JR a’Weng : "On a un vrai problème de pauvreté de la jeunesse en France"
JR a’Weng, directeur général de l'association COP1 est l'invité de Mathilde Munos pour la publication du baromètre annuel sur la précarité étudiante 2024. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-17-octobre-2024-8836364
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00:00Il est 6h21, vivre avec moins de 50 euros par mois une fois le loyer payé, c'est ce
00:13qui arrive à un quart des étudiants en France, une vie entre petit boulot et aide alimentaire,
00:18et cette précarité s'accroît selon notre invitée.
00:20Bonjour Gilles Raveng.
00:21Bonjour.
00:22Vous êtes le directeur général de l'association Copain qui publie ce matin son baromètre
00:26annuel sur la précarité étudiante, enquête réalisée auprès d'un millier de jeunes
00:29environ en collaboration avec l'IFOP, c'est la deuxième édition et le premier constat
00:34c'est que les choses ne s'arrangent pas et que ce n'est finalement pas un phénomène
00:38conjoncturel mais bien structurel, systémique.
00:40Effectivement, c'est la deuxième fois qu'on le sort avec l'IFOP mais ça fait maintenant
00:43cinq ans que l'asso a cette activité d'aide alimentaire et d'aide sur tous les sujets
00:48pour tous les jeunes de France que ce soit en Hexagone et en Outre-mer et les étudiants.
00:52Il y avait un grand sujet de Covid au début, ensuite on a pu le porter avec l'inflation
00:58en disant que l'inflation tape plus durement sur les publics fragiles donc les jeunes
01:03donc les étudiants mais là ça commence à faire un bout de temps donc on voudrait
01:08tirer une énième sonnette d'alarme en disant que ce n'est plus possible, ce n'est pas
01:12possible que ce soit des jeunes qui s'organisent entre eux pour s'entraider et en se disant
01:17qu'ils vont se débrouiller.
01:18On a un vrai problème de pauvreté de la jeunesse en France.
01:22Et le chiffre à retenir c'est 20% des étudiants ont besoin de l'aide alimentaire.
01:26Oui 20% des étudiants, il y a un étudiant sur deux qui travaille, qui ont des jobs,
01:30qui mènent leurs études, qui ont 40 autres histoires à gérer en plus à côté et pourtant
01:34il y a 20% d'entre eux qui doivent aller à l'aide alimentaire régulièrement donc
01:39un peu plus de 70% qui va régulièrement c'est-à-dire toutes les semaines, qui doit
01:42aller chercher un panier, qui doit aller faire la queue, qui doit aller discuter, qui doit
01:46affronter cette honte de ne pas pouvoir se débrouiller comme on nous fait la morale
01:51régulièrement, affronter cette honte et de se dire j'ai besoin de mes camarades,
01:56de ma classe pour me nourrir.
01:57Ça coûte combien un repas au resto U ?
01:59Ça coûte 3,30€ ou 1€ quand on est boursier.
02:02Et vous aimeriez que ce soit 1€ pour tout le monde ?
02:05Ça a été généralisé pendant le Covid pour faire face à la crise, c'est très
02:08bien, je remercie tous ceux qui ont poussé pour ça à ce moment-là.
02:11Ça a été généralisé, c'était 1€ pour tous les étudiants au Crous.
02:16Donc c'était pendant 6 mois de 2021 et il y a 22% des étudiants qui en ont profité,
02:22un sur deux qui étaient boursiers.
02:23Ensuite, ça a été arrêté et il y a eu des débats l'année dernière et il y a
02:27un gros argument qui a été sorti, on ne peut pas généraliser parce que tout le monde
02:30va en profiter, les enfants de Bernard Arnault vont en profiter.
02:33Je ne crois pas que les enfants de Bernard Arnault iront au restaurant universitaire.
02:3822% des étudiants qui vont au restaurant universitaire pour la généralisation du
02:43repas à 1€, c'est 22% qui en ont fondamentalement besoin et il faut continuer, il faut retourner
02:48à ça, il faut avancer là-dessus, il faut que le repas soit 1€ pour tous les étudiants.
02:52Et quand vous voyez le budget qui est en préparation, c'est de nature à vous rassurer
02:55ou pas ?
02:56Je ne pense pas, on va voir ce qui va être voté et jusqu'où ça va aller, mais pour
03:00l'instant c'est 200 millions ou 300 millions, peut-être jusqu'à 400 millions en moins
03:04pour le ministère de l'Enseignement supérieur, ça n'annonce pas de belles choses.
03:08Vous êtes en lien avec les politiques, vous allez les voir pour justement leur dire cette
03:12situation, cette problématique, ils en sont conscients ?
