Jérémie Boroy président du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCHP) se rendra à l’Élysée pour la 6e Conférence nationale du handicap. Il est l'invité du 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-26-avril-2023-9013930
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00:00 Emmanuel Macron va présider cet après-midi à l'Elysée la sixième conférence nationale
00:04 du handicap.
00:05 Cet événement a lieu tous les trois ans et a pour mission de donner le cap des politiques
00:09 publiques du handicap.
00:10 Bonjour Jérémy Baurois.
00:11 Bonjour.
00:12 Vous êtes le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
00:15 Le président d'un collectif, le collectif Handicap, qui regroupe 52 associations, a
00:21 décidé de boycotter ce rendez-vous.
00:24 Il craint que cette conférence ne soit qu'une coquille vide, doublée d'un moment d'autosatisfaction.
00:29 Comment vous vous y serez à cette conférence ?
00:30 J'y serai parce que ma mission c'est de me battre jusqu'au bout, jusqu'à la dernière
00:35 minute pour que les arbitrages, les décisions qui seront rendues cet après-midi soient le
00:41 plus proche possible de ce à quoi nous aspirons, même si j'entends très bien les impatiences,
00:47 la colère et parfois même le besoin de boucler le système pour que nous puissions vraiment
00:52 changer de logiciel en matière de handicap en France.
00:56 Vous avez été consulté en amont de cette conférence ?
00:58 Alors, consulté d'une certaine manière.
01:02 Nous avons été mis à contribution dans beaucoup de groupes de travail.
01:07 Ce qui aujourd'hui suscite cette frustration, c'est que nous ne savons pas encore ce qu'il
01:12 en ressort, nous ne savons pas encore comment nos propositions sont chargées vis-à-vis
01:18 des autres prises de position.
01:20 Donc c'est une consultation un peu frustrante et on voudrait un jour pouvoir passer, un
01:26 jour maintenant, à une vraie logique de co-construction et non pas cette consultation qui peut être
01:31 parfois unilatérale.
01:32 Mais est-ce que vous savez si au moins il y aura de vrais engagements financiers, engagements
01:37 budgétaires précis ?
01:38 Alors, je ne peux pas vous dire ce matin ce qu'il en ressort, je n'ai pas ces informations,
01:44 mais j'aurais espéré qu'après toute cette mobilisation, ça va servir à quelque chose.
01:51 Qu'attendez-vous exactement de cette conférence ?
01:53 J'attends qu'on puisse vraiment changer l'époque, que nous ayons en France vraiment
01:58 tous les outils qui nous permettent de rendre l'accès aux droits fondamentaux des personnes
02:03 réelles et concrets dans la vie quotidienne.
02:06 Le premier, c'est même le sujet fondamental, c'est l'accessibilité.
02:14 Pour faire en sorte que dans nos environnements, dans notre vie de tous les jours, nous soyons,
02:18 quel que soit notre handicap, le plus autonome possible.
02:21 Les transports, le logement ?
02:22 Les transports, la mobilité, le logement, c'est l'accès aux médias, à l'information,
02:26 au site internet, aux services publics, à la vie culturelle, bref, à la vie de tous
02:30 les jours.
02:31 Et en France, nous sommes très en retard par rapport à nos propres lois, par rapport
02:35 aux obligations que nous étions nous-mêmes fixées.
02:38 C'est ce que j'allais vous dire, il y a une loi en 2005 qui a été votée.
02:42 Il y a une loi en 2005 qui avait fixé déjà une échéance de 10 ans.
02:44 Et en 2015, on s'est aperçu qu'on n'était pas au rendez-vous et donc nous avons introduit
02:49 dans la loi déjà une première exception pour tolérer en quelque sorte un délai supplémentaire
02:54 qui était accordé aux acteurs publics ou privés.
02:57 Ce délai, il pouvait aller jusqu'à 9 ans.
02:59 Et ces 9 ans, c'est, madame, en 2024.
03:02 Donc nous y sommes.
03:03 Donc il est temps maintenant que nous entendions que l'inaccessibilité, c'est un délit.
03:08 Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a certaines personnes qui ne peuvent pas
03:11 aller au cinéma, qui ne peuvent pas trouver de logement, qui ont du mal à trouver un
03:14 emploi justement à cause de ces problèmes d'accessibilité, qui ne peuvent pas prendre
03:17 le bus ?
03:18 C'est prendre le bus, c'est se rendre dans un bâtiment public, c'est aller consommer
03:23 dans un magasin, c'est consulter un site internet pour commander un billet d'avion
03:27 ou pour s'inscrire à la fac.
03:29 Bref, c'est tout ce qui fait la ville de tous les jours qui doit aujourd'hui vraiment
03:34 être aux normes de ce qui permet aux personnes, qu'elles soient sourdes, qu'elles soient
03:38 aveugles, qu'elles aient un handicap de la compréhension, de la communication, de la
03:43 mobilité.
03:44 Peu importe, tout le monde doit pouvoir être autonome et c'est possible.
03:47 Donc l'accessibilité en numéro un et ensuite c'est quoi l'école ?
03:50 L'école évidemment, puisque c'est notre engagement, c'est notre promesse pour l'avenir.
03:54 C'est un droit qui existait déjà par le passé mais que tout le monde s'est aujourd'hui
03:59 approprié et qui nécessite que l'éducation nationale soit en capacité de pouvoir en
04:06 son champ accueillir tous les enfants et que ce droit à l'école devienne vraiment inconditionnel
04:12 pour que toutes les solutions qui sont parfois nécessaires à chacun des enfants soient
04:16 disponibles dans l'environnement ordinaire de l'école.
