la dissolution du RSS",
07:11 ça, ça signifie aussi pour la Chine de dire "bon, ce qui nous concerne,
07:16 les États qui nous appartenaient, les territoires qui nous appartenaient,
07:20 doivent toujours nous appartenir, doivent être les nôtres".
07:23 Et donc, il y a eu, on va dire, une forme de dénégation de la réalité
07:31 de l'autonomie territoriale des autres pays qui, évidemment, inquiètent Taïwan
07:37 qui est de facto indépendante de la Chine populaire.
07:42 Merci beaucoup Jean-Yves Hurtubise d'avoir répondu à nos questions
07:45 et veillé tard depuis Taïwan pour y répondre.

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