03:14Ils en sont très conscients, on en parle avec tout le monde, on en a parlé beaucoup
03:18ces dernières années avec le gouvernement qui faisait des efforts, qui avançait.
03:21Je ne sais pas à quel point ils veulent plus avancer.
03:25On en parlait avec beaucoup de députés, on en parlait ces dernières semaines pour préparer
03:29toutes ces questions-là.
03:30Beaucoup de députés qui nous disaient « 20% des étudiants s'attendaient que ce soit
03:35plus ».
03:36Ah oui, donc finalement 20% pour eux c'est acceptable, c'est ça ?
03:38Ça devient acceptable maintenant, on a levé un tabou je pense, il y a toujours eu des
03:43questions de précarité des jeunes, de pauvreté des jeunes, mais je pense qu'on a levé
03:46un bon tabou en 2020, en 2021, mais maintenant j'ai l'impression que peut-être on va
03:50trop loin et que ça devient acceptable de se dire que, de un, il y a des jeunes qui
03:53ne bouffent pas, et de deux, qu'il y a des jeunes qui s'organisent entre eux.
03:57J'ai plein de camarades, plein de bénévoles, on a un peu plus de 4000 bénévoles dans
04:00l'assaut, donc c'est-à-dire qu'ils donnent de leur temps à 20h en sortant des cours
04:04pour aider les autres, c'est pas acceptable, c'est pas possible.
04:07Et puis il y a tout ce qui découle de ça, c'est un isolement, quand on a 20 ans on
04:11a envie de sortir avec les copains, de faire la fête, de profiter, d'aller au ciné,
04:14quand on n'a pas de sous, on ne fait pas ça, donc du coup on s'isole, ça a un impact
04:18aussi sur la santé mentale, sur les résultats universitaires, est-ce que ça veut dire que
04:23ces étudiants d'aujourd'hui précaires sont condamnés à devenir les pauvres de
04:27demain ?
04:28J'espère pas, mais je crois qu'un peu toutes les chiffres et toutes les études montrent
04:32ça.
04:33Pour revenir sur la précarité de santé mentale, les problèmes de santé mentale, c'est vraiment
04:38fondamental ce qui est en train de se passer, il y a un sérieux problème d'état psychologique
04:44de la jeunesse.
04:46Michel Barnier a dit que c'était la plus grande dépense, c'est ce qui coûtait plus
04:49cher à la sécurité sociale, et vu l'état de la jeunesse actuelle qui arrive, je pense
04:56que dans 10 ans ça va être un coût encore plus monstrueux, donc tous les politiciens
05:00qui s'intéressent surtout aux coûts budgétaires et aux économies, vous voyez bien qu'il
05:04y a un sérieux problème qui arrive et qu'il faut dès maintenant…
05:06Il y a une psychologie qui existe, mais le problème c'est que tout le monde n'est
05:09pas au courant, il y a beaucoup d'étudiants qui ne savent même pas qu'elle existe et
05:11qui peuvent en bénéficier.
05:12Il n'y a que 8% des étudiants qui sont au courant du chèque santé psy, c'est catastrophique.
05:17Surtout que dans les débats, quand on porte le sujet, on ressort tout le temps que les
05:21étudiants sont au bar, ils ont plein d'amis, je vous assure que non, c'est 41% des étudiants
05:26qui se sentent seuls, c'est 19% des français de manière générale, et chez les étudiants,
05:30chez les jeunes, c'est 41% qui sont seuls et qui sont angoissés d'être seuls toute
05:34leur vie.
05:35Et tout ce qu'on vient de dire, c'est démultiplié pour les étudiants d'outre-mer,
05:38vous faites un focus là-dessus dans votre étude ?
05:39On a un gros focus sur les outre-mer parce que nous, on est présent dans les Antilles,
05:42en Martinique et en Guadeloupe, et puis tout est démultiplié.
05:45Quand c'est un étudiant sur deux de manière générale en France qui saute des repas par
05:49manque d'argent, c'est deux sur trois en outre-mer et on a un engagement bénévole
05:53formidable.
05:54Et ce qui est un peu gênant aussi de se dire, c'est des étudiants qui sont en grosse
05:57galère, qui ont 40 jobs à côté, 40 problèmes et qui pourtant s'engagent, enfin qui trouvent
06:03du temps gratuitement pour s'engager.
06:04Je vais redonner le nom de votre association à copains, ça s'écrit COP1, le chiffre,
06:09vous pouvez la trouver sur internet.
06:10Merci beaucoup Gilles Ravegne, merci d'être venu ce matin sur France Inter, directeur
06:14général de COP1.
06:15Vous étiez l'invité du 5-7.