04:19 Mais le gouvernement l'a dit lors de la dernière rentrée qu'il y a du mieux, il y a de plus
04:23 en plus d'enfants qui sont accueillis.
04:25 La semaine dernière Emmanuel Macron a dit qu'il voulait des services complets de 35
04:28 heures pour les accompagnants des élèves en situation de handicap.
04:31 Donc ça avance quand même selon vous ou pas assez ?
04:34 Ça avance parce que les familles, parce que les enfants revendiquent leur droit à l'école,
04:39 parce que les enseignants se mobilisent.
04:42 Mais le compte n'y est pas encore puisqu'il faut que toutes les ressources soient disponibles
04:47 au sein de l'école.
04:48 Quand je dis ressources, vous l'avez évoqué des avocats, mais il y a évidemment beaucoup
04:50 d'autres compétences qui sont à mobiliser.
04:53 On doit faire en sorte que les écoles elles-mêmes soient accessibles pour pouvoir accueillir
04:57 tous les enfants, que les outils pédagogiques soient accessibles, que les enseignants eux-mêmes
05:02 soient formés et à l'aide dans leur pédagogie qui inclut tout le monde d'emblée.
05:07 Et il ne faut pas oublier l'enseignement supérieur.
05:09 L'enseignement supérieur, madame, c'est une des priorités du CNCH, parce qu'un pays
05:13 qui se vante d'avoir une université d'excellence comme au Ferrey-Gueulier dans le monde, doit
05:18 être aussi une université par définition ouverte à tous les étudiants pour qu'en
05:24 France, chaque étudiant, quel que soit son handicap, puisse vraiment choisir le parcours
05:28 de son choix et y aller en toute autonomie.
05:32 Donc on attend vraiment de ce CNH un engagement irréversible en matière d'accessibilité
05:38 des universités et des grandes écoles.
05:39 Et troisième priorité, l'emploi.
05:41 L'emploi, bien évidemment, parce que même si le taux de chômage a récemment baissé,
05:46 celui des personnes handicapées représente toujours le double de celui de la population
05:50 générale.
05:51 Donc nous ne sommes pas encore au bout de nos efforts.
05:53 Et ça c'est dans tous les secteurs, que ce soit public, privé, vous faites le même
05:57 constat ?
05:58 Tout à fait, absolument dans tous les secteurs.
06:00 Nous devons vraiment faire en sorte que les environnements de travail soient eux aussi
06:07 accessibles.
06:08 C'est vraiment la condition.
06:10 Et donc il y a tout un chantier que couvert aujourd'hui avec la préfiguration de France
06:15 travail, le futur service public de l'accès à l'emploi.
06:19 On y croit beaucoup pour que l'emploi des personnes handicapées soit vraiment placé
06:23 dans une démarche de droit commun et qu'on ne soit plus dans des filières un peu spécifiques
06:28 et parallèles.
06:29 Et ces difficultés qu'on vient d'évoquer, ces freins, ils sont les mêmes pour tous
06:34 les types de handicap ?
06:35 Oui, il ne faut pas qu'on oppose les handicaps entre eux.
06:42 Les niveaux, les degrés d'autonomie peuvent être différents en fonction des uns et des
06:47 autres.
06:48 Mais si on s'attache d'abord à rendre effectif l'action au droit des uns et des autres,
06:55 on pourra englober vraiment tout le monde.
06:57 Et d'ailleurs à ce sujet, la France vient de se faire tenser par le Conseil de l'Europe
07:01 qui dit globalement que l'État français bafoue les droits des personnes en situation
07:05 du handicap et de leur famille.
07:07 Est-ce que ça a suscité une réaction de la part du gouvernement, cette déclaration
07:13 du Conseil de l'Europe ?
07:14 C'est la confirmation que j'attends cet après-midi à la conférence nationale du
07:19 handicap pour que le cadre des conventions internationales que nous avons ratifiées
07:23 et de cette convention des droits sociaux soit bien appliquée et qu'on en profite
07:30 aussi pour aller jusqu'au bout de notre démarche, on ouvre de droits nouveaux.
07:33 Je pense en particulier au sujet de la vie sexuelle des personnes handicapées qui est
07:37 encore un sujet tabou alors qu'il est fondamental puisqu'il en va de l'épanouissement et
07:42 aussi de la santé sexuelle des uns et des autres.
07:45 Donc j'attends aussi de cette conférence des avancées sur ce sujet.
07:48 Une dernière question à Jérémy Baurois parce que le temps passe vite.
07:51 Depuis qu'il est à l'Elysée, donc en six ans de présidence, quel est le bilan d'Emmanuel
07:55 Macron en matière de handicap ? Qu'est-ce qu'il y a à mettre à son crédit ?
07:58 Alors aujourd'hui je mettrai à son crédit la déconjugalisation de l'AH même si nous
08:04 n'y sommes pas encore dans les faits mais au moins la voie est ouverte.
08:07 C'est l'aide pour les adultes handicapés, c'est ça ?
08:10 Voilà, l'allocation à l'aide aux adultes handicapés pour qu'on ait pu prendre en
08:13 compte les revenus du conjoint dans le calcul de cette AH.
08:17 Je mettrai à son crédit le droit de vote qui a été là pour le coup assuré à absolument
08:24 tout le monde, c'est fondamental, c'est essentiel.
08:27 Et je voudrais mettre au crédit d'Emmanuel Macron la réalité de la crédibilité en
08:32 France.
08:33 Donc c'est vraiment l'engagement que j'attends.
08:34 Cet après-midi, voilà, pour cette sixième conférence nationale du handicap qui va se
08:38 tenir à l'Elysée à laquelle vous allez participer et prendre la parole aussi Jérémy
08:42 Baurois, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées.